Yali 02/04/2005 @ 18:42:35
         Aux obsèques iront les obséquieux. À côté de Dieu, iront les miséreux.

   Ils sont près de 70 000, les yeux rivés sur des fenêtres, place Saint Pierre, 70 000 prières tendues vers un seul homme, un seul, tandis qu’il se meurt.
   Parmi eux, une petite fille s’inquiète. Qu’a-t-elle fait de son jouet. Sans doute l’a-t-elle perdu quelque part au milieu de la foule.
   C’était un chouette jouet pourtant.

    Nuit catholique, luit cathodique

   Quelque part plus loin, loin, très loin, quelqu’un crie, expire un dernier râle dans un dernier « Mon Dieu », s’effondre et crève.
   Celui-là n’aura pas de sépulture.

    Nuit catholique, lui cathodique

   Un chouette jouet, oui, des pyramides qui s’encastrent les unes les autres pour, au final, tétraèdres assemblés, devenir cube. « Comme la foi » a dit maman, « Comme la foi ».

    Lui catholique, nuit cathodique

   Avant de crever, s’il a crié « Mon Dieu », c’est moins parce qu’il y croyait que par habitude.
   Une main noire, parfum de thé vert à cinq doigts, suspension de chair, fragrances en l’air, tend deux feuilles de compassion et lui clôt les yeux.
   Celui-là sera enterré en fosse commune.

    Luit catholique

   Non, le jouet n’est pas perdu, il est là, dans le sac de maman, chouette !

    Nuit cathodique

   Des jouets, lui n’en a jamais eu. Bien longtemps qu’il a fait une croix dessus, et pourtant, de croix sur sa mort, pas non plus.
   Ce soir, dans la nuit des oubliés, le Bon Dieu a la gueule à pas de chance. Gueule de loterie. C’est ça qu’il s’est dit, avant que d’y passer, avant que de claquer la porte de l’anonymat.
   Mais : travelling, contre-plongée et « Silence. Ça tourne ! »

Lyra will 02/04/2005 @ 18:54:17
Excellent Yali, excellent !!!

Vraiment, c'est dingue, en si peu de signes...

C'est du tout à fait toi, et fond ou forme, j'adhére, oh que oui...

Superbe.

Mentor 02/04/2005 @ 18:54:55
Pure (dure?) leçon d'humanité que ce texte à 2 parallèles entre le mourant cathodique sur-médiatisé et le mort catholique anonyme qui crie Mon Dieu plus par habitude que parce qu'il y croyait!... Voilà encore de quoi faire réfléchir sur le thème de l'égalité des hommes dans la vie et devant la mort. Merci Yali.

Kicilou 02/04/2005 @ 18:55:29
Et encore une oeuvre yali! J'aime tous les assemblages en italique, j'aime les changement de vision, les diverses importances apportées aux choses par chacun, j'aime l'importance que toi tu nous forces à replacer au bon endroit, à rendre à qui de droit... J'aime tout (j'aurais du commencé par ça, ça aurait étét plus vite).
Bon, faut bien chercher une critique aussi : "loterie", on voit que c'est un mot imposé (enfin, je trouve). Mais "suspension", il est tellement bien glissé que je ne l'ai pas remarqué à la première lecture.
Bravo Yali!

Bolcho
avatar 02/04/2005 @ 19:23:13
Je dirais bien ce qu'a dit Mentor, mais il l'a si bien fait.
Magnifique ce :
"Une main noire, parfum de thé vert à cinq doigts, suspension de chair, fragrances en l’air, tend deux feuilles de compassion et lui clôt les yeux."
Même si je ne comprends pas tout n'étant pas du sérail, mais j'imagine.
Bravo Yali

Kilis 02/04/2005 @ 19:33:38
C'est un texte. C'est une écriture. C'est un regard. Et ce regard force le nôtre à voir.

Kilis 02/04/2005 @ 21:32:48
Et, j'ai oublié de dire: ton titre est génial:

"Aux obsèques iront les obséquieux. À côté de Dieu, iront les miséreux."

Tistou 03/04/2005 @ 10:08:52
Beau et contruction sophistiquée, certainement, mais j'ai eu un peu de mal à tout remettre à l'endroit quand même. Le format très court des 1500 ne facilite pas l'imbrication de destins croisés ou parallèles. C'est du funambilisme! Pour le reste, c'est toujours aussi reconnaissable. Et le titre!

Nothingman

avatar 03/04/2005 @ 10:54:37
Moi, je l'avoue tout net, jai parfois du mal avec les constructions alambiquées de l'ami Yali. Mais ici, j'accroche totalement. Tout y est : style, recherche, réflexion, joie d'écrire (çà se sent). Parfaitement en accord avec l'actualité du moment. Que demande le peuple?

Bluewitch
avatar 03/04/2005 @ 11:37:46
C'est dur, noir et troublant, ton texte. Tu ne nous as pas habitués à tant de noirceur mais bien la preuve que tu y touches autant et à merveille. Ton texte est extrêmement bien construit, intelligemment construit, avec son lot de mots et phrases flashs. Le titre est parfait.
Vraiment, Yali, je suis sans voix.

Krystelle 03/04/2005 @ 16:12:30
J'aime quand l'écriture deviennt une arme, lorsqu'elle n'est plus seulement belle... C'est pour cette raison même que j'aime ce texte.

Sahkti
avatar 03/04/2005 @ 18:45:45
J'aime l'ironie et le fatalisme qui se dégagent de ce texte. Beaucoup de vérités dans tout ça mais je dois avouer avoir été un peu gênée par le format dans le cas présent, trop court ou trop long, je ne sais. Comme si ça empêchait de vraiment aller au fond des choses ou au contraire, comme si une ou deux phrases pouvaient être supprimées dans souci.
Sinon, comme souvent avec Yali, j'aime beaucoup la sensibilité qu'il a placée dans son texte, mélange d'intimité et de distance, la dose parfaite.

Zou 04/04/2005 @ 19:47:08
Yali, personnellement, j'ai préféré ton texte "entrainement" plus intimiste mais bien évidemment, objectivement, l'on ne peut les mettre sur le même pied. Celui-ci est évidemment plus porteur et plus consistant.
Mais trop dur, trop sec à mon goût.
Mais c'est peut-être mon ras-le-bol d'avoir été informée des semaines durant de l'état de santé du Pape alors que pour moi c'était de l'insignifiant à côté de toutes les douleurs humaines silencieuses, elles, qui me rend plus imperméable au sujet. Et là on se rejoint.

Acie 04/04/2005 @ 22:05:49
je suis du même avis, trop de médiatisation de gens qui ne sont pas plus beaux que ceux du petit peuple, voire moins

Yali 04/04/2005 @ 23:51:43
je suis du même avis, trop de médiatisation de gens qui ne sont pas plus beaux que ceux du petit peuple, voire moins

Si c'est en réponse au texte, je raccroche l'écriture au vestiaire, là, de suite.

Mentor 04/04/2005 @ 23:59:34
Tu ne vas pas faire ça Yali, cool! Il doit y avoir une explication!

Fee carabine 05/04/2005 @ 01:39:52
Beaucoup d'humanité dans ce texte, entre la mort du Puissant et celle du Misérable, et la petite fille qui s'inquiète de son jouet - inquiétude d'enfance...
Yali, tu ne vas tout de même pas raccrocher tes gants d'écrivain au vestiaire après un texte pareil!

Et pour le commentaire d'Acie, ne s'agit-il pas d'une réponse au commentaire de Zou?

Tistou 05/04/2005 @ 07:28:16
Et pour le commentaire d'Acie, ne s'agit-il pas d'une réponse au commentaire de Zou?

Ben oui, évidemment!

Tistou 05/04/2005 @ 23:42:02
Une idée comme ça. On reprend comme ça vient un "A la une" et on le poursuit. Librement. Je viens de le faire après le poulet de Balamento.
Le nombre de signes on s'en fout un peu.

Charles 06/04/2005 @ 09:50:30
Je me permets de te mettre le même avis qu'à Bolcho :-)))) :

c'est toujours plus facile de dire quelques mots sur un texte qui ne nous a pas totalement plu. A l'inverse, pour exprimer que l'on aime, les adjectifs manquent rapidement...

Après avoir lu déjà 4 textes très réussis, BlueWitch, Fée Carabine, Bolcho puis maitenant toi ... je ne sais plus trop quoi dire, à part :

bravo ! comme à l'habitude ....

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je vais aller m'acheter un dictionnaire des synonymes pour pouvoir dire j'aime bien, c'est réussi ... avec d'autres variantes.. :-)

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