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Antinea
avatar 19/04/2009 @ 00:05:46
Une petite bafouille... comme une intro... on verra si j'ai pris assez de juvamine pour une suite éventuelle...

Henry buvait tranquillement, le dos appuyé contre la porte de la cuisine. Il portait la flasque de cognac à ses lèvres, la main dans la poche, et arborait un air nonchalant et prétentieux d’homme satisfait. Un demi-sourire éclairait son visage et c’était là tout ce qu’il consentait montrer au monde de l’insolente fierté qu’il tirait de sa propre personne et de la réussite d’une de ces supercheries dont il avait le secret.
Un mois auparavant, sans argent, sans qualification si ce n’était ce qu’il avait pu apprendre de ses compagnons de rapine, il arpentait les rues de Paris à la recherche d’une de ces femmes esseulées par leur riche mari que ses yeux bleus et son orgueil séduisaient toujours. Une manière pas trop désagréable de s’assurer une belle vie, mais dont il s’était vite lassé, l’exercice n’ayant plus rien d’un défit. Fatigué de faciles succès et de grisaille parisienne, il avait enfermé dans sa valise tout ce qui faisait son existence, fourré dans ses poches les quelques billets qui lui restaient, et avait sauté dans un train de nuit, direction : la côte d’Azur. Là bas, le soleil et les richesses seraient à portée de ses mains expertes. Henry ne désespérait pas cependant de se trouver une situation, une vraie cette fois, c'est-à-dire une légale. Oui, en toute franchise, on se lasse de dérober les choses aux gens, même si les babioles en question brillent de mille feux et font plusieurs carras. Sa carrière relativement retentissante – pour preuve Henry en prenait les entrefilets au long desquels ses exploits se racontaient encore quelques semaines auparavant -, Henry la laissait derrière lui, prisonnière des rues froides de Paris et des coups de sang de la police. Non, il n’aurait plus recours à ses aptitudes à présent qu’en cas d’extrême nécessité. Enfin du moins, il l’espérait…
Un heureux hasard avait fait prendre à son périple une tournure toute différente, une manigance qui l’avait fait échouer là, au bord du Grand Canal et des mystères de cette cité. En son fort intérieur, Henry en restait encore tout étonné : jamais il n’avait cru possible une telle aubaine, même dans ses rêves les plus audacieux. Usurper l’identité de quelqu’un, c’est une chose concevable, mais l’usurper avec la bénédiction de la personne en question, l’est beaucoup moins. Ce fut pourtant grâce à un tel concours de circonstance, engendré par les amours d’un secrétaire nîmois et d’une riche héritière russe, qu’Henry devait de boire son cognac les pieds au bord de l’eau de la lagune. Des regrets ? Aucun si ce n’était qu’il devait se faire à un mon stupide. Des scrupules ? En aucun cas ! Comment ne pas s’enorgueillir de rejoindre le droit chemin tout en permettant à de jeunes fugitifs de vivre leur passion ?
On entendit au loin comme la sirène d’un bateau. Henry se pencha doucement, par réflexe plutôt que par espoir de voir quelque chose s’agiter à cette heure avancée de la nuit. Il ne vit rien, bien sûr. Trop de brouillard, et rien à voir, sans aucun doute… Déjà le silence avait reprit ses droits. Il faisait froid, Henry remonta le col de sa veste et reprit une gorgée d’alcool.
Quelle ville étrange, pensait-il ! Jamais il n’avait ressenti une telle impression de mystère dans les rues embrumées de sa ville natale. Et Dieu sait qu’il les avait parcourues dans de bien pénibles conditions ces ruelles, haletant, les sens en alerte, courant pour sa liberté et pour les fins objets qui pesaient délicieusement dans ses poches. Mais Venise n’avait pas besoin de figure fuyante pour qu’émane de ses maisons, de ces ruelles entremêlées et de ces ponts jetés çà et là au-dessus du dédale de ses canaux, une sensation de secret et de suspicion si intense qu’elle allait jusqu’á imprégner les âmes qui s’y trouvaient.
Même Henry s’émouvait de ressentir une telle ambiance au fond de lui-même, lui qui pourtant ne s’embarrassait pas de sentiments. Il se dit que le romantisme finirait bien par le rattraper aussi, avala d’un trait ce qu’il lui restait de cognac et s’apprêtait à pousser la porte derrière lui lorsqu’un mouvement retint soudain son attention. Là, de l’autre côté du canal, il crut apercevoir une personne qui marchait. Mais l’épaisseur du brouillard et la confusion de son cerveau légèrement éméché ne lui permirent pas une analyse plus fine du message transmis par ses yeux. Plus intéressé par une bonne nuit de sommeil que par les excentricités d’un impossible fantôme, il poussa la porte et laissa là sa vision insolite et le perron humide du palais.

Garance62
avatar 19/04/2009 @ 10:47:26
C'est bon la juvamine ? Parce que dans ce cas, j'en prends aussi ..

J'ai avalé ton récit aussi rapidement que j'ai pris lentement mon petit déjeuner. C'est bon signe en ce qui me concerne...

Ton écrit commence par des phrases longues, fluides, travaillées et légères à la fois. Le personnage est tout de suite vivant, situé aussi bien dans sa personnalité que dans ses actes. Sa nouvelle situation permet d'entrevoir des péripéties à venir. Le changement de vie, dont tu décris habilement l'usurpation d'identité ainsi que son choix d'un nouveau mode de subsistance créent un intérêt immédiat. Qui est-il ? Un goujat, certainement. Un séducteur évidemment. Un homme qui aime le changement et qui s'ennuie vite de ses méfaits. Pas sympathique et pourtant...

Quelques détails de rédaction à revoir, peut-être. La phrase "-pour preuve.." manque un peu de fluidité. Fautes de frappe et/ou d'orthographe, un "nom stupide", "le silence avait repris", "de ces maisons" (là j'ai hésité, je ne vois pas Venise avec des maisons mais avec des palais, des demeures, des villas ..?)
"Ponts jetés ça et là", impression bizarre de ponts jetés au vent comme des graines, deux "et" dans une phrase (je ne sais plus laquelle), "qu'elle allait jusqu'à imprégner" = qu'elle imprégnait me semble moins lourd, "Même Henri s'émouvait.. au fond de lui-même" redondance , on ne s'émeut pas au dedans de quelqu'un d'autre (enfin pas moi..), "du message transmis par ses yeux" périphrase qui ne me semble par correspondre à ce style de récit.
Seule une erreur de géographie m'a gênée : Venise sur la Côte d'Azur... tsst..
Tout cela ne sont que détails. J'aime ton écriture. Continue ! J'attends la suite avec impatience.

Antinea
avatar 19/04/2009 @ 10:55:38


Quelques détails de rédaction à revoir, peut-être. La phrase "-pour preuve.." manque un peu de fluidité. Fautes de frappe et/ou d'orthographe, un "nom stupide", "le silence avait repris", "de ces maisons" (là j'ai hésité, je ne vois pas Venise avec des maisons mais avec des palais, des demeures, des villas ..?)
"Ponts jetés ça et là", impression bizarre de ponts jetés au vent comme des graines, deux "et" dans une phrase (je ne sais plus laquelle), "qu'elle allait jusqu'à imprégner" = qu'elle imprégnait me semble moins lourd, "Même Henri s'émouvait.. au fond de lui-même" redondance , on ne s'émeut pas au dedans de quelqu'un d'autre (enfin pas moi..), "du message transmis par ses yeux" périphrase qui ne me semble par correspondre à ce style de récit.
Seule une erreur de géographie m'a gênée : Venise sur la Côte d'Azur... tsst..
Tout cela ne sont que détails. J'aime ton écriture. Continue ! J'attends la suite avec impatience.


Ça, c'est une analyse ! Merci de tes corrections, j'en prends note.
Pour la Côte d'Azur, ne t'en fais pas ! Je n'y avais pas placé Venise... cela montre que je n'ai pas assez expliqué le concours de circonstance qui a fait finalement attérir le protagoniste à Venise, contrairement à ses plans initiaux. Autant pour moi, je n'en dis pas assez, sans doute parce que pour moi l'histoire est limpide.
Merci Garance !

Mieke Maaike
avatar 19/04/2009 @ 11:26:49
Première impression: c'est très bien écrit. On sent que tu prends la peine de poser ton personnage, utiliser ses petits gestes pour développer son caractère, placer des petits indices tout au long de cette descritpion pour situer ce qu'il va devenir. Le lecteur est vite pris dans l'histoire et veut la suite !

Quelques petites choses à amélorier. Garance t'en as citer quelques unes. La confusion entre Cote d'Azur et Venise est particulièrement perturbante. Le fait de me rendre compte quasiment à la fin du texte que la scène se passait de nuit (peut-être devrais-tu le mentionner plus tôt).

Mais surtout continue. J'ai toujours trouvé les presiers épisodes légerment moins bons que les autres, parce qu'il faut le temps de trouver son style et de maitriser totalement l'écriture. J'attends donc de pied ferme les épisodes suivants. Je suis certaine qu'ils seront excellents.

Garance62
avatar 19/04/2009 @ 12:39:20
[quoteJ'ai toujours trouvé les presiers épisodes légerment moins bons que les autres, parce qu'il faut le temps de trouver son style et de maitriser totalement l'écriture. J'attends donc de pied ferme les épisodes suivants. Je suis certaine qu'ils seront excellents.


Les premiers épisodes ?
Tu veux dire les premières phrases ?
Ce sont celles qui m'ont le plus plu !
Et je trouve qu'Antinéa a un vrai style, qu'elle maîtrise très bien l'écriture.
Je te trouve un peu injuste.

Mieke Maaike
avatar 19/04/2009 @ 12:57:13
Ce que je veux dire, c'est qu'en général, quand on écrit un long texte, les premiers épisodes contiennent certaines approximations (ici, confusion Côte d'Azur / Venise, certaines erreurs de construction, l'une ou l'autre phrase peu claire, celles que tu as relevées par exemple). Toutes ces imprécisions disparaissent au fur et à mesure des épisodes suivants où l'écriture devient totalement maitrisée.

Vu la qualité de l'écriture d'Antinea, je suis certaine qu'on se laissera porter par l'intrigue et qu'on ne relèvera plus aucune erreur par la suite.

Antinea
avatar 19/04/2009 @ 13:07:18
En tous cas, si suite il y a, je m'efforcerai de relire plus attentivement. Mais c'est par l'erreur qu'on apprend, et grâce aux bonnes corrections. Alors, critiquez ! Au contraire, c'est ce que j'attends !

Saint Jean-Baptiste 19/04/2009 @ 15:10:40
Tu n'auras pas besoin de juvamine pour continuer, Antinea, tu es trop bien partie. On sent que tu prends plaisir à écrire et que tu écris facilement.

L'histoire commence très fort : on dirait que tu as bien ton personnage en tête. J'aime bien cette évocation de son passé et cette envie de changer de vie. Et puis le hasard qui s'en mêle et qui va l'entraîner Dieu sait où...

On a tous les ingrédients d'une bonne histoire.
N'hésite pas à nous donner des traits physiques de Henry pour bien le personnaliser.

Pour la forme, j'ai eu une hésitation à comprendre qu'on était à Venise.
(Pourtant avec "le Grand Canal" j'aurais pu y penser.). C'est parce que tu l'envoies d'abord dans le Midi...
C'est un détail.
Mais je crois que c'est intéressant de bien situer où ça se passe en donnant même le nom des rues (comme le fait toujours Simenon, par exemple).

Maintenant, tu devrais aérer ton texte : mettre des retours à la ligne et des espaces entre les paragraphes.
Je crois que c'est encore faisable.
Demande à Ludmilla. Demande-lui gentiment... Tu peux lui demander de ma part. Ludmilla est très gentille, si elle peut le faire, elle le fera.
;-))

Bonne continuation...

Saint Jean-Baptiste 19/04/2009 @ 15:22:27
J'ai relu le texte et je retombe sur : "Ces femmes esseulées par leur mari que ses yeux bleus séduisaient..."
Un mari qui ésseule sa femme ? Est-ce que ça se dit ?
Et puis c'est pas très clair : "...par leur mari que ses yeux bleu séduisaient".

Certes, c'est un tout petit détail.
Mais ça montre à quel point il est difficile de faire des belles phrases en restant clair.
Mais encore une fois, ce n'est qu'un détail...

Ludmilla
avatar 19/04/2009 @ 16:11:34
..
Maintenant, tu devrais aérer ton texte : mettre des retours à la ligne et des espaces entre les paragraphes.
Je crois que c'est encore faisable.
Demande à Ludmilla. Demande-lui gentiment... Tu peux lui demander de ma part. Ludmilla est très gentille,
Merci SJB :-))
si elle peut le faire, elle le fera.
;-))
Désolée, mais je ne peux éditer que les critiques, pas les messages dans les forums. Je crois qu'il n'y a que Saule qui puisse faire quelque chose sur ce sujet.

Antinea
avatar 19/04/2009 @ 16:27:14
Saule me fait peur... ;)

Merci Ludmilla en tous cas pour ton travail sur le site !

Garance62
avatar 19/04/2009 @ 16:46:34


N'hésite pas à nous donner des traits physiques de Henry pour bien le personnaliser.



Non, SJB, je ne pense pas que ce soit indispensable. C'est très "balzacien" ça, de décrire le personnage. On peut aussi laisser le lecteur tout imaginer. Pour ma part, je trouve que ça rend le personnage plus proche de nous. On lui met la physionomie que l'on souhaite.
Quant à "Ces femmes esseulées par leur mari que ses yeux bleus...", je trouve cette phrase d'une limpidité et d'une clarté aussi puissante que les yeux de cet homme. Mais peut-être faut-il être une femme pour sentir la pertinence de l'idée ? Sans vouloir aucunement faire de sexisme indélicat.

Saule

avatar 19/04/2009 @ 17:10:35
C'est très bien écrit, tu parviens à poser une ambiance, on se sent pris. Et puis surtout c'est évocateur, on imagine très bien le personnage. On se sent dans un film avec Humprey Bogaert. Ou dans un livre de Graham Greene. Sauf que dans un livre de Greene le personnage boirait du whisky il me semble, mais bon..

C'est un peu confus, je n'avais pas compris non plus pour Venise, tu nous dis qu'il part à la côte d'Azur: or il n'y est pas, et tu ne dis pas pourquoi. Ce qui m'a dérangé aussi, c'est qu'il est appuyé contre la porte de la cuisine, mais ça ne cadre pas, et en plus à la fin on se rend compte qu'il est dehors en train de regarder le canal. La phrase relevée par SJB est belle, avec les femmes esseulées, mais c'est pas tout à fait clair, j'ai du relire pour comprendre à qui était les yeux bleus.

Sinon c'est vraiment bien, reste à tenir la route et avoir un scénario. C'est très amusant à lire en tout cas.

ps: pour éditer les forums, je ferai un outil pour Ludmila, c'est promis. C'est qqc que je dois faire depuis longtemps, et j'aurais bientôt du temps pour le faire.

Saint Jean-Baptiste 19/04/2009 @ 21:25:39
Pour éditer les forums, Saule, prends bien ton temps. D'ailleurs, je suis contre : je trouve que c'est comme à l'école, quand on a remis sa copie, on ne peut plus la reprendre...
(Je l'ai déjà dit, mais je suis le seul de mon avis et pourtant, c'est le bon ! ) ;-))

Pour la phrase "les femmes esseulées par leur mari que les yeux bleus..." ne t'en fais pas, Antinea : quand un maître fait une faute, ça devient la règle. ;-))
On la retrouvera un jour dans nos Modèles Français...

Pour moi, ça me semble bizarre d'être esseulé par quelqu'un, ou de rendre quelqu'un esseulé... mais soit !
Attendons Provis ! Et quand il aura parlé, nous nous tairons... ;-))

Antinea
avatar 19/04/2009 @ 21:59:35

Pour la phrase "les femmes esseulées par leur mari que les yeux bleus..."
Pour moi, ça me semble bizarre d'être esseulé par quelqu'un, ou de rendre quelqu'un esseulé... mais soit !
Attendons Provis ! Et quand il aura parlé, nous nous tairons... ;-))


Oui, finalement je ne sais pas trop... ça sonne pas vraiment bien.

L'amateur que je suis attend donc les avis d'experts ! Allez, allez ! je suis tout ouïe...

Tistou 24/04/2009 @ 17:07:31
Saule me fait peur... ;)

Merci Ludmilla en tous cas pour ton travail sur le site !

Sauile te fait peur !!! Mais il n'est pas méchant, Saule ! C'est marrant ça.

Tistou 24/04/2009 @ 17:09:05
"Sauile" Couic ...
Saule, évidemment. Le seul, l'unique ...

Tistou 24/04/2009 @ 17:22:17
D'abord, je vais regretter le titre ... : "Début de nouvelle" ! En voilà un titre !
Ensuite, je dirai mon plaisir à te lire, avec intermittence, certes, voyons ... le précédent remonte à ... novembre 2007 ... un peu de nostalgie, non ? (là c'est Antinéa qui comprendra)
J'ai eu un flash en lisant le début ... du début de ta nouvelle en me disant tiens ça ferait une chouette histoire qu'un gars qui endosse une autre identité et pour qui ça ne se passe pas exactement comme il l'espérait ... Et le flash passé, j'ai réalisé que c'était ce que tu allais nous raconter ! Ben zut alors.
D'ores et déja, l'idée me semble bonne. Pour la suite, on va voir ce que va nous faire Henry ?
Quelques fautes émaillent le texte, qui me font sursauter (je présente une hypersensibilité aux fautes !), mais il n'y en pas beaucoup à vrai dire. Et c'est d'ailleurs pour cela qu'elles ressortent.
Et sinon, c'est plaisant à lire, l'écriture manquerait peut-être un peu d'ouverture au lecteur ... je ne sais pas comment exprimer cela, comme si ton style était tourné vers toi -non ça n'est pas plus clair - bon, j'attends la suite et arrête de dire des choses que je ne sais pas exprimer !

Antinea
avatar 11/05/2009 @ 23:04:29
Allongé sur son lit étroit, Henry somnolait, abruti par l’alcool et la fatigue. Au dehors, une barque s’attardait encore sur le petit canal et il entendait les efforts de son batelier pour la faire glisser plus vite sur les eaux calmes. Peut-être l’équipage s’était-il perdu dans le brouillard ? Les vaguelettes, péniblement soulevées par la proue de la barque, venaient s’échouer mollement sur le mur de sa chambre, émettant un clapotis sourd intensifié par le silence des ruelles désertes.
Bercé par ce discret ressac, il se laissait envahir par les souvenirs de ces derniers mois : il et se retrouvait dans le train qui l’emportait loin de Paris, assis devant les reliefs de son dîner dans le wagon restaurant. Confortablement installé sur la banquette de velours bleu foncé, il regardait nonchalamment par la fenêtre le paysage qui défilait tout en finissant un verre de Bourgogne. Doucement, il portait celui-ci à ses lèvres en s’efforçant d’oublier que ce moment d’extase parfumée venait de lui coûter son dernier billet. Demain, il arriverait à Nice sans un sous et avec un nom d’emprunt composé en quelques minutes à la lecture de rubriques nécrologiques. Sa vie de cambriole, il la reléguait ce soir dans un recoin de son esprit. Il en prenait congé, comme il s’était auparavant débarrassé de ses tendres conquêtes une fois épuisé tout l’avantage qu’elles avaient bien voulu lui offrir.
Demain, il serait un homme neuf. Il sourit à cette pensée ! Un homme neuf, oui, mais pauvre ! Qu’allait-il bien pouvoir faire pour s’assurer de quoi déjeuner et dormir décemment ?
Une situation, voilà ce qu’il devrait rechercher dès son premier pas dans la ville. Une situation, honnête… Tout en faisant tourner devant son nez les dernières gouttes du liquide pourpre sur les parois de verre, Henry ressentit comme les prémices d’un doute l’envahir. L’honnêteté… lui qui avait vécu si longtemps en usant du mensonge et de l’arnaque et vu tant de gens « honnêtes » faire de même, il pressentait que vivre dans le droit chemin n’allait pas être chose évidente. Comment devrait-il s’y prendre ? Il n’était plus si sûr de lui et il doutait que son soudain repentir lui offrît tout le contentement que lui avait jadis vanté son père. Pourtant, cette volonté de ne plus voler, de ne plus vivre aux dépens des autres, il l’avait. Ce besoin irrésistible de pouvoir s’adresser aux gens sans inspecter d’un regard furtif leurs cou, poignets ou poches, il le ressentait déjà depuis plusieurs mois, une année peut-être. Il désirait poser là ses valises, laisser derrière lui le charmant usurpateur, l’ami distingué et l’amant plein de sa seule audace.
Sur le petit canal, le calme était revenu. Henry soupira. A ce modèle de vie honnête auquel il aspirait, dérogeaient son nouveau nom bien sûr, mais surtout ces lettres de références falsifiées que son court séjour sur la côte d’azur lui avait fournies. Loin de se morfondre, le secrétaire pensait que les circonstances pouvaient bien lui céder cela, qu’une vie gagnée à la sueur du front devait être, elle aussi, une chose à laquelle il fallait s’entraîner, s’habituer. Ne travaillait-il pas tous les jours désormais, sans compter ses heures, tapant des lettres, des inventaires, rédigeant des courriers, des notes sans broncher, répondant avec zèle aux moindres exigences du son riche employeur ? Non, vraiment, on ne pouvait pas mal le juger d’avoir menti sur ces détails, bien insignifiants, tout compte fait !

Mieke Maaike
avatar 12/05/2009 @ 15:54:23
Voilà donc la suite de la nouvelle. Dommage que tu n'aies pas ouvert un nouveau fuseau, ç'aurait été plus clair. Fais-le pour le 3ème épisode...

Mais revenons à celui-ci. Je retrouve toujours un style précis, soigné et agréable à la lecture. On alterne la situation actuelle du héros et des flashbacks permettant de comprendre son cheminement. Je retrouve aussi la petite gestuelle qui porte ses pensées que tu décris très bien.

Mon seul regret est que tu ne mettes pas d'espace entre les paragraphes, ce qui permettrait une lecture plus agréable à l'écran.

Juste une petite imprécision ici: "Loin de se morfondre, le secrétaire pensait que les circonstances pouvaient bien lui céder cela, qu’une vie gagnée à la sueur du front devait être, elle aussi, une chose à laquelle il fallait s’entraîner, s’habituer"
J'ai du relire plusieurs fois ce passage pour comprendre ce que le secrétaire venait faire dans l'histoire, en me demandant d'abord si ce n'était pas le secrétaire qui lui avait fourni des papiers falsifiés, pour enfin comprendre que c'était en fait le nouveau boulot du héros. Quelques mots de contexte en plus permettraient de lever l'ambiguïté.

J'attends donc le 3ème épisode et j'exige qu'il soit dans un nouveau fuseau ! ;-)

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