Pierrot
avatar 30/10/2021 @ 10:51:12
Qu’il est fastidieux chez cet oiseau rare, de dénicher dans sa longue liste de poèmes, le ou les poèmes que je relierais, au chaud dans mon nid. Aussi je vous remercie chaleureusement pour cette saison tant prisée.
Car hélas, je suis très sélectif sur le choix des poèmes que j’aime

Saint Jean-Baptiste 30/10/2021 @ 10:55:02
Une poésie que j’avais dû apprendre par cœur à l’école et qui me revient en mémoire chaque année au seuil de l’hiver.


Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l'an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si on m'avait demandé : "qu'est-ce ? "
J'aurais dit : "Laissez-moi tranquille. Ce n'est rien. "
.
J'ai bien réfléchi, l'année avant, dans ma chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J'ai réfléchi pour rien. A présent comme alors
je fume une pipe en bois avec un bout d'ambre.
.
Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j'étais bête parce que ces choses
ne pouvaient pas changer et que c'est une pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.
.
Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? C'est drôle ;
nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas,
et cependant nous les comprenons, et les pas
d'un ami sont plus doux que de douces paroles.
.
On a baptisé les étoiles sans penser
qu'elles n'avaient pas besoin de nom, et les nombres
qui prouvent que les belles comètes dans l'ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.
.
Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
de l'an dernier ? A peine si je m'en souviens.
Je dirais : " Laissez-moi tranquille ce n'est rien. "
Si dans ma chambre on venait me demander : " Qu'est-ce ? "
.
(L'angélus du soir ; Francis Jammes - 1890)

Martin1

avatar 30/10/2021 @ 11:35:53
SJB, je suis enchanté de découvrir Francis Jammes de cette manière, que je n'avais jamais eu le courage de lire, c'est très beau, merci

Saint Jean-Baptiste 31/10/2021 @ 18:00:58
c'est très beau, merci
Avec plaisir
;-))

Pierrot
avatar 04/11/2021 @ 10:26:54
Titre : Stances élégiaques
Poète : Gérard de Nerval (1808-1855)
Recueil : Poèmes divers.

Ce ruisseau, dont l'onde tremblante
Réfléchit la clarté des cieux,
Paraît dans sa course brillante
Étinceler de mille feux ;
Tandis qu'au fond du lit paisible,
Où, par une pente insensible,
Lentement s'écoulent ses flots,
Il entraîne une fange impure
Qui d'amertume et de souillure
Partout empoisonne ses eaux.

De même un passager délire,
Un éclair rapide et joyeux
Entr'ouvre ma bouche au sourire,
Et la gaîté brille en mes yeux ;
Cependant mon âme est de glace,
Et rien n'effacera la trace
Des malheurs qui m'ont terrassé.
En vain passera ma jeunesse,
Toujours l'importune tristesse
Gonflera mon coeur oppressé.

Car il est un nuage sombre,
Un souvenir mouillé de pleurs,
Qui m'accable et répand son ombre
Sur mes plaisirs et mes douleurs.
Dans ma profonde indifférence,
De la joie ou de la souffrance
L'aiguillon ne peut m'émouvoir ;
Les biens que le vulgaire envie
Peut-être embelliront ma vie,
Mais rien ne me rendra l'espoir.

Du tronc à demi détachée
Par le souffle des noirs autans,
Lorsque la branche desséchée
Revoit les beaux jours du printemps,
Si parfois un rayon mobile,
Errant sur sa tête stérile,
Vient brillanter ses rameaux nus,
Elle sourit à la lumière ;
Mais la verdure printanière
Sur son front ne renaîtra plus.

Gérard de Nerval.

Année ?

Pieronnelle

avatar 26/11/2021 @ 12:30:53
Ils s’en vont
dans des coques de noix
se jetant
dans les bras de la mer
transformés par les vents
en lames meurtrières
Ils arrivent
mais n’accosteront pas
Et leurs larmes se noieront
dans celles de la mer
Les ailes de l’espoir
ne se déploieront pas
Et ils verront leurs enfants
emportés par les eaux
juste avant les sirènes
d’hypothétiques secours
venant de ce Là-bas
tant idéalisé
Leurs destinées
sont entre ces deux côtes
celle des armes et du feu
celle de la peur d'un rejet
L’antre de la mer
sera le premier accueil
Les quelques rescapés
dépouillés et sans armes
se verront rejetés
ou accueillis
comme des ennemis
Et l’on verra flotter
sur l’écume de la mer
ce reproche éternel
de l’inhumanité.

Colen8

avatar 26/11/2021 @ 15:51:12
@pieronnelle
juste et sans pathos, merci

Fanou03
avatar 27/04/2022 @ 13:06:43
L'enfant, de Victor Hugo (Les orientales)

Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.

Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée.
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.

Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,

Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?

Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d’avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu’un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?

Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit ou l’oiseau merveilleux ?
– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.

Fanou03
avatar 27/04/2022 @ 13:07:07
La chute de ce poème me fait froid dans le dos.

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