Minoritaire

avatar 15/03/2015 @ 16:06:03
Il y avait dans mon enfance un monsieur qui, chaque année à la même période, venait visiter mon père. Il s'appelait Peuch et représentait la maison "Peuch et Besse" qui, je le suppose, existe encore aujourd'hui, même si Monsieur Peuch doit avoir disparu. C'était dans les années 60 et 70. Si je me souviens bien de son accent et si je situe bien celui-ci sur une carte de France, ce monsieur devait être Bordelais.

Il s'agissait d'un négociant en vins qui venait tous les ans présenter à mon père les crus qui seraient susceptibles de l'intéresser : blancs, rouges, bordeaux, grenats, clairets, vins à vieillir ou à consommer jeunes... La Maison de M. Peuch s'étendait bien au-delà du Bordelais, je suppose, puisque j'ai le souvenir de vins de la Loire, de Bourgogne et des Côtes du Rhône. Il était rare que mon père s'en tirât à moins d'un quart de barrique ; parfois deux, auxquelles s'ajoutaient des alcools divers, du Champagne et autres bouteilles particulières. Il faut savoir être prévoyant. Le whisky posait moins de problèmes ; on le trouvait au magasin du coin.

Arrivait donc à Bruxelles, quelques semaines plus tard, un camion rempli de la commande. Une fois le vin reposé, on allait pouvoir procéder à la mise en bouteilles. Vous connaissez tous la cérémonie : On stérilise les bouteilles et les bouchons, on amorce la pompe, et zou, ça roule ! glouglou, fait la pompe ; tchic plop, fait la bouchonneuse, et voilà. Il ne reste plus qu'à coller les étiquettes avec du lait. Ça, c'était mon boulot : 'fallait pas que ce soit de travers. J'étais déjà obsessionnel, à cet âge-là. Ah, oui ! J'oublie l'encapsulage. Je ne sais plus si c'était avant ou après les étiquettes.

En attendant de remettre le vin à reposer dans son nouveau contenant, et dans des caveaux dévolus à cette effet, on déposait les bouteilles sur la table de ping-pong. Mon père nous l'avait construite de ses mains de bricoleur chevronné, car en dehors des période d'embouteillage, cette partie de la cave était réservée aux loisirs de ses enfants. Combien de bouteilles peut-on remplir au départ d'une demi-barrique ? La question est plutôt de savoir combien une table de ping-pong artisanale peut en supporter sans…

Car il y eut la bouteille de trop. Celle qui fit chavirer l'ensemble et se briser sur le ciment une bonne partie du travail accompli jusqu'alors. On pleura un peu. On balaya beaucoup. On finit par en rire, je suppose ; les réserves étaient suffisantes jusqu'à l'année suivante. Et on garda l'anecdote pour les soirées au coin du feu. Mais sans doute après cela, mon père, qui était un homme organisé, s'est-il inquiété des termes de son assurance accidents…

Radetsky 15/03/2015 @ 16:45:56
Un beau souvenir comme chacun souhaiterait le raconter, avec autant de naturel, de talent et de nostalgie...:-)
Tu n'as pas perpétué la tradition, alors ? Ou ta cave ne s'y prête pas ?

Minoritaire

avatar 15/03/2015 @ 19:20:25
Bizarrement, ce sont mes sœurs qui ont hérité du goût du vin, alors que les garçons sont restés concentrés sur l'alcool.
La plus jeune d'entre elles, qui supervise toujours mes textes, les pieds dans l'eau du Pacifique, évalue le carnage à 170 bouteilles.

Cédelor 17/03/2015 @ 22:53:19
Eh bien ! Pour commander autant de litres de vins et d'alcools divers, ton père devait avoir le gosier souvent sec et le foie solide ! :-) Le négociant bordelais devait l'estimer comme étant un bon client et peut-être son préféré !

Toutes ces bouteilles fracassées et perdues pour la boisson a dû lui fendre le coeur. Mais les bons buveurs sont de bons vivants et le traumatisme a été surmonté aisément ! ;-)

Tu n'as pas dit si la table de ping-pong a été reconstruite ? Il n'aurait peut-être pas aimé que ses enfants soient privés d'un de leurs loisirs à cause de son penchant pour la bouteille.

Tistou 18/03/2015 @ 23:46:12
Ah ! J'ai connu ça aussi, enfant. Mais avec mise en bouteille du cidre. Qui n'était d'ailleurs pas du vrai cidre, il était question de frêne ? C'était dans la cave, sombre, humide et froide. Il n'y avait pas de table de ping pong et je ne mettais pas la main à la pâte ...
Ton texte a l'accent incontournable de la vérité et du vécu. Qu'est-ce que ça a dû puer la vinasse après ! Beurk ! Moi qui n'aime pas cette odeur !!
Hommage donc à M. Peuch. Il l'ignore sûrement. Comment le lui faire connaître ? Ou peut-être de là-haut ? ...

Minoritaire

avatar 19/03/2015 @ 00:04:46
Qu'est-ce que ça a dû puer la vinasse après ! Beurk ! Moi qui n'aime pas cette odeur !!
Sûr. Et comme il a bien fallu nettoyer, on était tous soûls, rien qu'à respirer. "Même le chien" m'a précisé ma sœur.
Hommage donc à M. Peuch. Il l'ignore sûrement. Comment le lui faire connaître ? Ou peut-être de là-haut ? ...
J'ai envoyé le texte à la Maison "Peuch et Besse" qui existe encore, mais plus personne n'y porte ces noms-là. On m'a gentiment répondu que "la Maison ne commercialisait plus de barriques, et donc que ce genre d'accident n'arriverait plus de nos jours" :-)

Tistou 19/03/2015 @ 00:22:35
Qu'est-ce que ça a dû puer la vinasse après ! Beurk ! Moi qui n'aime pas cette odeur !!
Sûr. Et comme il a bien fallu nettoyer, on était tous soûls, rien qu'à respirer. "Même le chien" m'a précisé ma sœur.Hommage donc à M. Peuch. Il l'ignore sûrement. Comment le lui faire connaître ? Ou peut-être de là-haut ? ...
J'ai envoyé le texte à la Maison "Peuch et Besse" qui existe encore, mais plus personne n'y porte ces noms-là. On m'a gentiment répondu que "la Maison ne commercialisait plus de barriques, et donc que ce genre d'accident n'arriverait plus de nos jours" :-)

Trop bon !!!
Et passe le bonjour à ta soeur. Au Mexique ?

Minoritaire

avatar 19/03/2015 @ 00:29:04

Et passe le bonjour à ta soeur. Au Mexique ?

la próxima semana...

Radetsky 19/03/2015 @ 07:55:05
Et passe le bonjour à ta soeur. Au Mexique ?
la próxima semana...
Tu n'auras pas le temps de lire tout Fuentes d'ici là.... Bon voyage !!!

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