Miriandel 06/07/2004 @ 00:55:02
Cherchant frénétiquement des sites littéraires "où ça discute", j'ai eu le plaisir de découvrir CL, et vous salue toutes et tous bien bas !

Comme question de bienvenue, j'aimerais reccueillir vos avis sur les qualités qui ont fait le succès de Hemingway, qui représente pour moi un mystère que j'aimerais élucider.
Pour me faire comprendre... j'ai lu un jour "A farewell to Arms", avec un certain plaisir, sans pouvoir déterminer à la fin de l'oevre quel était l'origine de ce plaisir.
Car quoi (sans les flèches), le style est souple, soutenu mais assez lapidaire et dépouillé, l'histoire se résume à un fil conducteur et l'étude des personnages me semble bien sommaire.

Pour tenter de comprendre, j'ai ensuite lu "The old Man and the Sea". Je n'ai pu trouver ce qui justifie la réputation planétaire de cette nouvelle, qui "se laisse lire" mais dont la morale doit être si évidente que je ne l'ai pas vue, ou si complexe qu'elle est hors de ma portée.
Perplexe.

Pour finir, j'ai été surpris de lire le commentaire d'Ormesson au sujet de "Le soleil se lève aussi" qu'il classe dans les livres "fondamentaux" (c'est dans "C'était bien", je ne me souviens pas de ses termes exacts). J'ai donc commencé la lecture de ce roman (toujours dans le texte) et je l'ai fermé d'ennui après trente pages.

Me voilà perplexe.
J'ai vraiment essayé de pénétrer l'univers Hemingwayen, mais il me résiste, le bougre.
Quid ?
Est-ce démodé ?
L'ai-je mal lu ?
Est-il surfait ?

Je serai heureux de lire les commentaires (et mode de lecture, s'il échet) des fans autant que des détracteurs.

Bien le bonjour !

Saule

avatar 06/07/2004 @ 11:45:05
Bonjour Miriandel et bienvenue !

Je pense que Jules ou d'autres te répondront bien mieux que moi, car personnellement je ne suis pas non plus un amateur de Hemingway et je le connais mal. J'ai un très bon souvenir de "Pour qui sonne le glas" mais c'est trop vieux pour que je puisse répondre à ta question du pourquoi on aime Hemingway. Par contre j'ai moyennement aimé "Le vieil homme et la mer". Pour celui-là va voir la critique sur le site, ce ne sont pas les avis qui manquent.

Miriandel 09/07/2004 @ 03:47:27
Merci de ta réponse Saule, tu es d'ailleurs le seul à avoir répondu.
Ma question serait-elle hors de propos sur ces forums, ou n'intéresse-t-elle personne, ou bien Hemingway représente-t-il un mystère pour d'autres que moi ?

J'ai lu les critiques de Jules, excellentes, mais qui ne répondent pas entièrement à mes questions.
Par exemple, pour "le vieil homme et la mer", Jules écrit : "Ce livre est le récit d'une lutte d'un homme contre un poisson, mais aussi, d'un homme contre lui-même, contre le sort, contre son âge, contre son corps".
Cela est parfaitement exact, mais ce que je ne comprends pas, c'est en quoi cette nouvelle réussirait mieux que les milliers d'autres livres qui traitent des mêmes thèmes à en souligner l'acuité, et surtout en quoi ce texte justifie, même en partie, un prix Nobel ?
J'ai personnellement trouvé le texte (original, je le rappelle) répétitif, monotone et fruste.
Je dois donc avoir raté quelque chose puisque je n'ai pas éprouvé les sensations des critiques du Nobel ou de Jules qui lui octroie cinq étoiles.

Autre exemple, au sujet de "Le soleil se lève aussi", Jules écrit une intéréssante critique, dont je relève ceci : "... un de ses meilleurs romans, un des plus complexes. C'est ici qu’il développe le plus son art du " non-dit "."
Le non-dit...
Finalement, en écrivant la question, peut-être que, comme souvent, la réponse se fait jour d'elle-même.
Peut-être que je préfère les écrivains qui disent à ceux qui ne disent pas, la transfiguration du verbe au martelage à froid, le développement à la répétition, comment savoir...
Mais dans ce cas, il faut donc que ma lecture souffre quelques défauts, sans quoi aussi bien le Nobel que les cinq étoiles généreusement attribuées resteraient un mystère.

Bien à vous ;)

Fee carabine 09/07/2004 @ 04:16:01
Bonjour Miriandel,


J'ai peur de ne pas pouvoir beaucoup t'éclairer en ce qui concerne Hemingway. J'ai lu plusieurs de ses livres avec un plaisir bien réel (Pour qui sonne le glas, Au-delà du fleuve et sous les arbres, Paris est une fête), et d'autres avec un enthousiasme plus mitigé (L'adieu aux armes, Le vieil homme et la mer), mais je suis pour le moment bien incapable de mettre le doigt sur ce qui m'a plu ou non dans les oeuvres que je viens de citer... J'ai lu quelque part qu'Hemingway s'efforçait chaque matin, en se mettant au travail, d'écrire une phrase qui soit la plus simple et la plus vraie possible. Peut-être que le plaisir que l'on prend à lire ses livres dépend de son degré de réussite dans cette tentative d'atteindre la "simplicité" et la "vérité"? Mais l'explication ne me satisfait pas vraiment, et comme toi, je serais intéressée par l'avis d'autres lecteurs plus éclairés en la matière...

Je crois aussi que beaucoup de fidèles de critiques libres sont pour le moment en vacances (le site est en tout cas beaucoup plus calme ces derniers jours), et j'espère que tu recevras bientôt d'autres réponses...

Saule

avatar 09/07/2004 @ 10:03:12
Oui les vacances, et puis on dirait que Jules qui réapparaît sous Jules II a des problèmes de connections, sans compter Folfaerie spécialiste de littérature américaine qui est partie...

Mais je suis sur qu'il y a d'autres amateurs de Hemingway qui pourront nous éclairer, puisqu'on apprécie vraiment aucun des trois.

Je suis incapable de dire pourquoi Hemingway a eu un prix nobel. Par contre je crois savoir ce qui fait qu'on aime un auteur : c'est avant tout parce que cet auteur éveille quelque chose qui sommeille en nous (on dit "touche une corde sensible"): donc il nous rend plus riche puisque voila qu'on découvre un aspect de nous même qui nous était inconnu.

J'ai fait l'expérience avec Edith Wharton, avec Dostoïevski, ... mais pas avec Hemingway. Un autre bien, et cela montre que chacun est différent bien sur.

Mais je ne suis pas d'accord avec toi, je pense que l'art du non-dit est essentiel, il faut que l'évidence se fasse en nous à notre insu. Sinon c'est sans intérêt. Il y a des auteurs que j'ai lu pendant des années sans savoir pourquoi, et puis un jour mon évolution a fait que j'ai compris ce qui m'attirait chez l'auteur, et parfois je l'abandonne ! (Mishima par exemple).

A propos de Hemingway, je lis dans une critique de Jules : "Les thèmes de " Pour qui Sonne le Glas " sont ceux de l'ensemble de l'œuvre d'Hemingway. La lutte contre la mort, mais accompagnée de l'acceptation et de la volonté de l'affronter. C’est elle qui donne son sens à la vie et la capacité de l'affronter fait la grandeur de l’homme. À la guerre, en tauromachie, à la chasse : le combat est le même. Il est imprégné du mythe de la virilité, qui ne va bien souvent de pair d'ailleurs qu'avec la peur de l'impuissance. ".

Thèmes qui touchent bien des gens, l'universalité d'une oeuvre peut-être justifie un prix.

Saule

avatar 09/07/2004 @ 10:12:11
Et puis pour terminer : bien sur on aime aussi un auteur pour son style, son humour,..

Mais je crois que quand on tombe amoureux d'un livre, c'est enrichissant d'essayer de comprendre pourquoi (d'ou l'intérêt de faire une critique). J'ai pris quelques critiqueurs dont je connais l'auteur culte, et j'essaye de voir ce qui les attirent chez cet auteur, c'est amusant.

Henry 20/07/2004 @ 13:10:35
Bonjour!
La question du succès de Hemingway me semble en effet super délicate. Je perçois beaucoup d'aspects, qu'il est difficile de résumer en quelques lignes.
Mais bon, voici quelques idées, en quelques lignes donc.
- La forme, le style. On reconnaît à Hemingway une influence décisive sur la littérature mondiale par les espaces vides placés entre les mots ou les phrases. Son art se trouve, comme quelqu'un l'a dit, dans la concision, le "non-dit" (mais bien perçu). L'auteur n'exprime pas ses émotions, il les "imprime" chez le lecteur. Si l'écriture semble froide, les mots, les images, les histoires résonnent donc en nous; nos propres émotions "comblent les vides" ouverts par le texte. (Par exemple, une phrase qui s'achève de façon abrupte, nous laisse sur notre faim. Nous sommes donc pressés de combler ce "vide" afin d'éviter le vertige.). Ce qui nous donne quelques nouvelles fantastiques, écrites sur fil sensible fort ténu (la mort n'est pas dite mais elle est toujours là);
- Hemingway était très fort pour rendre les dialogues (on entend réellement les tons de la voix, sans qu'il doive les préciser). A noter le rythme, par ex. l'utilisation du "and";
- Son enjeu est: comment dire l'indicible? On peut donc lui "reprocher" de ne pas savoir "tout dire", mais sa solution (tout faire sentir) est originale (donc géniale);
- Le con-texte: l'image, les médias. Hemingway, dès le départ (à 18 ans il est le premier Américain blessé en Italie), est un mythe médiatique. Il est partout (Espagne, Afrique). Ses romans d'inspiration autobiographique sont rapidement repris par Hollywood, ce qui contribue au mythe de "papa";
- Le con-texte: la citoyenneté américaine, les années 20 à Paris. Hemingway vit et éprouve les années 20 à Paris. Or, cette période parisienne influence profondément l'art (Picasso, Joyce, Scott Fitz,...). Les grands auteurs du 19me ont dit tout ce que l'homme pouvait éprouver (Dosto, Flaubert, Baudelaire, etc.). C'est à présent la découverte de l'inconscient (Freud), et l'impact de cette découverte sur le roman, par le non-dit (pourquoi tout dire alors qu'on ne sait rien / qu'est-ce que l'honnêteté et la vérité si nous ne maîtrisons pas notre subjectivité?). Et bon, étant Américain, il trouve rapidement le moyen de vivre de sa plume. Ce qui paie, à l'époque, ce sont les nouvelles, publiées dans les revues (d'où ses nombreuses nouvelles);
- L'homme, en tant que tel, parle aux hommes dans la mesure où il fut plus que d'autres en butte continuelle avec cette question de la "virilité". Hemingway fut obligé par sa mère de porter des jupettes jusqu'à l'âge de cinq ans. Comment s'affirmer en tant qu'homme, donc, alors que le père n'a pas joué son rôle? (Question centrale dans l'écriture masculine, voir Lacan pour lequel "tout est langage"; parvenir à écrire, c'est trouver sa voix, c'est exister en tant qu'individu);
- Homme parmi les hommes, cependant en lutte continuelle avec les mots, la personne paraît énigmatique. On l'admire mais on peut se douter qu'il se méprise pas mal (au point de devoir se rattraper par la création). C'est le propre des écrivains (ça se conclut régulièrement par un suicide plus ou moins masqué), si on veut bien le voir.

Bon voilà, quelques idées en vrac, si quelqu'un a lu. Il faudrait rappeler que beaucoup de prix Nobel ne sont plus du tout lus. Hemingway l'est encore, avec des histoires qui semblent en effet neu-neu, parfois, mais qui fonctionnent sur base du conte, du mythe (comme par ex. "L'Etranger", également fort simple, non?).
On a évoqué notamment "Le vieil homme et la mer". Perso, ça me semble faible, sur le fond (il lutte avec un poisson qui se fait bouffer, bon), bien, que ça exprime la réalité sociale du héros solitaire, si on veut (mais ça reste assez basique). Enfin, je trouve chez lui (prendre ses nouvelles) une immense sensibilité, un regard personnel, mais un défaut de relâchement point de vue composante homosexuelle de tout homme, ce qui en ferait aujourd'hui un ringard.

j'sais pas si ça apporte quelque chose à quelqu'un, mais voilà, et lisez ses nouvelles!
Bonne lecture!

Yali 20/07/2004 @ 14:02:18
Très belle démonstration Henry ;-)

Saule

avatar 20/07/2004 @ 14:29:25
Enfin, je trouve chez lui (prendre ses nouvelles) une immense sensibilité, un regard personnel, mais un défaut de relâchement point de vue composante homosexuelle de tout homme, ce qui en ferait aujourd'hui un ringard.

Par rapport à la fin de ta brillante et intéressante intervention : est-ce que tu veux dire que cette virilité omniprésente dans son oeuvre n'est pas due uniquement à sa peur de l'impuissance mais aussi à un refoulement de sa part féminine, ou à une homosexualité refoulée ?

Henry 20/07/2004 @ 16:18:10
Boum. Cette question me laisse un peu sans réponse. Je disais surtout qu'il en rajoute une couche... ce qui est forcément suspect... et qu'il ne ferait pas ça aujourd'hui, alors qu'à l'époque, Rock Hodson et Grant n'étaient pas tout à fait ceux qu'on croyait, pas vrai?
Je crois qu'un homme qui a fait ce que Hemingway a fait, c'est-à-dire fouiller au plus profond de sa personne, est forcément tombé sur plein de choses... qui lui ont fait peur... et que, pour se raconter sans mentir, il a dû apprendre à se masquer, d'où peut-être les espaces vides. Je ne pense pas directement à l'homosexualité, mais de façon générale à ce qui le faisait souffrir, comme le manque. La souffrance est également masquée chez Hemingway, bien qu'elle soit là en permanence, jusqu'à son extinction dans le suicide, ne l'oublions pas... alors même qu'il achève sans le publier un "roman" consacré à sa jeunesse parisienne ("Paris est une fête"), qu'il vécut en compagnie de sa première épouse... qui provoquera une rupture douloureuse.

Fee carabine 20/07/2004 @ 19:19:42
Merci Henry,

Grâce à tes commentaires, je commence à comprendre un peu mieux mon sentiment partagé face à l'oeuvre d'Hemingway... Je suis très sensible au "non-dit", à tous ces sentiments très complexes ou un peu diffus qu'il faut lire "entre les lignes" (Henry James est un maître en la matière, et c'est un écrivain qui me passionne...). Par contre, j'ai un peu de mal à vous suivre sur le terrain de la "virilité" (une notion au moins aussi difficile à définir que celle de "féminité") et de la peur de l'impuissance... Je constate d'ailleurs que jusqu'ici je suis la seule femme qui se soit manifestée sur ce fuseau (hasard ou fait révélateur? Quel est votre avis, mesdames?). Reste qu'après avoir lu la critique enthousiaste de Jules, j'ai ajouté "Le soleil se lève aussi" à ma pile de livres à lire (une dernière tentative: ce livre parlera-t-il à ma part masculine?). En ce qui me concerne, c'est donc une affaire à suivre...

Miriandel 20/07/2004 @ 22:33:25
Merci de vos réponses, très instructives, et pardonnez-moi de répondre tardivement.

L'éclairage du contexte, apporté par Henry, me semble en effet déterminant dans la popularité de l'oeuvre, et certains aspects du style, judicieusement soulignés, aident à en comprendre la popularité.

Saint Jean-Baptiste 21/07/2004 @ 14:38:53
Bonjour Miriandel
Ca me fait plaisir qu'on remette Hemingway sur le tapis. Je m'étais permis en son temps de descendre en vrille "Le vieil Homme et la mer", ce qui m'avait valu une contre critique indignée de Jules. Et depuis lors je m'interroge : j'avais suggéré que son succès soit dû à la notoriété de son auteur ; or il n'en est rien ! Comme Jules l'avait bien fait remarquer, beaucoup de ses livres sont tombés dans l'oubli, alors que celui-ci a résisté à l'épreuve du temps. Pourtant, sans doute bien à tort, je pense que dans ce récit, rien ne permet de transcender le simple fait divers. Le lecteur, pourra bien entendu, s'inventer toutes les allégories qu'il voudra, mais, me semble-t-il, l'auteur a voulu simplement raconter une histoire édifiante et n'a rien suggéré de plus ; sinon décidément, je passe à côté sans rien voir !
J'ai lu attentivement les explications de Henry, et je suis entièrement d'accord pour tout ce qui concerne le style Hemingway, mais pour le fond ça n'explique pas tout, loin de là !
Il faudra attendre le commentaire de Jules (devenu Jules II) qui semble être "le" spécialiste de Hemingway sur ce site ; il est en tout cas grand connaisseur de littérature américaine.

Ghislaine 21/07/2004 @ 20:23:18
Petit clin d'oeil à Fée Carabine avec laquelle je me sens solidaire !

Pour bien comprendre Hemingway, il faut, je le pense moi aussi, se référer à son époque. Pour réussir un chef-d'oeuvre en Amérique, il fallait alors écrire un roman noir. L'entre deux guerres aux Etats-Unis, c'est d'abord jusqu'à la crise économique de 1929, les Années Folles, l'ère de la prospérité et l'apogée du libéralisme yankee à la mode du 19 ème sicèle. C'est aussi pour les romanciers américains, de moins en moins à l'aise dans cette société matérialiste et pharisaïque, l'exode vers l'Europe. Hemingway appartient à la " génération perdue " qui, sous la férule de Gertrude Stein et au contact de l'avant-garde littéraire (Joyce, les dadaïstes) ou picturale (les cubistes) ou cinématographiques, va élaborer une technique nouvelle. Le roman linéraire, le récit, la toile panoramique, tout cela est condamné. On ne commente plus désormais. On ne sonde plus les consciences, mais on donne à voir. Hemingway choisira donc comme mode de narration extérieur, objectif, direct ; comme esthétique, l'ellipse.

D'emblée, Hemingway fait figure de maître de l'impression sensorielle, de la vie virile, mais aussi du désenchantement, de l'absurde. Son art de l'ellipse et son style journalistique font référence à des gestes sans rime ni raison de ses héros, des actions sans commentaires ni objets, pour mieux nous faire partager son expérience intime de l'échec, de la fugacité du bonheur et de la certitude de la mort. Ses héros sont des êtres perdus qui agissent à tâtons dans un univers où personne ne juge, ne décide, n'espère, ne projette, ni ne regrette, parce que rien n'a plus de sens.

Le "Vieil Homme et la mort" est un triomphe, couronné par le Prix Nobel en 1954. Pour certains, ce livre justement, écrit huit ans avant la tragédie et narrant le dernier combat d'un homme sur le déclin, contenait déjà le message d'adieu qu'on chercha vainement autour de sa dépouille.

Toutefois, la verve d'Hemingway n'est pas exempte d'humour :

" Qu'est-ce que les riches ont de plus que nous ? L'argent ! " Hemingway, cité par Françoise Giroud, in : " Le Nouvel Observateur," 18 février 1999.

" La sagesse des vieillards, c'est une grande erreur. Ce n'est pas plus sages qu'ils deviennent, c'est plus prudents. " Hemingway, " L'adieu aux armes, " 1929, Galllimard, 1959.

" Le meilleur cadeau à faire à un bon écrivain est un décteur à merde qui résiste aux chocs. C'est le radar de l'écrivain et tous les grands écrivains en ont été munis. " Hemingway, in : " Préface à Ernest Hemingway, Oeuvres Complètes, " Gallimard, 1966.

Miriandel 22/07/2004 @ 21:38:00
Saint-Jean, je suis bien rassuré de ne pas me trouver seul dans ce bateau où la renommée tient lieu de rames.

Ghislaine, tes informations sont très intéressantes, mais j'éprouve quelques difficultés à souscrire à la justification (au demeurant fort bien formulée) de son succès.
Je soupçonne le surfait, l'artificiel, le hasard né de la critique plus que de l'oeuvre, et c'est cette question que je partage avec vous.
Par exemple, tu parles de "maître de la vie virile" et cela éveille deux réticences en moi. Premièrement, en lisant "A Farewell to Arms" je ne connaissais rien d'H. Je me suis parfois demandé, en lisant, si l'auteur n'était pas sous l'emprise de la boisson, avant d'apprendre que la bouteille n'a pas toujours été divine avec lui, ce qui n'est pas l'aspect le plus glorieux de la virilité. Un hasard, une impression ? Sans doute.
Ensuite, si ce que j'ai lu est exact, il s'est engagé en mai 18, et a été blessé en juillet. Quelle que soit la campassion et l'admiration (bien réelles, je te prie de le croire) qu'inspire un jeune homme qui s'engage volontairement dans un conflit qui n'est pas le sien pour y risquer la vie, on peut se demander comment ce loisir lui était permis, et si le peu de temps passé au feu justifie une réputation que j'accorderais plus volontiers à Sergeant ou Lartéguy, dont le style (plutôt, l'absence de) n'ont rien à envier à H. et qui font montre de beaucoup plus d'humour.
En cette époque de "politiquement correct", pardonnez-moi de bien re-préciser que je ne fais que m'interroger, sans remettre aucunement en question les mérites de H. et que je ne cherche qu'à faire la part du sincère et de l'authentique dans ce qui pourrait apparaître comme une gloire médiatico-intellectuelle.

Lorsque tu écris "Ses héros sont des êtres perdus qui agissent à tâtons dans un univers où personne ne juge, ne décide, n'espère, ne projette, ni ne regrette, parce que rien n'a plus de sens" je ne peux m'empêcher de penser au "Voyage au bout de la nuit", et d'autres ouvrages dont regorge la littérature française qui n'ont pas valu à leur auteur une telle renommée, bien qu'ils fussent autrement écrits !
Ne me taxez pas d'anti-américanisme primaire, ce serait une erreur, c'est justement mon intérêt pour d'autres aspects du "miracle américain" qui m'a amené vers ses auteurs.

Puisque nous avons semble-t-il apprécié les mêmes passages, permets-moi de reproduire celui-ci in extenso (note que fallacy se traduit par illusion, et non par erreur), juste parce qu'il se termine par une phrase fétiche de H. : " We both drank the wine ".

'You never seem old.'
'It is the body that is old. Sometimes I am afraid I will break off a finger aso one breaks a stick of chalk. And the spirit is no older and not much wiser.'
'You are wise.'
'No, that's the great fallacy; the wisdom of old men. They do not grow wise. They grow careful.'
'Perhaps that is wisdom.'
'It is a very unattractive wisdom. What do you value most?'
'Some one I love.'
'With me it is the same. That is not wisdom. Do you value life?'
'Yes.'
'So do I. Because it is all I have. And to give birthday parties,' he laughed. 'You are probably wiser than I am. You do not give birthday parties.'
We both drank the wine.

Monique 22/07/2004 @ 21:59:43
g'sundheit

Henry 22/07/2004 @ 22:23:23
Yo.
Je m'demande si on (moi?) se plante pas un peu avec ce terme de la "virilité". L'écriture n'est-elle pas question d'affirmation, d'une personne, d'un Je, d'une identité. Alors, l'affirmation d'Ernest est celle d'une identité notamment masculine (et alcoolique hihihi).
La ouske moi j'osais une critique, en quoi ça n'a rien à voir avec Bukowski fantasmant un match de boxe avec le maitre (et ceci n'a rien à voir non plus, c'est pour le plaisir de penser à cette nouvelle très drole), eh ben, c'est qu'Ernest semble désirer coller à une espèce d'idéal 'viril', nous y sommes, ce qui n'exclut pas l'alcool, et que cet idéal évolue et donc, j'y suis, ce qu'il en dit ("baby") est tout de meme un peu ringard. Ringard comme Lanvin qui revient dans un film de Jaoui, si vous voyez ce que je veux dire, hic. yes, baby.

Ghislaine 23/07/2004 @ 21:13:09
Bonsoir Miriandel,

Avant tout, merci de nous avoir donné la citation en version originale d'Hemingway à propos de la sagesse des vieillards.

Ensuite, je voulais te dire que je comprends tout à fait tes interrogations à propos de l'influence décisive du style d'Hemingway. Toutefois, nombreux sont ceux qui s'accordent à reconnaître qu'il est un auteur majeur de la littérature américaine. Il est difficile aujourd'hui de trouver n'importe quelle écriture qui ne doive pas une dette d'influence à Hemingway. Il a remplacé la prose fleurie du 19 ème par une maigre prose laconique basée sur l'action plutôt que sur la réflexion. Et son principe de l'ellipse ou de l'omission ajoute de la force au récit.

Enfin, Hemingway a toujours voulu être là où se situait l'action. Même s'il n'a pas combattu une longue période pendant la première guerre mondiale, il a longtemps été correspondant de guerre : Il a couvert le conflit entre la Grèce et La Turquie à Constantinople en 1921. Il est venu en Espagne pendant le chaos civil et militaire qui a provoqué la guerre civile espagnole et durant la guerre civile elle-même, à plusieurs reprises.

La guerre était un sujet qui a toujours fasciné Hemingway. D'ailleurs, l'admiration pour Tolstoï était " normale " pour lui. Selon Hemingway, personne n'a jamais écrit sur la guerre avec la profondeur de champ et la puissance de drame de Tolstoï.

Miriandel 23/07/2004 @ 22:04:15
Nous sommes bien d'accord :)

Saule

avatar 23/07/2004 @ 22:21:52
Voila qui éclaire bien le personnage.

Tu sous-entends dans la fin de ton intervention que, pour d'autres que Hemingway, l'admiration pour Tolstoi ne serait pas normale. Tu fais référence à quelque chose ?

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