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Forums  :  Vos écrits  :  Le saut de Z.

LisaSmnt
avatar 24/07/2016 @ 19:45:48
Il fait nuit.
Je suis fatiguée, mais je ne veux pas aller me coucher.
Je me promène dans le parc, seule et dans l’obscurité.
J’apprécie beaucoup cet endroit. La journée, c’est le paradis des enfants joyeux, mais le soir, c’est l’enfer des âmes tristes. C’est également le parc qui a le record de suicide.
C’est comme si ce grand pont était possédé.
Je n’ai jamais osé y monter par peur de faire un plongeon mortel.
Ma bouteille d’alcool est presque vide, je suis ivre. Ivre d’alcool ou ivre de tristesse, je ne fais plus la différence, s\'il y en a une.
Perdue dans mes pensées, je m’approche de ce pont sordide.
Je ne suis pas suicidaire, j’ai peur de la mort. Elle me terrifie.
Je monte les marches une à une. Je perds le contrôle de mon corps, il ne m’appartient plus.
J’avais tout prévu, je voulais changer ce que j’étais au fond de moi, me créer une nouvelle identité, une nouvelle vie, un nouveau moi débarrassé de cette solitude, de cette douleur, devenir quelqu’un de vivant. Mais ce n’est pas si facile, les vieilles blessures peuvent se rouvrir, se rappeler à toi. Et je ne peux pas y échapper, malgré tout mes efforts. Tout ce qu’on peut faire, c’est s’attendre au meilleur et s’il arrive, accepté de le recevoir. On en a tellement besoin, j’en ai tellement besoin.
Sauf que le meilleur n’est jamais venu, ou alors il est passé me voir quand je n’étais pas là.
J’ai passé une soirée magique avec lui. Il était devenu gentil, aimable et heureux.
Hélas, le soleil s’est levé et la réalité a repris sa place… Il est redevenu le connard prétentieux et macho qu’il est réellement.
Il s’est donné la mort pour une raison qui m’est encore inconnue et à ce moment-là, j’ai compris quelque chose : si tu veux rester avec quelqu’un pour toujours, tu dois vivre pour toujours. Je sais qu’il m’aime, ou m’aimait, c’est peut-être pour cette raison que je me tiens debout dans le vide.
Je suis encore jeune, je suis censée passer mon temps à boire. Je suis censée me conduire mal et je suis censée baiser comme une malade. Je suis là pour faire la fête, c’est ça être jeune. Y’en a quelques-uns qui vont faire une overdose ou qui vont péter les plombs. Mais Darwin a dit : « On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. » C’est d’ça dont il s’agit : casser des œufs. Et cassé des œufs, ça veut dire se déchirer la tronche avec un cocktail dur. Nous sommes les rois du monde ! On a foutu notre merde plus fort et mieux que toutes les générations qui nous ont précédés. Nous sommes tous des paumés, je suis une paumée… Et je risque de rester paumée jusqu’à 29 ou 30 ans et peut-être même au-delà si ça me chante.
L’amour m’a tué, mon amour pour lui. Je ne pensais pas qu’on pouvait se faire mal en s’aimant trop, mais peut-être que si. L’amour est un poison. Un poison certes délicieux, mais qui n’en reste pas moins mortel.
Quand j’étais plus jeune, j’ai aimé de cette manière. On dit que le temps guérit les blessures, mais plus grande est la perte, plus profonde est la blessure, plus c’est dur de redevenir soi-même. La douleur peut s’effacer, mais les cicatrices nous rappellent nos souffrances, et nous rendent d’autan plus déterminé à ne plus jamais être blessé. Et tandis que le temps passe, on se perd en distraction, on réagit par frustration, on réagit avec agressivité, on s’adonne à la colère. Pendant ce temps, on sème et on attend de devenir fort. Avant de réaliser que le temps s’est écoulé, nous sommes guéris et prêts à recommencer de nouveau. Et c’est ce que j’ai fait, j’ai recommencé à aimer à m’en déchirer le cœur.
Je pensais aller mieux depuis le temps, mais peut-être qu’on ne se remet jamais d’une telle douleur.
Je suis au sommet du pont, je repense à tout ce que j’ai accompli et à tout ce que je n‘ai pas accompli.
Je me déshabille, fringue par fringue. J’ai froid, ça accélérera le processus de décès.
Qu’est-ce qui est arrivé à la petite fille joyeuse et terrifiée par le fait de quitter ce bas monde ?
Je suis au sommet du pont, je repense à tout ce que j’ai accompli et à tout ce que je n‘ai pas accompli.
Je fais le pas de trop, je tombe. L’eau est gelée.
Je suis repliée sur moi-même, nue, dans ce fleuve frigorifié.
Je suis repliée sur moi-même, nue, dans ce fleuve frigorifié. Ça veut dire que vous avez beau être terrorisé votre instinct de survie est tellement fort que vous gardez la bouche fermée jusqu’à ce que vous ayez l’impression que votre tête va exploser. C’est quand vous laissez l’eau rentrer que vous arrêtez de souffrir. C’est là que la peur s’arrête et que tout devient paisible…
Je n’ai plus peur, je n’ai plus froid, je suis paisible.
Ma route s’arrête là.

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