Marvic

avatar 15/10/2017 @ 11:08:05
Décollage !
Écrasé par la pression, assourdi par la puissance des réacteurs Thomas ne pense plus. Concentration maximum pour la phase risquée de décollage.
Parmi les minutes les plus longues de sa vie…
Mais la récompense est là ; le vaisseau se met sur orbite. Thomas peut se relâcher et sentir une onde de jouissance exploser dans sa tête, dans son cœur ! Il a réussi ! Il y est ! Dans cet espace dont il rêve depuis sa plus tendre enfance, après toutes ces années d’entraînement, de préparation.

Beaucoup de travail, d'expériences, un emploi du temps bien rempli, pour ces 200 jours.
Au fil des heures, des jours, des semaines, malgré le bonheur d'être là où il voulait être, une certaine routine s'installe.

Heureusement, parmi les ingénieurs qui travaillent depuis des mois sur ce projet, certains sont chargés du bien-être des cosmonautes, pas seulement de leur santé physique mais aussi leur santé morale. Les passions, les  goûts de chacun sont pris en compte.
Les loisirs sont prévus aussi, musique, lecture.
Les repas sont élaborés par des chefs cuisiniers de renom, tenant compte des changements de saveurs.
Et quelques objets intimes feront aussi le voyage. Leurs doudous…

Pour Thomas, peu de choses en vérité. Mais son "doudou", sa Madeleine de Proust, c'est une photo.
La photo d'un repas de fête. Quelle fête, il ne s'en souvient plus trop… un anniversaire peut-être, ou plus probablement les noces d'or de ses grands-parents. Car on voit beaucoup de monde autour de cette tablée, des gens endimanchés encore un peu guindés. On peut donc en déduire qu'il s'agit du début du repas.
Au premier plan de la photo, ce sont les enfants. Il y a longtemps que la cérémonie officielle est terminée. Ils sont tout au plaisir de se retrouver.
Oui, tout au plaisir d'être une nouvelle fois réunis. Autour de leurs ancêtres communs, le plaisir de retrouver oncles et tantes et surtout cette grande tribu de cousins et cousines.
L'insouciance de leur age, tous les rêves possibles, même celui d'astronaute ! Les discussions des plus grands, les rires et fous rires des plus jeunes.

Il ne le savait pas mais ce sont aussi ces gens-là qui lui ont permis de réaliser son rêve. Grandir au sein d'une telle famille, se sentir soutenu par tous ces membres, ça rend solide. Père, mère sont les piliers de l'enfance, mais faire partie d'une grande famille, apprend l'autre, apprend le plaisir de communiquer, celui de traverser les années avec des ancrages solides…. même à des centaines de kilomètres de la Terre.
Il ne se doutait pas de leur importance ; il s'en rend compte maintenant, aux départs des plus âgés, à la solitude (même relative) d'un homme dans l'espace malgré ses sympathiques compagnons de voyage.
Tous ces gens sur la photo, ignorent que, eux aussi, ont joué un petit rôle dans la réussite de leur cousin.

Alors, il se fait une promesse ; il ne laissera pas autant d'années passer ; il programmera une cousinade, un grand repas, pour les retrouver tous ou presque. Oh, il n'est pas idiot ! Il sait bien que ce sera beaucoup de nostalgie, qu'ils n'auront probablement plus beaucoup de choses à se dire, que peut-être même, ne se reconnaîtront-ils pas ! Qu'importe ! Ils ont compté pour lui...et lui, a-t-il compté pour eux ?

Encore un œil sur la photo. Difficile de savoir ce qu'on l'on pouvait manger. Cela n'avait rien à voir avec ses repas préparés par de grands chefs. Mais tout raffinés que peuvent être ces plats, aucun ne pourra égaler le poulet rôti de sa grand-mère. Ce n'est pas seulement une question de goût ! C'est aussi une question d'odeur !! Ce fumet irrésistible qui embaume la cuisine, qui se diffuse par les fenêtres ouvertes, promesse de bonheur avant même de le déguster. Et puis, cette "croûte" dorée, crépitante, puis craquante dans la bouche ; les gestes du grand-père chargé de la découpe de la volaille...
Et les îles flottantes de grand-mère… leur légèreté, le parfum de vanille. Et Thomas ferme les yeux quelques secondes, imaginant des nuages-flocons de mousse neigeuse envahissant l'habitacle…

Un dernier regard avant de "retourner au travail".
Les taches d'ombre et de lumière ; le soleil qui passe à travers les branches ; cette douce sensation de chaleur sur la peau des jambes et bras nus. S'il continue, même les gouttes de pluie quand elles tombent dans le cou vont lui sembler extraordinaires. Un comble pour lui qui vit l'incroyable alors que des millions de gens n'en peuvent plus de cette pluie qui s'insinue dans le col de leurs manteaux !

Thomas sourit à ses souvenirs d'une belle enfance ; il sourit en réalisant qu'il est en train de vivre des heures qui deviendront des souvenirs sensationnels pour le restant de ses jours.
Et quand il sera redevenu terrien, il savourera à la fois son expérience spatiale et les plaisirs terrestres et continuera à se fabriquer de beaux souvenirs…. au cas où...

Pieronnelle

avatar 15/10/2017 @ 12:28:41
Ici pas de mauvais souvenirs mais quels bons souvenirs que tu exprimes avec beaucoup de plaisir ça se sent, et quels jolis tableaux que ce repas de famille !
Quant à la situation présente alors là tu as fait fort Marvic ! Un cosmonaute ! C'est beau, on baigne dans une sorte de torpeur ,celle de tous les rêves que l'on peut avoir dans l'enfance ; et évoquer cet extraordinaire voyageur de l'espace par rapport à tous ces parents qui n'auraient jamais pu penser à une chose pareille, et leur fierté !
Ce que j'aime particulièrement c'est l'évocation de tous ces simples souvenirs par un cosmonaute, qui bien sûr nous fait penser au célèbre Thomas, qui vit une aventure hors du commun ; c'est émouvant...
Merci Marvic ! Tu vois, la vraie philosophie elle est là , dans la vie tout simplement...

Evaetjean
avatar 15/10/2017 @ 12:35:01
Une photo et tout est dit ! Le bon goût des merveilleux souvenirs des repas en famille et de tout ce qui aide à se construire une vie d'adulte.

Un petit bémol (qui ne regarde que moi) je ne ressens pas de regret uniquement des bons moments... à moins peut être celui de ce moment où, en grandissant, on se perd de vue.

Et ta dernière phrase... ta dernière phrase et juste superbe !

(petit ps : Tu m'as tout de même fait faire un sacré bon dans le temps qui m'ont amené aux repas de Noël de mon enfance insouciante alors juste pour ça... merci)

Nathafi
avatar 15/10/2017 @ 18:43:34

Sûr que là-haut une photo peut être à ce point importante, on peut se mettre dans la tête de Thomas et imaginer le reste. Coupé des siens, même plus sur terre, sans compter les risques qu'il prend, l'inconnu, l'immense inconnu qui peut flotter encore, une béquille comme cette image familiale ne peut être que d'un grand réconfort.
Alors, pris par la passion et par cet élan complètement fou de quitter la terre, quelle angoisse quand même de se dire que peut-être il ne reviendrait jamais !
Interprétation très personnelle de ton texte, Marvic, mais c'est ainsi que je le ressens.
Merci de t'être jointe à nous !

Frunny
avatar 15/10/2017 @ 19:07:14
ça me fait penser à "Mon enfance" de Barbara....
Oui, quand de grands bouleversements surviennent, on revient inévitablement à l'enfance.
Encore faut-il qu'elle ait été heureuse.
Belle prose néanmoins !

Martin1

avatar 16/10/2017 @ 13:08:37
J'ai bien aimé, ce texte, beau moyen de célébrer combien comptent la famille et les proches dans une ascension professionnelle et dans la réalisation d'un rêve d'enfance!

Lobe
avatar 18/10/2017 @ 17:52:46
Quelle bonne idée! Que de se mettre dans la peau d'un de ces héros des temps modernes, qui par son expérience singulière permet à des milliers de gens de voyager par l'esprit, en l'accompagnant par l'imagination. Et de voir que c'est son expérience si banale du quotidien qui finalement le nourrit pour faire front au vide du cosmos. Oui, je pense bien qu'une famille aimante, aidante, cela aide pour se propulser si haut. C'est bien trouvé, bien troussé. Et ça donne faim, fichtre! (de nourriture de grand-mère, et de vie)

AmauryWatremez

avatar 19/10/2017 @ 15:28:41
la suite...
Thomas s'ennuie
Pendant quelques jours, Thomas avait pris des dizaines de photos de l'espace sous ses pieds. chaque heure le soleil avait rendez-vous avec la lune. Le monde entier défilait, chaque continent l'un après l'autre, majestueux, presque sans nuages en ces jours. La vieille Europe, puis la vénérable Asie, on voyait la muraille de Chine, et les lumières des grandes villes, un peu d'Afrique, notre monde originel, l'Amérique toute jeune encore, tout ce bleu magnifique donnant son nom à la planète puis de nouveau l'Europe, l'Asie, etc...

Maintenant Thomas s'ennuyait. Oui, bon bien entendu l'espace c'était magnifique. C'était formidable d'être un vaisseau spatial comme ses héros d'enfance, mais qu'est-ce qu'il pouvait s'ennuyer. Tout ce noir dehors, impossible d'aller faire un tour dans le quartier pour respirer. Impossible d'aller se changer les idées au cinéma et d'échapper à la routine d'une vie tellement bien ordonnée, tellement bien cadrée.

Chacune de leurs actions à lui et ses camarades, chacun de ses gestes, chacun de ses loisirs même, y compris le sport et le sommeil était chronométrés et il fallait s'en acquitter à heure fixe. Oh bien sûr Thomas ne pointait pas comme à l'usine ou au bureau, bien sûr il ne prenait pas de sinistres transports en commun le soir pour rentrer chez lui. Sa vie était formidable, sans doute plus que tous ces gens.

Mais pas de doute, il s'ennuyait. Alors comme toute personne s'ennuyant de nos jours il faisait largement "chauffer" son Smartphone. Il tapotait dur, "postait" à tours de bras "selfies" à l'envers, à l'endroit, par la droite, par la gauche, en mouvement, immobiles, avec un ustensile, sans, montrant tel paysage puis tel autre. Et ainsi de suite. Le tout assorti de commentaire dithyrambiques sur son activité, de "statuts" enthousiastes et chaleureux sur ce qu'il faisait.

Il voulait se croire ainsi tellement important, tellement au centre de l'intérêt. Il se surprenait même à commencer à réfléchir à des solutions politiques contre la faim dans le monde (qu'attendait-on pour donner à manger à tout le monde ?), contre la guerre aussi (c'est tellement laid la guerre et la violence, il fallait que ça s'arrête), contre toutes ces nations, tous ces peuples. De l'espace

Il aurait bien voulu les y voir tous ses abonnés sur "Twitter" le félicitant, multipliant les "likes" et les "smileys". Il n'était pas certain qu'ils aient tant que cela apprécié le fait de se retrouver dans le volume équivalent de trois ou quatre citernes avec de parfaits inconnus avant le voyage. Thomas voulait faire bonne figure, se plaindre de la routine alors que l'on est dans le véhicule le plus cher du monde passerait pour de l'enfantillage...

...il rêvait secrètement de sentir de nouveau l'air pollué des grandes villes, le gasoil des gros camions, respirer les vapeurs d'essence des bagnoles. Il espérait pouvoir passer un jour ou deux à ne rien faire à la campagne, mais il y avait son plan média qui avait déjà planifié tout ce qu'il devait faire une fois qu'il serait revenu sur terre. Il regardait la lune qui dansait lentement derrière le hublot, il poussa un gros soupir.

Tistou 21/10/2017 @ 19:05:42
Tu vas un peu vite en besogne Amaury Watremez. L'appel aux suites n'est pas encore formellement lancé et la date évoquée est celle de fin de semaine prochaine ... Il te faudra poster ta suite sur un fil particulier ... Je ne lis pas pour l'instant pour conserver la surprise le temps venu.

Tistou 21/10/2017 @ 19:17:20
Marvic, c'est vrai qu'il semble manquer de mauvais souvenirs dans ton texte. Les bons, ça on les voit bien mais les mauvais ? Bon, mais on ne t'en veut pas pour autant.
Thomas qu'il s'appelle ton héros ? Tiens c'est marrant il me rappelle quelqu'un ! On peut dire que tu exploites l'actualité et que tu t'es sentie concernée par cette aventure de l'espace.
Ce qui ne t'empêche pas de valoriser les plaisirs plus simples qui font le sel de la vie telle que des repas qui ont pu marquer une vie, je crois qu'on connait tous ça, au moins en France où la relation à la nourriture, partagée ou non, est indubitablement plus forte qu'ailleurs.
5 4 3 2 1 ... c'était pour l'envoi du dessert !

C'est Amaury Watremez qui continue donc (ah oui c'est fait !)
Et toi Marvic, tu t'attaques à "Une affaire d'équilibre" de XooHooX. Je gage que la forme prendra une autre tournure ...

Marvic

avatar 24/10/2017 @ 17:37:13

Merci Marvic ! Tu vois, la vraie philosophie elle est là , dans la vie tout simplement...

@ Pieronnelle
Oh, mais cela n'a pas été simple pour moi d'essayer de faire simple :-)


Et ta dernière phrase... ta dernière phrase et juste superbe !
(petit ps : Tu m'as tout de même fait faire un sacré bon dans le temps qui m'ont amené aux repas de Noël de mon enfance insouciante alors juste pour ça... merci)

@ Evaetejan
Contente d'avoir fait remonter de bons souvenirs. J'ai eu ceux-là aussi.
Quant à la dernière phrase, il faut des épreuves et des années pour mesurer l'importance des bons moments.


Alors, pris par la passion et par cet élan complètement fou de quitter la terre, quelle angoisse quand même de se dire que peut-être il ne reviendrait jamais !
Interprétation très personnelle de ton texte, Marvic, mais c'est ainsi que je le ressens.

@ Nathafi
Je n'avais pas pensé à une fin dramatique; ce qui est étonnant de ma part; peut-être parce que le "vrai" Thomas a eu un retour heureux et médiatique, comme l'a très bien écrit AmauryWatrenez.


ça me fait penser à "Mon enfance" de Barbara....
Oui, quand de grands bouleversements surviennent, on revient inévitablement à l'enfance.
Encore faut-il qu'elle ait été heureuse.

@ Frunny
Oui, tu as raison, et je mesure la chance que j'ai eue, en essayant de perpétuer cette ambiance familiale chaleureuse.


J'ai bien aimé, ce texte, beau moyen de célébrer combien comptent la famille et les proches dans une ascension professionnelle et dans la réalisation d'un rêve d'enfance!


@ Martin1
C'est exactement ça !


Et ça donne faim, fichtre! (de nourriture de grand-mère, et de vie)

@ Lobe
C'est aussi ça de bons souvenirs ! Olfactifs, gustatifs, sensitifs...Une Madeleine quoi !


Marvic, c'est vrai qu'il semble manquer de mauvais souvenirs dans ton texte. Les bons, ça on les voit bien mais les mauvais ? Bon, mais on ne t'en veut pas pour autant.
Thomas qu'il s'appelle ton héros ? Tiens c'est marrant il me rappelle quelqu'un ! On peut dire que tu exploites l'actualité et que tu t'es sentie concernée par cette aventure de l'espace.
Ce qui ne t'empêche pas de valoriser les plaisirs plus simples qui font le sel de la vie telle que des repas qui ont pu marquer une vie, je crois qu'on connait tous ça, au moins en France où la relation à la nourriture, partagée ou non, est indubitablement plus forte qu'ailleurs.

@Tistou
Mon premier texte portait sur des souvenirs douloureux et très personnels. Alors, j'ai tout "jeté" et pris le contre-pied. Voilà pour le voyage dans l'espace.
Mais chassez le naturel, il revient au galop !!

Un grand merci à tous pour vos commentaires et votre gentillesse !
à très bientôt !

AmauryWatremez

avatar 06/11/2017 @ 13:54:01
Comme je cherche toujours la petite bête même dans un texte très positif comme celui-là j'ai répondu à ma façon

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