Bolcho
avatar 05/07/2005 @ 14:00:39
Et zut, un livre dont l'isbn n'est pas reconnu ! Je vous mets tout de même mon petit commentaire ci-dessous, et je précise que l'on trouve l'ouvrage sans problème en Belgique, y compris sur Proxis.be.

Luc Honorez est un critique de cinéma (il a fait sa carrière au journal « Le Soir » en Belgique) comme je les aime : intelligence, imagination, écriture, délire maîtrisé, et un infatigable amour pour les actrices.
Ses textes sont toujours écrits. Sans doute aime-t-il et connaît-il le cinéma, mais ce sont les mots qu’il manie avec un plaisir communicatif et un humour bon enfant. D’ailleurs, c’est bien ainsi qu’il voit son métier : « L’écriture, épouse parfaite et orgasmique du cinéma ». Son livre est l’occasion d’en savoir un peu plus sur le cinéma sans oublier de s’amuser au passage : « (…) les trottoirs de Cannes sont tellement propres que, si les sandwiches ne coûtaient aussi cher, on mangerait par terre ».
Ou bien, toujours à Cannes : « Parmi mes métiers favoris, il y a la porteuse de pain du matin et ses tendres croissants. Elle est la mie de la société. Il y a aussi la porteuse de seins qui arpente la place de la gare en espérant aguicher un producteur. Elle est la lie de la société ».
Ou encore : « Au coin des rues sombres, on vous fourgue maintenant des pilules de Viagra, ces machins qui, que…, enfin qui font que le triste ‘Courbe-toi, fier Sicambre’ devient un triomphant ‘Cambre-toi, fier si courbe’ ».
L’écriture d’Honorez est joyeusement baroque, parfois jusqu’au mystère absolu.

Mais il nous parle aussi de choses fort sérieuses. Il nous présente Clooney comme une sorte de gauchiste du cinéma : « Les divertissements américains actuels sont de la crotte de bébé, du sirop de bêtise en petits pots ! (…) avec uniquement le fric en point de mire, les studios fabriquent des saucisses immondes qui gâchent le goût du grand public (…) Mais les dominés, un jour se révolteront (…) La politique doit reprendre au plus vite le pouvoir que lui a confisqué l’économique ».
John Frankenheimer y fait écho : « (…) il est plus confortable de se cocooner dans le divertissement de gamin plutôt que de se servir de l’art comme une arme de contestation ».
Des films comme Les Dents de la Mer et La Guerre des Etoiles ont chassé les réalisateurs adultes du cinéma américain au profit des films pour gamins attardés. Nombreux sont ceux qui disent en gros la même chose : Resnais, Kitano, Soderbergh, Francis Ford Coppola, W. Allen, Scorcese, J. Nicholson (à propos des jeunes : « ma génération a été moins gavée de stupidités télévisuelles et cinématographiques que la leur (…) on s’intéressait plus à la culture qu’à la course effrénée à la consommation idiote qui a cours aujourd’hui »). Même – bizarrement - Spielberg et Lucas qui confirment tranquillement ces propos : « (…) sans le vouloir (…) nous avons tué un certain cinéma adulte (…) il est temps de revenir à un 7e art d’ambition ».

Réflexion personnelle (enfin, n’exagérons rien : elle ne se trouve pas telle quelle dans le bouquin…). Le cinéma a toujours fasciné les jeunes parce qu’on y apprend une masse de comportements sociaux. C’est grâce au cinéma que l’on sait comment tomber amoureux, comment se comporter avec un patron, des collègues, des subalternes ; c’est là qu’on nous montre quelles sont les valeurs du moment et de quel côté incliner son chapeau pour être dans le coup. Faiseur de leçons, faiseur de modes, faiseur de mythes, le cinéma lui aussi élève nos enfants. Et il se fait porteur des aspirations générationnelles. C’est en partie dans les salles obscures, avec des films comme « If… » que j’ai appris à vouloir changer le monde. De la même façon, c’est avec des films infantilisants d’aujourd’hui qu’on tâche de gagner la docilité de la jeunesse actuelle : les jeux du cirque.

Lorsque l’auteur nous parle du cinéma d’autrefois, il nous rappelle fort joliment qu’il permettait « aux mineurs de transformer la sueur du travail en gouttes de plaisir ».

Pour Honorez, en gros trois choses : l’art doit se donner comme objectif la justice sociale, les femmes sont diablement séduisantes et la mort est atrocement atroce. Je suis assez d’accord avec tout ça.
Mais il est bien clair que ce que j’en ai dit répercute ma lecture et que d’autres y trouveront bien d’autres choses : c’est un peu toute sa carrière qu’Honorez fait défiler sous nos yeux, toutes ses interviews avec les plus grands du cinéma, toutes ses rencontres, ses coups de cœur, ses coups de rage.
Rien que du plaisir en tout cas.

Kinbote
avatar 05/07/2005 @ 14:18:02
J'aime bien Luc Honorez. Merci pour cette critique.

Catinus
avatar 05/07/2005 @ 14:45:12
Merci pour cette critique qui m'a bien fait rire en lisant certaines reflexions. Mais je suis en froid avec certains - si pas tous les - critiques. Nous n'avons pas les mêmes goûts, ce qui embêtant. J'aurais donc plutôt tendance à dire : méfiance !

Autre chose. Il est dommage de ne pas pouvoir écrire des critiques sur certains livres dont l'isbn n'est pas reconnu par Amazone qui est un des sponsors de ce site. Je pense à des ouvrages de René Henoummont, par exemple.
Mais enfin, c'est ainsi et il y a déjà tant de livres comme il y a déjà tant de films...
Comme on dit : tout est dans tout !

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