Sibylline 08/04/2005 @ 20:45:05
Cher Yali, pour fêter tes "un an" sur CL, j'ai pensé à un cadeau, ou plutôt deux: faire remonter un de tes textes descendu trop vite, et lui donner une suite. J'espère que les deux te plairont.
Je ne te cacherai pas que je me suis dis d'abord: je ne prends pas le vrai "A la une", il a déjà été fait. Restaient "entrainement 6" et "entrainement 2". Je me suis dit "C'est pas possible, trop masculins pour moi" et j'ai laissé tomber. Je suis allée vaquer à diverses occupations autres et je me suis encore dit "Comment ça? Tu fais le chien, tu fais le chat, tu pourrais faire l'hippopotame ou le martien et tu n epourrais pas faire le mec?" Alors voilà, je l'ai fait quand même.

Au matin, je me bande.

L’amour s’est fait la malle. En colère.
Le lendemain, je me lève, l’air de rien et mal partout. Je me michetonne quelques instants devant la glace. Je me putasse un peu de bonheur à la ramasse. À la retape je me recolle l’âme, par petits bouts, micros, pour ce qu’il en reste… Puis viennent les pleurs et que coule l’eau, que s’enroule tourbillon, s’écoulent larmes et savon, siphon de détresse.
La radio empile des mots sur les ondes, journal banal, pyramide verbale. À sa cime clignote, brille comme un fanal, « Malheur pour tous ». Elle ajoute que pour un oui, pour un non, on fait, défait l’Europe, que ça ne tient qu'à nous.
Et qu’en ai-je à foutre, moi qui vient de perdre un pays ?
Qu’un SDF, cette nuit, est mort de froid dans un square à deux pas de chez moi, pauvre gars.
Au sortir de la douche, je change de station, mode aléatoire, loterie des sons. Un peu plus loin j’apprends que Sartre aurait eu cent ans ce jour, et que, pour fêter ça, sort un livre avec jolie photo en couverture. Photo dont on a retiré la cigarette qu'il avait au bec, parce que c'est bien connu : fumer tue post mortem.
La fenêtre est grande ouverte, j’hésite à prendre l’air, vraiment.
Puis à la réflexion, non !
Tout le monde s’arrange alors pourquoi pas moi. L’Europe nie l’entre oui et non : le « Si ». Les pauvres meurent de froid mais pas de misère, ça non. Et ce grand Monsieur qu’était Sartre, pensait mais ne fumait pas. Alors sûrement que toi dont l’absence me dévore l’âme, t’existes pas.
Elle est si simple la vie pour qui se la porte en suspension, sautoir, colin-maillard.


Alors, j'ai décidé d'être con.
D'abord, j'arrête de fumer.
Bien sûr, j'y arrive pas.
Ca m'énerve, c'est fatal.
C'est qui le con, au fond?
Accroché à ma clope et ces pourris qui me tirent tout mon pognon. Et moi, même pas foutu de dire non. Mieux, je dis "Merci, Merci, Merci". J'aime, j'aime, j'aime fumer. Encore, et encore! Et cette nuée bleue qui s'engouffre en moi, envahit mes poumons, mon sang, me donne un coup de fouet, bref, mais doux et me détend aussi, m'apaise, me calme...
Mais elle calme quoi? La détresse du manque qu'elle a créé elle même. Elle me bouffe. Mon repos, c’est elle, mais ma fatigue aussi.
Ah! C'est confortable d'être non fumeur! T'as la satisfaction de respecter ta santé et celle de garder ton fric. Le beurre et l'argent du beurre. J'comprends qu'ils soient contents.
Le problème, c'est qu'ils le montrent trop. C'est pour ça que je les déteste au fond. Ils ne comprennent rien. Ils ne savent pas.
Mais peut-être que si. Certains au moins savent. Qu'est-ce que je déteste vraiment dans cette histoire?
Je suis coincé.
Je ne cèderai pas.
Je deviens enragé.
Je ne cèderai pas.
Je vais casser quelque chose, bon dieu, si j'ai pas une clope. Le tabac va fermer. Y en aura plus. Vraiment. Jusqu'à demain.
Je ne cèderai pas.
Je tiens. Tu peux fermer, va! Je m'en fous! Je tiens.
T'es partie.
Je vais dire que t'as emporté les clopes. T'es partie avec les cendriers, les briquets et l'air épais. T'es partie et tu m'as laissé seul dans un vide sidéral et clair. L'air est cristallin. J'ouvre la fenêtre en grand. Ca caille. Je respire à fond. Je tousse. Bonjour, les poumons. T'es partie? Tant pis. J'm'en remettrai. Alors, les clopes, tu parles, je vais pas dire que c'est pire. D'ailleurs, j'ai arrêté de fumer.
Ca y est. C'est fait.

Tistou 08/04/2005 @ 21:33:43
Alors Sib, on se fait un exercice de Yalisation ? Je gage que ça n'est pas facile à faire. Mais tu t'en sors bien. C'est dans la ligne et ça tient la route. Ca n'était pas le plus facile à faire !

Yali 08/04/2005 @ 23:04:09
Touché Sib ;-)
Je reviens avec la suite.

Mentor 08/04/2005 @ 23:52:51
On s'y croirait (propos d'un fumeur repenti qui se souviens comme si c'était d'hier le plaisir que ça procure...).
Sinon... pour que ce soit plus ressemblant à du Yali, faudrait enlever 75% des articles...

Kilis 08/04/2005 @ 23:56:18
Vraiment extra, Sib, ce texte!

Killgrieg 09/04/2005 @ 01:48:10
j'aime bien cette gouaille que tu emploies dans certains textes sib (comme dans le n'effrayant) tu as un vrai talent pour ça; ça sonne vraiment bien

Sibylline 09/04/2005 @ 07:56:18
Sinon... pour que ce soit plus ressemblant à du Yali, faudrait enlever 75% des articles...

Je n'ai pas essayé de faire du Yali (pas plus que du Kilis, du Blue ou du Sahkti) j'ai essayé de rebondir à la suite.
Contente que ça vous ait plu. Je n'étais pas trop sûre que celui-là serait bien accueilli.

Lyra will 10/04/2005 @ 14:45:36
Bien aimé Sib, bien aimé le ton, et puis je trouve que ça s'inscrit bien dans la continuité :0)

Page 1 de 1
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier