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Forums  :  Vos écrits  :  Bons baisers d'Europe

LisaSmnt
avatar 17/07/2019 @ 22:02:42
Ma vie amoureuse est un champ de mines. Depuis des années, je ne tombe que sur des filles qui changent d’avis comme de vernis. Un coup de dissolvant et plus rien. Ça relèverai presque de la magie ou plus de la sorcellerie. Ça a été comme un défilé, elles étaient toutes spéciales ou, du moins, elles savaient le faire penser. Chaque fille que je rencontre est plus incroyable que la précédente mais également plus mauvaise. Il y a aussi les déséquilibrées, plutôt originales celles-là.
Est-ce que je suis maudit ? Nan, mais parce que là ça ressemble à une blague de Dieu, j’espère au moins qu’il se fend la poire. Les meilleures blagues sont les plus courtes, là ça devient un peu répétitif. Dieu est connu pour sa créativité, pas pour son humour. L’Homme est-il créé en nombre impair pour que je finisse seul à tous les coups ? Enfin bon, les chats, c’est bien aussi. Oh ! Mais ce n'est pas si idiot que ça ! Si à quarante ans, je suis toujours seul, je pourrais peut-être adopter un chat.
Mon réveil sonne. Il est six heures du matin. Je serais en retard s'est décidé. Je compte rester dans mon lit jusqu’à sept heures à prier pour que le temps s’arrête brusquement. Ensuite, vers sept heures et cinq minutes, j’irai prendre une douche froide et rapide, j’en sortirai vers sept heures et vingt-cinq minutes pour aller m’habiller avec des vêtements choisis au hasard dans le premier tiroir que ma main agrippera. Vers sept heures et trente minutes, je commencerai à avoir peur pour mon avenir et à courir vers la fac pour ne pas être trop en retard non plus, mais je m’arrêterai quand même dans un café. Je commanderai une boisson chaude à emporter vers sept heures et cinquante minutes, il me sera servi quatre minutes plus tard et je débourserai trois euros et des choux-fleurs pour cet élixir du diable. Je chercherai une place de parking pendant une vingtaine de minutes. J’arriverai finalement en cours avec quarante-deux minutes de retard. Le professeur me regardera avec un air dépité.
Ma matinée était déjà planifiée à la minute près. J’ai tout juste vingt an et ma vie ne me réserve plus la moindre surprise. La pensée d’une vie routinière me déprime et me donne envie de tout changer. Je décide donc de tout changer. Maintenant. Je sors de mon lit, je vais dans la salle de bains et me place face au miroir. Je me donne quelques paroles d’encouragement et, ce matin, au lieu d’une froide et rapide, j’opterai pour une douche chaude et longue. Je tourne donc le bouton des quinze degrés vers les trente degrés. C’est agréable. Je reste sous l’eau à attendre comme un idiot pendant plus d’une heure. Je fais attention aux vêtements que je mets, et je quitte mon petit appartement et conduis jusqu’au café, comme hier, mais je ne connais pas d’autre endroit où avoir un bon café en ville.
Je commande un café noir et un croissant sur place. J’ai un peu de temps ce matin. La clochette suspendue au-dessus de la porte n’arrête pas d’annoncer de nouveaux clients. Le journal posé sur la table énonce des faits divers qui ne m’intéressent aucunement. Il est l’heure pour moi d’aller en cours. Au moment où je me lève de ma chaise, je percute quelqu’un et son café se renverse sur le sol et sur mes chaussures. Je lève brusquement la tête et découvre la plus belle chose qu’il m’ait été donné de voir. Une jeune femme aux yeux d’un bleu éclatant se confond en excuses devant moi.
— Oh ! Pardon.
— Nan c’est moi, je n’ai pas regardé avant de me lever.
— Tes chaussures, dit-elle en regardant vers le bas.
— Ce n’est que du café, ne t’embête pas.
— Les frais de nettoyage sont pour moi.
— Laisse-moi t’offrir un autre café.
— Ça aurait été avec plaisir, vraiment. Mais je suis déjà en retard, je ne voudrais pas l’être d’avantage. Ce n’est que partie remise !
Je n’ai pas le temps de dire au revoir que l’inconnue du café a disparu comme un éclair. Je rejoins ma fac à l’heure voire même en avance, et pour la première fois depuis la rentrée, je trouve une place de parking comme si elle était là rien que pour moi.
Le cours se termine enfin après une heure trente-cinq d’incompréhension totale où le professeur ne m’a pas lâché du regard. Me voir ici, à l’heure, est un choc pour tout le monde. En sortant de la salle, je me rue vers la cafétéria comme quatre-vingts pour-cent des étudiants. Je me glisse dans la queue. Les aliments proposés ont l’air peu appétissant, mais à défaut d’autres choses…
Je me contente d’un autre café noir. Au moment où je cherchai de la monnaie dans ma poche, une
main se pose sur mon bras.
— Laisse, c’est pour moi…
Je lève la tête et croise de magnifiques yeux bleus. Je la reconnais d’un coup d’œil. L’inconnue du café.
— Oh… Rebonjour.
Elle paye mon café.
— Merci.
— Je te le devais.
Nous restons là à nous regarder dans le blanc des yeux. Ses longs cheveux brillants sont cachés sous un bonnet noir, son style vestimentaire est simple, mais n’en ai pas moins élégant. Des étudiants nous bousculent, nous gênons apparement. Je l’invite donc à venir s’asseoir avec moi un peu plus loin. Elle accepte en souriant. Quel beau sourire.
— Je ne savais pas que tu étais inscrite à cette fac, je ne t’ai encore jamais vu.
— Je ne suis pas inscrite ici, je venais voir quelqu’un.
— Oh…
— Non, pas quelqu’un comme ça. Je suis venue voir mon frère.
— Ça veut dire que tu es… libre ?
— Oui, complètement libre.
— C’est chouette. Mieux vaut être seule que mal accompagnée.
— Sans doute… Bon excuse moi, je dois y aller. Au revoir !
— Salut !
Je me rejoue la scène, plusieurs fois, et mon idiotie me saute au visage. Cette fille me plaît, c’est clair.
« Mieux vaut être seule que mal accompagnée », mais quel abruti ! Pourquoi j’ai dit ça ? J’aurai pu dire n’importe quoi et il a fallu que je lui sorte ce dicton à deux balles. Je cherche autour de moi, elle est encore là, elle quitte la cantine, mais elle est encore là. Je cours la rattraper. Une fois arrivé à sa hauteur, je lui crie quelques mots.
— Comment tu t’appelles ?
— Chloé.
— Moi s’est Max. Y a un parc devant chez moi…
L’incompréhension se lit sur son visage.
— Ce soir il y a une sorte de fête foraine là-bas. Ça te dirait de m’y accompagner ?
— Tu me propose un rendez-vous, Max ?
— Un truc comme ça… Oui… Je crois…
—Ce sera avec plaisir.
Elle sort un bout de papier de son sac et écrit son numéro dessus.
— Envoie moi ton adresse, on se retrouve chez toi.
Je hoche la tête et elle repart. Je me réjouis à l’idée d’une soirée en sa compagnie.


Je la vois par la fenêtre. Elle vient de sortir de sa voiture et avance vers la porte du bâtiment. Le temps pour moi de lacer mes Converses. Mon téléphone fait vibrer le meuble sur lequel il est posé. C’est Chloé. « Je t’attends en bas ». J’ai hâte de la voir, de plonger mes yeux dans les siens. Je descends les marches deux à deux. Un grand sourire s’affiche sur son visage quand elle me voit. Ça fait chaud au cœur.
— C’est donc là que tu vis.
— Oui, en attendant d’être diplômé. Et toi où vis-tu ?
— Je partage un appartement avec une amie, au centre-ville.
Un air ce saxophone parvient jusqu’à nos oreilles. La musique annonce le lancement de la fête foraine.
— Chère Chloé, acceptes-tu de m’accompagner ?
— Avec grand plaisir.
J’attrape sa main et nous avançons jusqu’au parc. Il y a déjà du monde. Le soleil se couche sur la ville laissant place à la nuit et à la lumière des guirlandes et des réverbères. Il y a toutes sortes de stand. Principalement des jeux et des snacks.
— J’ai toujours rêvé d’aller à un événement de ce genre.
— Quoi ? Tu n’es jamais allée à une fête de quartier ?
— Non… Je n’en ai jamais eu l’occasion.
— Alors laisse moi faire. Je vais te montrer les incontournables.
Elle me sourit et lance le départ.
— Tu ne peux pas assister à ce genre de foire sans jouer à un stand de tir.
— Celui où tu gagnes une grosse peluche ? Ça se passe comme ça dans les films.
— Mais là c’est mieux.
— Pourquoi ?
— Parce que c’est réel.
Je serre un peu plus fort sa main et l’entraîne vers le stand.
— Bonsoir Monsieur et Mademoiselle !
— Bonsoir, une partie s’il vous plait.
Il donne un ticket pour jouer et me place une carabine entre les mains.
— Vous avez trois cibles, si vous en touchez au moins deux, vous gagnez la peluche de votre choix.
Je me positionne correctement et tire une première balle. Je rate ma cible et me plains du manque de stabilité du stand en même temps. Chloé me propose d’essayer à son tour, bien évidemment, j’accepte.
Elle s’installe, tire et bim ! Dans le mille ! Elle tire une deuxième fois et ne rate pas sa cible. Cette fille est douée.
— Pas mal du tout ! Je suis impressionné.
L’homme derrière le stand nous propose plusieurs peluches : un lion, un énorme singe ou un tournesol. Elle me laisse choisir. J’opte pour le tournesol en peluche. Elle trépigne d’impatience et sautille et jusqu’au stand suivant. Les autos tamponneuses.
— Alors c’est chacun pour soi ou…
— Max ! Je t’apprécie, mais c’est chacun pour soi sur ce coup-là.
— Ah… Tu veux jouer à ça ? Pas de problème, prépare-toi à perdre, ma belle.
Nous nous installons chacun dans une machine. Elle me prend par surprise et me tapant à l’arrière, ma vengeance ne se fait pas attendre. Son rire éclate, son bonheur est contagieux. Voir cette fille sourire me donne envie de sourire à mon tour. Elle est tellement belle.

Le tour de manège s’achève dans un éclat de rire. Elle regarde sa montre et son sourire s’efface.
— Je… Désolée, je vais devoir y aller.
— Je croyais qu’on passait une bonne soirée…
— C’est le cas ! J’ai passé un super moment, mais je dois me lever tôt demain matin et j’ai encore du travail.
— Oh… D’accord.
— Je te raccompagne jusqu’à ton hall.
— Avec plaisir.
Elle prend ma main et nous quittons les lieux dans le silence. Nous sommes tous deux déçus que cette soirée se termine.
L’air est plus frais, comme l’ambiance. Nous nous retrouvons face à face, un peu gênés. a Qu’est-ce qu’on est censé faire dans un moment comme ça ? Parler de la pluie et du beau temps ? Se souhaiter une bonne continuation et à la prochaine ?
— J’ai passé une super soirée, Max. Merci.
Elle me dépose un baiser sur la joue et s’en va.
— Chloé !
Elle se retourne et je lui tends la peluche en forme de fleur.
— Euh… Passe une bonne nuit !
Elle baisse la tête et repart. Je remonte dans mon appartement. Je suis sans doute le plus stupide de tous les hommes. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais son humeur a changé en quelques secondes, j’ai peut-être fait une gaffe quelque part. Je ne lui plaît peut-être pas. Peut-être qu’elle a accepté ce rendez-vous pour être polie. Je devrais arrêter de me torturer, sinon je risque d’inventer toutes sortes de choses insensées.
A la place, je vais me vautrer dans mon sofa et regarder un bon vieux film muet. Un truc dans ma poche arrière me gêne. Ça doit être mon téléphone. Il sonne quand je le saisis. Ce n’est pas ma sonnerie et je ne connais pas le nom affiché à l’écran ni le fond d’écran. C’est sûrement le téléphone Chloé. On a du l’échanger à un stand. Il faut absolument que je lui ramène. Mais pas ce soir. Ca ferait trop organisé, je ne veux pas que cet échange semble volontaire. D’un côté, je veux faire le mec cool, mais de l’autre, je me dis qu’elle pourrait en avoir besoin dans la soirée. Le problème, c’est que je ne sais pas où la trouver. Les deux fois où je l’ai croisé, c’était un pur hasard. Son frère travaille à la faculté, je peux peut-être le trouver et lui demander où est sa sœur. Ça a l’air un poil tordu, mais je n’ai pas d’autre idée. Je me lève d’un bond et je prends les clés. Je descends les marches deux à deux et j’arrive essoufflé jusqu’à ma voiture. Je roule jusqu’à l’université.
Les lumières semblent toutes éteintes. C’est un facteur que je n’ai pas pris en compte : l’heure. Je m’introduis à l’intérieur pour tenter ma chance malgré tout. Plusieurs salles de cours sont encore occupées par des professeurs en retard dans leur travail. Je fais le tour des salles à la recherche de quelqu’un ayant une sœur nommée Chloé. Au bout de la troisième tentative, je désespère. Soudain, un homme d’une trentaine d’années s’approche de moi et me dit qu’il pense connaître la femme que je décris. Je lui montre le téléphone et il confirme. Il hésite au moment de me dire où je peux la voir. C’est vrai que je ressemble plus à un fou qu’autre chose. Je lui raconte la soirée que j’ai passée en compagnie de sa petite sœur. Arrivé à la fin de mon récit, il répond à ma question. Je ne sais pas si c’est pour être gentil ou pour me faire taire, mais je m’en contente.
— Elle doit être à l’aéroport maintenant.
— A l’aéroport ?
— Vous n’êtes pas au courant ? Elle part pour un stage professionnel en Allemagne.
— Nan mais c’est une plaisanterie.
Je ne sais pas quoi faire.
— Si vous voulez la voir, vous devriez vous dépêcher.
Je réfléchis très vite. Cette fille a bouleversé ma routine. Nous ne sommes sortis ensemble qu’une fois, mais j’ai envie de recommencer pour voir jusqu’où nous pouvons aller ensemble.
— Merci !
Je cours de nouveau jusqu’à ma voiture. Je grille des feux pour être sûr d’arriver à temps. Je me gare de travers, devant les portes. Je vais probablement repartir avec une amende.
Je trouve Chloé devant un distributeur de boissons. Nous sommes voués à nous rencontrer devant un café.
— Salut, Chloé. Elle se retourne.
— Max ? Qu’est-ce que tu fais là ?
— Je pourrais te poser la même question. Mais je ne suis pas là pour ça. On a échangé nos téléphones à la fête foraine.
Elle sort le mien de son sac.
— Je n’avais même pas vu. Merci d’avoir fait tout ce chemin pour me le rendre. D’ailleurs, comment tu as su où j’étais ?
— Je suis allé chercher ton frère à la fac et je lui ai demandé. Je sais qu’on dirait un fou obsessionnel, mais je t’assure que je suis normal, j’ai fait des tests.
— Tu as fait des tests, dit-elle en riant. Et non ce n’est pas fou, un peu atypique mais pas fou. C’est gentil.
— Pourquoi tu ne m’as pas dit pour l’Allemagne ?
— Je t’apprécie, je voulais te le dire mais j’avais peur que tu fasses une croix sur d’autres potentiels rendez-vous avec moi. Quatre mois, c’est long et on ne se connaît pas, je ne peux pas me permettre de te demander d’attendre mon retour.
— Je comprend. C’est vrai qu’on ne se connaît pas beaucoup. J’ai très envie de changer ça. Je ne vais pas t’attendre, je vais faire une pause avec les femmes. J’y prêterais de nouveau attention dans quelque temps… Dans quatre mois peut-être. Je ne t’attendrais pas, Je vais juste arrêter de chercher la femme de ma vie pendant quelque temps. Toi par contre, tu as droit de m’attendre si tu veux.
Son magnifique sourire réapparaît et nous rions à l’unisson.
— C’est adorable mais je pars pour le travail. Je ne risque pas de trainer dans les bars à longueur de temps. Tu n’as pas trop de soucis à te faire. Je ne t’attendrais pas non plus, mais je ne prévois pas de faire de rencontre.
— Tant que tu ne te maries pas avec un allemand dans les quatre mois à venir, tout va bien.
Une voix dans les hauts parleurs indique que le vol en direction de l’Allemagne va décoller et que les passagers doivent monter à bord.
— Au revoir, Max. A dans quatre mois.
— Au revoir, Chloé et à dans quatre mois.

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