Shelton
avatar 22/06/2020 @ 10:01:23
Hier, en même temps que le printemps nous quittait, Zeev Sternhell, historien et militant pacifiste israélien, nous quittait... J'ai beaucoup aimé ses ouvrages et j'ai eu le plaisir de le rencontrer, de l'interviewer et de discuter assez longuement avec lui... Un véritable plaisir ! On le retrouvera d'ici quelques jours dans L'été c'est fait pour lire mais je voulais déjà une première fois lui rendre hommage !

Vince92

avatar 22/06/2020 @ 10:34:57
Oh!
Voila une nouvelle. Lu son Ni droite ni gauche. These contreversee mais interessante....

Vince92

avatar 22/06/2020 @ 10:56:12
Article de Jean-Yves Camus dans le Figaro

Jean-Yves Camus, chercheur à l’Iris, salue la mémoire de l’historien décédé ce dimanche 21 juin et rappelle les vives critiques qui lui ont été adressées par ses pairs.

L’historien israélien Zeev Sternhell, décédé à Jérusalem le 12 juin à l’âge de 85 ans, a consacré sa vie à deux enjeux majeurs de l’époque contemporaine: la résolution pacifique du conflit moyen-oriental par la création de deux États, israélien et palestinien, et l’histoire du fascisme. Il aborda le premier en militant de la gauche sioniste et laïque non sans se lancer, à la fin de sa vie, dans un parallèle osé entre le racisme qui émerge dans l’État hébreu à l’égard des Palestiniens et des immigrés non-juifs avec le sort des juifs aux débuts du nazisme.

Sa contribution à l’histoire du fascisme est ce qui nous intéresse ici. Elle est l’œuvre d’un universitaire érudit, exigeant et passionné, attaché à l’idéal universaliste des Lumières et à la France. Né en 1935 en Pologne, survivant de la Shoah, il fut sauvé par des catholiques reconnus comme Justes parmi les Nations, puis vint en France rejoindre une de ses tantes, effectuant ses études secondaires à Avignon avant d’émigrer en Israël en 1951. Certains crurent déceler, dans son idée-maitresse selon laquelle la France avait été un laboratoire du fascisme, une forme de règlement de comptes avec notre pays. En vérité c’est à l’Institut d’études politiques de Paris que, thésard au milieu des années 60, il se prit à douter, en travaillant sur Maurice Barrès (Maurice Barrès et le nationalisme français, 1972), de l’idée dominante selon laquelle la patrie des droits de l’Homme aurait été immunisée contre l’émergence d’un fascisme autochtone. Il conteste la division des droites françaises par René Rémond, dans Les droites en France, en trois familles: légitimiste ; orléaniste et bonapartiste, agissant dans le cadre plus large d’un spectre politique construit autour du clivage droite/gauche. Largement dominante alors, cette histoire des droites postule qu’il n’existait aucun mouvement fasciste français d’une quelconque ampleur (les Croix de Feu, inspirés par le christianisme social, ne méritant guère cette étiquette) ; que les Ligues des années 30 étaient dans la tradition du nationalisme plébiscitaire ; qu’elles ne représentèrent jamais un péril menaçant la République et qu’il fallut attendre les circonstances exceptionnelles de 1940 et de l’occupation nazie, pour qu’arrive au pouvoir un régime de Vichy certes réactionnaire mais plus proche de Salazar que de Mussolini.

Sternhell réfute cette thèse dans deux ouvrages: La droite révolutionnaire, 1885-1914: les origines françaises du fascisme (1978) et Ni droite, ni gauche: l’idéologie fasciste en France (1983). Pour lui, la Belle époque a été le berceau d’une synthèse inédite entre le nationalisme antirépublicain de l’Action française, l’antiparlementarisme des Ligues et le syndicalisme révolutionnaire de Georges Sorel ou Georges Valois. Coup de tonnerre dans le ciel des idées, la parution de ces livres voit s’opposer âprement autant de disciples excessifs dans leur stigmatisation de la France que de détracteurs qui méconnaissent leurs apports novateurs. En effet Sternhell, outre qu’il invite à regarder au-delà de l’Allemagne et de l’Italie, met à jour la dimension révolutionnaire du fascisme, qui rapproche, par l’antilibéralisme, le vitalisme et le goût de la violence rédemptrice, certains nationalistes et certains socialistes opposés au caractère réducteur et mécaniste du marxisme, cherchant à concilier révolution sociale et patriotisme xénophobe dans un creuset nouveau, celui de la société hiérachisée et organique, du culte du chef et du corporatisme.

La grande erreur de Zeev Sternhell aura cependant été de ne donner du fascisme qu’une définition fort vague, pouvant tout aussi bien s’appliquer à tous ceux qu’il nommera, dans un ouvrage de 2006, Les Anti-Lumières, et d’étendre à l’infini la cohorte des fascistes (au moins par association), tous ceux qui, y compris les technocrates de X-Crise, les non-conformistes des années 30, et les personnalistes de la revue Esprit, avaient tenté de s’opposer à la fois au matérialisme et à l’individualisme, tout en critiquant une Troisième République devenue impotente. Raymond Aron d’abord, Serge Berstein, Jean-Noël Jeanneney et Michel Winock ensuite dans leur ouvrage Fascismes français? (2014), contestèrent très vigoureusement, dans une controverse qui dure depuis plus de trente ans et n’est pas close, les filiations idéologiques parfois hasardeuses établies par Sternhell, leur caractère a-historique et trop dépendantes de linéaments parfois minces de l’histoire des idées.

Sternhell a pavé la voie à une forme de masochisme.
Pierre-André Taguieff, avec quelques raisons, reproche à l’historien israélien de sous-estimer l’impact du choc de la Première guerre mondiale dans la formation et le vécu des français, des intellectuels le plus souvent, qui se retrouvèrent basculer du côté des «ultras» de la Collaboration, bruyants mais minoritaires. Il récuse la «filiation fasciste» que Sternhell attribue, dans le livre d’entretiens Histoire et Lumières (2014) à un Front national qu’il considère comme invariant depuis sa fondation. Son dernier livre, L’histoire refoulée: La Rocque, les Croix de feu et le fascisme français (2019), contient dans son titre même le terme («refoulée») qui explique la réception controversée de son œuvre: voulant à juste titre rompre avec l’idée irénique d’une France uniquement victime d’un fascisme étranger, Sternhell a pavé la voie à une forme de masochisme qui voit l’idée même de Nation française, hors sa conception idéal-typique révolutionnaire, chargée du péché originel de racisme.

Radetsky 24/06/2020 @ 11:00:01
@Vince
L'article que tu cites mériterait de figurer en préface des bouquins de Z.S.

J'ai lu les deux ouvrages principaux de Zeev Sternhell publiés en France ( La droite révolutionnaire, 1885-1914: les origines françaises du fascisme (1978) et Ni droite, ni gauche: l’idéologie fasciste en France (1983)il y a quelques années.
L'impression générale que j'en ai retirée, en dehors de l'étude de fond des personnages et des évènements, est comparable à la contemplation d'un jeu de domino dans lequel il était toujours possible de raccorder une pièce nouvelle à l'ensemble, Au fond, pour faire court, qu'on s'inspire de Joseph de Maistre, de Drumond, de Lénine ou Mao : tous fascistes !
Ceci n'enlève rien à la qualité des travaux de Sternhell, qui, au passage, permettent de lever le voile sur des liens insoupçonnés.

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