Tistou 02/10/2016 @ 17:54:19
Je ne fais là que relayer le coup de gueule de Romain Humeau, le leader - compositeur de Eiffel, vis à vis du drame que sont en train de vivre les créateurs de chansons, de musiques, bouffés qu'ils sont par les mises à disposition quasi gratuites de leurs oeuvres ...

"Je ne suis qu'un artiste de variétés, et ne peux rien dire qui ne puisse être dit de variétés car on pourrait me reprocher de parler de choses qui ne me regardent pas." (L.Ferré)
Comme si je vous disais que l'industrie du disque allait très mal.
Comme si je vous disais qu'elle s'était sabordée au détriment des artistes, des musiciens, des créateurs. Ceux qui fournissent "la matière première", le "sujet", ou le "produit", comme vous voulez .
Comme si vous me disiez que vous le saviez déjà...
Comme si je vous disais que cela est bien pire que ce que vous
pouvez l'imaginer...
Comme si je vous parlais de la dernière braderie en date entre industrie du disque et plateformes de téléchargement/streaming afin de faire perdurer l'illusion encore 3/4 ans, que les holdings atteignent la retraite tranquillou.
Comme si nous vous disions qu'il s'agissait d'une arnaque à 0,004 euros par écoute pour les plus écoutés. Pour les autres: Que Nib.
Comme si vous me disiez que Thom Yorke, Adèle, Taylor Swift, Coldplay, Portishead et tant d'autres vous l'avaient déjà dit (….Portishead 34 millions de streams: 2500 livres…).
Comme si je vous proposais d'imaginer ce que, de fait, cela peut ne pas représenter pour des artistes à moindre notoriété.
Comme si je vous prenais pour des cancres et que je vous expliquais que la musique, (premier produit d'appel pour qu'une planète entière se laisse sucer le cerveau par Google et la Silicon Valley), avait perdu sa possibilité de financement, de régénération et de mouvement, la première. Le reste à suivre …
Comme si je vous disais qu'elle n'en est pas morte (et qu'elle ne peut tout simplement pas mourir… c'est du mouvement vibratoire…c'est toi, c'est moi ) mais qu'elle ne sait plus comment faire pour en vivre, ceci n'étant pas la même chose.
Comme si je m'autorisais à penser qu'elle trouvera la solution, mais seulement avec votre compréhension du problème.
Comme si je vous disais qu' "avant" (oh, oh! le fameux "avant"), les spirales plus ou moins vertueuses de l'industrie du disque alimentaient l'économie et la faisabilité des tournées. Mais que désormais les tournées aussi se meurent.
Subventions inexistantes, risques inexistants.
Que musiciens/techniciens ne peuvent plus être payés ( Même à 120 € net par concert avec la carotte intermittente. Ce qui est tout simplement dégueulasse. Nous ne sommes pas chômeurs professionnels. Que fout-on à Pôle Emploi ?).
Comme si je ne vous apprenais pas que nous sommes tous liés. Et qu'ici, managers, attachés de presse débutants, chevronnés, jeunes, moins jeunes, intéressés par les métiers périphériques à toutes musiques, journalistes, webzines/fanzines, journaux musicaux nationaux-régionaux, tourneurs, ingénieurs du son, assistants son, programmateurs de salles, chroniqueurs, jeunes éditeurs, directeurs artistique téméraires, studios d'enregistrement et de mastering , toutes cette manne d'espoir et de lien culturel (contribuant à plus de choix, de savoir, de liberté et donc moins de terreurs obscures quelles qu'elles soient) subissaient le même genre de dégâts collatéraux.
Comme si je vous disais qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que l'état fasse quoi que ce soit. Que dire du privé...
Si ce n'est "dire qu'il feront, sans faire".
Comme si vous me disiez que cela ressemblait étrangement à ce que vous vivez dans vos différents corps de métiers.
Que vous aussi, l'avez mauvaise.
Comme si je vous disais que je le savais. Mes amis n'étant pas exclusivement artistes, mais plombiers, boulangers, techniciens, ébénistes, Informaticiens, médecins, libres penseurs, écrivains, chercheurs, professeurs, ingénieurs, bibliothécaires, médiateurs
etc …
Comme si je vous disais que j'achète avec plaisir et humanité ma baguette tous les matins Place Nansouty/Bordeaux et que j'ai du mal à comprendre que mes chansons, celles de mes contemporains et de mes potes, soient données gratuitement sur le net sans que l'on nous ait demandé quoi que ce soit.
Que ces mêmes chansons deviennent en filigrane et honteusement un support pour pubs.
L'idée de "propriété intellectuelle" disparaissant dans la foulée: idée progressiste, défendant une manière d'éthique et d'intégrité mentale, intrinsèquement salvatrice, à l'instar des droits de l'homme. Comme si je vous avouais que cela m'inquiète, et pas que pour moi. Loin de là.
Je ne peux faire que si l'autre fait, vis versa.
Oui, que cela me terrorisme, me captagonise, pour l'idée que l'on pourrait se faire de la place de la culture dans ce monde….
Musique=Pain…. Langage né bien avant le langage parlé.
Si la notion de sacré existait, c'est bien là qu'elle résiderait: la vie, le lien social par entremêlements savants des sons.
Il faut bien que certains s'en occupent et en vivent décemment sans se faire happer par le vide… Au delà des goûts, des modes et des consensus médiatiques trop souvent engendrés par le "poids" des projets et du coût de leurs promotions.
Comme si nous nous disions en avoir conscience et que nous n'avions finalement pas choisi d'être des personnes se servant gratos à l'étalage.
( OK: le prix d'un album, convenons en, est un peu haut: 4 schweppes agrumes, dont une cuillère à café pour petit saltimbanque…)
Que nous n'avions pas choisi d'investir dans Apple tous les deux ans via obsolescence programmée et destruction des yeux via lumière bleue
(…sur les yeux de tes gamins, ça marche encore mieux…).
Comme si on s'avouait qu' in fine on moutonnait sévère….
Comme si vous me disiez que le seul moyen trouvé par le "business du son" pour pallier au manque de moyen était de produire rapidos et à faible cout 90% de came merdeuse mais buzzante pour encore plus de court-termisme artistique.
Dans les 10% restant se mouvant de fabuleuses choses laissées en marge par à peu près tous le monde.
Comme si je vous disais que "Top de l'entertainment": peur de la mort, n'a rien à voir avec "Top de la création": donner vie.
Et que le premier Top évoqué, ayant toujours existé, est désormais d'une omniprésence plombante et mortuaire. Qu'il fallait nous en débarrasser.
Comme si vous me disiez de stopper mon vinaigre et qu'"il faut vivre avec son temps". Maxime utilisant la plus huilée des techniques de vieux aux dos courbés: le jeunisme.
On a tous entendu ça une fois dans sa vie. En forme de résignation.
Comme si je vous disais que "mon temps", "votre temps" , ce n'est impérieusement pas celui qui m'est, vous est imposé par les puissants et subliminalement carré profond dans nos caves respectives. Mon/votre temps, c'est celui qui me définit, vous définit. Il y en a autant qu'il y a d'êtres humains. Comme si je vous disais que la richesse humaine pouvait résider là, dans l'inter-temporalité, en clair: dans nos différences et leurs métissages. Et que cela ne pouvait en aucun cas être régi par un seul mode de communication, qui plus est, imposé.
Où, sommes nous tous, pour le coup, atteints de sénilité précoce ?
De servitude volontaire ?
Comme si je vous disais être conscient que ce genre de considérations pourraient toutes plus ou moins nous entrainer dans une baston générale.
Mais qu'il y aurait d'autres solutions… plus malignes… et dissidentes.
Comme si je vous disais que tout doit venir de nous.
Que je ne dis rien de neuf. Que je ne fais que participer en miniature, comme d'autres, à la transmission d'une donnée ridicule à l'échelle de ce qui se passe sur notre planète:
l'avenir de la musique enregistrée et vivante, le futur en son, nous l'avons dans nos mains. Pas grand chose comparé à la survie de la belle bleue... mais ça y contribue.
Sommes tous Colibri de Pierre Rabhi, quelque soit le domaine d'action-réaction.
Comme si vous me disiez que nous pourrions être une poche résistante et progressiste qui aiderait à trouver de nouveaux modèles.
Surprenant, inattendus, vivifiants et plus justes.
Comme si je vous disais que vu les sentences sus-citées, il va de soit que je vous encourage, et je m'encourage, à aller acheter de la musique, peu importe le support tant qu'il peut durer. Cela fera vivre tous les artistes que je connais, ce que je ne connais pas, moi y compris (faut pas déconner, ah ah!), et comme par effet de transitivité, ceux qui ne sont pas encore nés.
Ah…on y est….
Comme si vous me disiez:
"Romain, ta bafouille, c'est pour qu'on aille acheter ton disque!"
Comme si je vous disais:
"Pas loin chérie, mais pas exactement... Sur les disques, tu ne gagnes pas ta vie si tu n'en vends pas 70 000, ce qui est bien bien loin d'être mon cas ni celui de la majorité.
Mais, si tu vends un tant soit peu, tu peux en faire une tournée...
Attention ici "je" collectif:
"Et j'ai envie de jouer sur scène. J'ai envie de partager ce que j'ai écrit.
Avec mes potes, les gens que j'aime, et ce: devant vous.
Je veux en bouffer aussi si c'est possible.
Je n'aurai pas l'impression de voler qui que ce soit.
Et tant mieux si ça en fait bouffer d'autres!"
C'est sain, vertueux, et cela s'inscrit dans un long terme collectif.
N'importe quel autre artiste vous pondrait la même.
Comme si je vous confiais que malgré tout ce dégradé de sombre,
j'étais d'un aveuglant optimisme. Fonceur, confiant, "turkish-siciliano-catalano-bélier ascendant bélier" et que comme vous, j'en suis sûr: je ne me laisserai pas abattre.
Qu'il n'est mathématiquement pas possible que dans le futur, des oeuvres se créent sans qu'elles ne génèrent quelconque possibilité de vivre pour leurs auteurs.
Sans que la vie ne soit transcendée par leurs paraboles et que points
sombres ne soient exaltés par leurs bargitudes. Leurs axes perchés.
Sans que ceux qui créent de "vraies réalités" (non technocratiques donc), puissent changer l'idée du monde.
Comme si je vous encourageais juste à les aider afin de passer
le cap avant de trouver un nouveau modèle de "mano à mano", de diffusion et de monnayage, d' "AMAP sonore" .
Comme si vous me disiez que l'on n'avance pas seul.
Comme si je vous prenais au mot, rien de sexuel, et que je vous répondais: faisons le ensemble!
"Tu veux écouter la zizique? achète là ou file moi des gnocchis! Et il y aura des concerts chez toi, ces concerts là recréerons une dynamique dont d'autres artistes pourrons jouir, ils pourront créer eux aussi, et sortir leur musique. Elle sera achetée et provoquera leurs concerts etc… ad libidum" Vis versa. (Provoquer= Faire venir les voix).
Comme si vous me disiez : Pourquoi?
Comme si je vous répondais:
Parce que c'est très joli ma chère! C'est du vent dans vos cheveux! Cela secouera vos chaînes imaginaires et par là même, vos tendres fesses, parbleu!
En clair, et en ce qui concerne cette antique chose que l'on appelle "les disques", ceux dont vous avez envie:
Allez les acheter. Dès leurs sorties. Quel que soit le support.
Allez voir les concerts.
Que cela puisse faire mentir cyniques affairistes en tout genre (pas tous: espoir!) peuplant les couloirs de cette industrie moribonde, dépourvue d'enthousiasme, d'envie, d'idée et du feu sacré originel.
Nous, on se charge d'imaginer de nouveaux modèles
"Comme si je vous disais que la révolution, c'est peut-être une variété de la politique, et je ne vous dis rien qui ne puisse être dit de variétés, moi qui ne suis qu'un artiste de variétés." (L.Ferré)
À partager, lien à lien, face à face, book à book, laissez vous tomber dans les Pomme C, dans les Pomme V.
Elle est pas belle la vie?
Bises

Cédelor 02/10/2016 @ 23:10:01
Tiens, après avoir lu ce coup de gueule plutôt déprimant, je suis passé ensuite au site Le monde où il y a, coïncidence, un article sur une problématique proche, celle de la culture qui peu à peu, ne trouve plus vendeur. Un article lui aussi bien dans le ton du titre de ce post, le monde comme il ne va pas: http://lemonde.fr/m-perso/article/…

Eric Eliès
avatar 02/10/2016 @ 23:28:23
Très intéressant coup de gueule, qui me fera écouter Eiffel d'une autre manière (que j'écoute sur CD autant que sur youtube !). Il fait un peu écho également, je trouve, à la critique postée ce soir sur le site relative à Jean Giono dénonçant, dès la fin des années 30, le matérialisme mercantile et le productivisme qui asservissent l'homme et ne profitent qu'à quelques-uns... Mais je crains qu'il ne soit trop tard et qu'on ne soit vraiment mal barrés... Quant à la culture en général, je me permets de renvoyer à ma critique sur CL de "politique culturelle : le fin d'un mythe" de Jean-Michel Djian, qui est un essai qui date un peu (il a une dizaine d'années) mais qui est assez complet et, hélas, de plus en plus actuel...

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/47516

Tistou 03/10/2016 @ 11:49:09
Tiens, après avoir lu ce coup de gueule plutôt déprimant, je suis passé ensuite au site Le monde où il y a, coïncidence, un article sur une problématique proche, celle de la culture qui peu à peu, ne trouve plus vendeur. Un article lui aussi bien dans le ton du titre de ce post, le monde comme il ne va pas: http://lemonde.fr/m-perso/article/…


Oui Cédélor, la même problématique - et ce n'est pas vraiment étonnant. Commun dénominateur à ces deux naufrages, il ne faut pas se voiler la face, c'est internet et la possibilité de mise à disposition gratuite, rapide de ce qu'il faut payer pour s'informer ou pour écouter.
Moi aussi j'ai peur quand je vais acheter le Canard Enchaîné le mercredi matin, un peu partout en France (étant en milieu de semaine rarement chez moi). Je vois bien qu'il y a de moins en moins d'achat de magazines ou journaux sur supports papiers, et les quelques qui restent par des vieux, comme moi. Et après nous ? Je le ressens aussi dans l'industrie dans laquelle je travaille : la production de papier et carton : la sorte dite "Impression/Ecriture", en gros le papier journal, magazine, ramettes, papiers scolaires, papiers pour publicités ... plonge. C'est dans ce segment qu'on observe le plus de fermeztures d'usines de par le monde. Du fait d'une offre beaucoup trop importante par rapport à la demande.? Tout est lié ...
Concernant la création/production de musique, j'ai confiance dans les concerts, qui se sont multipliés et qui draînent beaucoup de monde. Mais la question c'est plus "comment me faire connaître si je veux drainer du monde à mes concerts". Pour Romain Humeau et Eiffel, la notoriété ils l'ont, leur noyau dur de fans aussi mais pour un "Lord Ruby" (vu vendredi soir en concert à Lyon, qui débute et qui ne doit qu'à une première partie de pouvoir se produire sur scène. Ils ont produit un CD, en sortent un second en Février mais il n'y a plus vraiment de circuits de distribution. Et la spirale va s'amorcer : pas moyen de se faire connaître donc pas de concerts pas de revenus et ... mort.
Il semblerait, d'après ce que dit Romain Humeau, que ce soit même plus profond :

"Comme si je vous disais qu' "avant" (oh, oh! le fameux "avant"), les spirales plus ou moins vertueuses de l'industrie du disque alimentaient l'économie et la faisabilité des tournées. Mais que désormais les tournées aussi se meurent.
Subventions inexistantes, risques inexistants."

Aller aux concerts - la musique vivante, quoi de plus beau ! de plus risqué ! - continuer à jouer les dinosaures et acheter des CD. Ca fait peu quand même. Pour l'instant, avant que le couvercle saute ?

Tistou 03/10/2016 @ 11:55:19
Très intéressant coup de gueule, qui me fera écouter Eiffel d'une autre manière (que j'écoute sur CD autant que sur youtube !). Il fait un peu écho également, je trouve, à la critique postée ce soir sur le site relative à Jean Giono dénonçant, dès la fin des années 30, le matérialisme mercantile et le productivisme qui asservissent l'homme et ne profitent qu'à quelques-uns... Mais je crains qu'il ne soit trop tard et qu'on ne soit vraiment mal barrés... Quant à la culture en général, je me permets de renvoyer à ma critique sur CL de "politique culturelle : le fin d'un mythe" de Jean-Michel Djian, qui est un essai qui date un peu (il a une dizaine d'années) mais qui est assez complet et, hélas, de plus en plus actuel...

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/47516

Apparemment tu n'allais pas les voir sur scène, Eric ? C'est pourtant une bombe de bonheur sur scène. Comme une recharge de mes batteries quand je sors d'un concert de Eiffel. Là pour l'instant tu ne pourras voir que Romain Humeau qui sort son 3ème disque solo et qui va entamer une tournée. J'irai le voir, pour sûr, mais j'attends avec impatience une remontée de Eiffel sur scène.

Et ta critique que tu mets en exergue va dans le même sens, comme le lien du "Monde" donné par Cédélor. Le pire c'est qu'on a la situation sous les yeux, qu'il ne faut pas être grand clerc pour en tirer les conclusions les plus évidentes, et que malgré cela ...
Quand l'appât du gain se conjugue à la force de frappe inouïe d'internet, c'est l'arme atomique ...

Saint Jean-Baptiste 03/10/2016 @ 19:29:09
Tistou, j'apprécie beaucoup ton initiative de donner un beau sujet de discussion sur notre site bien aimé, de quoi un peu le ranimer, j'espère.

Mais je dois t'avouer que je suis ce sujet d'assez loin ; ce que je comprends, c'est que les disques ne se vendent plus depuis qu'on télécharge gratuitement sur internet.
Les chanteurs, qui sont les gros bénéficiaires de l'industrie du disque, voient ça d'un mauvais œil et c'est bien normal. Mais d'un autre côté, est-ce normal que des « artistes » se fassent des fortunes colossales en chantant des chansons ?
Je mets artiste entre guillemets en pensant à ce que dit Eric Elies dans sa critique de la Fin d'un Mythe de Jean-Michel Djian :

« ...Ce faisant, les artistes sont progressivement devenus de simples créateurs, obéissant à des normes standardisées de production esthétique et de rentabilité financière, au service de la société du spectacle et/ou d’une politique culturelle qui mesurent tous deux la satisfaction du public en termes de fréquentation et de nombre d’exemplaires vendus ». (dixit Eric Elies).

Je suis beaucoup plus ému quand je lis que, par exemple, le Béjart Ballet de Lausanne travaille avec une quarantaine de danseurs, tous les jours depuis six mois, à remettre sur pied le ballet de la IXème de Beethoven, et que, si le public ne suit pas, c'est la fin du Béjart Ballet de Lausanne.

Beaucoup plus ému aussi quand je vois le nombre d'orchestres classiques qui ont disparus, et le nombre d'opéra qui ont fermé leurs portes, faute de subsides et de public. (Il faut dire que le prix des places est devenu exorbitant).

Et puis il y a une autre question qui me turlupine depuis toujours : un artiste doit-il vendre ses œuvres d'art ? Si oui, la tentation est de faire ce qui plaît, ce qui se vend, plutôt que de rechercher ce qui est beau. Je ne suis pas de ceux qui disent que tout se vaut et je trouve que l'art et l'argent font mauvais ménage. On devrait trouver autre chose pour le statut d'artiste.

Je cite encore Eric Elies :
« Il y a toujours eu des artistes inféodés au marché et aux modes, producteurs standardisés parfois très célèbres de leur vivant mais rapidement oubliés après leur mort, et des artistes véritables, qui créent en dehors des voies frayées auxquelles le public est accoutumé et qui, sauf quelques rares exceptions comme Léonard de Vinci ou Picasso, ont toujours eu du mal à être reconnus de leur vivant. Ce n'est pas parce que les "vrais" artistes contemporains sont invisibles, comme noyés dans la masse, qu'ils n'existent pas mais (et même si c'est bien dommage) c'est le temps qui fera le tri... ».(re-dixit Eric Elies)
Autrement dit, l'argent récompense rarement le talent mais, à coup sûr, la facilité.

Dans son coup de gueule, le chanteur ne se désole pas que ses chansons ne soient plus entendues mais qu'elles ne lui rapportent plus d'argent... En fait, ce n'est pas son art qui est en souffrance mais son portefeuilles...
Je ne m'en réjouis pas du tout : ça me fait toujours plaisir de voir que des gens trouvent le truc pour s'enrichir. Mais est-ce vraiment un langage d'artiste ? Est-ce bien le but de l'art de gagner beaucoup d'argent ?  
Si ça peut le consoler, Ruteboeuf, Villon, Mozart, Van Gogh et combien d'autres, sont morts pauvres comme des gueux.


Tistou 03/10/2016 @ 22:18:05
Je t'avoue être un peu désorienté par ton commentaire SJB. Un peu comme si je demandais mon chemin à Paris et qu'un Népalais me répondait que pour le Mont Everest c'est à partir du 3ème col à gauche ...
Peut-être que l'artiste pense gagner de l'argent (de toutes façons il faut bien manger n'est-ce pas ?). Mais même simplement au-delà de cela est-ce moral que ce soit les sites de diffusion sur internet qui gagnent de l'argent au détriment des créateurs des oeuvres ? A priori je ne crois pas ...

Tistou 03/10/2016 @ 22:18:48
Tiens un fil pour lequel il n'y a aucun avatar ! (au moins jusque là)

Minoritaire

avatar 03/10/2016 @ 22:24:54
SJB, les chanteurs, ne sont pas les gros bénéficiaires de l’industrie du disque, pas plus que les jazzmen, les musicien classiques, de bal ou d’avant-garde… L’industrie du disque enrichit d’abord les industriels. Une rapide recherche sur internet t’apprendra ce que touche un artiste sur la vente d’un CD, ou sur sa diffusion sur les plates-formes musicales du net.
Quant aux « fortunes colossales »… Mets en parallèle les quelques footeux de haut niveau et les milliers d’autres qui jouent dans les divisions inférieures et tu auras une idées des « fortunes colossales » qui se brassent dans la variété.

le Ballet Béjart ne risque rien, c’est une institution et le public y va comme jadis au théâtre de boulevard.

Oui, un artiste doit vendre son œuvre. Pour en vivre, tout simplement. Ce n’est pas de la prostitution. Et ce n’est pas parce que ses œuvres plaisent au plus grand nombre qu’elles sont suspectes, ni parce qu’elles ne rencontrent qu’un public réduit que l’artiste a du génie. Ca n’a rien à voir. Cette façon que tu as de considérer que, pour être crédible un artiste doit mourir de faim, expédie ton pote Béjart et plein d’autres que tu apprécies sûrement, à la fosse commune.

Tu te méprends sur l’objet du « coup de gueule du chanteur ». Où lis-tu qu’il veut gagner beaucoup d’argent? Il veut juste gagner sa vie en échange de son travail, qu’il fait honnêtement, à destination d’un public qu’il respecte et dont il cherche le respect. Et quand je dis cela, je le pense même des artistes dont je n'apprécie pas le travail. Et oui, il a le droit, cet artiste, de constater que pour le même travail, ses revenus sont en baisse, et de se demander à qui le crime profite.

Minoritaire

avatar 03/10/2016 @ 22:31:23
Tiens un fil pour lequel il n'y a aucun avatar ! (au moins jusque là)
'Suffisait de demander.

Tistou 03/10/2016 @ 22:35:13
Tiens un fil pour lequel il n'y a aucun avatar ! (au moins jusque là)

'Suffisait de demander.

(sourire)

Minoritaire

avatar 03/10/2016 @ 22:36:46

Cette façon que tu as de considérer que, pour être crédible un artiste doit mourir de faim, expédie ton pote Béjart et plein d’autres que tu apprécies sûrement, à la fosse commune.
Je me suis mal exprimé sur ce coup-là. J'aurais dû dire :
"Cette façon que tu as de considérer que, pour être crédible un artiste doit mourir de faim, rend ton pote Béjart ainsi que tous ceux que tu aimes et qui ont "réussi", suspects de vénalité et d'arrivisme."

Saule

avatar 03/10/2016 @ 22:42:29
Les gens veulent écouter de la musique en streaming, pour un forfait minimum ou carrément gratuitement. Du coup les grosses machines du web (Apple, google, amazon,...) se sont emparées de ce marché lucratif pour eux (mais pas pour les artistes, excepté quelques vedettes). Mais les musiciens ont besoin de rentrées pour financer les tournées.

Les gens doivent prendre conscience qu'en achetant sur des plate-formes de streaming ou en écoutant la musique gratuitement ils tuent les artistes, et arrêter de faire ça. Je crois que c'est le sens du message du chanteur de Eiffel et il a tout à fait raison. C'est la même chose pour les livres d'ailleurs. Et pour la banque, .. et tout le reste.

Pour la musique classique, c'est encore pire : imaginer le nombre de musiciens et de choristes nécessaire pour jouer une grande oeuvre comme un ballet ou un opéra. On veut mettre tout ces gens au chômage ? Sans subsides publics la plupart des orchestres vont fermer boutique, c'est un appauvrissement culturel affligeant.

Saint Jean-Baptiste 04/10/2016 @ 11:43:53
Mino et Tistou, vous défendez le point de vue de l'artiste avec de bons arguments mais, à mon avis, c'est l'art qui est perdant dans l'aventure.

Un écrivain a un pourcentage sur l'impression de ses livres mais si les livres sont remplacés par la lecture électronique il ne touchera plus rien ; et un chanteur a un pourcentage sur le support de ses chansons mais si on les charge par internet il n'aura plus rien non plus.
Est-ce moral ? Je n'en sais rien. Mais ce que je trouve anormal c'est qu'il soit rémunéré en fonction de la diffusion de ses œuvres parce que l'argent récolté n'est que rarement en fonction de la qualité artistique de l’œuvre.

Par ailleurs, si l'architecte ou le sculpteur, qui a réalisé une œuvre d'art, devait toucher un euro chaque fois que quelqu'un regarde leur œuvre, il se ferait des fortunes colossales, comme le chanteur qui a sorti une bonne chanson ou l'écrivain qui a sorti un bon livre.

Les artistes qui font clandestinement des peintures murales pendant la nuit ne touchent rien chaque fois qu'un passant regarde leurs œuvres. Et pourtant certains sont de vrais artistes. Et leur art leur coûte beaucoup d'argent et de peine.

Je trouve que la manière de rémunérer l'artiste ne fonctionne pas bien. Je ne trouve rien à redire sur le fait que certains soient très riches que d'autres moins, mais l'art n'y trouve pas son compte.
Je ne dirais jamais que le public est mauvais juge. Mais trop souvent, « l'artiste » connaît les trucs pour flatter le public et lui jette de la poudre aux yeux. Il produit des « œuvres d'art » pour l'argent et pas pour l'art. C'est trop souvent l'art qui est perdant.


XooHooX
avatar 12/10/2016 @ 20:25:36
Je ne dirais jamais que le public est mauvais juge. Mais trop souvent, « l'artiste » connaît les trucs pour flatter le public et lui jette de la poudre aux yeux. Il produit des « œuvres d'art » pour l'argent et pas pour l'art. C'est trop souvent l'art qui est perdant.


Mon avis ne sera qu'un avis ... je ne détiens pas la vérité absolu sur se sujet ... je ne pense même pas détenir une once de vérité ... mais ... il est VRAI qu'il y à L'ART le Business et l'art business ... perso je m'en fou qu'un Artiste business perde de l'argent ... car lui te vend du faut rêve ... après je comprend quand même qu'il veuille gagner de l'argent ... personnellement je ne le juge pas pour cela ... la société montre l'exemple ... moi je pratique l'ART à mon niveau ... je n'en vie pas (financièrement) ... mais JE LE VIE (artistiquement) ... je ne serais pas contre gagner un peut d'argent grâce à lui ... Bon ce que je veut dire c'est que je comprend qu'un Artiste qui veuille VIVRE sont ART ... et pour avoir le temps de bien pratiquer cet ART doit en VIVRE car il faut du temps pour sortir de bon truc ... car comme on le dit "La qualité ne fait pas la quantité" ... mais comme je le dis "Il fait en faire des quantité pour parvenir à la qualité" ... donc cela prend du temps ... donc il en faut du temps ... donc pour que l'Artiste puisse sortir des truc bien travailler il faut que se soit son travail ... après sur le combien gagner certains artistes par rapport à d'autre .... c'est une autre question !

XooHooX
avatar 12/10/2016 @ 20:40:32
Les artistes qui font clandestinement des peintures murales pendant la nuit ne touchent rien chaque fois qu'un passant regarde leurs œuvres. Et pourtant certains sont de vrais artistes. Et leur art leur coûte beaucoup d'argent et de peine.


Et de plus ... il y à des gens qui prennent leurs ouvres en photos ... en vende des livres ou des magasines avec ses photo sans revesrsé un sous aux Artistes !

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