Miriandel 21/10/2004 @ 02:15:35
La semaine dernière, un auteur a été invité chez Ruckier.
Une animatrice connue lui a déclaré - apparemment sincère : "Vous êtes le seul auteur français que je lis encore..."

Cette phrase, lâchée spontanément, m'a travaillé plus que je ne l'aurais cru, et je la livre à votre réflexion.
J'en viens à me demander - d'autant que certaines remarques sur ces forums ont déjà évoqué une déliquescence de la littérature française - si la pensée française, dans ce qu'elle a de spécifique et raffiné, répond encore aux attentes du public.

Pour être complet, je ressens une impression curieuse. Des dizaines de livres me passent dans les mains chaque mois, et beaucoup de ces ouvrages me semblent écrits sans souci du lecteur.
Je m'explique : une oeuvre peut participer d'une démarche égocentrique (j'écris pour moi, et tant mieux si mon texte intéresse d'autres personnes) ou d'une démarche altruiste (j'écris pour les autres parce que je suis un vecteur d'émotions).

Je ne pose aucun jugement de valeur, mais je m'interroge sur l'engouement du public pour des livres souvent traduits et parfois pauvres sur le plan littéraire, dont le trait marquant est de raconter une histoire, par opposition à une littérature contemplative (héritage romantique ?) ou encore des textes où l'auteur règle ses comptes avec... toutes sortes de choses y compris lui-même.

Si je pose cette question, c'est qu'un courant (est-il essentillement français ?) semble pousser l'artiste vers un élitisme dangereux.
Une phrase de Bobin me revient en mémoire - que je cite librement car je ne l'ai pas notée : "Un écrivain qui se plie aux caprices des lecteurs est un esclave qui se donne des milliers de maîtres".

Qu'en pensez-vous ?

Fee carabine 21/10/2004 @ 05:10:40
Sans rentrer dans le débat de ce qui fait la "spécificité" de la pensée française (laquelle me paraît tout aussi évanescente que les spécificités des pensées belge, néerlandaise ou canadienne... pour me limiter aux pays où j'ai vécu).
Sans rentrer dans le débat de la littérature à visées commerciales vs la littérature qui résulterait d'une démarche "authentique" de son auteur (je schématise là, mais il est déjà tard...et je ne vais pas tarder à aller me pelotonner sous ma couette... pas si jolie que celle de Bluewitch ;-), mais elle me tient bien chaud et c'est ce qui compte)

Je ne pose aucun jugement de valeur, mais je m'interroge sur l'engouement du public pour des livres souvent traduits et parfois pauvres sur le plan littéraire


Parlons de la difficulté de juger de la qualité littéraire d'un texte qui a été traduit et donc très probablement trahi, selon un jeu de mots déjà bien rabaché.

Pour un Paul Auster ou un Kazuo Ishiguro qui bénéficient de traductions françaises admirables - passant de la V.O. à la V.F., on reconnait toujours la "voix" de l'auteur, ce qui est très rare - combien de traductions qui reste "en-deça" du texte original - Virginia Woolf parfaitement intraduisible, impossible de rendre en Français l'extraordinaire fluidité du texte original, et puis Antonia Byatt, et son fantastique roman "Possession" que j'ai lu en Français il y a quelques années et que je m'apprête à relire en Anglais, la traduction française n'est pas mal, mais tellement plus pesante et rigide que ce que j'ai déjà pu savourer du texte anglais...

Et puis, on pourrait parler aussi des traductions de Dostoïevski: celles d'André Markowicz n'ont plus rien à voir avec celles qui les ont précédées, fiévreuses, délirantes, bouillonnantes, impossible de les lâcher, mais sont-elles plus fidèles au texte original? Je n'en sais rien puisque je ne lis pas le Russe...
Ou encore, "Le chef-d'oeuvre" d'Anna Enquist, un livre terriblement cru et brutal dans le texte original, et une traduction française irréprochable, mais très très adoucie...

Alors, bien sûr, il y a des livres écrits platement dans leur version originale, et dont la traduction française est tout aussi plate... Mais comment faire la part des choses?

Tout ça pour dire qu'il me semble qu'on ferait mieux de ne pas se compliquer la vie, en mêlant encore la question de la traduction, à ces débats sur "Faut-il privilégier l'histoire, ou le style, ou les émotions, ou les règlements de compte ou... ?", et "quelles sont les tendances contemporaines en la matière?"...

Sahkti
avatar 21/10/2004 @ 07:54:17
D'autant plus, Miriandel, que si nous parlons bien de la même émission, l'auteur français en question est un pondeur de best-sellers qui a donné lieu à une jolie engueulade avec Gérard Miller lors de l'émission. Un auteur qui m'a vraiment déçue par sa puérilité et la légèreté avec laquelle il aborde oralement certains thèmes comme la mort, la souffrance et le deuil.

Si nous parlons bien de DVC (merci de me confirmer), je le considère désormais comme un sombre idiot. Et c'est triste de se dire que cette chroniqueuse ne lit que cet homme-là, elle passe à côté de petites merveilles.

Tistou 21/10/2004 @ 09:00:50
Miriandel, pour répondre en partie, aux propos de C. BOBIN que tu cites, un extrait d'un entretien avec H. Mingarelli, à paraître bientôt sur C.L. :

"Malgré tout, on n’écrit pas pour des lecteurs. Moi je n’écris pas pour des lecteurs. C’est une très mauvaise idée, je pense, d’écrire pour des lecteurs. On peut comparer ça à la télévision, à des téléfilms. C’est flou un téléfilm. Tant qu’à faire, j’ai choisi ce métier. J’ai la chance de pouvoir le faire. Je suis persuadé qu’avec les moyens que j’ai, j’essaie de faire des fims d’auteur. Je le dis modestement mais je ne vais pas faire des téléfilms ! Ca marche, ça marche pas mais …
Le metteur en scène, il fait le film qu’il a envie de faire. Il ne fait pas le film qu’on a envie de voir ! Sinon, je pourrais écouter tout ce qu’on m’a dit depuis que j’écris. Je finirais par faire un amalgame de tout ça, quelque chose de bien formaté. Voila le danger aussi de ces rencontres. Parce que les trois-quarts du temps c’est ça. Les gens qui viennent, en général, ils aiment ce que je fais. Ils sont en empathie avec ce que je fais. C’est vachement bien ? sauf que maintenant, je sais ce qui leur plait dans ce que je fais. Et ça c’est le danger. C’est un vrai danger. Le vrai danger aussi, c’est qu’on m’explique ce que je fais. Parce que moi je ne connais pas le résultat ! Un lecteur sait mieux interpréter mon livre que moi. Il aura une vision neuve par rapport à moi qui suis dedans et qui ne sais pas trop comprendre ce que je fais, en fait."

Tophiv
21/10/2004 @ 09:05:41
Bon, ben moi, je ne regarde pas Ruckier alors c'est qui DVC ?

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Quant à la déliquescence supposé de la littérature française, je n'y crois pas ! Effectivement, les traductions ont beaucoup de succès mais il ne faut pas oublier que les livres choisis pour être traduits l'ont été du fait de leurs qualités...

Par exemple, rentrée littéraire 2004 : 660 romans dont 440 français et 220 étrangers. Parmi les romans français, beaucoup de 1er romans, beaucoup de romans écrits, construits pour faire l'évènement médiatique (Moix, Angot, ...) et assurer le max de ventes. Parmi les 220 étrangers : Roth, Harrison, Vila-Matas ....

Bref, tout ça pour dire que les romans étrangers et traduits sont moins nombreux et que vraisemblablement les éditeurs sont plus vigilants en ce qui concerne la qualité de ces livres. Sur 440 romans français, disons au hasard, 20 de bons. Sur les 220 étrangers, 20 bons américains, 20 bons anglais, 20 bons hispaniques, 20 bons russes, 20 bons chinois ....

bref, je schématise, j'extrapole mais c'est juste pour dire qu'il existe des auteurs français de qualité, simplement ils sont un peu noyé dans la masse (ce qui n'est pas le cas avec les traductions qui parviennent jusqu'à nous) et remplacé dans les médias par des bêtes de foires (Moix, Angot, Beigbeder ...). Le mal de la littérature française est plutôt à chercher dans cette explosion quantitative alors qu'en terme de qualité, on reste toujours avec une vingtaine d'auteurs de qualité.

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Et de toute façon, j'ai une règle : n'accorder aucun crédit à l'avis d'un quelconque chroniqueur d'émission télé. Dans ces émissions "généralistes" (ruckier, fogiel, ardisson, denisot, bern ........), ces chroniqueurs sont superficiels à l'extrême et comme dans tous les médias, c'est copinage et compagnie.

Je rajouterai que l'autodénigrement, le poujadisme sont des attitudes typiquement françaises. Il est plus facile de dénigrer systématiquement que de défendre ne serait ce qu'un livre. Et c'est pour cela que les émissions de ce type se complaisent dans l'ironie et les attaques faciles de leurs invités, sans droit de réponse. Mais je sens que je m'égare ....

Sahkti
avatar 21/10/2004 @ 10:26:50
DVC = Didier Van Cauwelaert.
Désolée pour l'abréviation Tophiv! :)

Sahkti
avatar 21/10/2004 @ 10:31:44
Tu ne t'égares pas vraiment Tophiv quand tu parles d'attaques faciles sans droit de réponse.
(Miriandel, tu me confirmes qu'on parle bien du même auteur, stp?).
L'auteur a été frontalement attaqué sur son dernier ouvrage (L'évangile de Jimmy, qui bénéficie d'une grosse pub un peu partout) par un Gérard Miller ulcéré qui lui a dit tout le mal qu'il pensait de lui. Van Cauwelaert a bénéficié d'un long temps de réponse qu'il a été complètement incapable de mettre à profit pour se défendre, il a enfoncé des portes ouvertes et a raconté n'importe quoi sur la mort et le deuil.
Au final, on a beaucoup parlé de lui et de son bouquin et ce genre de show télévisuel lui a assuré une pub inespérée dans les chaumières, étant donné que pas mal de gens ont dit après l'émission "pauvre Mr Van Cauwelaert si beau et si poli face à ce vilain grigou de Miller!".
Voilà aussi comment on fait vendre des bouquins.

Balamento 21/10/2004 @ 12:02:16
Que Bobin expert es-faderies nationalement reconnu (mais disons le difficilement exportable hors francophonie) soit pris en exemple d'un quelconque élitisme culturel me semble un peu douteux... Par contre, qu'effectivement une grande partie du lectorat n'ait que faire du style et du genre "contemplatif" ou "introspectif" et préfère nettement les histoires vite traduites et la "market-littérature", ça, c'est son droit le plus intime, et je là dessus il n'y a rien à dire (et d'ailleurs est ce bien nouveau ?).

Par contre, il est vrai, qu'étant donné la richesse actuelle de l'édition (y a t il jamais eu autant de nouveaux livres, de premiers romans, de traductions, etc. ?) on peut s'étonner de ce que ce qui est présenté en premier à l'acheteur-lecteur ne soit pas forcément le meilleur de la production... Est ce bien grave ? Est ce bien grave si un peu partout on nous présente d'abord la partie immergée de l'iceberg (les têtes connues, les livres poussés par le marketing, etc.) ? Est ce bien grave s'il suffit de fouiller pour dénicher plus interessant ?

D'ailleurs ce phénomène me semble être tout aussi valable pour tout ce qui est consommation de biens culturels (je pense à la vidéo par exemple).

Quant à la vaste question de savoir s'il y a une relation entre ce qui motive un romancier à écrire et la qualité de sa production (pour lui, pour le lecteur, pour faire du fric, pour se soigner, par ambition, etc.), c'est sans doute lié au goût de tout un chacun, mais pour ma part, lorsque je tombe sur quelque chose où je ne trouve aucune trace du besoin ou du bonheur (quelque chose de jouissif donc) qu'il y a eu à écrire, ça ne me donne tout bêtement pas envie d'ouvrir plus qu'une page ou de poursuivre au delà des premières si je me suis fait avoir ;-)

Jules
21/10/2004 @ 13:13:27
Si c'est van Cauwelaert le seul Français qu'elle lit encore il n'est pas étonnant que son opinion de la littérature française ne soit pas terrible... Bien que ! Comme il écrit des "best seller" (comme le dit très justement Sahkti) il se retrouve dans une catégorie où il est loin d'être le seul !... Au contraire !...

Le problème de la traduction est un problème que nous n'éviterons jamais sauf à ne plus jamais lire un auteur étranger. Et qu'est ce que nous perdrions !... Quoi ?... Ne plus lire que des Français ?... Et quid des Kafka, Kawabata, Dostoïevski, Mishima, Faulkner et bien d'autres?... Oui, le style est important et il est évident qu'il est difficile à rendre dans une langue étrangère, rien que les sonorités sont différentes. Mais des traducteurs comme Coindreau y sont bien arrivé pour Faulkner et Markowicz pour Dostoîevski, Gogol, Pouchkine et bien d'autres. Kundera parle très bien de ce problème dans son livre "Les testaments trahis" Mais est-ce toujours le style le plus important ? Bien sûr il l'est, mais les idées émises comptent aussi ! Surtout chez un Dostoïevski, Kafka, Orwell, Kadaré, Mishima etc. !

Non ! Je ne me priverai jamais des "étrangers" et seule Féline peut me dire si Harrison est bien traduit ou non, mais je crois que Sylberstein n'est pas n'importe qui non plus et Harrison le connaît bien. Accepterait-il de mauvaises traductions alors que lui-même ne connaît pas trop mal le français ?...

revenons à la littérature française... C'est vrai qu'elle n'est plus au top et cela depuis quelques dizaine d'années. Inondée qu'elle est d'auteurs du type van Cauwelaert, Lévy et autres. Je comprends très bien qu'ils puissent plaire, mais ils ne relèvent quand même pas le niveau !...

Quant à dire que les américains traduits sont tous bons, sûrement pas !... Ils se vendent, cela c'est sûr ! Danièle Steel, Highsmith et autres ne relèvent pas plus le niveau des américains. Ce seraient plutôt Harrison, Morrison, Roth, Egolf, Littell, McCarthy etc.

Le problème, me semble-t-il, pour la littérature française est aussi le manque de souffle romanesque. Nous sommes inondés de livres qui font péniblement 200 pages avec double interligne et caractères pour aveugles ou presque. Où trouver des livres au souffle comme "La Tache" de Roth, "De Marquette à Vera Cruz" de Harrison ou "Love" de Morrison, "La saga moscovite" d'Axionov, les trois volumes du "Grand Cahier" d'Agota Kristof ou encore "la "Trilogie de Tora" de Wassmö et j'en passe ?

Oui, il y a eu "Les âmes grises" de Philippe Claudel et puis ?...

Je crois que là aussi est un peu le problème... La qualité ne suppose pas toujours la quantité, mais le souffle, la capacité de porter une histoire, cela compte !

Ghislaine 21/10/2004 @ 19:58:10
Ce message s'adresse plus particulièrement à Libris Quebecis, puisque ce site traite du succès des écrivains canadiens contemporains :

http://canadacouncil.ca/aproposdenous/advocacy_fr/…

Miriandel 21/10/2004 @ 20:40:53
Oui, bien sûr, je parlais de DVC et la réflexion émanait de Christine Bravo.
J'ai pris soin de gommer les noms, parce ce n'était pas le sujet, mais plutôt la perte d'intérêt du public pour nos auteurs, et la glorification du nivellement par le bas (qu'il soit traduit ou pas, français ou pas).

Tistou, l'extrait que tu cites est excellent. Il révèle très bien l'approche de la création que je qualifie d'égocentrique, senso stricto, sans connotation péjorative. Certains prétendent qu'un artiste peut être assez sûr de lui pour s'enfermer dans une bulle et malgré tout rester en prise avec ses contemporains.
Peut-être, c'est bien la question.

Tophiv, tu as bien raison de te méfier des médias. Quant à affirmer que la masse des ouvrages ne rend pas le choix facile, c'est difficile à accepter sans nuance (c'est un cheval de bataille d'Ormesson, soit dit en passant). Les époques changent ; avec elles le language. C'est pourquoi la littérature n'est jamais définitive, comme aucun art. Mais comment expliquer que si peu d'auteurs parviennent à pénétrer l'indifférence de leurs contemporains ?
S'il y avait tant de livres de qualité, comment expliquer qu'il est si difficile d'en trouver à son goût et que si peu franchisse les mille exemplaires vendus ?
Avec des démarches égocentriques, on court le risque de se marginaliser, de même qu'avec une démarche démagogique, on court le risque de sombrer dans la facilité.
La vérité est peut-être au milieu...

Balamento écrit : "Bobin expert es-faderies nationalement reconnu". Que sont des faderies, s'il te plaît ? Quoi qu'il en soit, il est très dangereux d'écrire des choses pareilles. Non seulement l'avis que tu émets n'est pas unaniment partagé contrairement à ce que tu dis, mais, surtout, il est hautement discutable. Que tu ne pénètres pas son oeuvre est une chose, que tu insultes l'auteur en est une autre.

Jules aborde le sujet des best-sellers. Ce n'est pas aussi simple que cela d'écrire un best-seller (étrangement, l'expression est américaine, marrant non ?) sinon tout le monde le ferait.
C'était un peu l'objet de ma question : qu'avons-nous entre la littérature commerciale et les auteurs "qui se font plaisir" ?
Panne d'auteurs ?
Ou faut-il croire que le public est con au point de ne pas pouvoir faire de différence entre le hamburger et le coq au vin ?

Coluche disait : "Ils voudraient qu'on soit intelligents, et y nous prennent pour des cons ? Comment qu'on ferait alors ?"

Benoit
avatar 21/10/2004 @ 21:22:09
Un auteur peut faire de la qualité, se faire plaisir et vendre pas mal. Je pense en particulier à Umberto Eco qui, avec son Nom de la Rose ou son Pendule de Foucault, ne prend pas le public pour un con et arrive à en vendre pas mal. Il y a aussi John Irving, Le Carré, qui vendent beaucoup et qui ont des livres de qualité. Si on cherche un peu, on découvre une tripotée d'auteurs qui n'écrivent pas de la soupe en poudre, vite réalisée, vite consommée!
Bref, dire que le monde du livre aujourd'hui se partage entre publication commerciale qui n'a aucune qualité, et une publication de qualité, me paraît un peu vite dit car loin de la réalité.

Sibylline 21/10/2004 @ 21:25:52
Un auteur peut faire de la qualité, se faire plaisir et vendre pas mal.
Paul Auster, par exemple

Miriandel 22/10/2004 @ 00:25:17
Le Pendule a été écrit en italien par un Italien. Paul Auster est américain.
Le sujet concernait la littérature française que de moins en moins de gens lisent.

Sahkti
avatar 22/10/2004 @ 06:59:11
Quand on regarde l'orgie que constitue chaque rentrée littéraire (entre 650 et 700 ouvrages qui sortent +/- en même temps), on se rend compte qu'il est difficile pour un lecteur de se faire un choix. Dans la plupart des médias, ce sont les gros éditeurs et/ou diffuseurs qui occupent le plus de place (et ça ne va pas aller en s'améliorant étant donné les fusions-acquisitions-ingestions qui ont eu lieu dernièrement dans le milieu de la presse et de l'édition, il reste deux gros gourous en place, à peu de choses près, qui vont faire la pluie et le beau temps).
Conséquence: leurs poulains ont droit aux faveurs de la presse et cela a des répercussion importantes sur les ventes. Les gens se laissent influencer ou alors, devant les piles immenses qui trônent dans les librairies pour un même auteur se disent que "tout de même, ça doit être le truc à lire, on le voit partout", essaient, sont déçus, voire trouvent ça franchement cons et abandonnent, à court ou moyen terme, ces pondeurs à succès.
Sans malheureusement pour autant se tourner vers d'autres ouvrages (moins connus, moins diffusés, dont on parle moins dans les médias... au choix) de la littérature française, faisant soit un amalgame malheureux entre tous les auteurs français, soit en n'ayant pas envie d'entamer une démarche de recherche de "bons" auteurs (le bon étant subjectif, bien entendu).
Tout cela contribue, peut-être, un peu, à un désintérêt remarqué de la littérature française.

Tophiv
22/10/2004 @ 10:15:28
Tophiv, tu as bien raison de te méfier des médias. Quant à affirmer que la masse des ouvrages ne rend pas le choix facile, c'est difficile à accepter sans nuance (c'est un cheval de bataille d'Ormesson, soit dit en passant).


Je n'ai pas dit que la masse des ouvrages ne rend pas le choix facile, j'ai dis que la masse des ouvrages donne une impression de médiocrité à une production qui comprend tout de même quelques livres de qualité.


Il est assez facile de dénicher la médiocrité prévisible de certains romans à la mode... par contre, il n'est effectivement pas facile de trouver les nouveaux auteurs talentueux dans ce magma ...

Le Pendule a été écrit en italien par un Italien. Paul Auster est américain.
Le sujet concernait la littérature française que de moins en moins de gens lisent.


Modiano, Oster, Echenoz , par exemple , sont français, vendent pas mal , et il me semble que la qualité est là !

Balamento 22/10/2004 @ 11:16:32
Une phrase de Bobin me revient en mémoire - que je cite librement car je ne l'ai pas notée : "Un écrivain qui se plie aux caprices des lecteurs est un esclave qui se donne des milliers de maîtres". Qu'en pensez-vous ?

Balamento écrit : "Bobin expert es-faderies nationalement reconnu". Que sont des faderies, s'il te plaît ? Quoi qu'il en soit, il est très dangereux d'écrire des choses pareilles. Non seulement l'avis que tu émets n'est pas unaniment partagé contrairement à ce que tu dis, mais, surtout, il est hautement discutable. Que tu ne pénètres pas son oeuvre est une chose, que tu insultes l'auteur en est une autre.


Le fond du sujet que tu abordais n'étant pas dans l'obsure élitisme bobinesque, je regrette cette petite pique jetée quant à cet auteur dont je regrette de ne savoir pénétrer la pensée foudroyante. Elle n'apporte rien (cette petite pique) au débat, si ce n'est la confirmation qu'il peut être vif et passionné (ce qui est plutôt bien ;-)). Mais il est vrai que prendre en exemple cet auteur m'a fait réagir (c'est humain), puisqu'il fait partie à mon goût de cette mauvaise littérature française dont tu fais état. Critiquer Bobin étant certainement très dangereux, il faut croire que je suis pour ma part très courageux ;-)

Sur le contenu par contre de mon message précédent, pour en revenir à ton interrogation et au sujet, je rejoins tout à fait Sahkti et Tophiv quant au fait qu'il existe des auteurs de qualité en langue française, mais que ceux-ci ne sont pas forcément mis en avant par les forces médiatiques et commerciales de l'édition. Oster que cite Tophiv me semble être un bon exemple, qui plus est pas si vieux que ça (même s'il est aujourd'hui assez connu).

Karl glogauer 22/10/2004 @ 11:39:13
"Vous êtes le seul auteur français que je lis encore..."
cette phrase m'en rappelle une autre de jean jacques annaud dans premiere qui resumait sa pensee sur la literature francaise, en disant en substance qu'il y avait 20 ans qu'on ne lisait plus de livres francais a l'etranger.
et meme si on peut taxer JJA d'acrimonie envers son pays, j'estime que cette constatation est la meilleure preuve de la fameuse crise dont nous parlons.....

Fuku-san 22/10/2004 @ 11:42:09
Que peut-on attendre, de toute façon, d'émissions comme celle de Ruquier (j'entends par là l'immense majorité des programmes)?
Ce genre de produit (DVC) correspond parfaitement au format (1mn30 sur un livre...). Quant à Christine Bravo, je suis plutôt heureux qu'elle lise quelque chose, je n'aurais jamais cru.
Calvino ("la machine littérature") disait que c'est au public de s'élever à la hauteur de l'oeuvre, et non à l'oeuvre de s'abaisser. Je trouve qu'il y a toujours un risque à parler de démocratisation de la culture, de libéralisation, de culture à la portée de tous. Cela dénote souvent une dégradation de la culture plus qu'un progrès.
C'est à mon avis immuable: ce qui marche n'est que très rarement de très bonne qualité. C'est vrai pour le cinéma, sauf que celui-ci a la chance d'être une activité extrêmement partagée. Quand on parle 20mn sur 24 heures de programmes de livres (qui ne sont d'ailleurs pour la majorité pas de la littérature), il est somme toute assez logique qu'on n'aborde aucun livre au style un peu travaillé, à l'abord un plus plus difficile.

Tistou 22/10/2004 @ 11:52:06
Télévision et écriture, vaste débat, qui pour moi est tranché ; incompatible, non, peu compatible. La télévision ne privilégie que le tape-à-l'oeil, l'immédiateté, la provoc., quand l'écriture n'est que lenteur, cheminement introspectif et amour du beau. Je me range à l'avis dH. Mingarelli dont je cite un autre extrait :
." Parce que si on choisit justement ce métier là- mais on met du temps avant de s’en rendre compte-cette activité là, c’est justement parce qu’on n’aime pas raconter sa vie. Bien qu’on mette toute sa vie dedans. On n’aime pas raconter sa vie , parce qu’avec les mots, de vive voix, on est maladroit. On oublie plein de choses. On ne sait pas la raconter. Donc on se dit, tiens je vais écrire. Parce que là, j’aurais le temps de choisir mes mots ..."
La télé et l'écriture. Le mariage de la carpe et du lapin.?

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