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Forums  :  Vos écrits  :  MM3: Episode 5

Sahkti
avatar 26/02/2005 @ 15:15:06
Andrea contemple le plafond de la chambre, il ne veut pas affronter le regard de sa compagne, les disputes l'ont toujours épuisé.
En proie à la colère et au chagrin, Pelagia se dit qu'il est temps pour elle de régler cette histoire et d'affronter les yeux dans les yeux cette rivale qui n'éprouve aucune difficulté à séduire son amant. Sans un mot, elle quitte l'appartement et prend la direction de la ville, elle a besoin de se ressourcer et pour cela, rien de tel qu'un bain de foule. La Piazza Navona doit être noire de monde à cette heure. Contempler la Fontaine des Quatre Fleuves lui donnera l'inspiration. Depuis toujours, sans qu'elle sache pourquoi, la vision d'une eau en mouvement fait naître en elle les idées les plus folles, c'est le moment de mettre ce don à profit.

Le bruit de la porte qui se referme fait bondir Andrea hors du lit, il est fébrile, tourne dans tous les sens, arpente sans fin le grand salon baigné par un chaud soleil de fin de journée. Nerveux, l'homme se sert un verre de vin, marmonne des formules incompréhensibles. On le devine au bord de la crise de nerfs, il trépigne, bouscule une plante verte, heurte maladroitement la table basse avant de se laisser tomber lourdement dans le canapé. Il se prend la tête entre les mains, réfléchit longuement, semble implorer un être invisible puis se lève, tourne à nouveau en rond avant de se diriger d'un pas décidé vers la porte d'entrée et de la fermer à double tour. Revenu au salon, il tire les rideaux, le voilà seul et en sécurité. Il ouvre un tiroir, fouille au milieu d'un tas de papiers disparates, extrait un petit carnet vert, l'ouvre et le referme, avant de le ranger. Le bar est à sa portée, il examine les bouteilles curieusement les unes après les autres, les repose avec fracas.
Tout en maugréant, il se rend dans la petite chambre du fond, inutilisée jusqu'à présent, même pas une chambre d'amis. Une chambre d'enfant, un jour, peut-être… Quoique… tout cela lui semble désormais dangereusement compromis. La pièce est encombrée de vieux meubles, de cartons pas déballés et de quelques peintures à accrocher. Sans un mot, Andrea pousse une petite commode en acajou, dénichée aux puces il y a très longtemps et qu'il se promet depuis lors de restaurer mais le temps passe et repasse… Caressant le dos du meuble du revers de la main, il effleure ce qu'il avait jadis apposé contre le bois, un grand carré de toile durcie protégeant un autre objet. Avec précaution, il le retire, puis il repousse la commode avant de quitter la pièce, refermant lentement la porte. Son souffle court est perceptible, les battements de son cœur font concurrence au silence.

Andrea retourne au salon, une toile roulée dans une main et une enveloppe dans l'autre. Il retrouve le canapé, pose son butin sur la table, hésite avant de le contempler puis l'étale devant lui.
Le contenu de l'enveloppe le fait tressaillir, il lit et relit le morceau de papier gribouillé avant de le chiffonner et le glisser dans sa poche. Il déroule alors la toile…
Le portrait n'a pas changé, la peinture est à peine écaillée, un léger voile terne peut-être… le visage peint lui fait face, le regard l'hypnotise comme au premier jour. Ces yeux…d'une telle intensité, colorés d'un vert si brillant qui semble avoir été créé par des dieux. Les yeux de Pelagia l'ont toujours fasciné. Leur douceur et leur force le rendent fou.
Pelagia… Sans doute sa plus belle création. A son image, belle et puissante. Avec le tempérament qui lui convient. Il ne pouvait espérer pareille réussite. Il a pourtant peint d'autres tableaux, donné vie à d'autres femmes, aucune n'a jamais rencontré ses attentes. Jusqu'au jour où Pelagia a pris vie par la force de ses incantations. Elle partage désormais son quotidien, le surprenant par les sentiments qu'elle fait naître en lui.
Et la voilà qui aujourd'hui lui file entre les doigts. Par sa faute! Il doit faire quelque chose. Retravailler le tableau pour lui rendre force suffirait-t-il? Andrea sait que cela est impossible, toute modification doit être apportée au sujet vivant et pas à son ébauche, il a déjà expérimenté la chose par le passé, essuyant chaque fois un cuisant échec.

Absorbé par ses réflexions, Andrea se lève et se remet à arpenter la pièce. Depuis qu'il a brisé la magie avec Pelagia pendant leur froissement de draps, il se pose des questions. Comment se fait-il que l'apparition d'une inconnue, toute belle soit-elle, puisse ainsi lui faire oublier sa compagne idéale et lui chambouler les sens? Quelle est cette force qui se dégage d'elle et qui le laisse sans voix?
Il sent bien, aussi, que Pelagia n'est plus la même, que quelque chose la tourmente. A quoi peut-elle bien penser?
Quelque chose lui échappe, cette créature l'intrigue et il veut en avoir le cœur net.
Retournant à pas rapides dans la petite chambre, Andrea extirpe une petite valise du fond d'une garde-robe, il en extrait trois photographies qu'il examine longuement…

Percute 26/02/2005 @ 15:39:43
Belle suite, avec des réflexions intéressantes ; et bien écrit !
Bonne idée la révélation du tableau, mais j'ai un petit reproche à faire : on a appris, je ne sais plus dans quel épisode (le 3e ?), que Andrea n'aimait pas l'art ...

Killgrieg 26/02/2005 @ 18:09:18
je le savais, je le savais! Sahkti, bravo!

Tu as un vrai talent de conteuse. Tes phrases nous emportent, ton art m'a conquis...
Sans doute attirée par Rome, tu nous entraînes de nouveau dans la ville avec pelagia et tu quittes l'interiorité impressioniste de Kilis pour retrouver le rythme des trois mm précédents.
Retour sur Andréa, la fièvre est là, palpable, fièvre créatrice... Je trépigne.
Et là, bonheur suprême... Pygmalion... la magie reprend ses droits; Andréa n'est plus victime ou salaud, il rejoint le trio... Là! je jubile.

Percute n'a pas tort, mais tant pis!

ton style m'a séduit, de très belles formules... Rien à dire.

Ah si peut-être, au début du deuxième paragraphe: "on le devine au bord de la crise...". J'aime pas on! ça m'interpelle et j'ai besoin de m'oublier quand je lis.

Alors, maintenant on fait quoi; la sainte contre le Golem, pygmalion contre lucifer???

Killgrieg 26/02/2005 @ 18:20:34
PS: Tessanie est en vacances jusqu'à lundi.
Tistou, après le match bien sûr :-), tu pourrais peut-être prendre la suite? Juste histoire de garder un certain rythme au mm

Saint Jean-Baptiste 26/02/2005 @ 18:22:33
Beaucoup d'imagination dans cet épisode ; et beaucoup de portes ouvertes sur des mystères à négocier par les suivants : le petit carnet vert, l'enveloppe, les incantations d'Andréa qui donnent la vie, les trois photos, et puis comment Pélagia, qu'on croyait si tendre, va-t-elle régler le sort de sa rivale ?
Re-suspens !
Mais Andréa m'a un peu déçu, en fin d'après midi, ce n'est pas l'heure de boire du vin, d'autant plus que son bar est plein de bouteilles ! ;-))

Lyra will 26/02/2005 @ 18:26:10
Excellent Sahkti, très bonne idée, vraiment, ça prend encore un tournant différent.
Je n'aurais jamais pensé à ça, Andréa peintre et incantationniste (bah quoi, ça ne se dit pas comme ça ?!)
Du coup je ne vois plus Pelagia de la même manière, mais j'aime beaucoup ce que tu as fait, c'est un bon épisode.
Une belle écriture, et de l'imagination avec ça...

Sahkti
avatar 26/02/2005 @ 18:41:14
Pour Percute et Killgrieg, on ne peut pas vraiment dire qu'Andrea se soit transformé en amateur d'art dans mon texte. Il a peint un portrait auquel il a donné vie, pour des raisons déterminées et encore à venir, c'est tout à fait autre chose.

Killgrieg 26/02/2005 @ 18:42:51
ok! range le fouet :-)

Sahkti
avatar 26/02/2005 @ 18:43:28
Mais Andréa m'a un peu déçu, en fin d'après midi, ce n'est pas l'heure de boire du vin, d'autant plus que son bar est plein de bouteilles ! ;-))


J'ai dû faire un transfert SJB! :))) En fin de journée, le vin moelleux ou la Guinness rencontrent mes préférences mais faire boire de l'irlandaise à Andrea, je n'aurais pas osé! ;o)

Sahkti
avatar 26/02/2005 @ 18:44:23
ok! range le fouet :-)


Sois content, au départ je voulais tuer tout le monde :))

Killgrieg 26/02/2005 @ 18:59:25
ok! range le fouet :-)


Sois content, au départ je voulais tuer tout le monde :))

même pas peur! deux, trois coups de pinceau et on te réssuscitait tout ça

Kicilou 26/02/2005 @ 19:52:16
Pygmalion m'est venu aussi en lisant cet épisode. L'écriture est belle, l'ambiance est toujours là mais j'avoue que je ne voyais pas Pélagia comme une création. Je la voyais elle-même comme un personnage fort et symbolique, une nouvelle Eve peut-être... mais pas le jouet fabriqué de toute pièce par un homme. Mais ayant déjà avoué mon ignorance concernant toute cette culture je m'étais peut-être fourvoyée.
A part ce point de détail, l'écriture est très fluide, et l'évolution d'Andréa m'interresse au plus au point! Un homme qui peut, quand il se sent moins attiré par sa maîtresse, la modifier jusqu'à ce quelle lui paraisse à nouveau parfaite... voilà qui doit en faire rêver plus d'un! C'est tellement plus simple de vouloir changer l'autre plutôt que de se remettre en question! ;-)

Et MM3 continue son envolé!

Sibylline 26/02/2005 @ 20:57:38
J’aime bien, d’entrée de jeu « les disputes l’ont toujours épuisé », il est fort Andréa, c’est pas plus facile comme ça ?
La scène suivante nous rappelle que notre Roméo est bien un Italien, je l’imagine en train d’arpenter le salon en faisant de grands gestes, peut-être même en s’arrachant les cheveux.
Quant à sa création, j'ai un peu tiqué sur "toute modification doit être apportée au sujet vivant et pas à son ébauche, " ... Donc, s'il voulait changer la couleur des yeux par exmple... Ca fait peur.
Mais qu'y avait-il dans cette enveloppe? Qu'y avait-il sur les photos? Beaucoup de pistes ouvertes.
J'ai trouvé un peu hypocrite ensuite le "Il sent bien, aussi, que Pelagia n'est plus la même, que quelque chose la tourmente." Ben oui mais, vu la scène pudiquement nommée "des draps froissés" il a peut-être tort de s'étonner, non?
Bon épisode donc, l'ensemble est bien écrit et permet de nombreux développements. Nous verrons bien ce qui va en sortir.

Killgrieg 26/02/2005 @ 21:08:00
je lance le "comité de défense d'Andréa" qui, je le rappelle encore, n'est qu'une victime, victime des femmes et de leurs charmes, comme nous l'avons tous été un jour, comme nous le sommes tous toujours

Saint Jean-Baptiste 26/02/2005 @ 22:33:36
Bravo Killgrieg, c'est la bonne initative de la semaine, j'adhère !

Bluewitch
avatar 26/02/2005 @ 22:57:25
Il s'en passe des choses, dans cet épisode 5!

J'aime beaucoup cette situation où tu places Andrea face à ses démons, "seul dans la tourmente". Où l'on découvre que lui aussi a des secrets, et qu'il n'est pas si victime que ça (Non, non, Killgrieg, je ne signe pas la pétition! ;o)).

Une narration claire, qui est tout au service de cette atmosphère d'anxiété, de questionnement et de mystère.

Le seul bémol que je retiens est la manière dont tu écartes Pelagia de la scène. Je n'ai pas trop accroché à ce premier paragraphe. L'idée du bain de foule pour réfléchir et trouver l'inspiration... Je ne sais pas, un peu la sensation que tu voulais nous laisser seuls avec Andrea coûte que coûte et qu'il fallait bien en faire quelque chose, de cette petite!

Sinon, rien à redire, bravo!

Tistooouuu?????

Killgrieg 26/02/2005 @ 23:37:50
je ne signe pas la pétition! ;o)).

bluewitch, femme et sorcière, tu m'étonnes :o))
m'en fous SJB est avec moi sur le CDDA
Je ne sais pas, un peu la sensation que tu voulais nous laisser seuls avec Andrea coûte que coûte et qu'il fallait bien en faire quelque chose, de cette petite

peut-être sahkti aussi :-)))

Yali 27/02/2005 @ 09:50:25
Réussi Sahkti,
de bien belles pistes s'ouvrant autour d'un Andrea qui prend de l'épaisseur.
Je ronge mon frein !

Kilis 27/02/2005 @ 11:56:16
Un régal cet épisode Sahkti! Tu t'y entends à concocter des intrigues. Belle trouvaille, inattendue: Andrea montre son vrai visage, se détachant du genre humain comme les trois autres. Mais qui sait qui est qui? Quel mic mac!

Sahkti
avatar 27/02/2005 @ 13:43:12
Non non Killgrieg, pas de CDDA pour moi, plutôt un CDEA (comité d'exploitation d'Andrea) :)

Merci pour vos commentaires.
Bluewitch, tu as bien saisi mon idée de vouloir faire partir Pelagia sans la mettre brutalement à la porte mais bon, elle devait nous laisser tranquilles dans l'épisode... :)

Ce qui m'a inspiré dans le personnage d'Andrea, c'est que dès le départ, ce type m'est apparu bien mou, alors que Pelagia dégage tellement de force sous son apparente fragilité. Il y avait là un déséquilibre frappant.
J'avais aussi envie de lancer une ou des actions mais mon souci était de ne pas briser le beau rythme introduit par les quatre premier, surtout l'intimisme de Kilis. Il fallait donc trouver un compromis et sur ce coup, l'aide de mon "double" à la relecture a été bien précieuse, il a l'art d'atténuer mon côté "dense et rendre-dedans" :)

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