Malic 13/09/2006 @ 11:34:41
Il est bien dommage que l’intéressant forum lancé par Sahkti à propos du livre d’Alice Kaplan sur Brasillach ( http://critiqueslibres.com/i.php/forum/… ) ait rapidement dérivé vers le thème « oublions le collabo et découvrons le merveilleux écrivain ». Jlc parle d’ « un écrivain bien oublié en tant que tel et qu’il faut découvrir et redécouvrir pour tous ceux qui ne gardent en tête que les stupidités hélas parfois haineuses de « Je Suis Partout ». Des stupidités ? Ce qu’écrivait Brasillach, c’était beaucoup plus que cela. Cet homme s’est montré ignoble. C’est lui qui a écrit qu’il fallait régler le problème juif « sans aucun sentimentalisme » ou encore « il faut se séparer des juifs en bloc et sans garder les petits ». Et à cette époque, il ne s’agissait pas de divagations sans conséquences, la Gestapo était là. Brasillach a été jusqu’à dénoncer des juifs ou des résistants et donner des adresses.

Le sentimentalisme qu’il refusait envers les juifs, Brasillach le mettait dans ses romans. Le critique Jérôme Garcin les qualifie « romans à l’eau de rose », ou « succédanés évanescents du Grand Meaulne ». Le seul que j’ai lu ne m’a pas fait grande impression. De jolies phrases, des personnages pittoresques, de gentils petits romans anodins comme il y en a tant. Que pèse cette gentillesse face aux infamies du collabo ? Shelton se pose honnêtement la question de savoir si on s’intéresserait aujourd’hui à Brasillach s’il n’avait pas été exécuté.
Et si le meilleur (si on peut dire) de Brasillach écrivain se trouvait précisément dans « Je Suis Partout » ? C’est en tant que pamphlétaire et animé par la haine qu’il se montre le plus inspiré.
Donc oublions les romans et lisons les articles de « Je Suis Partout ». Au moins c’est instructif et puis c’est plein de poésie, du moins selon la conception de Brasillach : « Le fascisme c’est la poésie du vingtième siècle » ( dans « Comme le temps passe »)

Il est intéressant aujourd’hui de relire le jugement d’une lucidité glaciale porté par Camus sur l’homme et l’écrivain Brasillach dans sa lettre à Marcel Aymé expliquant les raisons pour lesquelles il s’associait à la demande de grâce :

«J’ai toujours eu horreur de la condamnation à mort et j’ai jugé qu’en tant qu’individu du moins je ne pouvais pas y participer même par une abstention. C’est tout. Et c’est un scrupule dont je suppose qu’il ferait rire Robert Brasillach .Ce n’est donc pas pour lui que je joins ma signature aux vôtres. Ce n’est pas pour l’écrivain que je tiens pour rien. Ni pour l’individu que je méprise de toutes mes forces. Si j’avais mêmes été tenté de m’y intéresser, le souvenir des deux ou trois amis mutilés ou abattus par les amis de Brasillach pendant que son journal les encourageait, m’en empêcherait. Vous dites qu’il est du hasard dans les opinions politiques et je n’en sais rien. Mais je sais qu’il n’y a pas à choisir ce qui vous déshonore et ce n’est pas par hasard que ma signature se trouve parmi les vôtres tandis que celle de Brasillach n’a jamais joué en faveur de Politzer et de Jacques Decour.»

A lire également un article de Jérôme Garcin, sans aucune complaisance envers Brasillach mais qui ne cache pas non plus les quelques points qu’on peut trouver en sa faveur :
http://france-mail-forum.de/fmf24/bib/…

Sibylline 13/09/2006 @ 18:03:32
Ah, merci Malic! Je me demandais si quelqu'un allait tout de même se décider à le dire. ;-))

Jlc 13/09/2006 @ 20:02:20
Je vais peut-être te surprendre Malic mais je suis d'accord avec toi. Simplement j'ai toujours beaucoup de mal à employer des termes durs (encore qu'hier je me sois un peu laché sur un autre sujet). Je me souviens qu'en écrivant ces quelques lignes j'ai d'abord employé le terme de monstruosités au lieu de stupidités. En fait c'est monstruosités stupides qu'il aurait fallu écrire.
Désolé de t'avoir heurté.

Pour ce qui est des qualités littéraires de Brasillach, chacun est libre de ses préférences et personnellement j'ai bien aimé "Les 7 couleurs" sans crier au chef d'oeuvre.

Enfin je pense que tu seras d'accord avec moi pour dire que Shelton a écrit une très belle critique.

Shelton
avatar 14/09/2006 @ 21:18:16
Je lis avec beaucoup d'attention vos remarques et j'en partage beaucoup sans aucun doute. Mon seul regret, c'est que personne ne parle du roman lui-même...

Je fais partie des gens qui peuvent lire sans a priori un texte. Que l'auteur soit fasciste, collabo, communiste, stalinien, anarchiste, criminel, pédophile... je lis le texte et je dis ce que j'en pense.

Villon n'était pas un ange ni un saint, mais un grand poète. Robert Brasillach a écrit des horreurs dans Je suis partout, mais aussi dans d'autres revues... Mais ses romans d'avant guerre peuvent être lus et critiqués. A chacun de juger !

Quand je lis un Aragon, je ne pense pas au communiste fidèle à l'URSS mais je prends la mesure de ce qu'il écrit et je peux vous dire que je suis fou de la poésie de Aragon... Je ne pense pas être communiste pour autant.

Aimer, encore que j'ai bien dit les limites de ma passion pour ce livre, Le marchand d'oiseaux, ce roman, comme apprécier Voyage au bout de la nuit de Céline, n'est pas faire allégeance à certaines idéologies de droite... Non, c'est pour moi, être honnête.

Pour ce qui est de mon engagement personnel, il est arrivé qu'il transparaisse ici ou là dans quelques critiques... mais il n'est pas du tout dans ce camp politique, c'est ainsi... Cherchez, vous trouverez où il est...

J'attends donc le point de vue des lecteurs du Marchand d'oiseaux...

Sibylline 14/09/2006 @ 23:51:14
Cela tient sans aucun doute au fait que ce fuseau-ci n'a pas été initié pour parler d'un livre de Brasillach mais, comme Malic l'indiquait dès sa 3ème ligne, pour parler de Brasillach lui-même et même d'un ouvrage consacré à sa vie et son procès. Il faut suivre le fil déjà ancien indiqué par Malic et qui indique de quoi il est question ici.
On peut aussi très bien désirer parler de ses écrits. Je crois me souvenir qu'il y a d'autres fuseaux où l'on parle des livres de cet auteur. Peut-être que, dans ces fuseaux, il serait possible de reprocher aux gens d'évoquer l'aspect criminel des déclarations de Brasillach (quoique cela se discuterait sûrement...) mais on ne peut pas le leur reprocher ici, en tout cas, puisque c'est l'objet même.
Et ce rappel historique, lié d'ailleurs aussi à des livres, mais pas ceux de Brasillach, a été si utile et intéressant que tout le monde s'est trouvé d'accord dessus. Ne pas oublier que certains ne savent rien de cet aspect de cet auteur et qu'il n'y a pas lieu de le laisser ignorer. L'Histoire (avec un grand H) est là pour nous éclairer. ;-)

Sibylline 14/09/2006 @ 23:53:58
J'ai 3X "indiquer" dans mes 6 premières lignes. Je n'étais guère en verve... Dommage qu'on ne puisse pas corriger.
Toutes mes excuses, donc. :-))

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