Pucksimberg
avatar 08/05/2016 @ 18:25:33
« L’Histoire d’Ali Retzo », Petros Markaris :
Dans un petit village rural, des hommes vivotent comme ils peuvent. L’agha Retzo est redouté car il a de l’argent et une certaine réputation. Afin que ces hommes ne s’épuisent pas au travail, il propose d’acheter un tracteur. Mais ce tracteur est un véritable cheval de Troie. Au fil du temps, ces paysans se retrouvent sous l’emprise de forces qui les dépassent. Ces petites mains sont évidemment supplantées par la machine et son impuissants face à des décisions qui leur sont imposées.
Cette pièce de théâtre ancrée dans une réalité sociale permet de voir comment les Grands dévorent les Petits et combien le système est absurde parfois.
En France, nous connaissons surtout Petros Markaris pour ses romans policiers.
La préface de cette pièce résume la totalité de l’histoire. Je déconseille de la lire avant la pièce … Si j’avais su …

« Femmes en couleurs », Vassilis Ziogas :
Vassilis Ziogas met en scène deux femmes dans ce huis-clos, deux sœurs dont la vie n’a pas été facile. L’une a été prostituée, l’autre a sans doute été abusée par leur père. Elles en viennent à discuter de la condition des femmes et de celle des hommes, de leur rapport à la vie. La discussion devient très étrange à certains moments. On sent qu’il y a des événements qui ont été refoulés, le monde de l’enfance ressurgit parfois bizarrement comme lorsque l’une des sœurs parle avec sa poupée. La vie semble devenir un jeu grave où il y a des stratégies à adopter, des choix à faire … La réalité s’entremêle à l’imaginaire et permet de mieux s’interroger. Une pièce de théâtre réussie.

« Je t’embrasse la gueule », Yorgos Dialegmenos :
Mitsos et Glyka squattent un appartement, se disputent souvent, sont de pauvres gens, pathétiques. Mitsos boit et son discours est difficile à suivre parfois. Il est le père d’Argyris, personnage violent qui a blessé une prostituée, sous l’impulsion d’un désir soudain. Il est entré dans la police car il peut se défouler physiquement de manière légale. Il a pourtant des mœurs et des réactions qui rappelleraient davantage celles d’un criminel. Il vient parfois voir Mitsos afin d’avoir des informations sur son passé. Il ressent un besoin irrépressible de connaître certains points de son enfance qui ont été tus. Cette pièce de théâtre peint le tragique la condition humaine et décrit une société où l’injustice règne. Yorgos Dialegmenos nous présente un monde en déliquescence.

“Vers Eleusis”, Pavlos Matessis :
Cette pièce de théâtre est une réécriture de “Tandis que j’agonise” de Faulkner, mâtinée d’influences mythologiques avec Déméter et Perséphone. Une mère de famille est agonisante. Ses trois enfants sont à ses côtés, tout comme son époux. A cette étape fatale s’ajoutent des tensions et des révélations sur cette famille, des nouvelles qui secouent le lecteur où il sera question d’inceste et de violence. Cette pièce permet de découvrir les coulisses d’une famille et de voir toute l’horreur qui peut se cacher en-dessous. Cette pièce aborde la mort de manière sérieuse, ce qui n’exclut pas l’intrusion du fantastique.
Une pièce de théâtre marquante et touchante car elle évoque un thème, la mort, qui nous concerne tous, inévitablement.

“Procédures de règlement des différends”, Dimitris Dimitriadis :
Dans ce huis-clos, Dimitris Dimitriadis met en scène trois personnages partagés entre le désir et la répulsion. En effet, un homme et une femme s’aiment, mais une seconde femme vient perturber cet équilibre. La situation est bien plus compliquée qu’il n’y paraît. Ce qui semblait acquis ne l’est plus. Dans ces répliques assez longues, la violence est perceptible, tant verbale que physique. Ce dramaturge fait preuve d’une certaine originalité et l’on imagine aisément ce qu’une telle pièce peut donner sur scène.

“ A vous qui m’écoutez”, Loula Anagnostaki :
La pièce se déroule en Allemagne et les personnages sont issus de l’immigration grecque. Les néo-nazis sont de plus en plus nombreux et l’on s’inquiète grandement quand on n’a pas le physique allemand. Une réunion est prévue pour le lendemain afin de promouvoir la paix. Nous assistons ici aux discussions d’un groupe de personnes engagées où s’entremêlent politique, amour, problèmes familiaux, la mémoire … Cette pièce est dynamique et très prenante et rappelle certaines pièces engagées comme celles de Camus ou de Sartre. Quand l’un des personnages saisit un micro afin de répéter son discours pour le lendemain, le spectateur /lecteur devient un spectateur de ce meeting politique et la frontière est ténue entre la fiction et la réalité. Cette pièce est très récente et a forcément une résonance aujourd’hui.

“Désobéissance”, Maria Efstathiadi :
Cette pièce est très étrange. Une voix-off mène la danse et donne des ordres à un couple. Elle est un peu le double du metteur en scène, demande à refaire certaines scènes, donne des indications sur les gestes et les mimiques à adopter par les deux comédiens. Elle leur demande de jouer une scène de conflit. Plus on avance dans la pièce et plus les personnages semblent autonomes et ne plus obéir aux injonctions qu’elle leur assène.
Le concept de la pièce est plus intéressant que le texte.

“Graine sauvage”, Yannis Tsiros :
Un père et sa fille qui ont une paillote sur la plage sont questionnés car un touriste allemand a disparu et on les suspecte d’être liés à ce fait. On prend vite conscience que les Petits ont peu de poids face aux Grands et que cette Grèce que dépeint l’auteur a vite changé et n’est plus totalement libre de ses actes. La police allemande est présente aussi sur place et l’on a vraiment l’impression que ce fait divers est un tremplin pour une réflexion plus profonde sur le statut de la Grèce en Europe et sur cette Allemagne qui donne les règles.
En même temps quand on lit la fin de la pièce, on sent une certaine énergie de la part des Grecs qui ne se soumettent pas à ces forces dominantes. Il y a de l’espoir ou du moins une forme de résistance.
La situation de la Grèce inquiète le dramaturge qui oberve son pays s’enliser …

« L’invocation de l’enchantement », Yannis Mavritsakis :
Cette courte pièce de théâtre se constitue de plusieurs séquences qui semblent n’avoir aucun lien les unes avec les autres et pourtant tout s’éclaire par la suite. L’atmosphère reste tout de même étrange et violente à la fois. Tout est mystérieux et sème le trouble dans l’esprit du lecteur. Les animaux s’expriment, certains personnages semblent hypnotisés par des beaux parleurs. La lecture de cette pièce est presque inconfortable car le lecteur s’interroge beaucoup et interprète certains éléments sans avoir la certitude d’avoir tout saisi.
Une pièce envoûtante et perturbante.

Cyclo
avatar 09/05/2016 @ 07:37:08
Pour moi, grand lecteur de théâtre (ce qui n'est pas si fréquent, je ne connais presque personne qui en lise), ça me donne l'eau à la bouche !

Pucksimberg
avatar 09/05/2016 @ 20:53:26
Ah ça fait plaisir de voir qu'il y a des lecteurs de pièces de théâtre. J'ai fait de belles découvertes avec cette maison d'édition. :-)

Pucksimberg
avatar 10/05/2016 @ 18:22:17
J'ai écorché deux noms grecs. Il fallait lire Pavlos Matessis et Maria Efstathiadi !!!

Ludmilla
avatar 10/05/2016 @ 18:40:10
J'ai écorché deux noms grecs. Il fallait lire Pavlos Matessis et Maria Efstathiadi !!!
Voilà qui est corrigé :-)

Pucksimberg
avatar 10/05/2016 @ 18:53:36
Encore merci Ludmilla ! :-)

Débézed

avatar 12/05/2016 @ 11:21:16
Je ne lis jamais de théâtre, c'est sans doute une erreur, j'y viendrai peut-être un jour mais il est déjà bien tard. Je n'ai lu que quelques pièces imposées par les programmes scolaires.

Pucksimberg
avatar 12/05/2016 @ 19:39:48
La lecture de Racine au lycée a tout déclenché ! :-)

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