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Forums  :  Vos écrits  :  MM2 : épisode 22

Kicilou 31/12/2004 @ 17:47:03
L'antique DS filait aussi vite qu'il le lui était possible, c'est à dire pas bien rapidement mais bizarrement ce n'était pas ma préoccupation première. Bercé par les marmonnements de Prauvice (et & d'après le dit Prauvice) et les ronflements on ne peut moins gracieux de Charlotte, je laissais mon esprit vagabonder au rythme des cahots de la route (c'est vous dire à quel point je passais du coq à l'âne!). J'étais en pilotage automatique sauf que ce n'était pas vraiment le type d'option que l'on peut trouver sur ce genre de bijou. Ma préoccupation du moment était Bébé Sélim : qu'est-ce que j'allais bien pouvoir en faire si l'ascenseur ne pouvait être réparé ? Changer les couches de mes futurs amants n'était pas vraiment dans mes habitudes... D'un autre côté, si l'ascenseur était remis en état de marche, les possibilités seraient... innombrables! Je pourrais choisir l'âge que je souhaite avoir en fonction des hommes que je rencontrerai, je pourrais avoir éternellement 28 ans, je pourrais rajeunir des personnes âgées qui me sont chères (ma grand-mère par exemple, elle le mérite bien!), je pourrais, je pourrais... Bah mince alors! C'est presque la vie éternelle que je pouvais viser là !
-- Honk honk!!!!
Le coup de klaxon impérieux d'un semi-remorque me ramena brutalement à la réalité, juste à temps pour je me rendes compte que j'avais adopté la conduite anglaise ce qui n'était pas du tout du goût de mon imposant vis-à-vis. Un brusque coup de volant enchaîné sur un freinage en catastrophe et un virage serré à droite eurent raison de l'adhérence de la DS qui partit dans un splendide tête à queue.
Quelques secondes après, je tentais de dégager Charlotte qui, n'ayant pas mis sa ceinture, avait été brutalement tirée de son sommeil pour se retrouver sur mes genoux, un bras coincé dans le volant et une jambe dans le levier de vitesse. Prauvice de son côté hurlait comme un goret, que j'allais le tuer et, plus grave encore, que je risquais de blesser &, que j'étais inconsciente, qu'ils n'auraient jamais dû quitter la sécurité du manoir et que j'allais immédiatement les ramener ainsi que leur chère voiture !
Bon jusque là, j'ai été compréhensive mais avec moi, il vaut mieux savoir qu'il y a des limites à ne pas dépasser sous peine de réveiller ma version "Black Lu7", qui, soit dit en passant, est tout à fait ignoble.
-- Monsieur Prauvice, je ne vous ai pas dit que je vous prenais pour un vieil illuminé, complètement ravagé, mais c'est juste parce que j'ai pu constaté par moi-même les "pouvoirs" de votre ascenseur ! Mais le coup du frangin ectoplasmique, on ne me le fait pas à moi ! Dites-moi que vous êtes schizophrène, que la solitude vous a court-circuité quelques neurones ou simplement que vous vous êtes inventé un petit copain imaginaire (et ce n'est pas une honte, je l'ai déjà fait, j'avais 4 ans), mais arrêtez de me prendre la tête avec votre Prauvice numéro 2 !
Le silence qui suivit ma petite déclaration était un de ces silences bien épais et bien glacial qui vous fait regretter de ne pas avoir tourné sept fois la langue dans votre bouche avant de parler. Même Charlotte avait arrêté de se démener pourtant Dieu sait combien sa position était inconfortable.
-- Monsieur Prauvice numéro 2, comme vous vous plaisez à le surnommer, existe, a existé et existera peut-être : il est, était ou sera mon frère jumeau. Nous sommes les inventeurs de l'ascenseur temporel et il en fut la première victime. Cette machine révolutionnaire qui devait assurer notre richesse, notre gloire ou notre pouvoir fut créée il y a 18 ans à partir de l'ascenseur de l'hôtel particulier où nous habitions. Cet ascenseur était en panne et, avec mon frère, nous travaillions simplement à sa remise en service : cela faisait parti des aménagements indispensables avant d'envisager de vendre le bâtiment pour en faire un immeuble. Il s'agissait d'une réparation de bout de ficelle, car nos moyens ne nous permettaient pas, alors, de grand travaux. Je me souviens même que nous recollions certaines pièces avec de vieux chewing-gums. Quand mon frère l'a inauguré, je le suivais en courrant dans les escaliers. Il a voulu monter au cinquième... Au premier il paraissait en grande forme, au second, il avait l'air d'un adolescent, au troisième, il nageait dans ses vêtements, au quatrième, il ne savait plus se tenir debout, et au cinquième il avait disparu. Il m'a fallu une semaine pour réaliser ce qui s'était passé et un an pour déterminer les composants essentiels au processus (certains vous étonneraient). En trois ans je maîtrisais le voyage dans le temps et je l'ai testé, de toutes les façons possibles. Je voulais faire revenir mon jumeau. J'ai programmé un bond dans le temps de 60 ans en arrière avec, dans la foulée, un retour au présent. J'y ai mis un chat, il en est revenu. Alors j'ai testé cela sur moi. J’ai survécu également mais l'expérience avait été... éprouvante : disparaître puis renaître du néant, je ne le souhaite à personne. Mais comme, physiquement parlant, ma création coïncide avec celle de mon frère, j'espérais l'avoir ramené aussi. En quelque sorte, cela fut le cas. Je pense avoir ramené l'âme de mon jumeau mais sans enveloppe charnelle il ne peut communiquer ou être vu. Simplement, moi, je sais qu'il est près de moi, je le sens. Vous pourrez me dire que je suis fou, que je vis avec le souvenir d'un disparu mais moi je sais qu'il est là. Si vous ne me croyez pas, cela m'est complètement égal. Pour finir, comprenant que je ne pourrais faire mieux, j'ai vendu l'immeuble à un jeune ami qui m'avait aidé dans mes recherches. Il s'appelle Nicéphore, s'il n'a pas abusé de cet ascenseur, il doit avoir à peine 35 ans. Voilà mademoiselle, l’histoire de l’ectoplasmique Prauvice numéro 2 comme vous dites ! Continuer à croire qu’il n’y a rien à côté de moi, c’est physiquement vrai, mais vous n’avez certainement pas de jumelle, donc vous ne pouvez comprendre comment je peux être sûr de la présence de mon frère à mes côtés.
-- …
Ce coup-ci j’aurais carrément du me mordre bien fort la langue au lieu de parler et ce n’était pas Charlotte, qui ne mouchait dans mon pull, qui allait me contredire…

Kilis 31/12/2004 @ 18:02:50
Kicilou,
c'est un régal pour fins gourmets que tu nous a mitonné là!

En espérant que d'aucuns développeront la version "Black Lu7"!

Saint Jean-Baptiste 31/12/2004 @ 18:51:59
Les écrivains se mettent toujours dans la peau de leur personnage. Même malgré eux !
Maintenant, on peut bien t'imaginer ;-) Tu dois être très bien en "Black Lu7" !! ;-)
Mais y'a pas à dire, tu fais le poids ! Bravo !

Sibylline 02/01/2005 @ 09:45:23
Black Lu7 ne fait qu'un passage éclair ici et retourne tout de suite se mordre la langue. Elle nous avait déjà fait des petites poussées comme ça. Une "sanguine", la Lu7, mais ça retombe vite.
Merci Kicilou pour cet épisode. On a enfin compris avec qui Prauvice parlait et tout cela colle parfaitement avec les éléments qu'on avait déjà. Tiens! On retrouve du chewing-gum, comme avec les soeurs Noël. Le chewing-gum serait-il l'élément de base de l'ascenseur temporel? On verra bien. Je vais essayer de poursuivre sur ta lancée, à moins que je ne retourne rue Sous-l'Eau voir ce qu'ils deviennent tous, là-bas. Réponse ce soir.

Yali 02/01/2005 @ 11:28:23
Joli, quelle belle réception Kicilou, et dans la rigueur encore, et avec des mots qui s’enchaînent drôlement bien. Au poil !!!

Lyra will 02/01/2005 @ 12:12:03
Oui, Bravo, j'ai vraiment bien aimé, tout s'enchaine, tout tient la route, c'est bien écrit et ça fait plaisir à lire, merci Kicilou :0)

Bluewitch
avatar 02/01/2005 @ 12:19:02
Oui, j'aime l'enchaînement d'idées et d'événements. Mr & mis en lumière, l'histoire qui devient un peu mythe.
Pas à dire, il y avait de quoi se mettre sous la dent!

Kicilou 03/01/2005 @ 09:22:59
Merci, merci, merci, merci, merci, merci et merci! (un par personne, j'ai compté! ;-)) Y a pas à dire, le plus agréable, après l'écriture, c'est les compliments! :-)

Tistou 03/01/2005 @ 11:28:23
Où la famille Prauvice compte ses déboires.
On n'en finit pas des surprises. J'ai bien aimé ton épisode. Je regretterais juste que le passage consacré à la sortie de route manque d'intensité.

Provis

avatar 03/01/2005 @ 18:26:24
Kicilou, tu peux remettre un merci de plus, stp ?? ..:-) .. Bravo, bien écrit, et le récit avance.. Pauvre Prauvis..

Kicilou 03/01/2005 @ 20:57:48
Merci, merci ! ;-)

Sahkti
avatar 04/01/2005 @ 23:50:50
Mieux vaut tard que jamais, je lis ton épisode maintenant.
Revoilà Lucette la teigne! :) Bon, j'exagère mais revoilà la lucette mordante que Yali avait un peu atomisée, je la préfère comme ça! Tu lui donnes beaucoup de vie et de caractère, elle prend de la consistance sous l'effet de ses colères.
Les explications de Prauvice sont instructives et permettent d'envisager diverses suites, c'est bien vu.
Le style est fluide et agréable, ça se lit sans problèmes.
Juste que j'ai noté deux petites "ruptures" pas gravissimes:
- le jumeau n'est pas là, il ne s'exprime pas alors que Yali les faisait parler ensemble
- Nicéphore est ressenti ici comme un ami lointain que Prauvice aurait un peu perdu de vue alors qu'il y a "quelques heures", ils dissertaient fébrilement au téléphone à la recherche d'une solution.

Benoit
avatar 12/01/2005 @ 18:27:53
Ub bon épisode qui se lit sans déplaisir!! Je regrette juste l'humour du début qui n'a pas eu d'effet sur mes zygomatiques... Mais le reste est impec!! On avance!!

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