AmauryWatremez

avatar 16/10/2017 @ 16:15:30
Se souvenir des belles choses...
J'aurais pu revenir ici avec un texte tonitruant plein de bruit et fureur, de cynisme et de dérision furibonde, mais j'ai préféré parler de ma chère Delphine . Delphine était une petite banlieusarde, comme moi, quand elle était petite. Nous habitions une résidence, le « Parc de l'Aulnay » à Vaires sur Marne que les adultes et les médias trouvent aliénante, un agglomérat de « cages à lapins » toutes pareilles. Nous faisions quasiment nous enfants tout ce que nous voulions sans être surveillés, pistés par un gadget électronique, personne n'évoquait le fameux « sentiment d'insécurité ».



Certes, j'ai conscience qu'il y aura bien un ou deux pisse-vinaigre pour vraiment trouver que je suis un égocentrique narcissique indécrottable, un petit bourgeois hédoniste et réactionnaire car nostalgique. Je ne comprendrai jamais cette accusation stupide d'égocentrisme ou de narcissisme envers les écriveurs, les auteurs, les écrivains, c'est une telle évidence qu'il faut un égo de bel aspect pour cela, ce qui n'est pas forcément un défaut...



Nous passions la fin de nos journées dans un petit parc qui était au centre de notre cité bleue et blanche. Nous prenions parfois le train de banlieue sur les bancs de bois de la deuxième classe des années 70 pour aller au « Rex » rêver dans ce cinéma mythique au décor pourtant de stuc et de carton pâte, c'est là-bas que j'ai commencé à aimer passionnément le cinéma face à « l'Île sur le Toit du monde » ou « Vingt-Mille lieux sous les Mers », moi j'étais triste surtout pour le capitaine Némo et je trouvais que Ned Land était un crétin sans cœur.


.C'était la première fois que j'allais au cinéma avec mon père, la première fois qu'il s'intéressait autant à moi. Depuis quand je vais voir un film, j'essaie toujours de retrouver la grâce de ce moment, mais hélas...


Delphine était une petite fille très hardie mais pas pour autant « garçon manqué », elle n'avait peur de rien, elle trouvait que j'étais trop raisonnable, elle avait quand même été impressionnée favorablement par mon courage en découvrant la trace du vaccin du BCG que j'avais sur le pied droit. Elle crapahutait sur les agrès du jardin public, à des hauteurs sans limites pour des petits enfants, pour s'étourdir. Elle avait les cheveux courts coupés à la mode de l'époque, « à la Stone ». Elle était toujours spontanée, vive, rieuse et très gaie, moi déjà je croyais savoir que la chair était faible et j'avais lu tous les livres, présomptueux que j'étais.



Delphine m'apprit un jour que le Père Noèl n'existait pas, que c'était les parents, ces cachottiers, qui allaient acheter les cadeaux dans les grands magasins à Paris dont nous allions admirer les vitrines décorées spécialement, emmitouflés, à peine quelques jours avant le 25 décembre ou dans un de ces nouveaux centres commerciaux qui venaient d'ouvrir à la lisière de la capitale, comme Parly 2. C'était encore les « Trente Glorieuses », on croyait que la prospérité allait durer encore un petit peu. Je commençais à avoir des soupçons, il est vrai, voyant mes parents faire des allers-retours parfois avec des airs de conspirateurs quelques temps avant les fêtes lorsqu'ils revenaient de Paris-Paname où ils allaient alors sans moi ou mon petit frère tout neuf ce qui était inhabituel.



Un jour, voulant lui montrer que je savais faire une « cascade » sur un des toboggans du jardin public, je tombais et les adultes affolés appelèrent les urgences, Delphine était bouleversée, elle était sans voix. Elle ne pleurait pas, mais elle avait eu très peur, et lorsque je revins, j'eus droit à une bourrade un peu brusque pour me montrer combien son inquiétude avait été grande. Les grandes personnes, tellement raisonnables, passent leur temps à se demander pourquoi ils aiment, s'ils aiment vraiment, assez bien et comment ils aiment, les enfants eux ne se compliquent pas tant l'existence pour autant, ils vivent sincèrement leurs sentiments, jusqu'au bout . Cela ne dure pas il est vrai, les préjugés, les lieux communs, la sottise, les appétits communs ont tôt fait de les rattraper...

Evaetjean
avatar 16/10/2017 @ 16:26:12
Quelle jolie idée les amours enfantins qui, en fin de compte, nous suivent toutes notre vies. Et comme tu as raison sur la différence entre les adultes et les enfants face à ce doux sentiment !

J'ai l'impression qu'il manque quelques virgules ou points dans ton texte, j'ai buté par moment mais rien d'insurmontable dans la lecture et la compréhension.

Merci de ta participation et de ce sympathique retour en enfance.

AmauryWatremez

avatar 16/10/2017 @ 16:46:16
Pour la ponctuation, je sais, je ne sais pas faire des phases synthétiques. mon gros défaut, je me laisse aller...
Merci des compliments

Lobe
avatar 16/10/2017 @ 18:27:30
Une lecture fluide, agréable. Je l'ai trouvée drôle, cette irruption du père au milieu du texte. Comme si à l'amour enfantin pour une fille se superposait cet amour enfantin pour les parents, qui ensuite se complexifie, et sans pour autant diminuer peut devenir plus... sibyllin. Est-ce que grandir, ce ne serait donc que perdre cette forme spontanée d'amour, forme inconditionnelle, non-investigatrice, non-inquisitive?

Ton paragraphe sur l'égo qu'il faut nécessairement à l'auteur me pose question - effectivement, quelle motivation à se confier? Mais peut-être est-ce aussi pour crever le ballon de soi-même, se diluer. S'épandre en s'épanchant (ce n'est pas une image très heureuse, pardon), pour (se) peser un peu moins.

AmauryWatremez

avatar 16/10/2017 @ 20:59:59
Je pense que la plupart des gens écrivant ont des blessures à guérir, qu'ils essaient tant bien que mal de les cacher

Martin1

avatar 17/10/2017 @ 18:24:42
Ahhh voilà un texte qui nous fait revenir looin...
J'aime beaucoup, le ton, j'ai l'impression de voir défiler un film avec ton texte en voix off, on n'a aucune peine à s'imaginer la scène, et les personnages!
Touchant, merci pour ce texte

AmauryWatremez

avatar 17/10/2017 @ 19:40:31
Merci

Pieronnelle

avatar 19/10/2017 @ 14:47:29
J'aurais pu revenir ici avec un texte tonitruant plein de bruit et fureur, de cynisme et de dérision furibonde

Ah heureusement que tu ne l 'a pas fait !: -)
C'est tellement plus agreable et touchant cette amour enfantine ! J'adore tout ce qui concerne l'enfance ; souvent on se noit un peu dans les souvenirs, certains apparaissent par brides, d'autres sont d'une belle clarté comme les tiens concernant cette Delphine un peu délurée mais si attachante. Ça fait plaisir de te "voir" sous ce jour un peu romantique et nostalgique : -) L'enfance c'est bien ce qui nous construira , en bien ou parfois en mal...Mais quoique l'on fasse elle sera toujours là au plus profond de nos soyvenirs ; et pour toi le souvenir de Delphine te rend heureux parce que ,oui les amours enfantines sont précieuses, elles sont le premier battement de coeur, l'élan sincère et le bonheur immédiat, et ton texte possède beaucoup de fraîcheur .
Mais il y a aussi ce souvenir du père qui me touche personnellement beaucoup car je me revoie avec le mien me tenant par la main pour aller chercher un roudoudou et un petit parapluie en chocolat...et pour tous ces souvenirs que tu fais remonter à la surface merci !
A moi de te suivre il me semble et ce sera avec plaisir...

AmauryWatremez

avatar 19/10/2017 @ 15:30:53
J'en rosis de plaisir de tant de jolis compliments. Je l'aimais bien cette Delphine. Je m'étais fait disputer car pendant une photo de classe elle avait détourné la tête pour me regarder au fond et me faire un sourire, j'ai toujours la photo et ce bon souvenir

AmauryWatremez

avatar 19/10/2017 @ 15:31:15
Et j'attends avec impatience la suite

Guigomas
avatar 19/10/2017 @ 18:09:45
On a le meme age, alors forcément ça me parle; moi, c'était Corinne...
Et on a choisi le même theme, le "vert paradis des amours enfantines", ce temps où tous les souvenirs sont bons ce qui du coup nous laisse un peu nostalgique.
Merci, tu m'as fait penser à mon premier amour


Marvic

avatar 20/10/2017 @ 10:19:54
Une dizaine d'années plus tôt, j'ai vécu cette liberté enfantine dont tu parles si bien.
Une nostalgie inévitable de cette enfance où seuls les devoirs et le retour à 7h nous étaient imposés. Une confiance en leurs enfants, en leurs voisins, au monde en général dont nous avons pu profiter, nous permettant le privilège de créer des relations extra-familiales, avec les copains et les petites copines.
Que de bons souvenirs (même si on apprenait que le Père Noël, c'était les parents !)
Merci de les avoir partagés !
Et sur cette photo, une petite blonde qui regarde un garçonnet au fond de la classe ?

AmauryWatremez

avatar 20/10/2017 @ 11:33:44
Oui, nous étions plus libres, plus capables d'altérité sans béquille numérique.
Sur la photo on reconnait Delphine en effet.
Il y a quelques mois je suis allé faire un "pèlerinage" à Vaires, ça n'avait pas changé. J'aime bien le mélange des milieux que l'on y trouve encore...

Nathafi
avatar 21/10/2017 @ 10:32:02
Les grandes personnes, tellement raisonnables, passent leur temps à se demander pourquoi ils aiment, s'ils aiment vraiment, assez bien et comment ils aiment, les enfants eux ne se compliquent pas tant l'existence pour autant, ils vivent sincèrement leurs sentiments, jusqu'au bout . Cela ne dure pas il est vrai, les préjugés, les lieux communs, la sottise, les appétits communs ont tôt fait de les rattraper...


Je te rejoins complètement ! Vivre les choses sans tergiverser, je trouve cela important, et je nme dis souvent que nous perdons beaucoup de temps...

Belle anecdote enfantine, du pur, du vrai, du touchant, c'est un texte qui me surprend venant de toi, on n'a pas l'habitude de te voir dans ce genre de registre.
Merci de t'être joint à nous, Amaury.

Tistou 23/10/2017 @ 14:29:13
Attention Spoiler !!!!

Amaury Watremez en dit trop sur le Père Noël, âmes sensibles s'abstenir !

Comme les autres, je t'ai trouvé dans ce texte un peu à revers de ce qu'on pouvait attendre, comme quoi ...
Grand coup de nostalgie là encore, décidément cet exo laisse libre cours aux expériences personnelles et nostalgiques, de surcroît.
Certainement nous avons tous notre Delphine (ou notre équivalent en garçon), pour moi ce fut plus tard, j'avais très peur des filles !

"moi déjà je croyais savoir que la chair était faible" Carrément ? Eh bien quelle précocité dis voir ! Mais la chair est faible, indéniablement.

Nous avons l'impression que les petits enfants, maintenant, ne pourront accumuler ce genre de souvenirs parce que leur vie a changé, que leur mode de fonctionnement n'est plus celui qui avait été le nôtre mais je suis persuadé que dans 5à ans un "Amaury", un Tistou", une "Lobe" se lèvera et lancera un exo sur ... sur je ne sais quel support à vrai dire pour gloser sur un thème similaire et pour regretter que les enfants de maintenant ... (air connu)

Pour moi aussi ce fut une vraie bonne surprise de te voir débarquer dans cet exo comme quoi il n'est pas toujours nécessaire d'espérer pour entreprendre.

Donc toi, Amaury, tu continues 1-2-3-4-5 de Marvic (d'ailleurs on a bien cru comprendre que c'était plus qu'avancé).
Et "Se souvenir des amours enfantines" sera poursuivi par Pieronnelle. Je m'imagine que ceci ne devrait pas lui poser d'incommensurables problèmes ...

AmauryWatremez

avatar 06/11/2017 @ 13:48:19
""moi déjà je croyais savoir que la chair était faible""
C'est une autre façon de dire que j'étais un petit garçon solitaire.
J'aimais bien jouer avec les filles déjà, c'était plus rigolo qu'avec les garçons.

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