Peguy

avatar 23/11/2015 @ 08:15:41
Une semaine déjà...

Depuis une semaine, j'ai l'impression d'être entrée dans une seconde dimension, tous les événements me semblent tellement irréels et absurdes...

Et dire que je m'étais forgée une armure de bonne volonté et de détermination, ma carapace s'est fissurée. Il suffit d'une petite brèche pour que tout vole en éclats.

A fleur de peau

Je marche sans repère, j'ai l'impression que la vie ne tienne à qu'un fil, à chaque pas, j'ai peur que tout s'effondre autour de moi.

Pourquoi vouloir se battre encore ? Tout me parait éphemère, tellement intangible. Chaque matin, je me levais avec l'intention d'aider le Monde. Je sais bien que ça peut paraitre niais, mais, oui, dans les moments difficiles, quand je me disais je ne vais pas y arriver, je n'en suis pas capable, je me disais, non L.., si tu n'y arrives pas pour toi alors essaie de le faire pour les autres. Pour les autres, ceux qui ont moins de chances que toi, ceux qui souffrent, ceux qui sont nés au mauvais endroit au mauvais moment, tes voisins, tes amis, tes proches et pour toi-même.
Quand j'étais rentrée d'Afrique, cela avait ouvert mon esprit sur un monde certes pas tout rose mais résolument optimiste, on peut changer beaucoup de choses à notre échelle. Même si cela peut sembler dérisoire, il suffit d'oser...Alors, oui, je me battais parce qu ainsi, dans ma tête, je construisais un monde meilleur.
Aujourd'hui, je doute quant à la nature de ce monde. Je veux toujours croire au « potentiel de beauté de l'être humain », c'est mon credo mais en ce moment, j'ai du mal. Quand je vois tout ce qui se passe, ce monde qui part, qui dérape, qui devient fou...je ne peux m'empêcher de penser mais pourquoi ? Mais dans quel monde vont grandir nos enfants ?

Je ne veux pas de la haine, je ne veux pas la guerre (je suis d'ailleurs révoltée par les frappes russes et autres et je déteste le mot guerre utilisé dans les déclarations de Sarko et d'Hollande), je ne veux pas d'islamophobie, ni de racisme... J'aimerais que le monde tourne juste un peu plus rond, un peu plus d'humanité ici-bas à l'égard de TOUS. Je suis un alien et je vois la Terre de loin, toute cabossée, baignant dans son sang. Stop, stop, ceci n'est pas la vie. Arrêtez le massacre.

Je veux continuer à célébrer la vie, je veux continuer à faire la fête, à chanter, à danser, à voir mes potes, à étudier, à partager des moments avec eux, avec ma famille...Si je m'arrête, si j'arrête de vivre tout simplement, alors je considérerai que les terroristes auront gagné une bataille (mais pas la « guerre », ce mot me révulse vraiment).
Ici, à Bruxelles, les écoles, les universités, les hautes écoles, les théâtres, les cinémas, tout ferme. Or, si on ferme les lieux de réflexion, c'est une autre victoire de l'obscurantisme. Bruxelles meurtrie, Bruxelles agonise, Bruxelles se meurt...Ceci n'est pas ma ville ; d'habitude elle est remplie d'animations, cosmopolite, agréable (malgré la pluie), maintenant, quand je marche dans la rue, le regard des différentes communautés se croisent, fuyant...

Bien sûr, je comprends les raisons de sécurité invoquées, je respecte (et je salue au passage) les décisions des chefs de Gouvernement mais j'en ai marre, marre d'être menotté sur l'autel de la sécurité, de la prévention...Ceci étant dit, restons critique vis-à-vis de l' « état d'urgence » ; au vu de l'Histoire, c'est souvent lorsque les chefs d'Etat avaient les pleins pouvoirs qu'il y avait des abus. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, voilà ce qui justifie l'autorité accrue (bientôt asbolue?) des forces de l'ordre, prenez garde à vos précieuses libertés...On est à la merci des autorités, mine de rien. Du moment qu'elles nous protègent, pas de problèmes...

Marre de ces images anxiogènes qui défilent en boucle sur nos écrans, des infos que vomissent nos radios. Qu'on ne s'étonne pas après si je craque...C'est très malsain de véhiculer tout ça dans les foyers, ce flot abject de chiffres, de rouge et de noir. C'est une manière comme une autre de répandre la terreur, heureusement je trouve le choix des intervenants judicieux, ils invitent des personnes éclairées sur le sujet et ne demandent pas leur avis à la population (micro-trottoir). Parfois j'ai l'impression que l'audimat prime sur le reste, ça m'écoeure. Et alors, on se fout du reste du monde ? Le Liban, Mali et le conflit en Syrie, ça compte pour des prunes ? Ok, je veux bien admettre que le monde ne va pas s'effrondrer à chaque catastrophe mais je trouve ça dégueulasse qu'on apporte plus de soutien aux Français qu'à tous les pauvres malheureux de l'autre hémisphère !!! Ils souffrent autant que nous, ils sont aussi faits de chair et d'os et fondamentalement, on aussi des yeux, des oreilles et une bouche...Où est la différence ? Je suis Bruxelles/Paris/Beyrouth/Bamako/Gaza... Je suis une citoyenne du monde, je ne peux pas m'empêcher de pleurer quand mon voisin pleure. Peut-être suis-je trop faible, trop sensible pour survivre dans ce monde.

Débranchez-moi.Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l'effet que ça peut avoir sur une gamine de 18 ans. Je m'étais construite (mentalement) un empire fait de joie et de lumière et puis là, je suis confrontée à des situations absurdes et violentes. Vlammm, tout le chateau de cartes s'est effrondré, il faut repartir de zéro. Et voilà, tout juste, 18 piges et tu apprends que le monde n'était pas ce que tu pensais, du moins ce que tu en pensais...

Mes parents ne comprennent pas quand je pleure. Faut dire qu'ils en ont déjà tellement vu, tellement vécu. Mon petit frère, quant à lui, semble totalement, éloigné, distant, cela ne semble pas l'affecter non plus. Peut-être n'est pas il assez grand, assez mature pour se rendre compte de l'impact que les événements auront sur notre futur. J'ai peur, non pas pour la menace « imminente » mais pour tout ce que ca impliquera dans le futur ; les restrictions, les privations, l'insécurité, la peur...Les Etats-Unis ont changé de visage après le 11 septembre, j'espère que l'Europe,non...

Vas-y, L.., soit forte, soit courageuse tu dois êttre plus forte que la haine, plus forte que la peur. Tu dois être forte pour les autres. Pour aider les autres à se relever de ces épreuves . La vie ne nous attendra pas pour continuer et la Terre tournera toujours, peu importe comment...


“Manifester son bonheur est un devoir ; être ouvertement heureux donne aux autres la preuve que le bonheur est possible.” Albert Jacquard.
Répandez le maximum de bonheur autour de vous. Le monde en a urgemment besoin
Plein d'amour à vous tous

Peguy

avatar 23/11/2015 @ 08:16:10
Musique toujours autant d'actualité https://www.youtube.com/watch?v=p5qaMb_b2Xo

Minoritaire

avatar 25/11/2015 @ 23:09:22
Je les comprends tes larmes, moi qui n'écoute plus le journal parlé qu'une fois par jour pour échapper au bavardage incessant d'une info qui tourne en rond et qui alimente une urgence dont on ne saisit pas l'objet.
Conserve bien en toi tes réserves d'humanité, Péguy. Garde-les au chaud près de ton enthousiasme, de tes rêves et de tes projets; loin des donneurs de leçons, des détenteurs de vérité unique et de leurs discours binaires et martiaux. Garde-toi de leurs jugements et tu ne seras ni "infidèle", ni "bisounourse", ni "traitresse à la Patrie"; tu seras juste fidèle à toi-même, et c'est déjà pas mal. Courage.

Nougaro : Assez !
https://www.youtube.com/watch?v=-_F9YP4VJOU

Cyclo
avatar 26/11/2015 @ 21:54:33
Oui, il faut bien reconnaître que cette accumulation d'infos répétitives est assommante. Et qu'il devient urgent de se "débrancher", effectivement.
Marre de cette connection continue, typique de la tyrannie de nos modes de vie : de ce point de vue, les terroristes sont complètement addicts eux aussi à toute cette machinerie interconnectée.
Je dois avouer - un peu égoïstement - que lors de mon dernier voyage en cargo de trois mois sur les océans, ce que j'ai apprécié le plus, outre la mer et les marins, c'est d'être hors du temps. Pas d'internet, pas de radio, pas de télé, le pur plaisir de la méditation et de la concentration maximale dans chaque action que je faisais (gymnastique, balades autour du pont, lectures - très nombreuses - et écriture du journal de bord, discussion avec les matelots ou les deux autres passagers, jeux, repas, observation de la mer et des éléments, promenades à terre lors des courtes escales, etc.), car rien ne m'en distrayait : j'étais toujours exactement à ce que je faisais.

Oui, on peut changer des choses à notre petite échelle, chacun autour de soi, s'occuper des autres (sait-on à quel point nos "vieux" sont abandonnés ?) et de l'environnement, ne plus être esclave des "choses" que dénonçait déjà Georges Pérec il y a soixante ans ! Il suffit de garder l'oeil ouvert sur la vie et non pas sur les étranges lucarnes, qui ne nous en donnent qu'un reflet alarmant et extrêmement orienté.

Quant à l'état d'urgence, propice à toutes les aventures politiciennes, prenons garde à ne pas tomber dans la "servitude volontaire" dont discourait si savamment le grand ami de Montaigne, La Boëtie.

Tistou 02/01/2016 @ 09:06:11
J'interviens tardivement sur ce texte de Péguy. J'en profite pour écrire - afin que ça reste compréhensible pour des qui viendraient lire plus tard - que Péguy réagit aux attentats qui se sont déclenchés le 13 Novembre 2015 à Paris, entre Bataclan et autres cafés et lieux publics, se soldant par un nombre considérable de victimes.
Nous sommes un mois et demi plus tard. Un peu moins abrutis par les médias qui ne nous parlaient que de ça, ad nauseam. Un peu plus bridés par des mesures qu'on avance, bien imprudemment me semble-t-il, afin, dit-on, de mieux assurer notre sécurité. Au prix surtout de nos espaces de liberté. Imprudemment car, une fois impulsées, qui sait entre quelles mains ce genre de mesures peuvent tomber.
Un peu moins d'hystérie lors de la survenue de tels évènements ne ferait pas de mal ...
Bref, c'était le contexte au sein duquel réagissait Péguy.

Il est difficile de ne pas être d'accord, grosso modo, avec ton propos. Si ce n'est ce qui me parait une faille. Dont bizarrement tu devrais être consciente puisque plus loin tu fais une analogie avec ce dont je vais parler ?

"Je veux continuer à célébrer la vie, je veux continuer à faire la fête, à chanter, à danser, à voir mes potes, à étudier, à partager des moments avec eux, avec ma famille...Si je m'arrête, si j'arrête de vivre tout simplement, alors je considérerai que les terroristes auront gagné une bataille (mais pas la « guerre », ce mot me révulse vraiment)."

Tu te places là exclusivement de ton point de vue à toi, ou plus globalement d'une jeune femme belge, disons occidentale. Et tu réclames de pouvoir continuer à "faire la fête, chanter, ..."
Mais il faut quand même considérer que ces possibilités sont très loin d'être universellement répandues. Vraiment bien loin. Et pour certains, certaines, totalement inimaginables. Et que parmi ceux-là ils s'en trouvent qui n'ont rien à perdre. Et que parmi ceux-là, l'avènement d'abord de la télévision qui s'est généralisée puis surtout d'internet, qui permet de voir quasiment sans limites ce qui se passe, comment ça se passe, ailleurs.
Ceux-là, qui n'ont rien à perdre, et qui pourraient être déterminés, tu comprends bien qu'ils ne vont pas raisonner comme toi ? Ceci il ne faut pas le perdre de vue. Nous avons malheureusement toujours trop tendance à penser que ce qui nous est accessible, ce qui nous parait dû (en termes de biens, de libertés, de possibilités) est le cas général.
Le cas général n'est pas celui de notre monde à nous, à toi, à moi, ultra-riche (disons dans les 1% les plus riches au niveau mondial). Il est beaucoup plus contraint, désespérant, difficile ne serait-ce que pour survivre parfois. Bien loin de faire la fête ou danser ou chanter qui nous apparaissent comme des faits normaux.
L'avènement de la télévision ... généralisée, qui n'est pas si vieux que cela à l'échelle même d'une vie d'homme, bouleverse beaucoup de choses et je ne suis pas sûr qu'on en soit (qu'on veuille bien en être) conscients. Quel est le modèle quasi unique véhiculé par ce type de média, via notamment films et séries ? Le modèle américain. Qui ne met pas spécialement en valeur des sentiments universels tels que l'amour, l'amitié, l'entraide ... mais plutôt le moteur essentiel de la civilisation américaine - et accessoirement de la notre : l'argent, le luxe, la cupidité ... Imagine-t-on les dégâts que ça peut causer sur des êtres humains qui peuvent constater par ailleurs dans quelle déchéance ils peuvent vivre ?
Alors je ne cherche pas à justifier des criminels qui tuent aveuglément et pour le plaisir. Juste dire que la source de ces maux et le vivier potentiel est loin d'être tari puisqu'on ne semble même l'imaginer !
Nous agissons actuellement comme des qui mettraient des sacs de sable le long d'une rivière de plus en plus souvent en crue et alimentée par un lac glaciaire gonflant de jour en jour par la fonte accélérée des glaces. Agir en amont, chercher à endiguer le lac, à créer des retenues, serait plus efficace que placer des sacs de sable en bout de chaîne. Nous, nous en sommes aux sacs de sable devant la crue qui menace.
A cet égard ce qui se passe depuis le Proche - Orient est typique. Qui ne voit qu'à moins de tenter d'améliorer la situation sur place, c'est sans issue et que ce sera que répressions illusoires de pauvres hères n'ayant rien à perdre ?

Aveuglés que nous sommes par les "modèles" qu'on nous donne à voir, qu'on nous enjoint de suivre, nous avons abandonné raison et bon sens. Abandonné les malheureux Syriens pris dans la tenaille d'un dictateur sanguinaire et des fous furieux qui se réclameraient d'une religion (? !!!)? Abandonné la majeure partie de l'Afrique. Abandonné ...
la liste est sans fin ...

Les malheurs de Bamako, ou du nord du Nigéria, ou de la zone du Kurdistan n'ont pas d'échos chez nous, ou quasi pas. C'est vrai. Ils ne figurent pas dans le modèle qu'on nous impose.

Mais ils existent ... et peut-être bien qu'ils vont venir nous visiter davantage ?

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