Laventuriere 08/01/2012 @ 15:05:58
Ne quémande rien


Ne quémande rien. N’attends jamais
D’être payé de retour. Le pur souffle
Que tu propages doit faire le long tour,
Par-delà tes jours. Te reviendra
En orties, ou en pierres, peu importe.
Il t’accompagnera dans ta marche

Plus loin que toi le long de la Voie.

François Cheng

Laventuriere 08/01/2012 @ 15:26:34
@Septu...et merci avec retard!

Le mystère de la beauté

Il est dans la campagne une science que je ne sais
pas lire, quand la pluie commence à tomber
avec la monotonie du soir et que son bruit
interrompt le silence qui croît sur
la pelouse, quand les oiseaux ne
chantent pas. J’effeuille ses pages,
entre le sentier et la roselière
qui cache la rive presque sèche ; et
une logique d’équations automnales
me ravit la lumière qui entrouvrait un
désir d’été, comme si la nuit
était arrivée pour rester. Mais quand
je ferme le livre et que j’oublie que
les choses naissent de cette science ancienne,
l’arbre ouvre une seconde fois ses branches
pour m’accueillir, et je récolte le fruit
du passé pour sentir dans la bouche,
encore une fois, le jus de la vie.

Nuno Júdice

Laventuriere 10/01/2012 @ 16:09:29
Demain

Agé de cent-mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, o demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir: neuf est le matin, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

Robert Desnos

JEyre

avatar 15/01/2012 @ 09:51:59
Henry BATAILLE (1872-1922)

Les souvenirs

Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures,
Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer,
Parce que de vieux parents jadis y moururent.
On vit dans la maison où sont ces chambres closes.
On sait qu'elles sont là comme à leur habitude,
Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose...
La maison se remplit ainsi de solitude,
Et l'on y continue à vivre en souriant...

Laventuriere 18/01/2012 @ 05:34:28
Les poètes

Ce sont de drôles de types qui vivent de leur plume
Ou qui ne vivent pas c'est selon la saison
Ce sont de drôles de types qui traversent la brume
Avec des pas d'oiseaux sous l'aile des chansons

Leur âme est en carafe sous les ponts de la Seine
Les sous dans les bouquins qu'ils n'ont jamais vendus
Leur femme est quelque part au bout d'une rengaine
Qui nous parle d'amour et de fruit défendu

Ils mettent des couleurs sur le gris des pavés
Quand ils marchent dessus ils se croient sur la mer
Ils mettent des rubans autour de l'alphabet
Et sortent dans la rue leurs mots pour prendre l'air

Ils ont des chiens parfois compagnons de misère
Et qui lèchent leurs mains de plume et d'amitié
Avec dans le museau la fidèle lumière
Qui les conduit vers les pays d'absurdité

Ce sont des drôles de types qui regardent les fleurs
Et qui voient dans leurs plis des sourires de femme
Ce sont de drôles de types qui chantent le malheur
Sur les pianos du coeur et les violons de l'âme

Leurs bras tout déplumés se souviennent des ailes
Que la littérature accrochera plus tard
A leur spectre gelé au-dessus des poubelles
Où remourront leurs vers comme un effet de l'Art

Ils marchent dans l'azur la tête dans les villes
Et savent s'arrêter pour bénir les chevaux
Ils marchent dans l'horreur la tête dans des îles
Où n'abordent jamais les âmes des bourreaux

Ils ont des paradis que l'on dit d'artifice
Et l'on met en prison leurs quatrains de dix sous
Comme si l'on mettait aux fers un édifice
Sous prétexte que les bourgeois sont dans l'égout

Léo Ferré

Saule

avatar 29/01/2012 @ 09:39:28
Leconte de Lisle

Ah ! de sa tige d’or quand cette Fleur du ciel
Tomba pour embaumer les vallons d’Israël,
Que les vents étaient doux qui passaient dans les nues !
Tu vis naître, ô Saron, des roses inconnues !
Tes palmiers, ô Gadès, émus d’un souffle pur,
Bercèrent, rajeunis, leurs palmes dans l’azur !
Ton cèdre, ô vieux Liban, noir d’une ombre profonde,
Croyant qu’il revoyait les premiers jours du monde,
Salua le soleil qui brilla sur Eden !
Le parfum oublié de l’antique jardin,
Comme un cher souvenir et comme une promesse,
Des enfants de l’exil adoucit la tristesse,
Et de célestes voix, en chants harmonieux,
Dirent ton nom, Marie, à l’univers joyeux.

Terre ! oublie en un jour ton antique détresse !
Ô Cieux ! comme les mers, palpitez d’allégresse !
La Vierge bienheureuse est née au sein de Dieu !
Elle vole, aux clartés de l’arc-en-ciel en feu,
La Colombe qui porte à l’arche du refuge
Le rameau d’olivier qui survit au déluge !
Le mystique rosier va parfumer les airs !
L’Etoile matinale illumine les mers !
Saluez, bénissez, créatures sans nombre,
Celle que le Très-Haut doit couvrir de son ombre,
Et qui devra porter, vierge, en ses flancs bénis,
Le Dieu qui précéda les siècles infinis !

Emilien
01/02/2012 @ 02:15:32
un poème de Bukowski

Le cœur riant (The Laughing Heart)

Ta vie est ta vie
Ne te laisses pas abattre par une soumission moite
Sois à l’affût
Il y a des issues
Il y a de la lumière quelque part
Il y en a peut-être peu
Mais elle bat les ténèbres
Sois à l’affût
Les dieux t’offriront des chances
Reconnais-les
Saisis-les
Tu ne peux battre la mort
Mais tu peux l’abattre dans la vie
Et le plus souvent tu sauras le faire
Le plus il y aura de lumière.
Ta vie, c’est ta vie.
Sache-le tant qu’il est temps
Tu es merveilleux
Les dieux attendent cette lumière en toi.

Laventuriere 11/02/2012 @ 13:15:40
Brumes et pluies

Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.


Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.


Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,


Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.

Baudelaire

Laventuriere 11/02/2012 @ 13:18:34
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie...
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.


Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.


Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.


Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé

.

Laventuriere 20/02/2012 @ 14:40:53
En dédicace spéciale à Piero et tous-toutes!- les amoureux(ses) de belles choses, de beautés infiniment douces...

http://www.youtube.com/watch?v=Va3WRvesfXY

Pieronnelle

avatar 20/02/2012 @ 16:20:59
Merci Laventurière!!

Oui être émerveillée! Peut-être bien une forme du Bonheur!

Bluewitch
avatar 21/02/2012 @ 20:19:23
Allez,un poète (encore) vivant :

"Je te fais signe à travers les flammes.

Le Pôle Nord a changé de place.

La Destinée Manifeste n’est plus manifeste.

La civilisation s’auto-détruit.

Némésis frappe à la porte.

À quoi bon des poètes dans une pareille époque?
À quoi sert la poésie ?

L’imprimerie a rendu la poésie silencieuse, elle y a perdu son chant. Fais-la chanter de nouveau !

Si tu te veux poète, crée des œuvres capables de relever les défis d'une apocalypse, et s'il le faut, prends des accents apocalyptiques.

Tu es Whitman, tu es Poe, tu es Mark Twain, tu es Emily Dickinson et Edna St Vincent Millay, tu es Neruda et Maïakovski et Pasolini, Américain(e) ou non, tu peux conquérir les conquérants avec des mots.

Si tu te veux poète, écris des journaux vivants. Sois reporter dans l’espace, envoie tes dépêches au suprême rédacteur en chef qui veut la vérité, rien que la vérité, et pas de blabla. "

Lawrence Ferlinghetti

Dirlandaise

avatar 02/03/2012 @ 03:39:38
Ce jeune chanteur québécois vient de s'abonner à mon compte twitter. Je ne le connaissais pas du tout et j'ai fait quelques recherches à son sujet. Je suis tombée sur cette vidéo. Il chante un poème du poète québécois Yves Boisvert intitulé "Voile". Son nom est Jacques Durocher. Ce n'est pas parfait mais je suis profondément touchée par sa simplicité, son dépouillement et sa candeur. Il possède une voix que j'aime beaucoup, il me remue le coeur juste à l'écouter. Comme c'est beau et simple. Écoutez comme c'est sobre et touchant :

http://youtube.com/watch/…

Shelton
avatar 02/03/2012 @ 04:03:49
Oui, c'est bien mais je ne suis pas tombé sous le charme total... Je ne connais pas la poésie de ce Québécois et je vais chercher un peu pour en lire un peu plus que ce poème...

Dirlandaise

avatar 02/03/2012 @ 16:47:35
Mais il est pourtant tout à fait charmant ce jeune homme. Il semble si fragile qu'un souffle pourrait éteindre sa petite flamme. Il est beau dans son admirable candeur. Ah, enfin moi, il m'a conquise. ;-)

Laventuriere 05/03/2012 @ 02:53:25
Le rêve est la traîne de brocart qui tombe de tes épaules
le rêve est un arbre, un éclat fugitif, un bruit de voix -;
un sentiment qui en toi commence et s’achève
est rêve ; un animal qui te regarde dans les yeux
est rêve ; un ange qui jouit de toi
... est rêve. Rêve est le mot qui d’une douce chute
tombe dans ton sentiment comme un pétale
qui s’accroche à ta chevelure : lumineux, confus et las -,
lèves-tu seulement les mains : c’est encore le rêve qui vient,
et il y vient comme tombe une balle -;
tout, ou presque, rêve -, et toi, tu portes tout cela.

Tu portes tout cela. Et avec quelle beauté tu le portes.
Chargée de lui comme de ta chevelure.
Et cela vient des profondeurs, cela vient
des hauteurs jusqu’à toi et par ta Grâce…

Là où tu es, rien n’a attendu en vain,
nulle part autour de toi il n’est fait de tort aux choses
et c’est comme si j’avais déjà vu
que des animaux se baignent dans tes regards
et boivent à ta claire présence.

Mais ce que tu es : cela seul je l’ignore. Je sais
seulement chanter ta louange : cercle de légende
autour d’une âme, jardin autour d’une maison
dans les fenêtres de laquelle je vis le ciel -.

Ô tant de ciel, s’en allant, vu de si près ;
ô tant de ciel sur tant d’horizon.

Et quand c’est la nuit -: quelles grandes étoiles
ne peuvent manquer de se refléter dans ces fenêtres…

Rainer Maria Rilke

Nathafi
avatar 29/06/2012 @ 21:58:49
LE CYGNE NOIR
Renée VIVIEN - Brumes de fjords






Sur les ondes appesanties, flottait un nuage de cygnes clairs.

Ils laissaient un reflet d’argent dans leur sillage.

Vus de loin, ils semblaient une neige ondoyante.

Mais, un jour, ils aperçurent un cygne noir dont l’aspect étrange détruisait l’harmonie de leurs blancheurs assemblées.

Il avait un plumage de deuil et son bec était d’un rouge sanglant.

Les cygnes s’épouvantèrent de leur singulier com­pagnon.

Leur terreur devint de la haine et ils assaillirent le cygne noir si furieusement qu’il faillit périr.



Et le cygne noir se dit : « Je suis las des cruautés de mes semblables qui ne sont pas mes pareils.

« Je suis las des inimitiés sournoises et des colères déclarées.

« Je fuirai à jamais dans les vastes solitudes.

« Je prendrai l’essor et je m’envolerai vers la mer.

« Je connaîtrai le goût des âcres brises du large et les voluptés de la tempête.

« Les ondes tumultueuses berceront mon sommeil, et je me reposerai dans l’orage.

« La foudre sera ma sœur mystérieuse, et le tonnerre, mon frère bien-aimé. »



Il prit l’essor et s’envola vers la mer.

La paix des fjords ne le retint pas, et il ne s’attarda point aux reflets irréels des arbres et de l’herbe dans l’eau ; il dédaigna l’immobilité austère des montagnes.

Il entendait bruire le rythme lointain des vagues…

Mais, un jour, l’ouragan le surprit et l’abattit et lui brisa les ailes…

Le cygne noir comprit obscurément qu’il allait mourir sans avoir vu la mer…

Et pourtant, il sentait dans l’air l’odeur du large…

Le vent lui apportait un goût de sel et l’aphrodisiaque parfum des algues…

Ses ailes brisées se soulevèrent dans un dernier élan d’amour.

Et le vent charria son cadavre vers la mer.

Martin1

avatar 01/07/2012 @ 14:28:53
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/…

Poème sublime
que j'ai lu à mon père (malade) à son chevet il y a longtemps.
Mon premier pas dans la poésie ; moment inoubliable...

Laventuriere 08/07/2012 @ 19:05:27
Le coeur



Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles,
Vous êtes un jardin où les quatre saisons
Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles
Et des pommes de pin, dansent sur le gazon...
- Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives
Vous êtes le coteau qui regarde la mer,
Ivre d'ouïr chanter, quand le matin arrive,
La cigale collée au brin de menthe amer.
- Vous êtes un vallon escarpé ; la nature
Tapisse votre espace et votre profondeur
De mousse délicate et de fraîche verdure.
- Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur
Le verger fleurissant et le gai pâturage
Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents
Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage.
- Et vous êtes aussi, coeur grave et violent,
La chaude, spacieuse et prudente demeure
Pleine de vins, de miel, de farine et de riz,
Ouverte au bon parfum des saisons et des heures,
Où la tendresse humaine habite et se nourrit...

Anna de Noailles

Laventuriere 08/07/2012 @ 19:13:09
Être aimé


Écoute-moi. Voici la chose nécessaire :
Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ?
Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu,
C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime.
Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même,
Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons,
Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons !
Il faut que de mon âme une autre âme se double,
Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble,
Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ?
Si personne ne dit cela, je sens l'exil,
L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible,
Je suis maudit. Le grain que rejette le crible,
C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent.
Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant.
Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère !
A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ?
Que faire d'un regard dont personne ne veut ?
La vie attend l'amour, le fil cherche le noeud.
Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ;
L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ;
Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit
Orphelin ; l'azur semble ironique, on a froid ;
Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise
Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse,
Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui,
Que faire ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui.
Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ;
Ayons cela. Soyons aimé, non par un être
Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas
La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas
Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde.
Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde,
Sombre table de jeu, caverne sans rayons !
Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ?
J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe,
Le sort est un escroc, et je suis une dupe.
J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil !
Quoi rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'oeil !
Que le fuseau des jours lentement se dévide !
Hélas ! comme le coeur est lourd quand il est vide !
Comment porter ce poids énorme, le néant ?
L'existence est un trou de ténèbres, béant ;
Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante
Livre à l'affreuse bise implacable et grondante
Françoise échevelée, un baiser éternel
La console, et l'enfer alors devient le ciel.
Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe,
Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace !
N'avoir pas un atome à soi dans l'infini !
Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ?
Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure.
Cette chauve-souris de son aile m'effleure,
L'indifférence, blême habitante du soir.
Être aimé ! sous ce ciel bleu - moins souvent que noir -
Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine
De mêler son visage à la laideur humaine,
Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le coeur bat, pour ceux
Qui sentent un regard quelconque aller vers eux,
Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille !
Qu'on soit aimé d'un gueux, d'un voleur, d'une fille,
D'un forçat jaune et vert sur l'épaule imprimé,
Qu'on soit aimé d'un chien, pourvu qu'on soit aimé !

Victor HUGO

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