Saule

avatar 28/05/2007 @ 21:54:07
Je suis vraiment admiratif des critiques de Don Quichotte et maintenant Morganitou sur ce monument qu'est la mer de la fertilité. J'avais découvert Mishima plus agé, vers 27 ans, et ça avait été un coup de foudre. Mon premier c'était "Le pavillon d'or" mais mon préféré c'était "Neige de Printemps" qui est le premier volume de la mer de la fertilité.
Ca ne me dit plus rien maintenant, d'ailleurs je pense qu'il y a quelque chose de morbide chez Mishima et aussi dans son oeuvre, mais c'est une oeuvre qui m'a arqué.

Un aspect qui me plaisait aussi beaucoup dans ses livres, c'est les évocations de la nature, je me souviens dans Neige de Printemps que la famille d'aristocrate organise une "party" à l'occasion de l'automne, pour admirer les couleurs des érables avec les invités. D'ailleurs les automnes sont millésimés, comme les vins chez nous, en fonction des couleurs atteintes par les érables japonais !

Don_Quichotte
avatar 29/05/2007 @ 11:48:40
Le fait que les écrits de Mishima soient morbides est indéniable, ils sont même tournés vers le sang, la mort et la décomposition de manière pathologique.
Mais c'est bien une richesse chez Mishima que cette attrait du sang, c'est une fascination toute artistique et donc en quelque sorte une psychose qui se développe dans le filigrane de son oeuvre.
Bien que partageant le point de vue proustien sur l'inutilité de la connaissance mondaine de l'être pour comprendre et apprivoisé la création, force m'est de reconnaitre l'importance de la vie de Mishima dans ses récits. Le théâtre de sa mort est sûrement l'exemple le plus frappant de symbiose entre auteur et oeuvre, la fin d'un processus créationnel amène l'annihilation volontaire. Bref, le plus important pour apprécier Mishima est de se liberer de ses préjugés, de tabous immenses qui nous guette tous, et loin d'être facile, c'est une véritable gageure ; imaginez vous pouvoir sans difficulté aucune vous plonger dans des méandres qui vous dégoutent ? Car c'est assurément ce qui attends tout lecteur d'un livre ayant pour sublime titre : "l'Ange en Décomposition".

Ce titre ne résume rien, mais peut laisser songeur sur cette association incongrue.
En tout cas la nature tel qu'elle est présentée reste une source de purification non sacré qui relève d'un Japon propre sur soi ou Mishima ne trouve pas de réelle profondeur, enfin c'est ainsi que je le vois.

Saule

avatar 29/05/2007 @ 18:02:55
Oui c'est très intéressant ce que tu dis

Il y a une nouvelle du recueil "La mort en été", elle s'appelle Patriotisme je crois, qui met en scène le suicide rituel d'un jeune officier et de son épouse, en n'épargnant aucun détail. C'est le cas aussi dans la Mort de la fertilité, il y a une scène très forte dont je me souviens vaguement, lorsque le héro se dépêche de trouver un endroit pour réaliser son suicide en face d'un lever de soleil, et puis la lame qui entre et la mort en même temps que le soleil qui apparaît. On peut dire que Mishima mettait en scène dans cette nouvelle sa propre mort, et donc en effet on peut dire que la mort de Mishima se confond avec son oeuvre.

C'est clair que le rituel du suicide par Seppuku a quelque chose de fascinant, l'image d'un corps jeune et beau ouvert de part en part par la lame et le sang qui jaillit a même une connotation érotique. Et puis bien sûr il y a une sérieuse dose d'héroisme là-dedans. Mais bon cette exaltation de la pureté détruite et de la mort, c'est un peu malsain. Mais il n'empêche que pour moi Mishima est le plus grand écrivain que je connaisse, en tout cas au niveau du style et de la puissance évocatrice de ses écrits.

Don_Quichotte
avatar 29/05/2007 @ 23:39:41
Oui c'est exact, le rituel du suicide est absolument fascinant tel qu'écrit par Mishima car il laisse transparaitre toute une âme Japonaise que tend à s'éteindre. C'est un suicide absolument différent de la détresse qui amène celui de l'occident, ce n'est pas une mort de dégout de soi et du monde comme en parle Montesquieu.

Car le suicide, si l'on excepte l'action en elle même qui est d'un tout autre ordre, c'est l'idée s'appliquant sur celui qui l'a pensée, c'est l'idée détruisant le penseur, c'est le dernier soubresaut de l'esprit annihilant à l'avance les idées qui auraient potentiellement pues germer. Une réflexion légère amène à la conclusion du suicide comme acte de destruction pure, mais en tant que geste volontaire d'éradication de la pensée, ce n'est rien d'autre que l'ultime création humaine, la création comme force libératrice de l'être, le seul geste libre car le seul geste voulu, et c'est cette absolue de la mort qui libère l'être. La mort volontaire, comme forme de création pure, amène la liberté car elle crée la fondamentale œuvre humaine embrasant l'univers tout entier. A cette profondeur sans égale du geste, il faut ajouter l'action dépouillée d'ambiguïté philosophique ou l'instinct le plus primaire s'exprime durant l'état de grâce, et sans fioritures aucunes. Cette beauté esthétique de l'homme changeant volontairement sa nature dans la fulgurance d'une chute ou d'une lame acérée déchirant la chair est unique au monde.
Et c'est cela qui nous fait ressentir si puissament les écrits de Yukio Mishima, sa force à retranscrire une émotion qui est écrite de manière profonde dans notre être.

D'ailleurs ses transgressions "morales" sont inscrites en lui, comme on peut le voir dans "Confessions d'un masque" ou il évoque le tableau de Guido Reni représentant le martyr de Saint Sebastien, oeuvre d'une immense sensualité ou l'évocation du désir nait en même temps que la souffrance physique et l'approche de la mort ; Eros et Thanathos nous offrent de fascinantes pages littéraires presques métaphysiques.

Mieke Maaike
avatar 30/05/2007 @ 10:59:31
Très intéresants tes propos Don Quichote.
Je viens de terminer "Confession d'un masque". Il y a en effet un coté morbide, mais en même temps un esthétisme de la mort et du sang qui donne à son oeuvre une connotation assez particulière, notamment dans sa façon d'être mise en relation avec la sensualité et la sexualité. Il y a quelque chose de vraiment fascinant chez Mishima.

Morganitou
05/06/2007 @ 11:56:24
Il est vrai qu'il est intéressant de voir à quel point la mort est liée aux pensées et aux écrits de Mishima et cela depuis qu'il est tout jeune. Dans "confession d'un masque", le narrateur est fasciné par le tableau de Gido Reni et il dit qu'il aurait aimé mourir au combat à la guerre. On peut apercevoir chez Mishima cette envie de ne pas mourir n'importe comment. Il imagine une mort romancée pour une cause perdue, en héros à la guerre ou en martyre comme Saint Sebastien.
Il y a ainsi une sorte d'opposition dans ces livres regroupant à la fois la mort morbide et malsaine et la mort sublimée du martyre au service d'une cause ou du beau. Cela est perceptible dans "le marin rejeté par la mer", où l'auteur fait du marin, pour le personnage principal, un héros voué à une mort magnifique en pleine mer et lorsque celui-ci quitte la mer c'est une mort horrible qui l'attend. Cette association du beau et du laid se retrouvera ainsi dans sa mort, Mishima se voudra le défenseur (le martyre) de l'empereur et des traditions et se donnant la mort d'une manière particulièrement atroce et brutale visant à détruire son corps.

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