Shelton
avatar 10/02/2007 @ 15:40:48
Jeudi 25 janvier 2007

Préparation de notre festival

Il faut toujours commencer par le début quand on veut donner tous les tenants et aboutissements d’un évènement. Donc, ma participation au salon international de la bande dessinée d’Angoulême a été décidée presque un an à l’avance, heureusement d’ailleurs, car pour avoir un logement c’est le délai minimum… Ce sera donc la quatrième fois que nous logerons chez la même personne, madame X, charmante portugaise d’origine, que nous retrouvons chaque année avec autant de joie car, même s’il s’agit d’une chambre d’hôtes, nous nous sentons accueillis avant toute autre considération…
Pour ce qui est des rendez-vous avec auteurs, depuis décembre 2006, je suis en contact avec les différentes attachées de presse, non, attachés de presse, car Mathieu est là aussi, il n’y a pas que des femmes dans ce métier… Cette année, grâce à la bonne volonté de tous, j’ai réussi à me constituer un calendrier de choc, presque minuté, qui devrait me permettre de travailler dans d’excellentes conditions…
Mais, ce jour là, le jeudi, tout a commencé par un réveil fort matinal, car nous devons traverser la France d’est en ouest, ou presque. Vers cinq heures du matin, les yeux encore un peu embués de fatigue et de sommeil, nous partons, Sabine, Jean-Baptiste et moi, pour ce trente quatrième festival international de la bande dessinée, notre cinquième quant à nous. Mais cinq participations de suite car quand on aime on ne compte pas et nous avons été séduits dès la première participation par ce rassemblement de tous ceux qui œuvrent et aiment la bédé !
Cette année, la route sera délicate car les intempéries viennent de toucher la France. Voilà de nombreuses semaines que nous attendions l’hiver, mais il arrive en force au moment où nous devons rouler. Il faut dire que prendre le train pour relier Chalon sur Saône et Angoulême relève de la péripétie car il n’existe aucun train direct. Il faut donc faire cinq heures et trente minutes de voiture, quand tout va bien…
Heureusement, la neige qui est tombée abondamment mercredi a été dégagée et la route est presque sèche même si les températures nous impressionnent. Il faisait –6° en partant de Bourgogne, le thermomètre atteint les –15° juste avant Guéret ! Mais tout cela ne nous retardera pas trop et c’est seulement en s’approchant de la capitale de la bédé que nous rencontrerons quelques difficultés. Il faut dire que cinq petits centimètres de neige sur les routes de Charente créent de nombreux embouteillages et il nous faut un peu de patience pour nous infiltrer à travers les camions immobilisés le long des axes routiers.
C’est vers midi que nous arrivons chez notre logeuse. Il faut préciser que loger chez l’habitant présente de gros avantages pratiques. Dès que nous arrivons, notre amie logeuse, comment l’appeler autrement, nous offre café, fruits, brioches, pour nous remettre de notre fatigue. Nos laisser-passer sont, eux-aussi, déjà-là et nous n’aurons pas besoin de courir, faire la queue, perdre du temps inutilement… Non, dans quelques minutes, nous serons prêts à travailler ! Oui, pour moi, il s’agit bien de travailler car mon programme m’offre plus de trente interviews à réaliser. Pour Sabine et Jean-Baptiste, il s’agit, pour cette première journée, de trouver une ou deux bédés dédicacées qui seront le cadeau de Noël de JB. Ce soir, il reprendra le train pour Nantes, c’est pour cela qu’il est prioritaire dès le début…

Entrée sous le chapiteau…

Dès le début, je commence par faire le tour des éditeurs, qui cette année sont tous réunis sous le même chapiteau, à quelques minutes de chez notre logeuse, ce qui nous évite d’utiliser notre voiture pour un oui ou un nom. Les attachés de presse sont contents de me voir à pied d’œuvre, d’être sorti vainqueur du combat contre les éléments puisque certains auteurs sont en retard et d’autres ont carrément décliné l’invitation comme Defali qui ne sera pas là et que je devais interviewer. Heureusement, c’est un cas exceptionnel et ce sera le seul désistement de cette nature.
Au stand Pika, j’ai le plaisir de découvrir que, pour une fois, ma sœur Florence est bien là. Généralement, je voyais de très sympathiques personnes, qui connaissaient très bien Flo, mais elle n’avait jamais pu venir… Nous prenons, tout de suite, un rendez-vous pour le dimanche matin, seul espace encore libre sur mon planning, même si je comprends tout de suite que ma sœurette ne sera pas devant le micro… Ce sera, à priori Emmanuelle, attachée de presse en titre, accompagnée de deux auteurs européens de mangas.

Première rencontre

Dès 14h30, je suis au stand Dupuis pour ma première rencontre, celle avec Olivier Neuray, dessinateur de la série bédé Makabi, sur un scénario de Luc Brunschwig. Dans quelques jours, la maison d’éditions fera paraître le tome quatre, celui qui débute un nouveau cycle, tandis que l’on peut trouver, pendant le salon, le premier cycle en un seul volume, chose très agréable pour ceux qui n’aiment pas attendre éternellement les suites d’histoires… Olivier est très sympathique, dès le premier abord, et la série, elle, nous invite à un bon moment de détente tout en nous plongeant dans un sujet plus grave…
L’histoire tout d’abord… Une femme, russe d’origine, Zéna, et sa petite fille, Dolly, se retrouvent enlevées par de bien mystérieux hommes en noir… Mais par qui ? Pourquoi ? Qui sont ceux qui semblent suivre cette affaire de plus ou moins loin, prêts à prendre la direction des affaires ?
Un homme, un simple fonctionnaire, Lloyd Singer, se retrouve mêlé à cet enlèvement, presque par hasard… C’est aussi à partir de ce moment là que le tragique et l’humour se croisent car la famille Singer, des Juifs américains, est composée d’une multitude de personnes plus atypiques les unes que les autres… Le pauvre Lloyd, encore célibataire, a bien du mal avec ses deux sœurs qui voudraient le marier tout de suite, séance tenant, avec Zéna… Mais je ne vous en dis pas plus pour le moment car cette bédé est aussi basée sur une bonne dose de suspense…
Mais je vous ai dit, plus haut, que cette bande dessinée était aussi une occasion de réfléchir un peu. Alors quel est le thème essentiel ? C’est un réseau de trafic de femmes d’origine slave, russe en particulier, que l’on met à la disposition des jeunes riches Américains… Classique, très classique mais bien raconté, donc agréable à lire.
C’est une bande dessinée qui allie l’action, l’énigme, la confusion et la tendresse, à défaut d’amour… Le scénario, de Luc Brunschwig, un Alsacien bien connu du monde des bédéphiles depuis les deux séries extraordinaires «L’esprit de Warren » et « Le pouvoir des innocents ». Ici, il continue dans la lignée mais avec, cette fois-ci, un illustrateur qui donne plus dans le genre espionnage traditionnel. C’est une série qui devrait plaire à tous ceux qui aiment Alpha, Largo Winch, Lady S, IR$…
Le petit plus, pour être très clair, c’est justement ce personnage de Makabi qui semble sorti directement d’un conte de fée…
« A sa voix, je compris que ce drôle de personnage était un enfant comme moi… mais lui était comme un éclair… vif, foudroyant… implacable ! » et au moindre danger, il suffit de l’appeler pour qu’il arrive et sauve le faible et l’opprimé… Le tout, c’est d’y croire…
Olivier va commencer par me raconter comment il a rencontré Luc le scénariste et, donc, la genèse de cette série :
« J’aimais beaucoup les scénarios de Luc, je ne le connaissais pas et un libraire m’a donné les coordonnées de sa maman. Je lui ai écrit et envoyé toute ma série faite chez Glénat, Nuit blanche, mais, en fait, il habitait Dijon et sa mère Strasbourg. Il a alors demandé à sa mère d’ouvrir le colis, de lui lire la lettre… Or la lettre était élogieuse car pleine de mon admiration pour le travail de Luc et il m’avouera que je ne pouvais pas lui rendre un plus grand service. En effet, sa mère a pu, ainsi, se rendre compte que le travail de son fils était apprécié par d’autres, elle qui le sous-estimait. Nous nous sommes rencontrés et nous avons commencé à travailler ensemble et sa mère à lu, pour une fois, la série de son fils… »
Nous avons alors abordé la série proprement dite de Makabi…
« C’est fort autobiographique… Luc parle de son enfance, d’un rabbin qu’il a connu, qui pratiquait les arts martiaux et qui a été son catéchiste, comme on dirait chez nous les Chrétiens. Le personnage de Makabi a le physique de son frère qui est comptable, mais pas au FBI. Alors, certes, il en a fait un polar, mais la description du tissu familial est beaucoup plus importante… Une famille juive, abusive, qui, parfois, est plus redoutable que les gangsters eux-mêmes… Mais c’est aussi l’histoire de l’évolution psychologique d’un personnage car le vrai Lloyd est en train d’éclore sous nos yeux… »
Comme je lui faisais remarquer que la narration graphique s’était améliorée tout au long de la série, il me confiait :
« Un scénariste et un dessinateur, c’est comme un couple. Le lien se renforce au fur et à mesure des albums, ou alors, ça peut s’arrêter d’un seul coup. Mais, nous, on a de plus en plus de complicité. On a chacun notre image des personnages. On peut la confronter et Luc est assez exceptionnel car on peut discuter de tout, de notre vision à chacun, et c’est comme si notre collaboration devenait assez réelle et vivante pour être indépendante de nous-mêmes. La maturation se fait seule, sans heurt, et ça peut nous mener très loin, en y gagnant à chaque fois en épaisseur… Comme la collaboration est fructueuse, comme le personnage n’est pas encore abouti au niveau psychologique, nous nous lançons dans un nouveau cycle. Je peux vous annoncer qu’il y aura au moins encore deux cycles, donc au moins neuf albums au total… »
Quand on est en compagnie d’un dessinateur, il est impossible de ne pas parler du graphisme, de la technique, du dessin lui-même…
« Luc m’envoie son scénario. C’est moi qui le découpe, je visualise chaque scène, chaque image, tout ce dont il parle. Je mets les dialogues et je lui renvoie ma copie par courriel. Il donne son avis, je lui réponds et ainsi nous faisons, ensemble, évoluer les choses. Je peux alors crayonner, c’est la phase de dessin pur. Dès qu’il me donne son accord, je passe à l’encrage. C’est lentement que ça mûrit, c’est du travail collectif. On fait évoluer les paramètres ensemble et on œuvre ainsi par quatre pages, plus ou moins selon les circonstances de l’histoire. Lui se sert de ce que j’ai dessiné pour écrire la suite et moi, je suis un peu dans la position du lecteur, je n’ai pas toute l’histoire… J’aime bien ce côté suspense. Mais, attention, on peut parfois se disputer, surtout quand je m’attache à un personnage… surtout quand il doit mourir après une courte apparition… Car ces personnages finissent par vivre en dehors de nous et je pense que l’on ne peut pas leur faire faire n’importe quoi ! Mais, d’une façon générale, on s’entend assez bien sur ce qu’ils doivent dire et faire. »
Mais, je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander combien de temps il lui fallait pour faire ces quatre fameuses pages, celles qui servent, en quelque sorte d’unité de travail…
« J’essaie de faire quatre pages par mois, mais quand tout va bien, j’y arrive, mais il faut savoir que je suis très lent. Je fais de la bédé réaliste, c’est assez fastidieux, il y a beaucoup de détails à mettre, l’intrigue se déroule dans des lieux qui existent, décors, costumes et armes doivent être reconnaissables, identifiables par les spécialistes… »
Ce beau moment en compagnie d’un véritable artiste devait prendre fin et je lui demandais s’il pouvait regarder son travail avec un peu de recul. Quand on voit le premier cycle publié en un volume, le dessinateur arrive-t-il à le lire sans hurler à cause des défauts qu’il a laissé passer ?
«Je ne parviens absolument pas à me relire, en tous cas, pas avant dix ans ! Si c’est trop tôt, je ne vois que les erreurs, les problèmes de narration, les dessins mal foutus, je suis le pire des juges par rapport à moi-même ! »
Il fallait commencer le festival par un moment fort, je crois que ce fut le cas car Olivier Neuray est un grand dessinateur et Makabi une série de qualité indiscutablement !

Avec des gens que l’on aime…

Le rendez-vous suivant me permettait de retrouver deux auteurs que j’apprécie depuis très longtemps, Eric Warnauts et Guy Raives. Je les ai rencontrés pour la première fois, il y a plus de dix ans, en mars 1995, à l’occasion de la parution de l’album, L’envers des rêves. Je me souviens parfaitement de cette rencontre rue Bonaparte, ancien lieu de résidence parisienne des éditions Casterman. J’étais accompagné de Sabine et nous étions sortis en nous disant que jamais nous ne pourrions diffuser l’interview tant les deux lascars belges étaient restés le plus souvent silencieux, pour le moins économes de leurs paroles…
Nous nous étions revus autour du micro deux fois, avec, encore beaucoup de silence, trop de silence pour faire une bonne émission de radio. Certes, j’arrivais à faire entendre aux auditeurs quelques mots mais je trouvais que ces paroles ne reflétaient pas du tout la qualité de leur travail que j’admirais depuis longtemps, voir depuis leurs débuts : Lou Cale, Congo 40, L’innocente, Equatoriales, Intermezzo, Les suites vénitiennes, L’orfèvre, Un diamant sous la lune, La contorsionniste… Il fallait qu’un jour, je puisse obtenir un temps de qualité qui puisse pousser les plus sceptiques à aller voir par eux-mêmes ce qu’était une bédé signée Warnauts et Raives !
En janvier 2006, j’eus pour la première fois une rencontre avec Guy Raives seul. Je fus surpris de le voir être beaucoup plus bavard, comme si l’absence de son collègue, resté dédicacer quelques derniers albums, lui avait libéré la parole… Très belle interview qui avait, enfin, permis d’entrer dans un monde d’humanisme et de bonheur même si tout ne s’y passe pas bien… Mais c’est bien ça la vie, la vraie…
Cette année, c’est avec les deux que j’avais rendez-vous, à l’occasion de la sortie de leur album Fleurs d’ébène, publié aux éditions Casterman. Dès mon arrivée sur le stand, après avoir salué mes amies Kathy et Marie-Thé, j’ai pu commencer avec Guy Raives, Eric Warnauts étant, une fois encore serais-je tenté de dire, en retard.
Guy a commencé à répondre aux questions avec le même enthousiasme qu’un an auparavant. Tout allait donc pour le mieux.
« Pour nous le contexte historique de cette histoire [le Congo belge juste avant la décolonisation] est moins important que le cheminement humain du personnage principal, ses relations avec les autres personnages de l’album, de cette tranche de vie. C’est aussi une façon de recouper nos interrogations, à nous Warnauts et Raives. Quant aux relations entre les hommes et les femmes, entre Jean et les femmes qu’il croise dans sa vie, c’est bien la dernière inconnue, la grande interrogation de tous les hommes… C’est le sujet fondamental. »
Mais c’est alors qu’est arrivé l’autre moitié de ce duo, Eric Warnauts. Dès lors, Guy s’est presque arrêté de parler, a laissé le micro, et s’est même levé à un moment pour plaisanter avec un ami de passage. Ne vous méprenez pas, je ne veux absolument pas en tirer des conclusions hâtives, mais, il semblerait que lorsque Warnauts est là, Guy Raives ne se sente plus à la hauteur et préfère se taire. Quel dommage ! Il devient alors presque impossible d’avoir les deux en interview de façon équilibrée. Je comprends pourquoi j’ai en tant de mal à les faire parler ensemble par le passé et pourquoi, pris séparément, j’obtiens des discussions passionnantes…
La rencontre continuera, quand même, avec toujours autant d’éléments important pour bien comprendre cet univers que j’adore. Oui, Warnauts et Raives peignent, racontent, plongent, immergent dans un monde d’êtres humains gorgés d’humanisme, d’interrogations, de doutes, d’inquiétudes, qui se battent pour survivre, pour se trouver, se retrouver, être heureux… Oui, ce sont grands de la bédé qui avaient commencé à se faire connaître avec le magazine (A suivre) et qui sont encore là pour notre plus grand plaisir…
Ce fut pour moi l’une des grandes rencontres de cet Angoulême, et je sais bien en disant cela que certains pourront être jaloux, mais que voulez-vous, quand on aime…

Un classique

Pourquoi se promener à Angoulême signifierait-il, systématiquement, rencontrer des jeunes talents inconnus et côtoyer des artistes incompréhensibles ? Non, j’aime, aussi, voir, revoir, découvrir des auteurs qui appartiennent à l’histoire de la bédé, des classiques, des grands classiques, même. Je sais bien que ces derniers ne se voient jamais dans cette catégorie car on ne trouve là que des artistes qui sont figés, qui ne progressent plus… des icônes, des statues, des fantômes…
Et pourtant, comment parler des auteurs qui nous bercent de leurs histoires depuis si longtemps, que l’on a l’impression de connaître depuis toujours…
Je ne saurais vous dire la date exacte de ma découverte de ce personnage Jérôme K Jérôme Bloche. Ce qui est certain, c’est qu’il est né le 2 décembre 1982 et que c’est en 1985 qu’il commence ses enquêtes en albums chez Dupuis. Il a été créé par trois auteurs : Serge Le Tendre, Makyo et Alain Dodier. Ce dernier, le dessinateur, au graphisme réaliste, va très rapidement devenir scénariste d’un album sur deux, avec Makyo, avant de travailler entièrement seul. Alain Dodier est devenu, chemin faisant, un des grands de la bédé jeunesse, un spécialiste du polar pour adolescent, un de ceux qui font encore rêver et qui donnent cette touche si sympathique à la bande dessinée… Et c’est avec lui que j’avais rendez-vous dans cette fin d’après-midi, sur le stand Dupuis.
Le stand Dupuis, comme de nombreux points éditeurs durant le festival, est équipé d’un petit espace de «repos». Entendez par-là, quelques tables et chaises envahis par de nombreux auteurs, éditeurs et journalistes, harassés et fatigués par leurs nombreuses occupations, qui tentent, l’espace d’un café ou d’une bière, de reprendre leur souffle… Mais pour réaliser une interview de qualité, ce n’est pas toujours facile d’autant plus que l’organisation du festival a une sono qu’elle utilise tout au long de la journée pour annoncer les auteurs en dédicaces, les animations spéciales et autres évènements à ne pas rater…
Mathieu, brillant et sympathique attaché de presse, me propose donc de travailler un peu à l’écart, dans la petite cuisine de quatre mètres carrés qui jouxte la salle de repos. C’est une proposition que j’accepte volontiers. Passer au grill de mes questions Alain Dodier dans une cuisine, cela ne s’invente pas, il fallait le faire, je l’ai fait…
« Ce personnage de Jérôme K Jérôme est né de mon goût pour le polar mais aussi pour permettre de parler de la vie de tous les jours. Il faut savoir que j’étais facteur, dans une vie antérieure, pendant mes jeunes années. C’est là qu’est née mon envie et mon plaisir de raconter des histoires, des petites histoires de la vie quotidienne. Je ne raconterai jamais des aventures avec la CIA ou le KGB… J’ai besoin de plus de proximité… Mais je m’appuie, par contre, sur les vies, les parcours humains. C’est mon terreau, c’est ma nourriture, en fait. C’est aussi une des raisons pour lesquelles Jérôme est un privé. Policier nécessite une hiérarchie, un aspect officiel, tandis qu’un détective privé est libre. Mais c’est aussi du à mon admiration pour un style, celui des films des années quarante avec, par exemple, Humphrey Bogart et Robert Mitchum. Les privés qu’ils ont incarnés, les imperméables, les chapeaux… autant d’éléments que l’on va retrouver dans la série Jérôme K Jérôme Bloche. Mais l’idée était de prendre le contre pied de ces personnages du grand cinéma d’Hollywood, avec un Jérôme à l’opposé de ces modèles, mais qui veut leur uniforme, mais quand il fume il tousse et le whisky c’est trop fort pour lui… Lui, sa boisson forte, c’est le citron pressé, sans sucre et sans eau… »
Mais, je me demandais depuis longtemps pourquoi ce Jérôme était si distrait. Là, la réponse est claire et nette :
« On dessine, on anime toujours un personnage qui nous ressemble plus ou moins. Pour ce trait de caractère, je n’ai pas eu besoin de me forcer beaucoup. Pourquoi faire un rôle de composition complexe, quand il suffit de s’inspirer de soi. En fait, j’ai pas mal de parenté avec ce personnage. »
Mais, il y avait aussi cette Babette… Oui, pourquoi une hôtesse de l’air ? Un fantasme de collégien ?
« Non, l’amie de Jérôme est hôtesse de l’air avant tout pour que ces activités professionnelles l’appellent ailleurs, chaque fois que l’on avait pas besoin d’elle, et qu’elle soit en récupération ou congés lorsque sa présence devenait impérative. C’était un choix pratique ! Mais, j’ai de plus en plus besoin d’elle, elle délaisse son métier ou est souvent en congés, allez savoir ! »
Il y aurait donc des bandes dessinées pour la jeunesse avec des femmes ! Car, elle fut la petite amie, puis la promise… mais, maintenant, les choses sont encore plus précises… sans ambiguïté…
« Oui, les choses se sont bien affirmées, si l’on peut dire. C’est au moins une fiancée officielle. Je crois savoir, enfin, je ne voudrais pas insister, mais qu’ils dorment dans le même lit… » (Petits rires sympathiques)
Oui, les aventures de Jérôme K Jérôme Bloche évoluent, le personnage aussi. D’une série d’énigmes policières assez classiques, on est passé à des histoires proches des thrillers, comme si Alain Dodier voulait nous faire peur… mais pas trop quand même… la série reste pour les lecteurs adolescents… Mais c’est vrai que les méchants sont devenus des très méchants…
« C’est presque une sorte de challenge, pour moi, de présenter des personnages de pure méchanceté ! Et j’avoue que je me régale, je découvre… Mais, ça c’est un rôle de composition, par contre ! » Ah ! Je croyais que…
Non, Alain Dodier est un homme très doux, agréable et plaisant et j’ai passé avec lui un moment de pur bonheur. Qu’il continue, ainsi, à nous raconter de belles histoires et je ne dirai à personne que Jérôme et Babette dorment dans le même lit…
Mais ce qui semble bien se dessiner, c'est que nous serons heureux de rencontrer ceux que nous ne connaissons pas encore et qui viendront...

(A suivre...)

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