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Tistou 06/07/2004 @ 00:37:08
« Dis, tu me rediras le nom de ton américain là, pour les polars. »
« BURKE, James Lee BURKE. Oh tu vas le trouver facilement à la médiathèque. » « Tiens, faut que je te rende ton bouquin de AUEL . Pas mal, mais pas trop mon truc. Je lirai la suite quand même »
« Tourne à droite, on va prendre le bord de l’Isère, ça fait longtemps qu’on n’y est pas passé …. Et puis la terre ça fatigue moins que le bitume »
Nous laissons la circulation et nous foulons la terre à peine durcie d’un large chemin. Le soleil fait des tâches colorées là où il arrive à percer la verdure. Les cailloux sont ma bénédiction. Les shooter me rappelle les foots de mon enfance, les entraînements de rugby. Françoise a du mal à accrocher ça. Concentrée sur sa foulée et les inégalités du chemin, elle a bien parfois ce regard de côté amusé quand le caillou vient plonger dans l’Isère…
Nous filons notre petit train à cette allure où le corps prend conscience qu’il peut assurer sans forcer et où l’on est heureux d’avoir les running aux pieds, un partenaire pour discuter, du soleil au dessus des montagnes et la certitude d’un bidon d’eau au bout du parcours … L’esprit se libère, et les pensées déroulent toutes seules.
« Dis, tu te sens prêt ? C’est dans un mois ! »
« Pffh, difficile à dire. Je cours régulièrement mais je ne me suis jamais senti aussi peu prêt pour un marathon. Ca sera peut être bon signe finalement !»
« Si tu veux accélérer … »
« Laisse, c’est de l’endurance aujourd’hui, je fais de la distance. »

Dimanche, 7h du matin, le bus s’ébranle lentement. Nous quittons lentement par une piste cahoteuse le parking du Mont Saint Michel. Nous retrouverons notre véhicule après la course, cassés comme il se doit, marchant comme des zombies, mais forts d’un marathon de plus.
Dans la lumière du matin, il est là, orgueilleux en diable, dominateur sur son rocher, il nous attend. Frissonnant, je me penche vers Marc ; « quand on le verra comme ça, il n’y en aura plus pour longtemps. »
Son regard est tourné de l’autre côté de la baie, vers Cancale, d’où nous partirons dans 1H30. Il est déja à y penser.
(Soupir) Moi je ne pense qu’à jeudi dernier, après midi, à ce qu’elle m’a balancé. Un amour réduit en fumée, en miettes, comme on voudra. La volonté anesthésiée, les certitudes enfuies. Enfuie aussi la force, celle qui permet au marathonien de dépasser la douleur, la lassitude.
Comment ça va se passer ?
Dans la rangée d’à côté , Luc vérifie son dossard. Il est dedans lui aussi.
Je connais les ambitions de ces deux là. Je ne connais plus les miennes.
Dans le bus, c’est plutôt genre recueillement. On fait à l’envers notre futur chemin de croix. Tout le monde s’est levé tôt, s’est forcé à déjeuner. Chacun est très légèrement vêtu et l’air marin du bord de mer nous fait contracter régulièrement le buste et les épaules.
Se réciter son tableau de marche, ces chiffres caballistiques de notre passage espéré au 5ème, 10ème, au semi, … Ces 5 mn 05s que je m’accorde pour chaque kilomètre. Partir plus vite que la dernière fois pour être plus loin lorsque le mur se présentera. Un pari, peut être pas raisonnable. Un pari qui n’a plus de sens maintenant, elle s’en va.

Luc s’est placé devant. A vrai dire on n’en sait rien mais son prétexte du tour d’échauffement supplémentaire n’a dupé personne.
Marc et moi sommes sagement dans le niveau 3H30_3H45. Et les autres aussi. Magie des moments de souffrance, nous sommes tous frères de course. Plus de 5000 frères et soeurs qui dans 3 minutes allons nous élancer pour le Mont Saint Michel, là bas, très loin, trop loin, de l’autre côté de la baie. Les sourires sont crispés. Les sacs en plastique, enfilés sur le torse, commencent à voler sur les côtés, Je regarde nerveusement mon chronomètre. Allez je sais bien ce que j’ai à faire. Je l’ai déja fait. Derniers étirements, tapes dans les mains, et ça y est. Le coup de feu, les premiers très loin devant qui s’ébranlent. Joyeuse bousculade pour nous derrière, on ne court pas encore lorsqu’on franchit la ligne de départ.

7ème kilomètre. Parfait, pile dans le temps de passage et Pedro vient d’arriver à ma hauteur. Lui aussi vise 3H45, nous sommes dans le même rythme. La petite bosse repèrée en bus a été avalée, après c’est tout plat et pas de vent pout l’instant.
Ravitaillement du 10ème kilomètre, un petit coup d’eau. Concentrés, nous jouons au maximum l’économie de mouvements et de gestes. Foulée rasante, léger balancier des bras, ah quand ça fonctionne quel bonheur !
15ème. C’est bizarre, d’habitude je ne me rends pas encore compte que je cours avant le 25ème. Et là, il faut que je pense à ce que je fais. La fatigue déja s’installe.
17ème, insensiblement Pedro m’a décollé, 1 mètre, 5 métres, 20 mètres, … Ca y est, je suis sûr maintenant que ça ne va pas. Ce n’est pas lui qui a accéléré ! Je suis incapable de recoller, et ça n’aurait pas de sens ; produire un effort à ce moment de la course, c’est la galère assurée dans le dernier tiers…
8 minutes de retard au semi ! Je me suis écroulé. Je sais déja que le temps sera minable. Je sais surtout que je vais terriblement souffrir. Je sais aussi que j’en serai incapable. C’est Dominique qui dit toujours que c’est dans la tête ? Ouais, dans la tête. Dans la mienne, il y a un petit cancer qui m’a rongé la volonté. Et je sais déja que je vais abandonner, et je m’en fous. Au dessus de la route, dans une nacelle, un guitariste s’époumonne sur sa ritournelle. Sur les bords de la route, des pancartes portées à bout de bras encouragent l’ami, la femme, le fils qui va passer. J’ai l’impression de ne plus être dans le décor. Je profite du ravitaillement pour marcher, déja.
Je me souviens qu’au 23ème, il y a le premier point d’abandon. Rapide calcul, à ce rythme je vais finir en 4H15_4H30, et après quelles souffrances. Je suis pressé d’en finir, il faut que ça cesse.
23ème, du monde, beaucoup de spectateurs. Non je ne peux pas abandonner ici ! Je continue en crève-coeur, marchant quand ça devient trop dur. Je me sens dans la même situation qu’au 35ème normalement, sauf que là il en reste 19 !
Nous sommes sortis des villages et nous abordons les marais. Là dans un virage, le 25ème kilomètre, le ravitaillement, le point abandon…
Abandon.

Monique 06/07/2004 @ 07:46:05
j'ai souffert pour toi Tistou ! j'étais avec toi, enfin, dans une méhari à côté, et je te balançais de l'eau sur la nuque et les épaules, parce que moi, la course à pied...
tu m'as épuisée.
du vécu ??
enfin, tu me l'a fait vivre ta course !
merci Tistou

Monique 06/07/2004 @ 09:17:48
Comme dirait Yali : "y a du rythme". Oui, il y a du souffle, il y a du monde aussi, mais là on sent vraiment cette fameuse "solitude du coureur de fond", d'autant plus lorsqu'on apprend que le dernier entraînement avec sa partenaire s'est soldé par une rupture que le marathon ne lui permet pas de digérer.
Vraiment beau, d'autant plus après une deuxième lecture.

Yali 06/07/2004 @ 10:48:47
Mon Dieu, faut être fou pour s'infliger ça ! Et pourquoi ?
Bonne foulée en tout cas !

Aladine 06/07/2004 @ 18:53:10
ca ne peut être que du vécu, Titsou...
J'aimerais savoir écrire de cette manière des expériences que je n'ai pas vécues. j'ai souffert aussi avec ton personnage.
d'abord parce que je cours aussi, un peu, un tout petit peu. La joie mélangée de crainte quand on se fixe un objectif, quand on se motive, quand on vit avec ce but là dans la tête. Des petits moments ordinaires et extraordinaires qu'on retrouve aussi dans le début de ton histoire.
Et puis la détresse, les doutes, les angoisses, tout ce monde qui gesticule autour de ton héros qui lui focalise sur... la pire des choses qui puisse arriver... C'est vrai, parce que, quand on en est là, le reste n'a plus d'importance. Il peut y avoir pire, le malheur des autres ne rassure jamais, "toute la détresse du monde n'est rien à coté d'un adieu" (c'est pas de moi). j'ai souffert avec lui, peut être aussi par égoïsme. Moi, quand j'ai été abandonné, je ne courais pas. Mais parmi les oreilles qui m'ont écouté, il y en avait une qui courait (ton sujet tombe bien).
Ca rapproche, n'est ce pas ? Il m'a un peu pris par la main. Trop jeune pour être mon père, pas assez pour être mon petit frère, juste ce qu'il faut pour être un grand frère bienveillant, qui bouffe pas la vie, là quand je l'appelle, qui juge pas, qui écoute, qui partage.
Tu vois, je suis optimiste, ton héros va s'en sortir, je sais pas forcément comment. Il court déjà, il trouvera une nouvelle raison de se motiver.
J'aimerais savoir comment, tu nous écrit la suite...

Aladine 06/07/2004 @ 18:54:28
ca ne peut être que du vécu, Titsou...
J'aimerais savoir écrire de cette manière des expériences que je n'ai pas vécues. j'ai souffert aussi avec ton personnage.
d'abord parce que je cours aussi, un peu, un tout petit peu. La joie mélangée de crainte quand on se fixe un objectif, quand on se motive, quand on vit avec ce but là dans la tête. Des petits moments ordinaires et extraordinaires qu'on retrouve aussi dans le début de ton histoire.
Et puis la détresse, les doutes, les angoisses, tout ce monde qui gesticule autour de ton héros qui lui focalise sur... la pire des choses qui puisse arriver... C'est vrai, parce que, quand on en est là, le reste n'a plus d'importance. Il peut y avoir pire, le malheur des autres ne rassure jamais, "toute la détresse du monde n'est rien à coté d'un adieu" (c'est pas de moi). j'ai souffert avec lui, peut être aussi par égoïsme. Moi, quand j'ai été abandonné, je ne courais pas. Mais parmi les oreilles qui m'ont écouté, il y en avait une qui courait (ton sujet tombe bien).
Ca rapproche, n'est ce pas ? Il m'a un peu pris par la main. Trop jeune pour être mon père, pas assez pour être mon petit frère, juste ce qu'il faut pour être un grand frère bienveillant, qui bouffe pas la vie, là quand je l'appelle, qui juge pas, qui écoute, qui partage.
Tu vois, je suis optimiste, ton héros va s'en sortir, je sais pas forcément comment. Il court déjà, il trouvera une nouvelle raison de se motiver.
J'aimerais savoir comment, tu nous écrit la suite...

Aladine 06/07/2004 @ 18:55:27
ca ne peut être que du vécu, Titsou...
J'aimerais savoir écrire de cette manière des expériences que je n'ai pas vécues. j'ai souffert aussi avec ton personnage.
d'abord parce que je cours aussi, un peu, un tout petit peu. La joie mélangée de crainte quand on se fixe un objectif, quand on se motive, quand on vit avec ce but là dans la tête. Des petits moments ordinaires et extraordinaires qu'on retrouve aussi dans le début de ton histoire.
Et puis la détresse, les doutes, les angoisses, tout ce monde qui gesticule autour de ton héros qui lui focalise sur... la pire des choses qui puisse arriver... C'est vrai, parce que, quand on en est là, le reste n'a plus d'importance. Il peut y avoir pire, le malheur des autres ne rassure jamais, "toute la détresse du monde n'est rien à coté d'un adieu" (c'est pas de moi). j'ai souffert avec lui, peut être aussi par égoïsme. Moi, quand j'ai été abandonné, je ne courais pas. Mais parmi les oreilles qui m'ont écouté, il y en avait une qui courait (ton sujet tombe bien).
Ca rapproche, n'est ce pas ? Il m'a un peu pris par la main. Trop jeune pour être mon père, pas assez pour être mon petit frère, juste ce qu'il faut pour être un grand frère bienveillant, qui bouffe pas la vie, là quand je l'appelle, qui juge pas, qui écoute, qui partage.
Tu vois, je suis optimiste, ton héros va s'en sortir, je sais pas forcément comment. Il court déjà, il trouvera une nouvelle raison de se motiver.
J'aimerais savoir comment, tu nous écris la suite...

Aladine 06/07/2004 @ 18:56:47
ca ne peut être que du vécu, Titsou...
J\'aimerais savoir écrire de cette manière des expériences que je n\'ai pas vécues. j\'ai souffert aussi avec ton personnage.
d\'abord parce que je cours aussi, un peu, un tout petit peu. La joie mélangée de crainte quand on se fixe un objectif, quand on se motive, quand on vit avec ce but là dans la tête. Des petits moments ordinaires et extraordinaires qu\'on retrouve aussi dans le début de ton histoire.
Et puis la détresse, les doutes, les angoisses, tout ce monde qui gesticule autour de ton héros qui lui focalise sur... la pire des choses qui puisse arriver... C\'est vrai, parce que, quand on en est là, le reste n\'a plus d\'importance. Il peut y avoir pire, le malheur des autres ne rassure jamais, \"toute la détresse du monde n\'est rien à coté d\'un adieu\" (c\'est pas de moi). j\'ai souffert avec lui, peut être aussi par égoïsme. Moi, quand j\'ai été abandonné, je ne courais pas. Mais parmi les oreilles qui m\'ont écouté, il y en avait une qui courait (ton sujet tombe bien).
Ca rapproche, n\'est ce pas ? Il m\'a un peu pris par la main. Trop jeune pour être mon père, pas assez pour être mon petit frère, juste ce qu\'il faut pour être un grand frère bienveillant, qui bouffe pas la vie, là quand je l\'appelle, qui juge pas, qui écoute, qui partage.
Tu vois, je suis optimiste, ton héros va s\'en sortir, je sais pas forcément comment. Il court déjà, il trouvera une nouvelle raison de se motiver.
J\'aimerais savoir comment, tu nous écris la suite...

Benoit
avatar 06/07/2004 @ 18:58:38
Han! Han! Tout essouflé, moi! Je reprends mon souffle...............................................................................................................................................................................................
Voilà, ça va mieux. Elle est bien sympathique, cette histoire. Un marathon, wouah! J'espère qu'à la fin, il ne faut pas se taper tout le Mont Saint Michel et arriver en haut...
Mais ça sent fortement le vécu, non? Ce qui fait qu'on y croit, à cette course, non?

Aladine 06/07/2004 @ 18:58:49
désolé, mon micro m'a fait une petite crise...

Aladine 06/07/2004 @ 19:07:53
Han! Han! Tout essouflé, moi! Je reprends mon souffle...............................................................................................................................................................................................
Voilà, ça va mieux. Elle est bien sympathique, cette histoire. Un marathon, wouah! J'espère qu'à la fin, il ne faut pas se taper tout le Mont Saint Michel et arriver en haut...
Mais ça sent fortement le vécu, non? Ce qui fait qu'on y croit, à cette course, non?


ouais, j'ai trouvé ça un peu triste, mon coté fleur bleue, peut-être. Je pense aussi que c'est du vécu...

Monique 06/07/2004 @ 19:31:09
ouais, j'ai trouvé ça un peu triste, mon coté fleur bleue, peut-être. Je pense aussi que c'est du vécu...

On va l'appeler "T(r)istounet"... Excuse-moi Tistou...

Paikanne 06/07/2004 @ 21:34:11
Petite tranche de vie haletante...

Monique 06/07/2004 @ 22:22:35
je préfère une tranche de Schwartzwälder...
excuse-moi Tistou.

Benoit
avatar 06/07/2004 @ 22:38:19
D'accord avec toi, Mo. Mais après, enfin quelques jours après, il faut courir pour éliminer tout ça, mais paut-être pas un marathon, d'ailleurs, avec toute la meilleure volonté du monde, je pourrais pas!!!

Monique 06/07/2004 @ 22:40:33
Bon, je ne sais pas si c'est comme ça chez vous, mais il va falloir que je me paye un 21 pouces, ce forum n'entre plus dans ma fenêtre sur votre monde !

Benoit
avatar 06/07/2004 @ 22:42:54
Tout pareil! C'est arrivé après que j'ai rentré mon premier message. Depuis, ce fuseau a grossi (il a trop bouffé de forêt noire, d'après vous?)

Benoit
avatar 06/07/2004 @ 22:44:44
Oups! J'ai trouvé le coupalbe : moi!! En fait, il a pas trop bouffé de forêt noire mais ce sont mes petits points qui ont dû mal à passer... Je vais faire un test sur un vieux fuseau.

Benoit
avatar 06/07/2004 @ 22:48:09
Voilà! J'ai fait remonter mardi (ca donnera peut-être une idée à Nell, car on se languit de ses petits liliputiens). Et la démonstration est éclatante! Donc, il ne faut pas mettre une tripottée de petits points sur les fuseaux. A bon entendeur...

Yali 06/07/2004 @ 23:05:24
Tistou t'es en 16/9ème, comme au cinéma…

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