Aerain 30/06/2004 @ 20:01:34
Là je parle ici de classique littéraire qui compose notre culture, je parle pas seulement de la culture francaise mais aussi américaine, européenne, asiatique......

Fee carabine 30/06/2004 @ 23:09:28
"Pour dire d'un homme, qu'il est civilisé, on dit souvent "cultivé". Pourquoi? Qu'est-ce que cette culture? Souvent, trop souvent, cela veut dire que cet homme sait le Grec ou le Latin, qu'il est capable de réciter des vers par coeur, qu'il connaît les noms des peintres hollandais et des musiciens allemands. La culture sert alors à briller dans un monde où la futilité est de mise. Cette culture n'est que l'envers d'une ignorance. Cultivé pour celui-ci, inculte pour celui-là. Etant relative, la culture est un phénomène infini; elle ne peut jamais être accomplie. Qu'est-il donc, cet homme cultivé que l'on veut nous donner pour modèle?
(...)
Certes, le produit des esprits des hommes n'est pas négligeable. Lire Shakespeare, connaître l'oeuvre de Mizoguchi est aussi important. Mais que celui qui lit Shakespeare ou qui regarde Mizoguchi le fasse de toute son âme, et pas seulement pour sacrifier au snobisme de la culture. Qu'il le fasse en sachant que s'il lit Shakespeare, il ne lira pas Balzac, Joyce ou Faulkner. - Et que s'il regarde Mizoguchi, il ne verra pas Eisenstein, Donkoï, Renoir, Welles. Qu'il sache qu'il sacrifie des milliers d'autres choses à celle-là; qu'il soit conscient en toute humilité qu'il ne connaîtra qu'une bribe infime, dérisoire, de l'âme humaine, imparfaitement." (J.M.G. Le Clézio, in L'extase matérielle)


Et si on reformulait la question d'Aerain, en suivant Le Clézio: "Quels sont les livres qui vous ont révélé un fragment de l'âme humaine?"



De but en blanc, je mentionnerais Tchékhov (surtout l'oncle Vania)...

Et vous?

Monique 30/06/2004 @ 23:26:38
je suis persuadée que Aerain avait très exactement cette notion précise de la culture telle qu'elle est décrite ci-dessus et qu'il a lancé ce forum dans cet esprit...
mais la re-formulation est intéressante.

Saule

avatar 02/07/2004 @ 09:26:41
Et si on reformulait la question d'Aerain, en suivant Le Clézio: "Quels sont les livres qui vous ont révélé un fragment de l'âme humaine?"

De but en blanc, je mentionnerais Tchékhov (surtout l'oncle Vania)...

Et vous?

Voilà qui est drôlement bien formulé ! Peut-être devrait-on se poser la question après chaque livre et si la réponse est négative se dire qu'on a perdu son temps ?

Pour répondre à ta question je pense à La Steppe de Tchekhov qui révèle une part d'éternité en nous, le désert des tartares de Buzzati. Emma Bovary révèle me semble-t-il un coté sombre de notre âme, que ce soit une tendance suicidaire latente, le plaisir pervers de gâcher sa vie, notre capacité d'aveuglement et de s'illusionner, le vague à l'âme et la langueur,..si c'est un chef-d'oeuvre ce n'est pas du uniquement au fait que c'est bien écrit.

Jules
02/07/2004 @ 11:57:05
Et "Le voyage au bout de la nuit", il ne révèle pas énormément d'aspects de l'âme humaine ?...

Fee carabine 02/07/2004 @ 19:09:36
Après réflexion, je pense décidément que les grands Russes sont incontournables: Dostoïevski (pour moi, la révélation vînt avec "Le joueur") et Tolstoï ("La mort d'Ivan ilitch" et "Guerre et Paix"). Les nouvelles de Tchékhov: La steppe, oui, et aussi, "La petite princesse", on n'a jamais rien écrit de plus pénétrant sur les ambiguïtés et les limitations de l'action humanitaire.

Et puis, dans la catégorie "turpitudes de l'âme humaine", je pense aussi à "La spendeur du Portugal" d'Antonio Lobo Antunes, et "Combat de nègre et de chiens" de Bernard Marie Koltès, sur les aspects les plus noirs du colonialisme, ses abus et le racisme dans toute sa bêtise et son horreur.

Par contre, je dois avouer que le fragment d'âme de Mme Bovary m'a échappé... Il est vrai que je l'avais lu à 17 ans (une lecture obligée et c'était peut-être trop tôt...)

FightingIntellectual 02/07/2004 @ 21:39:45
Pour ma part j'ajouterai "Ulysse" de Joyce qui fait encore plus que révéler un fragment de l'âme humaine, c'est un voyage À L'INTÉRIEUR de quelques âmes. Le monologue intérieur de Joyce est le plus objectif, le plus près de l'inconscient qu'il m'aies été donné de voir dans un livre.

Saule

avatar 02/07/2004 @ 23:14:54
En fait pour Emma Bovary, c'est Jung je crois ou alors quelqu'un qui écrit sur lui qui l'utilise pour illustrer le mauvais coté de l'anima. Tout comme les sirènes des mythologies anciennes qui ensorcelaient les marins par leurs chants et les attiraient sous l'eau ou il périssaient noyés.

Si beaucoup d'homme ne peuvent s'empêcher de succomber a Emma Bovary c'est bien parce qu'elle correspond à quelque chose en eux...

En relisant ton extrait de Le Clézio, j'en arrive à la conclusion qu'on ne devrait plus lire que des classiques ou autres romans qui passe ce test, le reste n'étant finalement que perte de temps.

Monique 02/07/2004 @ 23:33:34
Aerain, il a lâché la barre depuis longtemps... à mon avis il a très certainement eu le renseignement qu'il demandait...

Fee carabine 03/07/2004 @ 04:04:48


En relisant ton extrait de Le Clézio, j'en arrive à la conclusion qu'on ne devrait plus lire que des classiques ou autres romans qui passe ce test, le reste n'étant finalement que perte de temps.


A vrai dire, je ne sais pas... J'aimerais que cela soit possible, mais cela me paraît un peu illusoire.
La difficulté est que pour trouver ces livres qui passent le test de nous révéler un peu d'âme humaine, il faut leur faire passer le test... et inévitablement certains livres échoueront. Même en choisissant la sécurité et en se limitant à des écrivains qui ont largement fait leurs preuves, ceux qu'on considère unanimement comme des classiques (Tchékhov, Dostoïevski, Flaubert, Joyce...), on pourrait être déçu parce que c'est quelque chose de très personnel et qu'un livre qui parlera à l'un ne parlera pas à l'autre.
Et puis, en se limitant à ces auteurs déjà reconnus, on court le risque de passer à côté de nos contemporains qui seront les classiques de demain: imaginons un Henry Bauchau, une Sylvie Germain ou un Le Clézio débutants et qui renonceraient à écrire faute des lecteurs.... Pas d'"Antigone", pas de "Chanson des mal-aimants" ni de "Quarantaine". Ou bien, Antonio Munoz Molina s'arrêtant après "Beatus Ille", pas de "Pleine Lune" ni de "Séfarade"... Ce serait dommage, et je n'aimerais pas avoir cette responsabilité sur la conscience. Mais si l'on veut se donner la peine d'essayer de découvrir ces écrivains contemporains qui ont vraiment quelque chose à nous dire (et il me semble que c'est important), cela devient encore plus compliqué parce qu'ils sont ensevelis dans les montagnes de nouveaux livres qui se publient chaque année: on doit donc prendre encore davantage de risques pour - peut-être - le bonheur d'une vraie découverte.

Enfin, en toute honnêteté, il faut dire qu'on n'est pas toujours disponible pour ces livres qui peuvent nous donner beaucoup mais qui sont aussi exigeants, parce qu'on est trop préoccupé par des problèmes professionnels ou familiaux, ou parce que qu'on vient de tomber amoureux et qu'on plane sur son petit nuage ou...

Alors, je crois qu'il faut essayer autant que possible, oui, de lire surtout ces livres qui nous révèlent quelque chose de l'humain, mais en sachant que l'on échouera souvent parce qu'un livre ne sera finalement pas à la hauteur, ou bien parce que notre attention de lecteur tombera en défaut. Je ne suis d'ailleurs pas si certaine qu'un échec soit vraiment du temps perdu: un échec peut être instructif, et les rencontres manquées ont parfois droit à une seconde chance (il faudrait peut-être que j'essaie avec Mme Bovary, maintenant que je suis mieux armée pour explorer les régions obscures de l'âme humaine, ce à quoi je n'étais pas du tout préparée lors de ma 1ère lecture).

Corum 03/07/2004 @ 12:12:44
En relisant ton extrait de Le Clézio, j'en arrive à la conclusion qu'on ne devrait plus lire que des classiques ou autres romans qui passe ce test, le reste n'étant finalement que perte de temps.


Ce qui impliquerait que la littérature n'a pour unique et seul but de nous réveler des fragments de l'âme humaine, de mieux comprendre l'homme? Je pense que c'est un aspect important mais ce n'est pas le seul, ce serait un peu réducteur non?
La littérature est également là pour nous divertir, nous amuser, nous émouvoir, etc

Sinon, pour répondre à la question reformulée de Fée Carabine, je dirai Buzzati le désert des Tartares, Jim Harrisson, Flaubert, Balzac, Hesse, il y en a tellement...

Jules
03/07/2004 @ 13:21:12
Dieu sait que je suis un fana des "classiques" mais je n'aurais jamais voulu rater des Munoz Molina, Jim Harrison, Philip Roth, Russell Banks, Cormac McCarthy, McCann, Axionov, Kawabata, Mishima, Ogawa, Lao She, certains Djian, Modiano et Le Clezio, Inoué, Styron, Salter, Salinger, Garcia Marquez et bien d'autres encore !

Mais il est vrai que tout cela est noyé dans une masse telle qu'il faut bien choisir... Et pourquoi pas aussi un Pennac pour rire un peu tout en n'étant vraiment pas idiot ?...

Saule

avatar 03/07/2004 @ 23:44:58
Evidemment il ne s'agit pas remplir une corvée, c'est vrai que la littérature est aussi la pour nous divertir, nous émouvoir,.. mais autant le faire avec des classiques ou autres "grands", car le fait est que notre temps est limité. Le temps qu'on consacre à, par exemple, David Lodge (que j'ai beaucoup lu) on ne le consacre pas à Antonio Munoz Molina (que je ne connais pas).

Pour répondre à Jules, tu cites tout des auteurs qui sont soit des classiques soit qui passeraient le test ! Je ne pensais pas à ces auteurs quand je parlais de l'impression de perdre son temps.

Et je suis d'accord pour dire qu'on n'est pas toujours disponible, et en toute honnêteté je viens de consacrer une journée au tour de France (le prologue à Liège quand même), journée que j'aurai pu consacrer à Ulysse de Joice que je n'ai jamais eu le courage d'aborder ...

Fee carabine 04/07/2004 @ 05:57:27
C'est vrai que la littérature comme bon divertissement, c'est aussi important (d'autant plus que je n'ai pas de télé...)

J'ai relu "Au bonheur des ogres" récemment. C'est toujours aussi drôle, et moins léger qu'il n'y paraît: le thème du bouc émissaire, c'est quand même vachement sérieux quand on y pense, surtout avec 2 citations de René Girard en hors-d'oeuvre (suivi de Woody Allen pour détendre l'atmosphère...). Et puis, Daniel Pennac est un formidable éveilleur de curiosité, et rien que pour ça, on devrait le mettre au programme des écoles!
De david Lodge, je n'ai lu que "Un tout petit monde", et je me suis beaucoup amusée! David Lodge est un fin observateur et il a beaucoup d'humour: c 'est vrai que quand on fait des recherches dans un domaine un peut pointu et qu'on commence à fréquenter les conférences qui rassemblent les spécialistes de la discipline, on s'aperçoit très vite qu'on retrouve toujours les mêmes têtes, un tout petit monde en effet. Et les détails sont tellement justes: les attaques en règles entre 2 conférenciers qui défendent des théories concurrentes (En général, ça commence poliment par "I don't mean to be critical but..." et en fin de compte, on ne fait pas de prisonniers!), et c'est vrai aussi que le banquet médiéval est un événement incontournable de la plupart des conférences organisées en Grande-Bretagne! Le seul aspect décrit par David Lodge que je ne retrouve pas dans ma propre expérience sont les développements sentimentaux... mais je conçois sans peine que la poésie Elisabéthaine se prête mieux à la romance que la métallurgie physique! Alors peut-être que je retrouverai David Lodge un jour où j'aurai juste envie de me détendre le temps d'un livre. Mais je suis d'accord avec Saule: d'autres livres sont tellement plus enrichissants, et j'ai quand même envie de consacrer plus de temps à ces livres-là.

Enfin, pour revenir à Le Clézio, ce qui m'avait beaucoup plu dans cette citation, c'est qu'il redéfinit la "culture" comme une quête personelle (et pas comme une liste d'oeuvres qu'il faut avoir lu...quitte à n'y avoir rien compris et à ne pas les avoir aimées). Il me semble qu'à partir de là, toute démarche sincère en vue de la découverte de la nature humaine (la notre propre et celle d'autrui) et du monde où nous vivons, est aussi valable qu'une autre et mérite le respect. Cela nous laisse libres d'échanger nos expériences (de lecture dans ce cas précis) sans établir de hiérarchie, considérer un tel comme cinglé parce qu'il lit Proust (authentique: quelqu'un m'a un jour dit qu'il fallait être cinglé pour lire Proust... et la conversation en est restée là!), ou une telle idiote parce qu'elle n'a rien compris à "La montagne magique". En somme... c'est la philosophie de Critiques Libres.

Monique 04/07/2004 @ 07:30:42
Là je parle ici de classique littéraire qui compose notre culture, je parle pas seulement de la culture francaise mais aussi américaine, européenne, asiatique......

Aerain ! ouh ouh ?

Saule

avatar 04/07/2004 @ 19:47:25
Fée Carabine, il y a bien un D. Lodge qui se passe dans le milieux de la métallurgie... et il est bel et bien parvenu a placer une romance. Si tu reviens à Lodge alors ça devra être avec celui-là. C'est "Jeux de société" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=1579).

A propos de quête personnelle pour la culture c'est comme ça que je comprend Rilke quand il conseille de ne se fier qu'a ce qu'on ressent en soi pour juger une oeuvre d'art. "Les oeuvres d'art sont d'une infinie solitude; et rien n'est moins apte à les aborder que la critique. Seul l'amour peut les saisir, les garder et leur rendre justice. C'est toujours à vous-même et à votre sentiment qu'il faut donner raison contre ce genre d'analyses, de comptes rendus ou d'introductions; quand bien même auriez-vous tort, le développement naturel de votre vie intérieure vous mènera lentement, avec le temps, à une connaissance différente." (Rilke, "Lettres à un jeune poète", p. 19 dans l'édition Mille et Une Nuits).

C'est très réconfortant je trouve. On accroche à des oeuvres parce qu'elles nous "parlent" et parfois on passe à coté d'autres qui ne nous touchent pas (à tous le moins pour l'instant sans préjuger de plus tard). Personnellement ça m'est arrivé avec Yourcenar par exemple, que je ne parviens pas à lire (et Jules ne m'a pas traité de cinglé pour la cause !).

Fee carabine 05/07/2004 @ 04:47:22
Fée Carabine, il y a bien un D. Lodge qui se passe dans le milieux de la métallurgie... et il est bel et bien parvenu a placer une romance. Si tu reviens à Lodge alors ça devra être avec celui-là. C'est "Jeux de société" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=1579).



Merci pour ta suggestion, Saule! Je penserai à "Jeux de société" la prochaine fois que je chercherai un livre juste pour me détendre...

Quant à la citation de Rilke, elle est très belle... C'est ce que je ressens aussi, mais sans pouvoir l'exprimer aussi bien.

Tistou 05/07/2004 @ 17:22:57
Là je parle ici de classique littéraire qui compose notre culture, je parle pas seulement de la culture francaise mais aussi américaine, européenne, asiatique......

Aerain ! ouh ouh ?


En 3 mots tu m'écroules Monique!

Monique 14/07/2004 @ 10:14:33
merci d'avoir posé la question, Aerain...

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