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Veneziano
avatar 31/03/2019 @ 17:36:28
Bonjour. Je vous soumets les deux premiers chapitres d'un conte écrit par un ami qui souhaite avoir vos avis. Merci d'avance pour lui.




La mission


En des lieux forts retirés aux confins de l’Univers, où les planètes se serrent les unes les autres dans une étroite dépendance régie par les lois d’une extrême gravité, - c’est-à-dire en plein cœur de Paris - régnait un Prince d’apparence débonnaire, bien frais, bien rose, et bien dodu. On lui souffla que son favori lui taillait des croupières et il en conçut une cruelle désillusion. Il confia son amertume à des proches, propulsés aux plus hautes fonctions de l’Etat, tous condisciples de jeunesse et d’étude car tous de la « Promotion Voltaire ». Il murmurait de telle sorte qu’on l’entendît : « Macron m’agace, Macron m’agace ». Et ceux-ci, en pastichant le fameux conte de ce même Voltaire, affublèrent le favori du sobriquet de « Macronmégas ».
Ils suggérèrent au Prince de mettre cette créature à l’épreuve, d’abord parce que c’était un béjaune en politique, ensuite, parce que ses prétentions commençaient à leur faire de l’ombre. Le Prince autorisa Macronmégas, avec valeur d’obligation, à aller affronter le monstre qui agitait, comme les algues au fond des mers, des milliers de têtes au regard interrogateur ; et peut-être réprobateur. Une populace d’apparence soumise mais imprévisible, qui avait porté le Prince au pouvoir, mais qui commençait à gronder.
Macronmégas, tel un nouveau Siegfried, accepta la gageure. Il enfourcha sa comète qui l’expédia sur la Terre des réalités ; ‘un globe fort mal construit, si irrégulier et d’une forme qui parait si ridicule, que tout semble dans le chaos… Les climats sont tels que les lieux sont nécessairement pauvres et mal famés’.
C’est cette comète qui, en l’an de grâce 2014, apparut à Candide dans la lunette qu’il avait mise au point, car délaissant son jardin à son acariâtre Cunégonde, pour avoir la paix, il s’était pris de passion à observer un Ciel inconnu de Galilée lui-même. Un Ciel infernal : l’Enfer politique. La comète provenait de la Constellation des Médias, elle-même jaillie du Trou Noir de la Galaxie des Enarques. Il en calcula la trajectoire et sut la modifier au moyen de miroirs réfléchissants afin qu’elle s’approchât du lieu où il se tenait. Le conducteur de la comète sauta sur une météorite qui est l’objet céleste le plus facile à manœuvrer. Et la météorite termina sa course à proximité des miroirs qui en étaient le piège. Il en débarqua un jeune homme qui, après s’être épousseté de ses particules cosmiques, considéra avec curiosité l’être banal qui venait à sa rencontre.
Ce dernier, fort civil, lui eût volontiers serré la main en signe de politesse, comme une approche d’amitié, quand le jeune homme, d’un geste balladurien, l’arrêta net : « Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes, je vous prie, car je n’ai rien pour me désinfecter les mains ».
- Me ferez-vous alors l’honneur de me dire qui vous êtes ? interrogea l’autochtone un peu surpris d’un accueil aussi réservé.
- On m’appelle Macronmégas.
- Et moi, Candide.
- Vous êtes apparemment de ces petites gens qu’on appelle prolétaires et qui infectent la société. Vous êtes les sans-dents…
- Des sans dents qui peuvent encore mordre.
- Ils sont porteurs du virus de la contestation. Donc, gardez des distances prophylactiques pour éviter que vous me contaminiez.
- J’ai observé, à travers mon télescope politique, que vous venez tout droit d’un astre composé d’une matière grise particulièrement dense, inscrit sur la carte du Ciel, telle que j’ai pu la dresser, sous le sigle QI 135. Le même que celui d’Einstein.
- Je me targue d’avoir un esprit à la fois large et fécond qui brille de tous ses feux. Je scintille. C’est pourquoi l’on m’a recommandé au Prince. Et je l’ai séduit au point que je suis entré dans son intimité. J’ai eu assez d’aplomb pour être son fol par la diversité de mes petites blagues, dont il est friand. Et lui, Prince sans rire sous des dehors compassés, me rétorquait par des petites blagues. C’est à qui serait le meilleur.
La rencontre du Prince et de Macronmégas avait été incontestablement le résultat de ce que l’on appelle un coup de foudre. Le Prince ne jurait que par lui, et lui se convainquit bientôt qu’il était indispensable au Prince. Or le Prince, là était sa faiblesse, jouait la comédie du pouvoir dans l’atermoiement, l’attentisme, et ce qu’il appelait « la synthèse ». « Une fois que ma décision est prise, se justifiait-il martialement, j’hésite longtemps ». L’impétueux Macronmégas, issu des mêmes écoles que le Prince, ce qui renforçait leur connivence, ne se gênait point à bousculer son maître, qui ne demandait qu’à être bousculé. « En marche ! lui disait-il souvent, avançons, du mouvement, de l’air ! ». Ce discours plaisait au Prince, à condition qu’il n’eût pas à bouger.
Macronmégas tirait orgueil du nom que des langues vipérines et jalouses avaient affublé, par un détournement malicieux de prononciation. Il le magnifiait deux fois en flattant deux fois son égo. Grand, il l’était par son préfixe ‘macro’, et grand par son suffixe ‘mégas’. En outre, il se rengorgeait qu’on le comparât au bon géant du conte de Voltaire. Il en devint impudent de fatuité, de morgue et d’arrogance, au point que son voisin de palier au ministère, qui ne pouvait se prévaloir que d’un nom de conifère, l’appelait « l’Enflure », prouvant ainsi qu’il se regardait peu dans la glace. Le Prince, désenchanté que son protégé cherchât à voler de ses propres ailes en lui rognant les siennes, en vint à se sentir menacé par un « tu quoque… ». Aussi se tint-il sur ses gardes.
Macronmégas affichait son impétuosité par une âme de guerrier, le verbe martial, l’allure svelte et décidée, au pas de charge. Il portait une armure de diplômes prestigieux qui lui permettait de miroiter dans le monde, ce qui ajoutait à son rayonnement, et de croiser le fer contre les conservatismes qui se dressaient sur sa route. Son esprit est l’un des plus cultivés que nous ayons. Il sait beaucoup de choses, s’émerveillait-on ; il en a inventé quelques unes. Quoiqu’il n’eût point deviné par la force de son esprit, les cinquante propositions d’Euclide, comme Micromégas, il peut revendiquer l’invention admirable d’avoir établi comment prendre des vessies pour des lanternes, du temps même où il étudiait, selon la coutume, au collège des jésuites de sa planète, le bien nommé « La Providence ». Les jésuites sont des maîtres pour faire croire que Jésus a existé, ce qui n’est pas le moindre de leur art. Ils savent par conséquent, mieux que des alchimistes, transformer le plomb en or, et les illusions en vérités.
Monsieur de Nitilinac, l’un des plus féconds penseurs de ce siècle, bien que son œuvre reste à découvrir, disait de Macronmégas, sur les ondes de Radio Terre Lune, le 10 février 2016, qu’il arrivait d’une planète mi-économique, mi-philosophique, et qu’il appartenait à la Galaxie Hollande. L’âge de Monsieur de Nitilinac l’engage déjà dans la confusion ou bien a-t-il vu double dans sa lunette, car existe-t-il des demies planètes ? Le Premier Ministre du Prince, une brute de décoffrage, la jugulaire saillante, et franc de collier, avait une acuité plus nette : « Le problème avec lui (Macronmégas), c’est qu’il est infantile. Il tente d’exister sur une planète virtuelle ». (Canard Ench. Du 17/02/16)
- Pourquoi cherche-t-on à vous éloigner des sphères du pouvoir ? Vous ne seriez plus en odeur de sainteté ?
- Le fait du Prince. Je dérangeais l’ordre établi parce que je souhaitais le réorganiser, afin de le rendre plus efficace, plus performant. Progressiste. Mes initiatives attentaient aux prés carrés solidement verrouillés de caciques figés dans l’immobilisme. Le Prince, sans me désavouer, évite de les provoquer. L’ordre établi est sans doute ce qu’il y a de plus sacré sous nos latitudes. Or le Prince n’est que l’humble représentant en ses Empires de la Céleste Transcendance. C’est pourquoi il a signé mon décret d’exil. « Pour vous rendre enfin utile, m’a-t-il signifié, vous visiterez tous les lieux où s’exerce ma volonté. Soyez plus performant que ceux qu’on cite comme les estafettes de la Divine Transcendance et dont l’Histoire signale la trace. Mercure fut l’un des premiers et l’officiel messager des dieux. Il y eut aussi Jésus, que son papa, un autre dieu de la panoplie, a fourvoyé parmi les hommes. Et puis encore un être-ange inconnu, désarçonné de sa comète et qui semble avoir explosé en vol, ce dont la tapisserie de Bayeux témoigne. Jeanne d’Arc est une hypothèse plausible, hélas partie en fumée. Quant à Micromégas, ses voyages à travers l’espace se passent de doute ; cela a été conté. Enfin, Macronmégas, vous voilà.
- Pour quelle mission ?
- Certainement pas prêcher l’amour du prochain, ou la promesse d’un Paradis pour récompense d’une vie de sacrifice, ou la soumission à la fatalité du malheur ; ce sont les niaiseries ordinaires et périmées que réclament les dieux inventés par l’homme. La Céleste Transcendance, à laquelle le monde moderne doit tout est le dieu révélé de l’efficacité portée à son paroxysme. C’est elle qui met en mouvement l’humanité en lui insufflant une nouvelle énergie qui doit bousculer l’attentisme désespérant des acteurs économiques, et en réverbérant les principes indéniables du libéralisme. En un mot, c’est le Progrès. Oui, rendez-vous utile, Macron – c’est le diminutif affectueux que le Prince m’octroie quand il me veut amadouer – Soyez le messager ailé et zélé du Progrès »



II

Le cercle des économistes

Macronmégas se délectait de la naïveté rafraichissante de Candide. Aussi lui offrit-il, pour s’en divertir, de l’accompagner afin qu’il juge par lui-même les agents essentiels qui font progresser le monde.
- Le progrès, lui dit-il, alors qu’ils avaient en vue la Galaxie des Economistes, est un moteur qui a ses concepteurs et ses mécaniciens. Il faut les écouter. J’ai justement mes entrées particulières chez le plus remarquable d’entre eux. Il est presque mon directeur de conscience. Il est reconnu par ses pairs pour être une clé de voûte de la pensée économique contemporaine dans la vaste cathédrale du libéralisme. Un génie incontournable.
Macronmégas surprit la clé de voûte alors qu’elle venait de s’ébrouer de son réveil, ce moment favorable aux énergies de l’intelligence, bien que cette intelligence n’eût jamais été surprise à dormir. Néanmoins, l’accueil fut réservé car les visiteurs perturbaient une réflexion sur la Crise qu’on lui avait récemment commandée. Autrefois, son Excellence avait été Secrétaire Général de l’Elysée et le Conseiller particulier de Dieu. Quand Dieu rendit l’âme, les princes qui se succédèrent se disputèrent ses lumières sous la forme d’une multitude de rapports, dont certains furent lus.
- Nous venons en son temple louer son Excellence, s’annonça obséquieusement Macronmégas afin de respecter les règles de déférence auxquelles son Excellence était sensible.
Très concentrée en sa méditation, Celle-ci faisait les cent pas, les mains croisées derrière le dos. Elle clarifiait des syllabes afin qu’elles fussent bien distinctes et raclait sa gorge pour s’éclaircir la voix, car elle avait une conférence à donner.
- Tout se passe, dit-elle en prenant soudain Macronmégas à témoins, comme si le système avait périodiquement besoin d’une Crise pour retrouver le sens des grands ordres de valeur économiques… La Crise nous conduit à revenir aux fondamentaux qui sont bons… Il faut s’habituer à l’idée qu’elle ne constitue pas un cataclysme mais une méthode de régulation d’une économie qu’on n’arrive pas vraiment à encadrer par des lois et des politiques… C’est-y pas jeté, ça ! Macron ?
- Dura lex sed lex, hasarda poliment Macronmégas. La loi de l’économie est la loi du plus fort ; donc celle de la concurrence à outrance des marchandises, donc des hommes puisqu’on en a fait des marchandises.
- Dans cet emboitement logique rythmé par ces jolis « donc », vous révélez quel puits de science vous êtes, Macronmégas.
- Le petit discours bien senti que son Excellence vient de débiter, s’immisça Candide, a déjà été exprimé par Monsieur Elie Cohen. Le plagiat permet sans doute de mieux épouser sa propre pensée.
- Qui est ce cuistre qui m’insulte en me traitant de plagiaire ? Savez-vous au moins qui je suis ? toisa son Excellence piquée.
- Vous êtes le Maître des rapports sous le nom de Monsieur Attali.
- C’est exact. Et à quoi m’avez-vous reconnu ?
- A votre laideur. Votre visage est à lui seul un lanceur d’alerte de votre nocivité.
- Faites taire ce grossier personnage, Macronmégas, ou je vous prive de mes derniers conseils sur la Crise.
- Le rapport Attali le plus récent, insista Candide, n’est qu’un rapiéçage des précédents. Et chacun des précédents apporte une solution péremptoire aussitôt contredite par les faits. La caducité est son mode de fonctionnement.
- Macronmégas, d’où sortez-vous cet olibrius, ce moins que rien, qui persiffle avec impudence mes veilles et mes travaux ? Veuillez être ferme à mes côtés.
- Monsieur Macronmégas, l’homme le plus respectueux de votre enseignement, souhaite que je, olibrius, le devienne avec la même intensité. Vous l’avez emprisonné dans vos visions ; or les miennes sont encore libres.
- Mes visions ? Qu’est-ce que vous me racontez là ? Que savez-vous de l’économie pour le prendre sur ce ton, alors que je donne des cours, des conférences, que je tiens des séminaires, produis des livres…
- Des rapports. Les fameux rapports Attali. Ce qui fait dire dans certains cercles où l’on juge encore avec esprit, qu’Attali est à l’économie ce qu’Attila est à l’herbe. Vous êtes à vous seul un principe de dévastation.
- Je ne dévaste que les idées reçues et cela me fait honneur.
- Non, non, Monsieur, vous dévastez au sens très littéral du terme. Ne siégez-vous pas au Comité consultatif de la « Columbus Gold » qui, pour une poignée d’or, ravage l’une des plus belles forêts équatoriales du monde ?
- L’exemple est mal choisi. Ce beau projet est exemplaire. Il encourage l’avancée du progrès par la création d’emplois et l’éclosion d’une activité rentable dont je n’ai pas à rougir. Car je contribue au recul de la Crise.
- La Crise ? Quelle Crise ? dit Candide.
- Vous aimez empiler les paradoxes et je déteste perdre mon temps. Alors, réservez votre caustique rusticité à d’autres. Nous ne sommes pas du même monde. Vous êtes dans l’utopie ; je suis dans le réel, et j’ai une conférence à donner de première importance, justement sur les mutations de la Crise dont il s’agit d’immuniser les injonctions financières par des remèdes palliatifs.
Une formulation qui fit sourire Macronmégas. Son Excellence, contrariée, désira poursuivre seule, et pria ses invités, avec des manières un peu brusques, de quitter les lieux. Elle adressa un regard noir chargé de colère à son protégé, qui ne sembla pas autrement s’en formaliser.
- Monsieur Attali est homme susceptible, ce qui le rend de méchante humeur.
- Ce n’est que l’humeur d’un méchant homme. Je lui dois ce que je suis, mais il ne supporte pas que je sois le meilleur. Une certaine aigreur récente de sa part insinue que mon programme est vide, et il n’a pas su contrôler cette réflexion. Il est jaloux des égards dont j’entoure son rival, Monsieur Minc, auquel je vous propose de rendre visite. C’est un pilier de théorie économique, incontournable, comme on a pris l’habitude de dire.
En un jet d’aérolithe, ils sonnèrent à sa porte et c’est un homme extrêmement chaleureux qui les accueillit.
- Ha ! Macronmégas, dans mes bras ; quelle bonne surprise ! Je viens juste de prendre connaissance des dernières mesures que vous préconisez pour juguler la Crise.
- Ce n’est que la première salve.
- Vous êtes l’hirondelle qui annonce les beaux jours, à condition que ces mesures soient portées à la puissance 5 ; voire à la puissance 10. Je suis bien placé pour savoir ce qui manque au Prince pour leur mise en œuvre. C’est le courage politique. Il ne m’écoute pas ; ou bien d’une oreille distraite. Nous partageons la même difficulté. Or il est plus que temps de brusquer les archaïsmes ; ils enserrent le pays dans un conservatisme stérile que défendent bec et ongle des privilégiés aux situations acquises : fonctionnaires, syndicats, retraités, tous oiseaux de malheur insoumis aux lois du Marché. Mais ‘la réalité économique, c’est comme la loi de la pesanteur. Jusqu’à nouvel ordre, on ne s’est pas émancipé de la loi de Newton’.
- Ni de celle d’Einstein, compléta Macronmégas d’un air entendu. Permettez-moi de vous féliciter que l’on vous ait attribué le Prix du Livre politique : « Un Français de tant de souches ». Il couronne une vie de polygraphe dont l’œuvre exceptionnelle fera date. Vous aimez qu’on vous encense ; aussi suis-je parmi les premiers. Votre injonction récente : « Par ici la sortie de Crise » vous pose en prophète des temps modernes.
- Le Capitalisme, je l’ai dit maintes fois, est une machine à produire de l’efficacité et de l’inégalité (+). La Crise est son carburant et vouloir en sortir c’est surtout vouloir la renforcer.
- Vous êtes en quelque sorte, vous aussi, un lanceur d’alerte mais qui jette de l’huile sur le feu.
- On charge la Crise de tous les maux alors que ces maux ne sont que le reflet de la Crise. On prend l’effet pour la cause. Justement, je dois rencontrer Finkielkraut pour débattre de cette épineuse question : « Quelle leçon tirer de la Crise ? ». Un repas au « Grand Véfour » doit harmoniser les réponses que nous ferons sur les plateaux de télévision. Je suis ravi de vous avoir revu, Macronmégas. Ne vous formalisez pas si je vous quitte un peu brusquement, je n’ai que le temps d’enfiler mon smoking, d’ajuster mon nœud papillon, et d’assortir mes boutons de manchette.
Et Monsieur Minc prit congé après une dernière étreinte.
- Ha ! le p’tit Minc sera toujours le même, confia Macronmégas à Candide quand ils furent seuls. Il récite sempiternellement la même leçon depuis qu’il est sorti major de sa promotion. Et maintenant qu’il a rejoint Monsieur Juppé, je perçois en lui un nouvel élan. Il est en train de changer de nid. Sa virtuosité intellectuelle construit des nœuds d’intrigues par la puissance fécondante de son esprit retors, afin de se ménager, quelque soit le futur prince, un ressui (gîte) bien au chaud, au sommet de l’Etat. Il capte le vent. Monsieur Juppé devrait être prudent quant à un tel soutien. Ces deux messieurs, Attali et Minc, qui ont eu l’obligeance de nous recevoir, ont une conduite officielle subtile et d’une implacable efficacité. Sous couvert d’humanisme et d’intérêt général, il y a un affairisme rusé et âpre au gain. L’argent, l’argent est leur seule boussole. Ils sont loin, dans leur catégorie, d’être les seuls. Suivez-moi.
Macronmégas et Candide poursuivirent leur chemin à travers cette Galaxie des Economistes afin de prendre le poult de ces visionnaires aux convictions réglées. Et Macronmégas arbitra d’énigmatiques disputes sur d’immuables paramètres toujours ressassés : compétitivité, rendements, productivité, assouplissement des normes, inversion de leur hiérarchie, fluidité, innovation, profits, investissements, consolidation des Bourses… e mille tre. Querelles d’école où siffle et persiflait l’anathème sur jets de venin. Les plus péremptoires étaient souvent des messieurs très cholestérolisés qui avaient dépassé un tour de taille critique ; l’énorme Elie Cohen, l’épais Emmanuel Lechypre, le gras Jean-Louis Gombault, Le gros Sapin roi des impôts, - c’est du dodu doudou dis donc - e mille tre, mille tre ; Leporello viens à leur secours ! Que dire du chœur des hosannah qui chante la polyphonie du libéralisme, Tirole, Seu, Langley, l’inénarrable Jean-Marc Sylvestre, le Sylvester Stalone de l’économie, e mille tre, mille tre, relayés par des essaims d’atomes pensants bourdonnant une sorte de basse continue, à partir de leurs ruches, ces Cabinets, Instituts, Conseils, Think Tanks, grouillant de spécialistes en langue absconse mais bien tendue. Pour être crédible, conseille Lacan, faîtes obscur. En permanence, le Libéralisme réinvente un destin.
Seul Macronmégas se tenait en dehors du brouhaha général. Ses travaux et sa réputation le plaçaient au dessus de cette médiocre mêlée.
En sa « jeunesse » féconde, par son ardeur, son imagination, sa rigueur, son obstination, ses veilles, il fit émerger une découverte inouïe qui structurait enfin l’Economie sur des bases indiscutablement scientifiques. Une découverte qui énonçait que l’économie (e) égalait le produit du marché (m) par le carré de la compétitivité (c), Id est : e = mc2. Il rejoignait Einstein encore seul dans son panthéon des grands hommes de science.
Une quinzaine d’années plus tard, Macronmégas chamboulait à nouveau l’ordre économique. Une découverte majeure qui s’énonçait en quelques mots : la Crise n’existe pas. Ce qui dégageait enfin le Capitalisme de sa mauvaise conscience. « Ce rouage du Capitalisme qu’on appelle Crise, expliqua-t-il, est un cancer social dont on ne conjure les effets, c’est-à-dire le chômage, que par une inflexible flexibilisation du travail, qui repose elle-même sur le paradoxe ubuesque que, pour embaucher, il faut licencier ». Les Attali, Minc, et consorts, s’exténuent à proposer des solutions à ce qui n’est pas un problème, et donc, à justifier le lendemain pourquoi ils se sont trompés la veille, comme dit l’Oncle. Longtemps les hommes ont cru que le soleil tournait autour de la terre. La révolution copernicienne a prouvé la révolution de la terre autour du soleil. - Je ne divulgue pas ma récente découverte parce qu’elle perturberait gravement l’organisation mentale de mes petits confrères. Mais vous en êtes un confident, Candide parce que vous n’y comprenez rien. La Crise est congénitale du Capitalisme ; comme Satan l’est de Dieu ».

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