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Forums  :  Vos écrits  :  MM2 : Épisode 3

Yali 14/11/2004 @ 18:29:59
   Esther s’étira comme un chat, rejeta les draps au bas du lit, s’assit, s’étira encore, bailla, puis, dans un geste mû par des siècles de féminité, rassembla son épaisse chevelure rousse en chignon et y planta un crayon qui traînait là, sur la table de chevet.
   Café !
   Café et puis… Et puis on verrait bien, rien ne pressait.
   Allant à la cuisine, la glace de l’armoire la happa. Elle se laissa faire, s’y attarda quelques instants pour s’y mirer, s’y admirer, détailler ce corps longitudinal, son « Fond de commerce » comme elle aimait à dire pour faire rire.
   Éh, fallait reconnaître que le fond était en forme, ici une chute de reins interminable, cambrée à souhait et rebondissante sur fesses galbées, là un ventre plat sur taille étroite, plus haut, des seins en poire, ni trop ni trop peu, et puis des jambes qui n’en finissaient pas de finir, et qui… qui…
   Qu’il faudrait épiler avant la représentation de ce soir !
   Ben voilà une occupation, un objectif à la hauteur de son courage.
   Elle se fit un sourire accompagné d’un clin d’œil complice avant que d’ouvrir l’armoire pour y prendre un kimono de soie qu’elle enfila sans prendre la peine de le nouer.
   Café donc…
   Les cafetières Italiennes y’a rien de plus pratique, rien de plus efficace pour embaumer son chez-soi, ça vous distille de la bonne humeur caféine au petit matin, fragrances torréfiées, odeurs de paradis lointains. Mêlées à celles du pain grillé, celle de la marmelade d’oranges, c’est du pur bonheur à tartiner. Et c’est à peu prés ce à quoi pensait Esther, à ces petits riens qui font que sans trop savoir pourquoi on se sent bien, heureueuse d’être là, heureuse d’observer unpeau d’orange surnager dans son bol, tout simplement. Tant qu’on l’a pas aux fesses hein, se disait-elle, lorsque de la rue s’éleva un crissement de pneus suivi presque immédiatement d’un concert de klaxons s’unissant à contrecœur.
   Esther haussa les épaules — jolies les épaules, très —, parce que du monde, de la rue, pour l’instant elle s’en foutait. Elle ignora donc le monde, la rue est son concert, et débarrassa la table en chantonnant un air à la mode : Je suis pendu à cet espoir que vous m'avez soldé. Je suis presque sûr l'autre soir c'est moi que vous avez regardé. Je suis pendu par les pieds, tout rouge et le souffle coupé, à chaque fois que le hasard me dépose devant votre nez. Je suis pendu à la cravate dans mon costume croque-macabée. Il parait que vous faiblissez devant les hommes bien habillés…
   C’était vrai, Esther faiblissait devant les hommes bien habillés !
   Elle remplit l’évier et y plongea son bol qu’elle lava comme si elle faisait autre chose, comme si elle pensait à…
   Enfin bien habillé, y’avait des limites quand même. Le dernier homme qui lui plaisait, et pas qu’un peu, bien obligé de l’avouer, se trimballait dans un costard qu’elle imaginait même pas que ça existait encore et portait un chapeau parfaitement ridicule !
   Oui ridicule !
   Je suis tendu c'est aujourd'hui que je viens vous offrir ma vie, peut-être oserais-je parler à quelqu'un d'autre qu'à mes pieds.
   Si seulement c’était vrai…
   C’est quand le bonheur, c’est quand le bonheur, c’est quand le bonheur…*
   Le vrai, le plein, l’entier…
   Elle rinça son bol, sa petite cuillère à grande eau et ferma le robinet à fond pour qu’il ne goutte à goutte point, car c’était là son habitude que de goutte-à-goutter de trop, puis, elle vida l’évier en observant le remous, l’eau s’enfuyant dans un tourbillon. Paraîtrait que de l’autre côté de la terre, le tourbillon était inverse…Paraîtrait même que la lune avait la tête en bas ?!
   Dans la lune, donc, était Esther en filant un coup d’éponge sur la table. Et toujours dans la lune lorsqu’elle balança au vide-ordures les quelques miettes ramassées et que…
   « A l’aide ! »
   Que rien. Elle referma le clapet du vide-ordures, rehaussant les épaules — toujours très jolies les épaules —, se disant qu’elle avait dû rêver.
   Sûr ! Les vide-ordures ne crient pas « A l’aide ! », pas plus que les hommes chapeautés et costumés d’antique ne débarquent chez vous sur les coups de neuf heures pour vous offrir leur amour.
   Sûr et certain !
   Bon, si elle allait s’épiler les gambettes au lieu de rêver ?!

   Quelques étages plus bas, Lucette trouvait étrange l’uniforme du dépanneur d’ascenseur.





   *Cali. « C’est quand le bonheur »

Yali 14/11/2004 @ 18:48:40
Il faut lire :
"heureuse d’être là, heureuse d’observer une peau d’orange…"
Curieux ??? Y'a pourtant pas d'erreur dans ma copie !

Lyra will 14/11/2004 @ 18:55:38
De trés jolies expressions Yali, j'aime bien le paragraphe de la cafetiére italienne ;0)
Ah la la, me suis emmêlée les pinceaux avec tous ces personnages !Il a fallut que je relise l'épisode 1 et 2 :0)
Voici donc la fameuse Esther, beau portrait...
Et alors que devient Lucette? elle est toujours dans l'ascenseur?elle peut voir monsieur chapeau d'où elle est, ou bien je n'ai compris qu'à moitié?Merci Yali et bon courage au prochain.

Tistou 14/11/2004 @ 19:48:19
Yali? 16 ans la Lyra. Normal qu'elle ne connaisse que les ascenseurs "boîtes de conserves" à portes coulissantes. Ou alors il faut fréquenter les vieux immeubles.
Donc c'est bien ça. On a affaire à une beauté avec Esther? Je le subodorais. Et elle aime le café en plus! Gagne sûrement à être connue!
Tu peux toujours me compter dans ton fan club, pas de problèmes.
Si on tient ce rythme, notre tour va revenir fissa! Bon ouvrage à Kicilou maintenant.

Sibylline 14/11/2004 @ 20:31:17
Nous progressons, nous progressons. Les personnages prennent place un à un. La situation, elle, ne bouge pas d'un poil. Lucette est toujours dans son ascenseur, lui-même toujours bloqué... Le suspens est insoutenable. Que va-t-il se passer???
Vous le saurez en ne manquant pas notre prochain épisode dans deux jours!!!
A propos, Kicilou, tu ne pourrais pas nous expliquer ton pseudo?

Bluewitch
avatar 14/11/2004 @ 20:45:08
C'est chaud, sensuel, délectable. Me semble pas si hermétique notre Esther. Son corps prend forme autant que le personnage.
J'aime aussi l'odeur de café qui plâne, le côté lascif de la scène en opposition à notre Lucette qui reste toujours plantée là et au vacarme de la rue.
Moi aussi j'ai bien l'impression qu'il nous faudra un second tour...

Kilis 14/11/2004 @ 21:09:23
Yali, carrément dèlicieux cet épisode. Tu lui a donné vie à Esther. Elle s’éveille. Elle est là.
Emergeant de tes mots, de ta belle écriture, elle va faire sa vie à présent… à la merci de qui de quoi...

Saint Jean-Baptiste 15/11/2004 @ 00:14:22
Dis, Yali, étais-tu donc dans la chambre à l'observer la belle Esther ?
On le dirait vraiment, tant c'est "visuel" ton texte !C'est super !

Olivier Michael Kim
15/11/2004 @ 09:59:45
Un épisode bien sympathique. J'ai bien aimé, mais je ne saurais dire pourquoi. Peut-être est-ce l'atmosphère qui s'en dégage?

Sinon sylistiquement les "y'a" à la place de "il y a", ça me choque. Je trouve cette tournure trop oral pour une narration. Serait-ce un question de goût?

Olivier Michael Kim
15/11/2004 @ 10:08:29
Autre chose, l'équilibre des paragraphe est agréable. Le texte est très fluide.

Kicilou 15/11/2004 @ 10:15:00
Quelques étages plus bas, Lucette trouvait étrange l’uniforme du dépanneur d’ascenseur.


J'adore cette petite phrase de fin! Très beau texte, la description d'Esther, eh bien... on s'y croirait!
Mais maintenant c'est mon tour et je vais faire ce que je peux mais je crains de ne pas pouvoir rendre mon épisode avant Mercredi... j'essaye mais bon, heu, voilà quoi...
Désolée par avance.

Tistou 15/11/2004 @ 10:16:27
On t'attendra Kicilou. Ne t'inquiètes pas.

Benoit
avatar 15/11/2004 @ 19:02:00
Comme Kicilou, j'adore la dernière phrase!!
Vite, vite, dépêche-toi!! Il me faut ma dose !!!
Par contre, même en imaginant l'ascenceur du "Père Noël...", je vois pas comment le vide-ordure peut passer à côté de la cage d'ascenseur... Il me faudrait un dessin... Car si l'escalier passe autour de l'ascenseur, par où passe le vide-ordure??? Non, non, il me faut un dessin...

Sibylline 15/11/2004 @ 19:06:31
C'est vrai que le vide-ordures m'a un peu étonnée. D'autant que, vide-ordures et ce type d'ascenseur ne sont pas trop de la même époque, mais on est dans la fiction, que diable!
Si ça ne passe pas ici, ça ne passera nulle part. Et je parle de l'idée, pas du vide-ordures.

Sahkti
avatar 16/11/2004 @ 13:42:21
L'histoire du vide-ordure m'a aussi fait hausser(un peu) le sourcil. Pas logique avec ce type d'ascenseur que je connais bien, d'autant plus que Benoit a raison, si on entend la sympatique Lucette dans le vide-ordure, on doit l'entendre dans toute la cage d'escalier!

Ce détail excepté, j'ai vraiment bien aimé ce troisième épisode. Les choses se précisent, on découvre les personnages, on fait la connaissance d'Esther qui est devenue une personne "palpable".
C'est plein de détails, de situations, de scènes de la vie de tous les jours qu'on connaît tous et qui rendent ce récit très réaliste et proche de nous. On s'y croirait.

Juste un petit bémol concernant la description d'Esther: je suis partagée entre l'impression de femme fatale belle et tout et tout qu'elle dégage, une femme sublime qui séduit un homme hors du temps et qui a fait forte impression sur l'agent immobilier. Et puis l'impression, à cause de certains mots ou un style plus terre à terre qui parle de gambettes, de fonds de commerce et d'épilation... d'une danseuse/chanteuse de cabaret un peu moins "scintillante" que ce que j'ai décelé dans ma première impression.
A préciser sans doute par la suite.

La dernière phrase est un régal de surréalisme!

Erika 24
avatar 06/12/2004 @ 12:40:56
Du Yali tout craché, un fantasme la belle rouquine ??? Une superbe description d'une femme, à priori, superbe. Et puis, allez, je vais être sympa, on m'a assez cassé les pieds avec mon ours dans MM1 donc j'en rajoutes pas une louche avec ton vide-ordure !!!

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