Magicite
avatar 15/05/2021 @ 17:25:04
« Les États-Unis sont devenus fous », qui condamne la guerre à venir en Irak. L'écrivain juge ainsi que « la manière dont Bush et sa junte ont réussi à dévier la colère de l'Amérique, de Ben Laden à Saddam Hussein, est l'un des meilleurs tours de passe-passe de relations publiques de l'histoire. »
John Le Carré écrivain et ancien MI5 dans le journal The Times, 2003.

Perspective de fuite à l’anglaise

L’épicière se faisait appeler souvent Jane Fleming. Ce n’était pas son véritable nom bien sûr. Elle s’imaginait souvent avec des ascendances britanniques, voire irlandaise même si dans son métier la nationalité et les différentes identités qu’elle avait prise au cours du temps n’avait plus aucun sens.
Elle avait fait ses armes en même temps que Marie Le Cloarec. D’analystes dans des bureaux avant la création de la DGSE elles étaient passées à des missions de surveillances quand les nécessités et leurs qualités de femmes bien moins propices aux soupçons semblèrent utiles pour les dirigeants des services. Puis à des missions d’infiltrations et de collectes de renseignements plus risquées. Malgré leur succès respectifs c’était toujours les hommes qui récoltaient les lauriers et les hommes qui progressaient dans la hiérarchie dans cette période de guerre froide languissante où de nombreux agents étaient d’anciens résistants ou des transfuges d’Algérie au passé trouble et récompensés pour leurs ’’actes’’ en faveur de la patrie.
Elle se rappelle la décision de Marie au retour d’une opération à la fin des années 70. C’était après les missions à Cuba pour les américains et celles en Afrique. Marie revenait justement d’une mission longue sur sa terre natale et comptait profiter d’un peu de répit en bord de mer, lieu qui la ressourçait toujours de ses aventures et péripéties dangereuses.
Tout avait commencé à Portsall, en mars 1978. Elle y croyait encore à cette époque dans le plan de son amie espionne.
Marie était outrée par le désastre de l’Amoco Cadiz et la marée noire qui ravagea le littoral breton pour bien des années.
C’était le catalyseur qui avait fait prendre à l’agent Marie une décision qui changea le cours de sa vie déjà mouvementée et engagea d’autres avec elle ainsi que toute sa famille.
Écœurée par la réalité des objectifs, la prévalence d’intérêts pour des groupes d’influences et de pouvoirs plus ou moins occultes au nom de la patrie la marée noire avait été la goutte de pétrole qui avait fait déborder le vase de sa conscience...quand justement elle revenait d’un travail de sape dans le but de favoriser un dictateur plus sensible aux arguments du groupe Total dans la région entre Burkina et Mali que ceux des entreprises outre-manche ou américaines.
Écœurée par les administrations locales mettant sous le tapis le désastre écologique pour ne pas apeurer les touristes, par les communicants de l’entreprise pétrolière se montrant devant les caméras avec leurs efforts de nettoyage des plages. Efforts qui bien sûr n’étaient plus nécessaires une fois que les objectifs des journalistes n’étaient plus tournés vers les plages recouvertes de galettes de pétrole.
La réunion avait eue lieu à la tombée de la nuit dans un ancien bunker de la seconde guerre mondiale avec des participants triés sur le volet. Participantes pour la plupart. La jeune mais pas inexpérimentée LeCloarec avait décidée de monter son propre groupe d’influence. Un groupe qui visait à limiter les dégâts de l’ensemble des camps sur l’humanité; rien que cela.
De contrecarrer les visées impériales de dirigeants souvent plus motivés par l’amélioration de leurs situation personnelle et celles de leurs amis et lobbies voulant tirer les ficelles que celles du ’’bien commun’’ pour autant que cela veuille dire quelque chose dans le monde complexe de l’espionnage ou les frontières entre le noir et le blanc sont plus brouillées que le jaune des œufs brouillés.
Il s’agissait bien sûr d’agir en sous-marin, les ressources et contacts des organismes de renseignements des états ne pouvait pas être reniées mais devaient être détournées pour servir d’atouts dans la balance aux moments cruciaux. De créer une cinquième colonne insoupçonnée et ayant ce qu’il manquait aux intérêts froids et calculateurs des commanditaires des renseignements: une éthique et des objectifs salutaires pour les humains plus que pour leurs dirigeants.
Elle avait crue à sa meilleure amie bien que l’image d’Olympe de Gouges sous le couperet de la guillotine se soit aussi imposée dans son esprit en même temps que l’espoir qui avait saisit l’ensemble des participants et participantes ce soir là.
Marie avec son esprit analytique et de synthèse, sa préparation sans faille, avait délivrée un discours mémorable dont elle pouvait être coutumière à cette époque. Passant de l’émotion à l’ambition d’être autre chose que des pions sur un échiquier dévoué au culte du pouvoir et des capitaux, renforcé par l’odeur viciée des plaques de résidus hydrocarbures mêlés au pourrissements des oiseaux morts mazoutés faisandant sur les plages. Le cercle des tricoteuses était né, puis devint celui des joueuses de Bingo quand il fallut agrandir le groupe et que la popularité du tricot ne pouvait expliquer à lui seul le nombre d’adhérentes.
Dans la grosse berline qui l’emmenait elle et les hommes de main du comte ainsi que le petit Gwenn vers la frontière elle se débarbouillait le visage. Ôtant le teint hâlé de son dernier alias, une épicière népalaise maillon d’un réseau de contrebande.
Elle n’avait aucun remord d’avoir trahie celle qui fut sa plus proche collègue et celle qui se rapprochait le plus d’une amie. La profession n’avait que faire d’une amie et les collègues d’hier se retrouvaient souvent les ennemis de demain et inversement. L’idéalisme avait toujours été dépassé dans le jeu de pouvoir de maisons concurrentes.
Elle lui avait demandé de veiller sur le fils d’Anna et elle s’était acquittée de la tâche, prévenant qu’il fut envoyé en tant qu’enfant soldat au Soudan. Cela suffisait pour elle et comptait surtout la promesse de paiement de Zarokzy, elle le méritait et négocier son salaire avait été ardu surtout que les finances du comte étaient bien malmenées par les actions de Torr-Penn et de Gwenn.
Elle songeait à sa future retraite quelle part au Bahamas, en Amérique du sud où dans un pays moins évident pour ceux et celles qui veulent passer sous les radars des polices internationales. Elle improviserait une fois le paiement encaissée. Elle avait toujours été très forte pour improviser et se tirer d’affaire au dernier moment, où Marie prévoyait sur le long terme et aimait monter des plans dans les plans.
Mais Marie ne pouvait pas toujours tout prévoir et l’improvisation et la flexibilité se révélait souvent une meilleure allié que son satané idéalisme.
Sa dernière pensée fut pour sa plus grande amie et plus grande rivale qu’elle jalousait sans qu’elle ne voulut jamais l’admettre quand la pointe d’un parapluie s’appuya sur sa nuque et injecta un puissant poison.
Elle s’effondra sur le siège passager quasiment en même temps qu’elle ressentit la froideur de l’acier sur sa nuque.
A l’arrière de la grosse voiture noire aux vitres teintées l’un des hommes de main encadrant un jeune garçon avait terminé la mission qui lui incombait et s’était débarrassé de cette agent double devenue gênante; comme si Zarokzy pouvait avoir confiance en son silence après son changement de camp et pouvait se permettre de payer une telle somme.
Sous sa cagoule épaisse Gwenn parfois nommé Omar a deviné ce qu’il s’est passé après le silence soudain de la morte. Il maîtrise sa respiration et garde espoir comme lui a appris sa mère, fait les exercices de mémorisation et concentration mentale pour faire le vide dans son esprit et repérer le moindre détail pouvant l’aider ou lui fournir des indices sur ses kidnappeurs et leurs objectifs. Tel Kim du roman de Kipling le grand jeu est un jeu d’enfant pour lui, lui faisant ignorer les horreurs du monde des espions pour favoriser ses sens et négliger aucune brèche dans la surveillance de ses geôliers.

Mamm Coz songeait et essayait de visualiser chacune des cartes de son jeu en estimant celles de ses nombreux adversaires. Soizic avait été un espoir et la recruter son seul objectif. Elle gardait l’espoir que celle-ci pris sa place et que son entreprise aussi hardie qu’utopique ne disparaisse pas avec elle. Restait Vincent qui avait certainement compris le message. Pourrait-il garder sa couverture et cela était-il préférable? Il était temps que le frère aîné de Gwenn passe à l’action si on voulait sauver son petit-fils, cet enfant qu’elle n’avait jamais pu tenir dans ses bras ou voir autrement que sur des photos des services de renseignements.
Sa vie avait-elle une ligne parsemée d’erreurs jusqu’à une issue désastreuse? Celle d’avoir voulue concilier une vie de famille et ses activités de contre-espionnage?
Jeanne avec qui elle avait vécue tant de choses avait toujours renoncée à l’amour, la famille et une certaine part de son humanité. Elle l’avait probablement trahie à l’heure qu’il est. Gwenn malgré les tentatives pour le préserver après les difficultés qu’avaient vécues Vincent formé et actif dès son plus jeune âge s’était engagé dans l’armée et elle n’avait pu que constater impuissante que le tenir loin du monde dont elle voulait le préserver n’était plus possible.
Tout allait se régler d’une façon ou d’une autre et comme à chaque fois que ses angoisses lui tenaillaient le ventre sa résolution se raffermit dans cet entêtement typiquement breton et lui donna en même temps qu’un sursaut d’orgueil dans la qualité de ses préparatifs l’espoir et la confiance dans les LeCloarec et conjoints dispersés sur le globe et qui convergent en ce moment au secours du plus jeune louveteau de la meute.

Marvic

avatar 15/05/2021 @ 18:40:39
Quelle densité, que d'informations dans ton texte ! Je crois que toutes les cartes sont abattues. Il va quand même me falloir quelques jours pour essayer de finir ce roman d'espionnage dignement...ou pas !

Tistou 16/05/2021 @ 14:43:49
Une nouvelle arrivante, Jane Fleming (et un clin d'oeil au Népal en passant !), aussi vite éliminée qu'apparue. Mais pas pour un petit rôle. Pour ni plus ni moins l'enlèvement et la séquestration de l'enfant Gwenn. Oh ! En fait allusion a déjà été faite à une épicière, dans l'épisode 7, de Cyclo, bien vu.
On en apprend davantage sur Marie Le Cloarec alias Mamm Coz. Que de flous et de zones de recouvrement dans tous (et surtout toutes) ces agent(e)s secrets, infiltrés, doubles, ...
On nous fait état également d'un frère aîné de Gwenn (un berger de girafes ?!)...
Et j'ai relevé ceci qui, sans nul doute, devrait ravir Radetsky - et Garance si elle passait par ici : "cet entêtement typiquement breton". Vraiment ?
Que de choses encore à solder pour Marvic, qui suit, mais surtout qui clôture !

Pieronnelle

avatar 17/05/2021 @ 12:05:21
Ben dis donc il y a de l'inspiration ! Portrait fouillé de Mamm Coz ,sacrée espionne ! On est loin du petit village breton et du pêcheur tranquille...un bingo qui ne ressemble à rien de ce qu'on croyait, on voit pas trop comment tout ça peut finir !
Bon courage Marvic ,quel boulot !

Cyclo
avatar 17/05/2021 @ 18:51:38
Je me doutais bien que Mamm Coz avait eu une autre vie. Elle me faisait penser à la vieille dame du film anglais d'Hitchcock, "Une femme disparaît"... Bravo

Magicite
avatar 20/05/2021 @ 10:49:33
peut-être un peu trop dense mais la fin approchant je pensais pourvoir me le permettre.
J'ai hésité à rajouter le dernier paragraphe mais c'était mon point de départ donc au diable l'avarice.
Jeanne me sert surtout pour décrire Marie et son "projet"(par le contraste entre les 2 personnages) et j'ai du être un peu trop abrupt(par soucis de pas trop rallonger un texte qui est long déjà) et il me semblait plus évident qui est le frère aîné de Gwenn(père, enfin le fils de Marie, houlà je comprends que certains tiennent un fichier tableur des personnages) et d'insister sur cette "dynastie" d'agents secrets dissidents des agences gouvernemantales mais intégrés dedans...

Il ne manquera qu'un berger de je ne sais plus où mais j'aurais au moins mis une épicière népalaise...contrebandière en betterave nous pouvons supposer car si la carotte rends les fesses roses(dit-on) la betterave fait le nez pas laid.

Un peu cliché les bretons têtus mais niveau cliché je n'était plus à ça près ici: celui du parapluie empoissonné me gêne plus mais je suis content de la berline noire pour aller à ...Berlin.

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