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Veneziano
avatar 03/02/2019 @ 15:54:28
Je vous soumets le premier chapitre d'un conte politique d'un ami à moi, Desthieu. Il est intitulé Macronmégas et s'inscrit dans une suite de textes réunis dans Macronphobie.



La mission


En des lieux forts retirés aux confins de l’Univers, où les planètes se serrent les unes les autres dans une étroite dépendance régie par les lois d’une extrême gravité, - c’est-à-dire en plein cœur de Paris - régnait un Prince d’apparence débonnaire, bien frais, bien rose, et bien dodu. On lui souffla que son favori lui taillait des croupières et il en conçut une cruelle désillusion. Il confia son amertume à des proches, propulsés aux plus hautes fonctions de l’Etat, tous condisciples de jeunesse et d’étude car tous de la « Promotion Voltaire ». Il murmurait de telle sorte qu’on l’entendît : « Macron m’agace, Macron m’agace ». Et ceux-ci, en pastichant le fameux conte de ce même Voltaire, affublèrent le favori du sobriquet de « Macronmégas ».
Ils suggérèrent au Prince de mettre cette créature à l’épreuve, d’abord parce que c’était un béjaune en politique, ensuite, parce que ses prétentions commençaient à leur faire de l’ombre. Le Prince autorisa Macronmégas, avec valeur d’obligation, à aller affronter le monstre qui agitait, comme les algues au fond des mers, des milliers de têtes au regard interrogateur ; et peut-être réprobateur. Une populace d’apparence soumise mais imprévisible, qui avait porté le Prince au pouvoir, mais qui commençait à gronder.
Macronmégas, tel un nouveau Siegfried, accepta la gageure. Il enfourcha sa comète qui l’expédia sur la Terre des réalités ; ‘un globe fort mal construit, si irrégulier et d’une forme qui parait si ridicule, que tout semble dans le chaos… Les climats sont tels que les lieux sont nécessairement pauvres et mal famés’.
C’est cette comète qui, en l’an de grâce 2014, apparut à Candide dans la lunette qu’il avait mise au point, car délaissant son jardin à son acariâtre Cunégonde, pour avoir la paix, il s’était pris de passion à observer un Ciel inconnu de Galilée lui-même. Un Ciel infernal : l’Enfer politique. La comète provenait de la Constellation des Médias, elle-même jaillie du Trou Noir de la Galaxie des Enarques. Il en calcula la trajectoire et sut la modifier au moyen de miroirs réfléchissants afin qu’elle s’approchât du lieu où il se tenait. Le conducteur de la comète sauta sur une météorite qui est l’objet céleste le plus facile à manœuvrer. Et la météorite termina sa course à proximité des miroirs qui en étaient le piège. Il en débarqua un jeune homme qui, après s’être épousseté de ses particules cosmiques, considéra avec curiosité l’être banal qui venait à sa rencontre.
Ce dernier, fort civil, lui eût volontiers serré la main en signe de politesse, comme une approche d’amitié, quand le jeune homme, d’un geste balladurien, l’arrêta net : « Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes, je vous prie, car je n’ai rien pour me désinfecter les mains ».
- Me ferez-vous alors l’honneur de me dire qui vous êtes ? interrogea l’autochtone un peu surpris d’un accueil aussi réservé.
- On m’appelle Macronmégas.
- Et moi, Candide.
- Vous êtes apparemment de ces petites gens qu’on appelle prolétaires et qui infectent la société. Vous êtes les sans-dents…
- Des sans dents qui peuvent encore mordre.
- Ils sont porteurs du virus de la contestation. Donc, gardez des distances prophylactiques pour éviter que vous me contaminiez.
- J’ai observé, à travers mon télescope politique, que vous venez tout droit d’un astre composé d’une matière grise particulièrement dense, inscrit sur la carte du Ciel, telle que j’ai pu la dresser, sous le sigle QI 135. Le même que celui d’Einstein.
- Je me targue d’avoir un esprit à la fois large et fécond qui brille de tous ses feux. Je scintille. C’est pourquoi l’on m’a recommandé au Prince. Et je l’ai séduit au point que je suis entré dans son intimité. J’ai eu assez d’aplomb pour être son fol par la diversité de mes petites blagues, dont il est friand. Et lui, Prince sans rire sous des dehors compassés, me rétorquait par des petites blagues. C’est à qui serait le meilleur.
La rencontre du Prince et de Macronmégas avait été incontestablement le résultat de ce que l’on appelle un coup de foudre. Le Prince ne jurait que par lui, et lui se convainquit bientôt qu’il était indispensable au Prince. Or le Prince, là était sa faiblesse, jouait la comédie du pouvoir dans l’atermoiement, l’attentisme, et ce qu’il appelait « la synthèse ». « Une fois que ma décision est prise, se justifiait-il martialement, j’hésite longtemps ». L’impétueux Macronmégas, issu des mêmes écoles que le Prince, ce qui renforçait leur connivence, ne se gênait point à bousculer son maître, qui ne demandait qu’à être bousculé. « En marche ! lui disait-il souvent, avançons, du mouvement, de l’air ! ». Ce discours plaisait au Prince, à condition qu’il n’eût pas à bouger.
Macronmégas tirait orgueil du nom que des langues vipérines et jalouses avaient affublé, par un détournement malicieux de prononciation. Il le magnifiait deux fois en flattant deux fois son égo. Grand, il l’était par son préfixe ‘macro’, et grand par son suffixe ‘mégas’. En outre, il se rengorgeait qu’on le comparât au bon géant du conte de Voltaire. Il en devint impudent de fatuité, de morgue et d’arrogance, au point que son voisin de palier au ministère, qui ne pouvait se prévaloir que d’un nom de conifère, l’appelait « l’Enflure », prouvant ainsi qu’il se regardait peu dans la glace. Le Prince, désenchanté que son protégé cherchât à voler de ses propres ailes en lui rognant les siennes, en vint à se sentir menacé par un « tu quoque… ». Aussi se tint-il sur ses gardes.
Macronmégas affichait son impétuosité par une âme de guerrier, le verbe martial, l’allure svelte et décidée, au pas de charge. Il portait une armure de diplômes prestigieux qui lui permettait de miroiter dans le monde, ce qui ajoutait à son rayonnement, et de croiser le fer contre les conservatismes qui se dressaient sur sa route. Son esprit est l’un des plus cultivés que nous ayons. Il sait beaucoup de choses, s’émerveillait-on ; il en a inventé quelques unes. Quoiqu’il n’eût point deviné par la force de son esprit, les cinquante propositions d’Euclide, comme Micromégas, il peut revendiquer l’invention admirable d’avoir établi comment prendre des vessies pour des lanternes, du temps même où il étudiait, selon la coutume, au collège des jésuites de sa planète, le bien nommé « La Providence ». Les jésuites sont des maîtres pour faire croire que Jésus a existé, ce qui n’est pas le moindre de leur art. Ils savent par conséquent, mieux que des alchimistes, transformer le plomb en or, et les illusions en vérités.
Monsieur de Nitilinac, l’un des plus féconds penseurs de ce siècle, bien que son œuvre reste à découvrir, disait de Macronmégas, sur les ondes de Radio Terre Lune, le 10 février 2016, qu’il arrivait d’une planète mi-économique, mi-philosophique, et qu’il appartenait à la Galaxie Hollande. L’âge de Monsieur de Nitilinac l’engage déjà dans la confusion ou bien a-t-il vu double dans sa lunette, car existe-t-il des demies planètes ? Le Premier Ministre du Prince, une brute de décoffrage, la jugulaire saillante, et franc de collier, avait une acuité plus nette : « Le problème avec lui (Macronmégas), c’est qu’il est infantile. Il tente d’exister sur une planète virtuelle ». (Canard Ench. Du 17/02/16)
- Pourquoi cherche-t-on à vous éloigner des sphères du pouvoir ? Vous ne seriez plus en odeur de sainteté ?
- Le fait du Prince. Je dérangeais l’ordre établi parce que je souhaitais le réorganiser, afin de le rendre plus efficace, plus performant. Progressiste. Mes initiatives attentaient aux prés carrés solidement verrouillés de caciques figés dans l’immobilisme. Le Prince, sans me désavouer, évite de les provoquer. L’ordre établi est sans doute ce qu’il y a de plus sacré sous nos latitudes. Or le Prince n’est que l’humble représentant en ses Empires de la Céleste Transcendance. C’est pourquoi il a signé mon décret d’exil. « Pour vous rendre enfin utile, m’a-t-il signifié, vous visiterez tous les lieux où s’exerce ma volonté. Soyez plus performant que ceux qu’on cite comme les estafettes de la Divine Transcendance et dont l’Histoire signale la trace. Mercure fut l’un des premiers et l’officiel messager des dieux. Il y eut aussi Jésus, que son papa, un autre dieu de la panoplie, a fourvoyé parmi les hommes. Et puis encore un être-ange inconnu, désarçonné de sa comète et qui semble avoir explosé en vol, ce dont la tapisserie de Bayeux témoigne. Jeanne d’Arc est une hypothèse plausible, hélas partie en fumée. Quant à Micromégas, ses voyages à travers l’espace se passent de doute ; cela a été conté. Enfin, Macronmégas, vous voilà.
- Pour quelle mission ?
- Certainement pas prêcher l’amour du prochain, ou la promesse d’un Paradis pour récompense d’une vie de sacrifice, ou la soumission à la fatalité du malheur ; ce sont les niaiseries ordinaires et périmées que réclament les dieux inventés par l’homme. La Céleste Transcendance, à laquelle le monde moderne doit tout est le dieu révélé de l’efficacité portée à son paroxysme. C’est elle qui met en mouvement l’humanité en lui insufflant une nouvelle énergie qui doit bousculer l’attentisme désespérant des acteurs économiques, et en réverbérant les principes indéniables du libéralisme. En un mot, c’est le Progrès. Oui, rendez-vous utile, Macron – c’est le diminutif affectueux que le Prince m’octroie quand il me veut amadouer – Soyez le messager ailé et zélé du Progrès »

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