Fanou03
avatar 19/08/2016 @ 17:59:04
Je vous fais part d'un article que j'ai trouvé intéressant : la littérature du réel a le vent en poupe, dans le magazine Le Pélerin du 28 juillet 2016.

L'article m'a intrigué, car je ne connaissais pas cette dénomination de "littérature du réel" ( "narrative non-fiction" dans le monde anglo-saxon). D'après l'article, la "littérature du réel allie le meilleur du journalisme et de l'écriture", c'est à dire selon Claire Do Sêrro, des Éditions du sous-sol, spécialisés dans ce genre "des écrits qui racontent le monde, avec des faits vérifiés, mis en forme à l'aide de techniques narratives".

Quelques exemples cités par l'article du Le Pélerin:

- Albert Londres ou Joseph Kessel pour les auteurs "historiques",
- Svetlana Alexievitch, prix Nobel 2015 comme figure de proue (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/1405), avec "des documents qui se lisent comme des romans",
- Jean Hatzfeld pour ses récits rwandais, Emmanuel Carrère (avec "Il est avantageux d'avoir où aller"), Olivier Weber pour ces récits de voyage, Pascale Robert-Diard qui revisite l'affaire Agnelet ("La déposition"), comme "auteurs célèbres du genre"

La sélection du Pélerin
- Josuah Hammer pour "Les résistants de Tombouctou" récit du sauvetage des manuscrits de Tombouctou
- Maylis de Kerangal pour "Un chemin de tables" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/48526)
- Valérie Rodrigue pour "Rien de résiste à Romica", sur l'univers des roms
- Bérangère Lepetit pour "un séjour en France, chronique d'une immersion", une immersion chez le Volailler Doux en Bretagne
- Nicolas Delesalle pour "Le goût du large" (http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/46917), la chronique d'un voyage en cargo
- Olivier Weber avec "Frontières", sur les régions de frontières du monde
- Dorain Malovic pour "China Love. Comment s'aiment les chinois", un récit sociologique sur la Chine contemporaine

Quelques éditions ou collections spécialisées citées dans l'article
- Les éditions du sous-sol (http://www.editions-du-sous-sol.com/)
- Les éditions Plein Jour (http://www.editionspleinjour.fr/) qui a publié "Et dans l'ombre du Reich" de Gitta Sereny

L'article cite également la revue trimestrielle "XXI" comme ayant une ligne éditoriale se rattachant à cette "littérature du réel".

Voilà quelques références pour découvrir ce genre si le cœur vous en dit ! Bien sûr comme toute définition de genre j'imagine que certains textes seront plus ou moins faciles à classés dans ce genre, qui requiert semble-t-il quand même une certaine volonté littéraire dans les procédés narratives ou dans la qualité de l'écriture, ce qui va donc a priori les différencier d'enquêtes journalistiques classiques. J'ai pensé notamment au célèbre, en son temps "Tête de Turc" du journaliste allemand Günter WALLRAFF. L'aurait-t-on classer en littérature du réel ?

Saint Jean-Baptiste 23/08/2016 @ 13:58:42
Tu fais bien de tenter de ranimer un peu notre site bien aimé, Fanou ; il faut croire que beaucoup de nos CLiens sont en vacances ou ont la flemme. A la rentrée je pense, j'espère, que ça va un peu se ranimer.

Cette littérature du réel est un très beau genre qui a donné de magnifiques réussites et que personnellement, j'apprécie plus que tout autres : je suppose qu'on peut y classer ces œuvres immortelles comme La Guerre et la Paix, Le Don Paisible, La Marche de Radetsky et encore combien d'autres comme les livres de Boulganov et de Solgenitsyne .
Mais il y a aussi des floppes comme certains livres de Patrick Rambeau : Il Neigeait, par exemple, dont Bolcho disait très justement dans sa critique que « la mayonnaise n'avait pas pris ».
Mais c'est parfois intéressant de lire des ratés parce qu'alors on se rend compte combien le genre est difficile.

Fanou03
avatar 23/08/2016 @ 14:34:11
Cette littérature du réel est un très beau genre qui a donné de magnifiques réussites et que personnellement, j'apprécie plus que tout autres : je suppose qu'on peut y classer ces œuvres immortelles comme La Guerre et la Paix, Le Don Paisible, La Marche de Radetsky et encore combien d'autres comme les livres de Boulganov et de Solgenitsyne .


Coucou SJB ! Merci à toi d'alimenter ce fil !

Je ne suis pas sûr que les œuvres que tu cites relèvent de la "littérature du réel" au sens où l'entends l'article du Pélerin: si j'ai bien compris il s'agit plutôt d'enquête ou de récits journalistiques très littéraires, mais relevant en tout cas d'une expérience vécue: ce ne sont pas des fictions. J'avoue que j'ai du mal à appréhender ce genre car je n'ai lu aucune des œuvres cités dans l’article (mis à part quelques romans de Kessel et de London mais ils ont aussi sans doute écrit des chroniques journalistiques qui elles se placent dans "la littérature du réel") .

Cela montre en tout cas que la limite entre les œuvres de fictions fortement teintées de réel et la "littérature du réel" doivent être parfois difficile à juger. Je me posais plutôt pour ma part la question pour les œuvres de Saint-Exupéry: elles sont directement en lien avec son expérience de pilote, mais cela reste des œuvres de fiction. Le genre en tout cas pose question: Myrco par exemple dans sa critique de "La supplication, Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse" de Svetlana Alexievitch se demande si le roman relève de la littérature car il s'agit d'un recueil de témoignage.

La page "qui nous sommes?" du site internet des éditions Plein jour (http://www.editionspleinjour.fr/qui-nous-sommes/) nous éclaire un peu sur la littérature du réel, et notamment ce paragraphe précisant leur ligne éditoriale:

Ainsi avons-nous proposé à nos premiers auteurs de se lancer dans des enquêtes, des reportages, d’aller sur le terrain, d’écouter, d’observer, d’inventer une manière inédite de restituer les expériences, les pensées, les émotions qui traversent la société. Nous voulions des livres bruissants, qui parlent aux gens et fassent parler les gens, comme une agora en morceaux, éclairée par le regard singulier de romanciers découvrant que la vie a, elle aussi, une imagination infinie.

La littérature peut prendre toutes les formes, s’occuper de tout, se glisser partout ; elle échappe aux définitions, aux étiquettes, aux catégories commodes où on voudrait la contenir. Même si nous avons pris le parti de ne publier aucun texte de fiction, et de nous aventurer parfois sur le terrain du document journalistique et de l’essai - la curiosité pour la société débouchant sur un désir d’intervention directe dans les débats qui l’occupent -, c’est bien à cette plasticité de la création que nous avons pensé. Plein Jour ne publie pas de roman, mais justement, le roman n’est qu’un des possibles de la littérature, et il y a une place pour tous les autres.

Myrco

avatar 23/08/2016 @ 16:34:11
.

Cela montre en tout cas que la limite entre les œuvres de fictions fortement teintées de réel et la "littérature du réel" doivent être parfois difficile à juger. Je me posais plutôt pour ma part la question pour les œuvres de Saint-Exupéry: elles sont directement en lien avec son expérience de pilote, mais cela reste des œuvres de fiction. Le genre en tout cas pose question: Myrco par exemple dans sa critique de "La supplication, Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse" de Svetlana Alexievitch se demande si le roman relève de la littérature car il s'agit d'un recueil de témoignage.

Bonjour Fanou,
Comme SJB je salue ta présence active sur CL en cette période bien calme.
Ce n'est effectivement pas facile d'établir une ligne nette de démarcation entre compte rendu d'enquête journalistique et littérature du réel. Pour Alexievitch je me suis posé la question mais c'était avant de la lire. L'ayant lue j'ai apporté une réponse positive à la question de savoir s'il s'agissait ou non de littérature et tout le sens de ma "critique" a été d'essayer de le démontrer.
Je pense à Jacques London et "Le peuple d'en bas" récit d'une immersion parmi les plus déshérités de Londres. Quelque part c'est le récit d'une enquête journalistique; je l'ai lu il y a trop longtemps pour pouvoir trancher mais je suppose que la patte de London fait qu'on pourrait probablement le ranger dans cette "littérature du réel"?

Saint Jean-Baptiste 23/08/2016 @ 18:53:46
De Alexievitch, j'ai lu : La Guerre n'est pas faite pour les Femmes. Je ne pense pas que ce soit de la littérature ni du roman : c'est un recueil de témoignages pris sur le vif, ce qui, entre parenthèses, donne une force incroyable à ce recueil.

En citant Soljénitzyne, je pensais à La Journée du Soldat Denissovitch qui, à mon avis, est vraiment une littérature du réel ; et en citant Boulgakov je pensais à La Garde Blanche. Il y a encore La Semaine Sainte, d'Aragon, une somptueuse histoire des Cents Jours avec l'exode de Louis XVIII.

Mais on pourrait en citer des masses, comme par exemple : Une femme à Berlin, Seul dans Berlin, ou Brûlée Vive – qui raconte une histoire vraie.
Il y a comme ça beaucoup de livres reportages mais la limite avec « la littérature » est difficile à établir.
Personnellement, j'aime beaucoup les récits des grandes aventures comme La Pérouse ou Le Batavia, Les expéditions de Christophe Colomb, Le Tour du Monde de Pigafetti, ou Le Radeau de la Méduse. A mon avis, c'est vraiment de la littérature du réel.
Le merveilleux Pilote de Guerre de Saint-Ex en est aussi un superbe exemple.

Fanou03
avatar 24/08/2016 @ 22:04:34
...et pour les amoureux de sport ET de littérature, les éditions du sous-sol proposent, toujours dans autour le thème de la littérature du réel, une publication sur le sport: la revue Desports (http://editions-du-sous-sol.com/desports/numeros/)

Donatien
avatar 25/08/2016 @ 11:24:39


Je me demande si W.G. Sebald est un écrivain du réel? Il parvient à susciter le doute du lecteur .Il utilise aussi des illustrations (photographies, dessins, reproductions de tableaux, ou de manuscrits) et c'est tout
son art.
Efficace, bien écrit et empathie pour ses personnages, j'apprécie beaucoup.

Pour moi, la littérature du réel pourrait du journalisme ou du témoignage mais avec un souci ou un don du style.

Il y a aussi des écrivains tellement précis dans leurs évocations qu'ils parviennent à donner l'impression du réel. Je pense à Claude Simon.

A+

Septularisen

avatar 25/08/2016 @ 15:51:33

Si on parle de Svetlana ALEXIEVITCH comme représentante de la "Littérature du réel" on ne peut alors que parler du polonais Ryszard KAPUSCINSKI, dont seul le décès prématuré l'a privé d'un prix Nobel plus que mérité.

Ici :

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/966

On peut aussi citer le journaliste américain William Tanner VOLLMANN

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/7251

l'anglais Billy BRISON

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/1844

et pourquoi pas ces journalistes-écrivains qui partent dans le monde entier pour en ramener
des livres de reportages comme p. ex. les français Sylvain TESSON

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/2365

ou David FAUQUEMBERG

http://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/…

ou encore les américains Rick BASS

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/344

et Dan O'BRIEN

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/4928



Sundernono

avatar 25/08/2016 @ 16:29:57
Bonjour,

J'apporte juste ma petite contribution car je vous vois parler de "non fiction novel" et ne vois nulle part le nom de Truman Capote et d'un des premiers romans du genre, si ce n'est le premier: De sang froid.
En effet lorsque l'on parle de ce genre littéraire le côté journalistique de l’œuvre, notamment dans la reconstitution minutieuse des faits est prépondérant. Le roman doit s'en tenir aux faits, et ne tolère aucune part de fiction. Aucune.
Je ne peux d'ailleurs que vous recommander ce roman qui est un véritable petit bijou. Un roman majeur du XXe siècle.

Bonnes lectures

Fanou03
avatar 25/08/2016 @ 17:00:59


et pourquoi pas ces journalistes-écrivains qui partent dans le monde entier pour en ramener
des livres de reportages comme p. ex. les français Sylvain TESSON



J'aime bien Tesson mais est-il assez littéraire pour rentrer dans le genre de la "Littérature du Réel" ?

Fanou03
avatar 25/08/2016 @ 17:09:29


et pourquoi pas ces journalistes-écrivains qui partent dans le monde entier pour en ramener
des livres de reportages comme p. ex. les français Sylvain TESSON

J'aime bien Tesson mais est-il assez littéraire pour rentrer dans le genre de la "Littérature du Réel" ?


En fait je viens de relire un extrait de l'"Axe du Loup" que Tistou avait intégré dans sa critique, c'est vrai que c'est pas mal écrit du tout (cela ne m'avait pas laisser cette impression dans mes souvenirs), donc oubliez ma remarque...

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 22:47:21
Pour compléter cette discussion, je souhaite vous faire partager mon expérience sur Wikipédia à propos de ce sujet.

L'ouverture de ce fil, en 2016, s'est fait au moment où je me suis un peu intéressé à la contribution aux articles de wikipédia. Il n'y avait pas d'article dédié à la littérature du réel, mais en cherchant bien j'ai fini par trouvé un article relatif à la "Non-fiction romancée" qui apparemment était une traduction de l'article anglophone correspondant (article "creative non-fiction", voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Creative_nonfiction), et semblait être équivalent de la notion de littérature du réel.

J'en ai profité pour me faire la main sur les outils de wikipéia, en essayant d'enrichir l'article d'origine, par l'introduction de référence francophones.

Le terme "Non-fiction romancée" n'était probablement ni très beau à l'oreille, ni très heureux. L'admissibilité de la page, et du concept, a été mis au débat, moment très intéressant pour moi, novice en la matière, pour observer les mécanismes participatifs de l'encyclopédie.

Le vote a été sans appel: les votants ont décidé à une large unanimité que l'article n'était pas admissible, parce que d'une part le terme "Non-fiction romancée" n'était pas attestée dans la langue française et que l’existence du genre en tant que tel, sous quelque nom que ce soit ("littérature du réel", "enquête ou reportage littéraire", "journalisme narratif", "roman-vérité") n'avait pas convaincu les participants au débat. La page a donc été supprimée. Les règles de Wikipédia sont dures, mais ce sont ses règles...

La teneur des débats est là, pour ceux que ça intéresse: https://fr.wikipedia.org/wiki/…

Sentant le coup venir quand même, j'ai sauvegardé l'article avant sa suppression (même si j'imagine qu'il doit être retrouvable quelque part dans les limbes des archives wikipédiennes). Je vous propose de le publier dans ce forum. Cet article, synthèse de l'article d'origine et des notes ultérieures des contributeurs (dont les miennes !) est très imparfait, sans doute contient-il des interprétations erronées. Il me semble suffisamment consistant cependant continuer à le faire exister quelque part sur le web.

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:15:23
(Pour ne pas alourdir la mise en page (et m'éviter un travail fastidieux !) je ne reprends pas les index qui renvoie à l'origine vers les références web et autres).

1 - Introduction à la non-fiction romancée

La non-fiction romancée, appelée aussi littérature du réel, enquête ou reportage littéraire, journalisme narratif ou parfois encore roman-vérité (termes français équivalents aux expressions anglo-saxonnes narrative non-fiction, creative non-fiction, non-fiction novel, documentary narrative ou encore long form ) est un genre littéraire qui utilise les styles et les techniques de l'écriture romanesque pour expliquer, explorer ou raconter des faits réels. Ce genre littéraire contraste avec l’écriture technique ou académique, ou le journalisme, qui se nourrissent aussi de faits réels mais qui, eux, n’ont pas de but créatif:« La méthode d’investigation est rigoureusement journalistique, mais l’écriture convoque les techniques de la narration littéraire : mise en scène, caractérisation des personnages, subjectivité assumée du narrateur, souvent présent et actif. L’écriture est travaillée, mais s’impose - journalisme oblige - de rester limpide ».

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:17:29
2- Définition
Pour qu’un texte soit considéré comme de la non-fiction romancée, il doit contenir des faits exacts et doit être écrit avec un style et une technique littéraires. Selon Lee Gutking, «en fin de compte, le but premier de l’auteur de non-fiction romancée est de transmettre de l’information, comme un simple reporter, mais en faisant en sorte que celle-ci se lise comme de la fiction». Pour Claire Do Sêrro, des Éditions du sous-sol, spécialisés dans ce genre, ce sont « des écrits qui racontent le monde, avec des faits vérifiés, mis en forme à l'aide de techniques narratives ». On peut entendre par là les essais, les mémoires, les carnets de voyage,les biographies ou le journalisme littéraire. Selon Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired, un magazine américain, le genre est divisible en deux sous-catégories : les essais personnels (mémoires, carnets de voyage) et les essais journalistiques (biographies, essais).

Tom Wolfe, dans son anthologie du Nouveau Journalisme, considéré comme un manifeste du genre, identifie les techniques de fiction empruntées par le reportage littéraire :l’art de la mise en scène, la transcription des dialogues dans leur intégralité, l’usage débridé de la première personne du singulier, refusant d’emblée la fausse objectivité, l’intérêt porté aux détails pour camper au mieux une scène, un personnage.

La critique littéraire Barbara Lounsberry – dans son livre The Art of Fact (1990) – suggère quant à elle
quatre éléments caractéristiques du genre :

- Il s’agit d’un « sujet basé sur des faits réels, par opposition au sujet inventé tout droit sorti de l’esprit de l’écrivain ». Par là, elle entend que les sujets et les événements relatés dans le texte soient existants et vérifiables dans le monde réel.
- La non-fiction romancée doit sous-entendre une recherche exhaustive : selon Lounsberry, une bonne documentation permet aux auteurs de « donner une crédibilité à leurs écrits à travers des références indiquées dans leurs textes ».
- La non-fiction romancée doit contenir des scènes : elles doivent décrire et revivifier le contexte des événements, en contraste avec l’objectivité du reportage. Les faits prennent vie grâce à la narration, aux détails, au cadre, à la description des scènes.
- L’auteur doit utiliser une prose littéraire : « la forme narrative et la structure révèlent le talent de l’auteur et finalement, le langage soutenu montre que le but était bien d’écrire de la littérature. »

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:19:33
3- Histoire du genre

Mathilde de Chalonge, considère qu'on peut observer dès le dix-neuvième siècle en France les précurseurs de la littérature du réel, avec en particulier Émile Zola et le courant naturaliste. À la même époque, côté américain, les précurseurs sont des écrivains et journalistes comme Herman Melville, Nathaniel Hawthorne, Walt Whitman, Edgar Poe, Ralph Emerson tandis que Adrian Bosc affilie la littérature du réel avec une
certaine tradition journalistique de années 1920-1930 en France: le journalisme d’infiltration de Maryse Choisi ou bien les enquêtes de Robert Desnos .

Au milieu du vingtième siècle des auteurs sont reconnus comme ayant participé à l’émergence du genre, comme Albert Londres, Nellie Bly, George Orwell, Blaise Cendrars, Colette, Upton Sinclair, Jack London (Le Peuple d'en bas), Joseph Kessel, André Gide ou encore Ernest Hemingway . Mais c'est Truman Capote, adepte du nouveau journalisme, qui est considéré souvent comme le fondateur moderne du genre en 1966 avec son roman De Sang Froid pour lequel il donnait les explications suivantes : « Il me semblait que l'on pouvait tirer du journalisme, du reportage, une forme d'art nouvelle et sérieuse : ce que j'appelais en mon for intérieur le roman-vérité », en disant qu'il voyait ce style comme une « forme narrative qui utilisait les techniques de l'art de la fiction, tout en restant on ne peut plus proche des faits » . Tom Wolfe théorise par la suite, en 1973, les caractéristiques du genre dans son anthologie du Nouveau Journalisme. Le courant anglo-saxon de narrative non-fiction apparaît très vigoureux au vingtième siècle, notamment grâce au soutien de revue comme le New Yorker, Granta, Atlantic Monthly, Vanity Fair ou The Paris Revue. En l’absence de telles revues, le genre, en France, reste confidentiel et peu reconnu, malgré des représentants,dans les années 1980 en particulier, comme Lucien Bodard, Claude Lanzmann ou Philippe Labro et des magazines où émergent un journalisme littéraire (Actuel de Jean-François Bizot, L’Autre Journal, Le Tigre).

Le genre finit malgré tout par émerger médiatiquement en France : des tables rondes sont organisées, en 2009 dans le cadre des Assises internationales du roman de Lyon (« Narrative non-fiction : l'enquête littéraire » ), en 2016 par l'université Paris-XIII («La Narrative nonfiction en France») ; le prix Nobel de 2015 attribué à Svetlana Alexievitch légitime en tant qu'objet littéraire les œuvres de non-fiction romancée
et met la lumière sur le genre, soutenue parallèlement par des maisons d'éditions spécialisées dans ces
publications ) ou par des collections spécialisées au sein de maisons d'édition généraliste (collection Raconter le vie pour les éditions du Seuil). Des magazines diffusent également cette littérature, par exemple les revues XXI, Feuilleton, La Revue dessinée, L’Éléphant, 180 °C, Muze, ou encore la Revue du crieur. Le magazine Feuilleton revendique ainsi jusqu'à 15000 lecteurs pour ces premiers numéros, le lectorat se stabilisant autour de 4000 en 2016. Hors du monde anglo-saxon les revues diffusant le genre sont des magazines comme Etiqueta Negra en Amérique latine ou Reportagen en langue allemande. Le festival international du journalisme vivant, organisé par l'équipe de la revue XXI à Couthures dans le Lot-et-Garonne, est considéré comme une manifestation de la non-fiction romancée .

L'année 2016 semble être un moment d'exposition médiatique particulièrement important pour la fiction non-romancée en France : Jean-Claude Raspiengeas, constatant le développement du genre en France, parle ainsi « d'effervescence autour de la littérature du réel » dans un article du journal La Croix de mars 2016 , le magazine Le Pèlerin titre un article « La littérature du réel a le vent en poupe» en juillet 2016 et Adrian Bosc estime également que la littérature du réel est enfin reconnue en 2016, citant à ce titre la réception critique et du succès commercial du livre d’Ivan Jablonka Laëtitia ou la fin des hommes , prix Médicis du roman français 2016 et prix littéraire du Monde 2016. Ivan Jablonka estime que « ce prix contribue donc à montrer que l’histoire appartient à la littérature contemporaine. Les sciences sociales, incarnées dans un texte, constituent non seulement une littérature, mais une forme littéraire nouvelle » .
Dans le même ordre d'idée, en août 2016, la Librairie Mollat et le quotidien Sud-Ouest créent le Prix du Réel qui « récompensera chaque année deux livres, l’un de langue française et l’autre traduit en français dont l’argument ne relève pas du domaine de la fiction. Il s’agira de textes dans lequel l’auteur se sera emparé d’un fait réel – connu ou ignoré ; contemporain ou historique - dont il aura exploré les ressorts
sous la forme d’une enquête en étant présent dans la narration».

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:20:00
4 -Exemples d'auteurs de non-fiction romancée

Quelques auteurs américains sont reconnus en tant qu’auteurs de non-fiction romancée :
- Gay Talese (Honor thy father, Sinatra a à un rhum)
- Tom Wolfe (L'Étoffe des héros)
- Joan Didion (L'Année de la pensée magique)
- Norman Mailer (The armies of the night)
- Hunter S. Thompson (Las Vegas Parano)
- Truman Capote (De sang-froid)

Les auteurs français contemporains cités en tant que figure de proue du genre sont, entre autres :
- Jean Hatzfeld
- Emmanuel Carrère (Il est avantageux d'avoir où aller, l'Adversaire)
- Olivier Weber
- Pascale Robert-Diard (La déposition)

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:21:38
5- Limite du genre, controverses et effet de mode

- Limite du genre
Savoir si le genre relève de la littérature même est sujet à débat. Adrian Bosc reconnaît lui-même que la non-fiction romancée peut-être vue comme « littérature hybride, “entre-deux”, difficile à cerner» , tandis que Michel Schneider considère par exemple que « Tout ce qui est écrit n'est pas littérature : les livres de Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de 2015 par exemple, si forts soient-ils, appartiennent plus au journalisme
qu'au roman»
alors que cette auteure est régulièrement citée comme étant une figure de proue de la littérature du réel.

- Controverses
Ces dernières années, il y a eu plusieurs incidents très médiatisés d’auteurs qui ont exagéré ou inventé certains faits dans leurs mémoires.

- En 1998, alors que ses mémoires Bruchstücke. Aus einer Kindheit 1939–1948 (Fragments : une enfance 1939-1948) reçoivent un franc succès, Binjamin Wilkomirski, un auteur allemand, est accusé d’avoir inventé les propos qu’il avance par l’écrivain suisse et journaliste Daniel Ganzfried. Celui-ci révèle que Wilkomirski a connu les camps d’extermination « seulement comme touriste » et qu’il est né en Suisse, non pas en Lettonie. L’historien Stefan Maechler vérifiera les propos de Ganzfried et les confirmera.
En 2006, c’est au tour de James Frey, un écrivain américain, d’être pointé du doigt. Le site The Smoking Gun révèle que les mémoires de Frey, A million Little Pieces (Mille morceaux), contiennent des informations concernant sa lutte contre la toxicomanie qui s’avèrent fausses.

- En 2008, le New York Times accuse la mémorialiste Margaret Seltzer de faux témoignage. L’auteur explique en effet dans son livre Love and Consequences qu’elle est à moitié blanche et à moitié amérindienne ; elle aurait aussi fait partie du gang des Bloods du South Central Los Angeles. Ces révélations s’avèrent fausses. Après la publication de l’article, l’éditeur Riverhead Books a rappelé tous les exemplaires du livre.

Les auteurs de non-fiction romancée doivent donc avoir la même éthique que les journalistes : les faits qu’ils avancent doivent pouvoir se vérifier même s’ils sont relatés dans un style littéraire. Adrien Bosc, responsable des éditions du sous-sol, estime quant à lui que certains écrivains français se réclamant du genre, comme Emmanuel Carrère, ne respectent pas les règles fondamentales de la non-fiction romancée, comme prêter des pensées aux personnages, même si l'auteur en question défend de son côté que la fiction n'a absolument aucune part dans ses romans .

- Effet de mode
En France, le relatif succès commercial de la non-fiction romancée entraîne un certain nombre d'éditeurs à se réclamer du genre, au risque de publier des textes d'une qualité critiquable, comme le déplore Adrian Bosc.

Fanou03
avatar 31/05/2017 @ 23:31:46
Et les incontournables références, fer de lance de wikipédia

- « La creative non-fiction, une littérature sans compromis » (https://www.actualitte.com/article/monde-edition
/la-creative-non-fiction-une-litterature-sans-compromis/62658)

- « La littérature du réel a le vent en poupe », Le Pélerin, 28 juillet 2016

- « Le seul critère de l'enquête littéraire, c'est l'envie de sortir de la fiction» : Le Monde.fr, 29 mai 2009 (http://lemonde.fr/livres/article/…)

- « Attention, le journalisme narratif débarque en France » (http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites
/20150626.OBS1646/attention-le-journalisme-narratif-debarque-en-france.html) (consulté le 2 septembre 2016)

- « Et le réel, comment ça s’écrit ? » (http://telerama.fr/livre/…)

- « Des reportages à lire comme des romans», Plaquette de présentation des éditions du sous-sol, page 4 »
(http://editions-du-sous-sol.com/wp-content/…), sur Éditions du sous-sol (consulté le 31 août 2016)

- « Les Inrocks - Adrien Bosc, nouveau boss de la “littérature du réel” » (http://www.lesinrocks.com
/2016/10/12/medias/adrien-bosc-nouveau-boss-de-la-litterature-du-reel-11871503/)

- « Presse - Editions Plein Jour » (http://www.editionspleinjour.fr/presse/), sur www.editionspleinjour.fr

- « Table ronde - La narrative nonfiction en France » (https://univ-paris13.fr/event/…)

- éditions du sous-sol (http://www.editions-du-sous-sol.com/le-sous-sol/)

- éditions du Plein Jour (http://www.editionspleinjour.fr/)

- éditions Marchialy (http://editions-marchialy.fr/)

- « Les nouveaux horizons de la non-fiction », Jean-Claude Raspiengas, La Croix, 17 mars 2016
(http://la-croix.com/Culture/Livreset-idees/…))

- éditions des Équateurs (http://editionsdesequateurs.fr/)

- Raconter la vie (http://raconterlavie.fr/collection/)

- festival international du journalisme vivant (https://www.les-ateliers-de-couthures.fr/)

- « Ivan Jablonka récompensé par le prix Médicis du roman français », Le Monde.fr, 2 novembre 2016 (http://www.lemonde.fr/culture/article /2016/11/02/ivan-jablonka-recompense-par-le-prix-medicis-du-roman-francais_5024266_3246.html))

- « Le Monde » remet son prix littéraire à Ivan Jablonka », Le Monde.fr, 7 septembre 2016
(http://lemonde.fr/livres/article/…))

- « Sud Ouest et Mollat créent le "Prix du Réel" - Club Presse Bordeaux », Club Presse Bordeaux, {{Article}} :
paramètre « année » ou « date » manquant (lire en ligne (http://club-presse-bordeaux.fr/communiques/…))

« Dylan nobélisé : "Et pourquoi pas le Nobel de physique aux Bogdanov ?" », Michel Schneider, Le Point,
13 octobre 2016 (http://lepoint.fr/culture/…-
bogdanov-13-10-2016-2075800_3.php))


Cyclo
avatar 01/06/2017 @ 11:53:53
On pourrait rajouter John Steinbeck, qui fut aussi journaliste, et comparer "Les bohémiens des vendanges" 'ses articles sur les paysans dépossédés) et "Les rains de la colère", le grand roman qu'il en a tiré !

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