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Thomasdesmond
avatar 05/04/2005 @ 11:48:38
Ok, je n'ai pas encore réussi à finir ma satanée histoire "le nouvel Ordre"...
Je vous propose en revanche une toute nouvelle histoire, pour moi mon meilleur cru, qui me rassure un peu étant donné que je n'arrivai plus à écrire depuis deux mois...

J'attends vos idées et critiques pour l'améliorer, et si possible une idée de titre, parceque je suis vraiment un gros nul dans cette discipline...

C'est parti kiki


LE LIVRE DU TEMPS

Après deux mille sept cent cinquante-huit années lumières parcourues en sept siècles, cent dix années, trois mois et six jours, l'aéronef spatial de la mission française Beyond Limits pénétra enfin dans l'atmosphère d'une planète tellurique d'allure semblable à celle de notre Terre.
L'équipage humain était composé de trois spationautes. Marie Chartier, astrophysicienne renommée pour son étude de l'oxygène en sachet qui tendit dès 2122 à réduire la mortalité due au manque d'oxygène terrestre. François Galian, champion de la galaxie de rodéo-comète et accessoirement neveu du président de la République. Enfin, Ticky Toliano, charcutier d'origine toulousaine qui ne devait sa présence sur le vaisseau qu'à l'incroyable chance d'avoir gagné au grand loto de la Voie Lactée. Malgré son manque de connaissances en spationautique, il avait su s'attirer la sympathie de ses deux coéquipiers à coups de rillettes et de pieds de cochon faits maison.
Il y avait aussi Zeus, un chimpanzé mâle surdoué qui servait d'émetteur-récepteur à l'ordinateur de bord du vaisseau, lui aussi nommé Zeus. Âgé de deux ans, il était plein d'enthousiasme et de vitalité, et ses facéties permanentes donnaient un peu de couleurs au quotidien de ses trois maîtres. Il s'était pris d'affection pour le maître coq Ticky qui lui préparait de succulentes brochettes de saucisson à l'ail. Mais son attention restait le plus souvent concentrée sur la bonne marche de leur voyage et sur l'analyse des divers galaxies visitées.
Alors que le vaisseau pénétrait les premières couches de la blanche atmosphère, l'ambiance à bord était plutôt électrique. Marie, ne pouvant plus contenir son trop plein d'émotions, s'était lancée dans une démonstration de pas de danse des plus joyeuse. François déclamait d'une voix tremblante d'émotion l'hymne national français, dont les paroles archaïques et guerrières avaient été modifiées en 2054 suite à la signature par toutes les chefs des nations du traité d'abolition de toutes les guerres. Ticky, de son côté, s'était paré d'un étonnant collier d'andouillettes pour amuser Zeus, et il ne lui manquait plus que la chemise à fleurs pour ressembler à un touriste en vadrouille dans les îles. Il avait lâché ses couteaux à découper et battait des mains à s'en faire saigner les paumes. Malgré les efforts de son ami pour le faire rire, le singe restait calme, occupé qu'il était à emmagasiner les milliers d'informations transmises par les capteurs du vaisseau.
Soudain, l'ordinateur de bord se manifesta à travers lui, et une douce voix synthétique se fit entendre à travers les hauts-parleurs nanoscopiques directement implantés dans les pavillons oculaires des trois Français.
– Mise sous orbite magnétosphérique en cours – vitesse de survol Mach 23 – analyses du bio système en cours.
Marie mit fin à sa démonstration de claquettes, le visage rouge et luisant de sueur, avec quelques cheveux fous échappés de son chignon strict.
– Y a-t-il assez d'oxygène pour pouvoir respirer, Zeus ?
– Un peu de patience, répondit le singe.
– Fais vite, nom de chien ! s'écria François.
Ticky s'était saisi de son collier d'andouillettes qu'il faisait tournoyer au-dessus de sa tête comme un lasso.
– Ticky Toliano, on ne joue pas avec la nourriture, héla Zeus sur un ton de reproche.
Surprit, le toulousain éclata de rire et envoya valser son collier graisseux dans un coin de la salle de contrôle.
Un bourdonnement résonna brièvement et une multitude de diagrammes bleutés apparurent sur une des parois du vaisseau. Captivés, le cœur battant, Marie et François déchiffrèrent les informations avec avidité. Ticky, qui ne connaissait rien à tout ce baratin, alla chercher une bouteille de vin rouge dans le frigo à particules pour fêter l'événement (ainsi qu'une canette d'Atom-cola, boisson dont raffolait le jeune chimpanzé).
Marie et François se jetèrent violemment dans les bras l'un de l'autre en poussant des cris de joie. Ticky, soupçonnant une bonne nouvelle, partit d'un grand rire et déboucha avec vigueur la bouteille de Bordeaux 2032 (le meilleur cru du XXIe siècle).
Zeus, les pupilles bouleversées de petits éclairs rouges, annonça avec emphase :
– Oxygène respirable : 99,8% – Eau potable : 95,1%.
Trois salves de hurrahs retentirent. Ticky but la moitié de la bouteille de vin d'un trait et renversa l'autre le long de sa barbe touffue.
– Y a-t-il de la vie, Zeus ? demanda François, à bout de souffle.
– Et des cochons ? ajouta le charcutier, le sourire luisant de liquide brunâtre.
Quelques secondes de silence.
– Vie : affirmatif.
De nouveaux hurrahs furent poussés, plus forts encore que les premiers. L'euphorie gagna tout l'équipage et on déboucha plusieurs bouteilles. Ticky sortit plusieurs poêles et entreprit de griller son collier de saucisses tout en chantant une vieille rengaine d'un ancien poète toulousain.
– D'autres infos, Zeus ?
– Non, Marie Chartier. Un peu de patience.
– On a le temps de casser une croûte, au moins ? demanda le charcutier.
– Oui, nous avons trente-trois minutes avant le prochain bilan.
– Bon ! Aux fourneaux !
L'éclair de feu quitta les yeux du singe qui, ainsi, libéré de sa fonction de récepteur-émetteur, se mit à sautiller dans tous les sens en poussant de petits cris aigus. Enfin, il se calma et aida Ticky à préparer sa tambouille.
François dressa une table de fortune pendant que Marie envoyait un rapport megasonique à destination de la Terre. Quelle fierté se serait pour leurs arrières-arrières-arrières12 petits enfants d'apprendre que leurs aïeux avaient finalement réussi à dénicher une planète abritant une forme vie dans ce vaste univers aride et silencieux.
Un festin rapide mais orgiaque eut lieu, et les trois spationautes durent avoir recours à leur désalcoolisateur pour dissiper les effets du vin, Zeus étant resté fidèle à sa boisson gazeuse et sucrée.
C'est l'esprit néanmoins un peu embrumé que les trois pionniers attendirent de nouvelles informations fournies par l'ordinateur de bord. Enfin, la voix artificielle refit surface à travers les cordes vocales du singe.
– Population humaine : 0,00000000001% – Evolution : homo sapiens – Population animale : 0,00001% – Nature : métazoaires – Embranchements : arthropodes et vertébrés – Classes : crustacés, insectes, myriapodes, arachnides, poissons, batraciens, reptiles, oiseaux et mammifères.
– Hurrah ! tonna Ticky, qui rêvait déjà de troupeaux de ruminants bien charnus et de cochons élevés en plein air.
Marie et François ne partagèrent pas son enthousiasme. Le 0,0000001% de population humaine les alarma.
– Es-tu bien sûr de tes calculs, Zeus ? s'étonna Marie, qui savait très bien au fond d'elle même que l'ordinateur de bord ne pouvait se tromper.
– Sûr à 100%, Marie Chartier.
– Qu'est-ce qui s'passe, Marie ? interrogea Ticky qui était en train d'astiquer ses casseroles de cuisine.
– L'indice de peuplement est extrêmement faible...
– Ce qui veut dire ?
– Ce qui veut dire que cette planète ne doit pas compter plus de... laisse moi compter... une demi-douzaine d'habitants, à peu de choses près.
– Six ? s'écria le charcutier. Il va falloir les dénicher à la loupe !
– A moins qu'ils ne vivent tous au même endroit, suggéra François en se grattant le cuir chevelu d'un air pensif.
– Trêve de tergiversations, coupa Marie, allons voir ça. Zeus, débloque la mise sous orbite magnétosphérique. On va descendre voir de plus près.
– Bien reçu, Marie Chartier.
Le vaisseau plongea avec souplesse dans l'atmosphère, tranchant les épais cumulus, et les trois voyageurs purent enfin découvrir la nature du sol de la planète dont il se rapprochait à une vitesse vertigineuse.
– Analyse du terrain, Zeus, commanda Marie.
Une surprenante vue en trois dimensions de la planète apparut sur la paroi intérieure du vaisseau. La surprise fut de taille pour la scientifique : aucun océan, aucun continent, aucune montagne, aucune ville n'apparut sur le schéma tridimensionnel. Seules deux lignes perpendiculaires étaient mises en évidence : un méridien allant d'un pôle à l'autre, coupé en son centre par un équateur.
Ticky posa son éponge, s'essuya les mains sur son tablier et s'avança.
– C'est quoi ça ?
– Des canaux, répondit François. Droits et réguliers comme des autoroutes. C'est pas croyable...
– Des canaux ?... comme le canal du midi ?
– Hum... si on veut.
– Canaux de cinquante mètres de largeur. Lit profond de trois cents pieds. Contient de l'eau mi-douce mi-saline, ainsi qu'une importante population de poissons et de mollusques. Huit cent trente-neuf espèces recensées...
– Merci Zeus, s'écria Marie avec impatience. Mais fais-nous plutôt un agrandissement polymorphe des points de jonctions de ces deux canaux. Ça m'intrigue...
L'ordinateur obtempéra et afficha deux vues zoomées, l'une baignée de la lumière de l'astre du système planétaire, l'autre plongée dans la pénombre. La face visible fut considérablement agrandie, et une habitation apparut dans un des angles droits du point de jonction des deux canaux,
– Ça, c'est vraiment pas croyable... balbutia François. Une maison ! avec un toit et une cheminée !...
– Et le bétail ? Ya pas de bétail ? s'inquiéta Ticky.
– Là, regardez ! dit Marie.
En effet, dans un rayon de trois hectares autour de l'habitation, fleurissaient quelques sous-bois, quelques cultures hautes et abondantes, ainsi que de belles prairies ou paissaient tranquillement d'étranges mammifères.
– Drôle de bestioles, ma foi ! s'étonna Ticky.
– Zeus, enclenche la procédure d’atterrissage s'il te plaît. À Quarante degrés ouest de la maison.
– Bien reçu. Procédure d'atterrissage activée.
Les freins atomiques se déclenchèrent et la gravité chamboula brutalement l'estomac des quatre membres de l'équipage. Le singe, sous l'emprise de l'ordinateur, ne tiqua pas.
– Allons-nous rendre visite aux indigènes ? questionna-t-il de sa voix synthétique.
– Oui, mon chou ! s'exclama Ticky. Espérons qu'ils nous offrent le gîte, je commence à en avoir par-dessus les bretelles de nos couchettes en plastique !
– Pas de vagues, Ticky, dit Marie. Nous ne savons pas du tout à quoi nous attendre. Restons prudents dans notre approche.
François reboutonna sa combinaison avec élégance et commença à se recoiffer.
– Mes amis, faisons-nous présentables, et donnons une bonne image de notre race !
Ticky remarqua le regard du champion de rodéo braqué sur son tablier taché d'auréoles rouges. Il fit diversion :
– Et si c'étaient d'affreux extraterrestres ? Ou pire, une peuplade de végétariens ?
La plaisanterie amusa François qui lança une combinaison propre au toulousain.
– Mon cher ami gastronome, je pense que vu la maison que ces êtres ont construite, nous avons peu de chance de tomber sur une bande de monstres verts polycéphales dont le plus grand plaisir consisterait à dévorer leur progéniture entre deux tranches de pain...
– Trêve de spéculations, coupa Marie. On se dépêche messieurs, on n’a pas fait des milliards de milliards de kilomètres pour se prendre la tête une fois l'objectif atteint.
– Bien dit, gente dame, jugea François.
Le vaisseau se posa sans difficulté à un kilomètre de l'habitation. Une porte d'acier épaisse de trois mètres cinquante s'ouvrit et laissa passer un peu d'air. De l'air pur ! Les poumons des trois Français se gavèrent de cette denrée succulente et ils descendirent lentement les marches de la passerelle.
Moment historique pour l'humanité.
Marie fut la première à fouler le sol argileux de cette planète porteuse de tant d'espoirs. Elle se mit à marcher d'un pas ferme, le cœur battant. Les deux hommes, plus lourds, eurent plus de mal à se réhabituer à la terre ferme, et Ticky ne put s'empêcher de verser une petite larme. Il était quand même le premier charcutier de l'Histoire à poser le pied sur une autre planète !
À travers les immenses parois de verre du vaisseau, Zeus suivit la progression de ses amis vers la maison. Quand ils eurent atteint le perron, il battit des mains en ricanant avant de retourner s'occuper du contrôle technique de l'appareil, qui en avait bien besoin après tant de kilomètres parcourus à travers le vide intersidéral.

Marie frappa à la porte d'entrée où était gravé un étrange signe en forme de livre. Ils attendirent quelques instants, en silence, mais ne perçurent aucun bruit dans la maison de bois.
– Peut-être qu'ils sont partis en vacances ? dit Ticky.
– Chut ! lui intima Marie.
François peigna sa mèche d'un revers de la main et s'éclaircit la gorge.
Un bruit de pas résonna à l'intérieur.
Instant magique que cette première rencontre avec un être extraterrestre. Les trois spationautes retinrent leur souffle.
– Qui va là ? demanda une voix d'homme peu assurée.
Incroyable ! Cet être parlait le français ! Quelle chance !
Marie avala sa salive et se lança.
– Nous sommes trois voyageurs de la Terre, une planète située à une grande distance de la vôtre et nous... (les mots lui manquèrent)
Derrière la porte, l'homme garda le silence.
– ... de la Terre ?
– Oui, c'est la planète où nous vivons. Elle ressemble beaucoup à la vôtre, sauf que nous sommes des milliards d'êtres humains à vivre dessus...
– ... des milliards ?... souffla l'homme stupéfait.
– On... on n’est pas venu les mains vides ! lança Ticky avec maladresse.
Marie lui décocha un coup de coude dans les cotes et lui intima de se taire. C'était pas le moment de plaisanter.
– Qu'avez-vous apporté ? demanda l'homme invisible.
Ticky jeta un regard triomphal à la physicienne. Tu vois ?
– Des rillettes et du pâté, mon ami ! annonça le charcutier avec fierté. Et faits maison, je veux !
– Des rillettes ?... vous voulez dire... du cochon ?
– Bon Dieu, oui ! tonna le toulousain.
La porte s'ouvrit à la volée. Les trois spationautes firent un bond en arrière et découvrirent un vieil homme aux longs cheveux blancs.
– Qu'avez-vous dit ? interrogea-t-il, ébahi.
Les trois Français se regardèrent.
– Euh... marmonna Ticky. J'ai dit qu'on avait apporté des rillettes... ?
Le vieil homme devint gris.
– Non, pas ça... ce que vous avez dit, après ?...
Ticky ouvrit de grands yeux et se creusa la tête.
– Et bien... je ne sais plus ma foi...
– Bon Dieu... marmonna le vieil homme, vous avez dit Bon Dieu, et il tomba à la renverse, inanimé.
Un cri aigu éclata dans la maisonnée et une femme jaillit de nulle part. Elle se jeta au cou de son mari et porta ses fines mains à son visage. François remarqua qu'elle évitait de les regarder.
– Moltar ! mon homme, réponds-moi ! Moltar ! Ouvre les yeux !
– Bien joué, Ticky ! s'écria Marie qui s'agenouilla pour ranimer le vieil homme.
Elle lui prit le pouls et sourit.
– Ce n'est rien madame, rassurez-vous. Il s'est seulement évanoui.
La femme soupira et osa enfin regarder la physicienne.
– Merci. Vous savez, il n'a plus mille ans, et il n'est pas habitué à tant d'émotions.
Les joues de Moltar reprirent un peu de couleurs et il ouvrit les yeux.
– Qu'est-ce qu'y a ? balbutia-t-il ? Où sont les chèvres ?...
– Calme toi, mon homme, le rassura sa femme d'une voix infiniment douce. Tu as eu une émotion et tu es tombé, comme la dernière fois avec la météorite, tu te souviens ?
– Oui, oui...
Il se redressa sur son séant et fixa les trois voyageurs d'un air pénétrant.
– Vous devez venir de très loin ?
– De très loin ! lui confirma François en souriant. Nous sommes partis depuis plus de sept cents ans...
– Sept cent ans ?... s'écria le vieil homme. Vous ne les faites pas du tout !
Les trois spationautes rirent de concert, ce qui laissa leur interlocuteur perplexe.
– Ne vous méprenez pas, nous avons passé la majeure partie du voyage en hibernation, dit Marie.
– En hibernation ?... Comme des marmottes vous voulez dire ?
– Si on veut.
– Bon ! (il se releva). Marie, va sortir la citronnade, ces voyageurs doivent avoir le gosier sec.
Ils prirent tous place autour d'une épaisse table de chêne et savourèrent cet instant irréel. Les murs de bois étaient tapissés de bibliothèques branlantes couvertes de livres aux tranches jaunâtres.
Marie apporta un plateau garni de rafraîchissements et prit place à la table. Moltar se mit à poser des questions. Des centaines de questions.

Dans le vaisseau, Zeus ne perdit pas son temps. Une fois la révision terminée, il rangea les casseroles de Ticky dans les placards avant de terminer par un brin de ménage. Fatigué, il se glissa sous sa petite couette en coton et s'endormit rapidement en rêvant aux lianes de son enfance. Dehors, la nuit tomba brusquement.

Moltar resservit ses convives et alla chercher une pipe en terre, qu'il alluma à l'aide d'une pierre à feu.
– Donc, vous affirmez que tout ceci est écrit dans... dans cette Bible sacrée ?
– Oui, confirma Marie. Tout se trouve dans l'Ancien et le Nouveau Testament.
Le vieil homme tira quelques bouffées et toussa.
– Cela fait soixante ans qu'il dit qu'il va arrêter, se plaignit Marie.
Perdu dans ses réflexions, Moltar ne sembla pas entendre la remarque.
– Où voulez-vous donc en venir ? demanda François.
Le vieil homme fixa le pilote et soudain son visage s'éclaira. Il bondit vers sa bibliothèque et se mit à chercher un ouvrage.
– Où est-il ? sacré non de non ? Ah ! Cette manie de ne jamais ranger !...
De la poussière ocre voleta dans la pièce au fur et à mesure qu'il remuait les vieux registres et soudain, il poussa un cri de satisfaction.
– Le voilà ! Pas un récent !
Il tira un gros livre de la bibliothèque et reprit place sur sa chaise de bois noueux. Ses joues rondes sans rides se mirent à rougir. Il retourna l'ouvrage et le brandit devant les trois français.
– Tout est là ! dit-il en pointant de l'index le texte calligraphié sur les épaisses pages jaunies.
– Comment ça tout est là ? dit Marie qui ne comprenait pas.
– Mais tout, voyons ! Votre histoire ! Vous ne comprenez donc pas ?
Marie jeta un regard stupéfait à François. Ticky vida son verre de jus de citron et regretta de ne pas avoir apporté une bonne bouteille de rouge.
Impatient, Moltar ouvrit une page au hasard et lut :
– Tenez ! Chapitre 12, verset 4 : l'Âge des grandes demeures : les souverains et les seigneurs de l'époque se feront construire d'immenses demeures fortifiées, avec de grandes tours percées de meurtrières, protégés de l'envahisseur par des remparts et des fossés garnis de pics acérés ! Ça vous dit quelque chose ?
Marie opina lentement du chef, le teint pâle. Moltar tourna les pages à toute vitesse. Chapitre 15, verset 68 : l’Arme absolue : les hommes utiliseront la fission de l'uranium – quel mot étrange, je devais être inspiré ! – comme source d'énergie. Ils mettront ainsi au point la plus terrible de toutes les armes : l’Arme absolue. Ils n'en feront usage que deux fois, avant de se rendre compte que son utilisation entraînait trop de risques... Chapitre 6...
– Assez ! s'écria Marie plus durement qu'elle ne l'avait voulu. C'est bon. Votre livre raconte tout ce qui s'est passé dans notre planète, nous sommes d'accord.
– C'est pas croyable... minauda François d'une voix peu assurée.
– Quand avez-vous écrit ce bouquin ? demanda Marie.
– Oh ! attendez (il tourna les pages et revint au début du livre). C'était il y a environ 10 milliards d'années.
– Mais quel âge avez-vous donc ? s'écria Ticky.
Moltar le fixa sans comprendre.
– Quel âge ?... mais je n'ai pas d'âge mon bon ami !
– Pas d'âge ?...
Le vieil homme tira furieusement sur sa pipe et se redressa brusquement. Sa chaise bascula et heurta le plancher poussiéreux.
– Evidemment, serais-je idiot ! Vous êtes mortels ! C'est ça ? Comment ai-je pu l'oublier ! Après tout, c'est moi qui vous ai crée, non ?
Les trois spationautes gardèrent le silence. C'était trop énorme. Ils avaient fait tout ce chemin pour découvrir que leur existence n'était que le fruit de l'imagination d'un vieil homme échoué sur une planète perdue au milieu de rien. Ils allaient se réveiller, ils étaient peut-être même sûrement encore en hibernation.
– Vous êtes étonnés, mais sachez que je le suis aussi ! Tous ces livres que vous voyez là ne sont que des créations personnelles. Si une de mes histoires a pu dans une autre galaxie créer votre monde, et ce que vous êtes, alors il doit exister des milliers de mondes comportant mes créations !
Il s'emportait et commençait à délirer.
Marie évalua mathématiquement toutes les questions qu'elle devait lui poser et soudain l'éclair de la raison jaillit.
– Vous n'aviez pas prévu notre arrivée.
Moltar tiqua et son visage perdit un peu de sa bonhomie.
– Vous insinuez que...
Il saisit l'ouvrage et chercha le sommaire d'un doigt impatient.
– Chapitre 25, 27, 30... ah ! Chapitre trente-quatre : La découverte du créateur !
Il dressa le livre au-dessus de sa tête avec fierté.
– Si ! Messieurs-dames ! Je l'avais bel et bien écrit. Pardonnez ma mémoire, elle commence à me jouer des tours, avec les milliers d'histoires que j'ai écrites...
Marie se leva brusquement, l'air alarmé.
– Dans votre livre, Dieu, c'est vous si j'ai bien compris ?
– En effet, c'est le nom que je me donne dans mes écrits et...
– Est-ce le seul personnage "réel" dont vous vous êtes inspiré ?...
– ... et bien je...
Marie blêmit. Elle avait compris.
– Dans votre livre, après notre arrivée, qu'est-ce qui se passe ?
Les traits de Moltar se figèrent. Il bégaya quelques mots indistincts et devint rouge.
Le sang de la physicienne ne fit qu'un tour.
– Qui habite la maison sur l'autre point de jonction des deux canaux qui traversent votre planète ? demanda-t-elle précipitamment.
– L'autre maison... le... hésita le vieil homme, gêné. C'est que...
Soudain, un vrombissement titanesque éclata et fit trembler la maison de bois.
– LE VAISSEAU ! s'égosilla François !
– Sacré nom de Dieu ! cria Ticky en bondissant de sa chaise.
Ils sortirent en courant et découvrirent avec horreur leur aéronef qui filait tout droit dans le ciel. Marie poussa un cri d'angoisse.
– Zeus ! s'écria Ticky. Mon petit !...
Derrière eux, Moltar s'avança lentement, les yeux rivés sur le ciel.
– Ils sont partis avec votre appareil. Je l'avais écrit.

L'ordinateur de bord réveilla Zeus.
Intrus à bord – Procédure de décollage non réglementaire – Intrus à bord... répétait avec alarme la voix artificielle.
Tétanisé de peur, le chimpanzé sortit le nez de sous sa chaude couette et aperçut un être étrange, qui n'était ni Ticky, ni François, ni Marie. Il étouffa un petit cri de terreur et s'emmitoufla sous ses oreillers.

FIN

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 12:34:28
J'ose me permettre avec culot sans vergogne et sans honte de le remonter car je crois qu'il est passé plutôt inaperçu...?

Mentor 07/04/2005 @ 13:04:47
Thomasdesmond, c'est toi qui va finir par te faire remonter (les bretelles) par yali (sinon par Tistou) si tu sollicites des critiques sans en faire toi-même... c'est bien vu ici tu sais... je vais te lire, cet après midi

Tistou 07/04/2005 @ 13:08:17
Non, il a eu raison. C'est vrai qu'avec l'avalanche qu'il y a eu il a été noyé.
Cela dit, s'il se manifestait davantage au niveau des autres, c'est vrai ...
(bon, je ne voudrais pas passer pour un père-fouettard!)
Je te lirai sûrement cet AM, Thomas.

Mentor 07/04/2005 @ 13:12:48
Tistou, 4 minutes après que j'avertisse que la maréchaussée allait intervenir... eh! je plaisante. Entretemps j'ai vu que Thomadesmond contribuait pas mal (catalogue). Et aussi que Mentor figurait au catalogue... la gloire! Le début en tout cas, merci Yali.

Kicilou 07/04/2005 @ 13:28:26
Fin?!!!!! Comment ça fin?!!!!

Bon, du calme... D'abord, explication du peu de critiques reçues pour l'instant : au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, nous avons lancé un nouvelle exercice: "A la Une" qui se poursuit en "A la deux" et qui a pour caractéristique principale de ne comporter que 1500 signes... ça nous fait énormément de textes à lire et critiquer et d'un format plus atractif car plus court que le tien. (je me permet d'ailleur de te proposer de venir lire et critiquer ces textes, tu n'es pas le seul à apprécier de recevoir l'avis des autres ;-) )

Bref! ensuite, ton texte! J'ai accroché, vraiment! Je me montais des hypothèses pas possible concernant ce que pouvait bien être cette nouvelle planète. J'ai perdu...
Par contre, je me suis demandé dès le début comment cela se faisait qu'ils avaient pris le temps de sympatiser (donc qu'ils n'étaient pas "congeler") mais qu'ils n'étaient pas vieux, voir morts vu le temps de la "balade"... Bref, les explications sont un peu loin mais elles sont là.
Les personnages sont assez originaux dans leur présentation mais tu y gagnerais peut-être en les décrivant plus moralement et en varian tsuivant le personnage, sa réaction face à l'entrée sur cette planète (que tout le monde ne se contente pas d'un bon geulton fortement arrosé). Le charcutier, le plus décrit, est assez attachant, un brave gars un peu gaffeur mais sans prétention.
Le chimpanzé est original, deux facettes entre le moment où l'ordinateur parle en son nom et le moment où il est maître de ses réactions.

Bon, je pourrais continuer à dire ce que je trouve positif mais ça ne servira à rien si tu persiste dans le fait que ceci est la fin de l'histoire. Là, ça ne va pas du tout!!! On attend vraiment d'en savoir plus sur ce bonhomme qui serait Dieu, sur celui qui a embarqué dans l'astronef, sur ce qu'ont compris les Français...

Ah, aussi, je trouve que la compréhention vient trop vite: Marie explique ce qu'elle a compris si vite qu'on n'a pas le temps de chercher. Et puis, le fait que le vieux parle français, ça, c'est carrément tiré par les cheveux!

BON, voilà une critique que, j'espère, tu comprends comme positive. J'aime vraiment bien ce texte, on accroche bien mais à une condition : maintenant, tu vas aller m'écrire une fin (au moins me garantir qu'il va y avoir une suite) ilico presto!! ;-)

Tistou 07/04/2005 @ 14:02:48
On retrouve là ta belle imagination Thomas. C'est suffisamment bien écrit pour qu'on ne décolle pas les yeux jusqu'au bout. Pas écrit pour la beauté de l'écriture, mais écrit pour raconter une histoire. Et elle n'est pas banale. Mais ça, on le savait avec toi.

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:12:48
Merci Kicilou pour ta critique que je trouve particulièrement pertinente...

Pour les reproches, je vous trouve bien injuste... Ok auparavant je ne critiquai pas trop les textes... Maintenant je le fais dès que possible, et surtout dès qu'un texte me plaît... Si je n'aime vraiment pas, je ne dis rien... N'avez-vous pas vu tous mes messages ???

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:14:05
Merci tistou !!! eh non je n'ai pas une belle écriture ! je suis de la génération Stephen King alors... j'adore la clarté totale personnellement... je ne suis pas un poëte comme vous !!!

Tistou 07/04/2005 @ 14:20:05
Merci tistou !!! eh non je n'ai pas une belle écriture ! je suis de la génération Stephen King alors... j'adore la clarté totale personnellement... je ne suis pas un poëte comme vous !!!

Ah non, je n'ai pas dit que tu n'avais pas une belle écriture! Je fais juste le distingo entre la tendance "raconter une histoire" (tel toi, OMK, ...) et celle "écrire quelque chose (telle Fée Carabine, Bluewitch, ...) et je te passe les catégories intermédiaires!
Quant à Stephen KING, je pense qu'on peut le considérer comme un grand écrivain.
Et c'est vrai, tu fais des efforts pour t'exprimer sur des textes d'autres. Mais dis-moi? Pourquoi ne pas le dire quand tu n'aimes pas. L'indifférence est la pire des choses.

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:24:07
Je ne dis rien parceque ça ne sert qu'à blesser l'auteur. C'est rare qu'un texte soit mauvais, c'est plus une question de goût, donc pourquoi dire que j'ai trouvé ça nul alors que d'autres ont ou vont aimer ?... Je n'aime pas faire de la peine...

Quand à King, oui c'est un grand Ecrivain, mais au niveau de la synthaxe, c'est pas Stendhal quoi...

Tu me classes dans quelle catégorie alors ? Scénario novellisé ?

Tistou 07/04/2005 @ 14:28:33
Je ne dis rien parceque ça ne sert qu'à blesser l'auteur. C'est rare qu'un texte soit mauvais, c'est plus une question de goût, donc pourquoi dire que j'ai trouvé ça nul alors que d'autres ont ou vont aimer ?... Je n'aime pas faire de la peine...

Quand à King, oui c'est un grand Ecrivain, mais au niveau de la synthaxe, c'est pas Stendhal quoi...

Tu me classes dans quelle catégorie alors ? Scénario novellisé ?

Pas Stendhal? N'oublie pas que tu le lis à travers le filtre de la traduction, aussi !
Catégorie? Dans la catégorie (selon Saint Tistou) de ceux qui racontent une histoire. Va lire Olivier Michael Kim (cf le catalogue pour le trouver, en tête de Vos Ecrits), je vous classe dans la même catégorie. Et va lire Fée Carabine, Bluewitch pour l'antithèse.

Kicilou 07/04/2005 @ 14:29:15

Et c'est vrai, tu fais des efforts pour t'exprimer sur des textes d'autres. Mais dis-moi? Pourquoi ne pas le dire quand tu n'aimes pas. L'indifférence est la pire des choses.

Toutes mes excuses aussi alors et pareil que Tistou, tu peux mettre si tu n'as pas apprécier, du moment que tu n'écris pas quelque chose comme "c'est archi nul" mais que tu dis ce qui ne te plais pas trop, ce sont des critiques constructives (au moins pour moi), qui permettent de s'améliorer.

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:32:03
ce qu'il y a, c'est que souvent je n'arrive pas à aller jusqu'au bout des textes qui ne me plaisent pas... surtout les longs, j'ai trop mal aux yeux à lire des longs trucs sur le web, je ne sais pas comment vous faites...

Ok j'essaierai de "tout" critiquer !!!!

Kicilou 07/04/2005 @ 14:34:07
Et tu ne m'as toujours pas répondu : alors c'est la fin ou pas?????? ;-)

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:35:42
Et tu ne m'as toujours pas répondu : alors c'est la fin ou pas?????? ;-)


bah oui c'est la fin.
Pour l'instant....hihihi

Kicilou 07/04/2005 @ 14:40:16
Et tu ne m'as toujours pas répondu : alors c'est la fin ou pas?????? ;-)


bah oui c'est la fin.
Pour l'instant....hihihi

Si c'est pour l'instant alors j'accèpte.
Mais dans ces cas là on ne met pas fin (et on ne fait pas enrager les lecteurs qui s'arrachent les cheveux de frustration (j'exagère un peu, d'accord)) mais on écrit "à suivre" ou "la suite dans le prochain épisode"
;-)))))))

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 14:48:17
Normalement c'est la fin. Pourquoi toujours cette volonté de tout savoir, tout expliquer ???????

Kicilou 07/04/2005 @ 14:55:07
Parce que là, je reste vraiment sur ma faim (et non ma fin), ce n'est pas que je veux tout expliqué, c'est que je veux plus de pistes pour me faire mon interprétation. Je trouve que ça manque un peu de matière pour abandonner le lecteur là, tu as si bien piqué mon intéret, c'est cruel d'arrêter si vite.

Et puis aussi, j'avoue avoir en horreur les histoires qui se finissent en c... queue de poisson... Alors, comme j'aime beaucoup la tienne, j'aimerais qu'elle se termine autrement... Mais bon, il y a peut-être que moi qui pense comme ça alors ne fais pas attention!

Thomasdesmond
avatar 07/04/2005 @ 15:52:12
Je t'enverrai une autre fin par mail !...:D

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