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Forums  :  Vos écrits  :  Laos. Siphandone

Tistou 30/11/2014 @ 17:29:45
Au sud, tout au sud du Laos, à la frontière cambodgienne, le Mékong, qui traverse le pays nord – sud depuis la Chine puis la Thaïlande, dans toute la longueur du Laos avant de traverser le Cambodge et de passer la frontière du Vietnam pour se répandre en un delta majestueux, le Mékong, donc, au sud du Laos possède déjà une largeur imposante. Une largeur très imposante.
C’est le district de Siphandone (les 4000 îles) et en saison des pluies, durant la mousson, il peut s’étaler sur près de 12 kilomètres ! Les fleuves d’Asie ont une ampleur et une importance économique dont nous n’avons pas la moindre idée dans notre Europe où la nature est plus tempérée et domestiquée depuis si longtemps !
Le Mékong est vital pour les pays traversés, c’est plus que patent dans son delta, au Vietnam, où les échanges, les communications ne s’effectuent que via les multiples tentacules du fleuve, arachnéen en vérité. C’est vrai aussi au Laos où les voies de communication terrestres sont excessivement mauvaises : peu de routes bitumées et alors mal entretenues, défoncées ou pistes parfois impraticables après de fortes pluies en période de mousson. On a là plus facilement le réflexe « bateau » - de la pirogue, à moteur ou non, au bateau plus élaboré, à fond plat, où une quarantaine de passagers peuvent tenir avec leurs bagages – que le réflexe « véhicule terrestre à moteur ». Quant à la pêche, elle est omniprésente, au moins en saison des pluies. Beaucoup de poisson-chats, de tilapias et de sortes de grosses (très grosses !) carpes, des crevettes d’eau douce … Il y a des nasses installées tout au long du Mékong et de ses affluents, des filets en travers des passages de rapides, tous repérés et signalés très artisanalement par des bouteilles plastique qui flottent en surface. Il me semble que c’est quelque chose comme 150 espèces de poissons qui hantent les eaux jaunes et nerveuses ? Jaunes du limon, de la boue dont elles sont chargées, nerveuses tout du long du cours laotien où la remontée du fleuve est significativement plus lente que sa descente.
Mais les 4000 îles me direz-vous ?
La zone de la frontière avec le Cambodge est marquée par un élargissement du fleuve qui se répand et laisse apparaître des myriades d’îlots, d’îles, à la saison sèche. 4000 ? C’est une image évidemment.
Don Khône, la dernière île habitée avant la frontière se situe au niveau de rapides, pour le coup carrément infranchissables en bateau, et qui avaient incité en son temps Paul Doumer, alors administrateur de cette zone d’Indochine, à lancer le projet d’une voie ferrée pour faire transiter les marchandises de l’aval vers l’amont des chutes et réciproquement. Un projet qui ne verra finalement pas le jour. Quatorze kilomètres de rails rouillés et une locomotive à vapeur échouée lamentablement attestent que nos entreprises ne font parfois pas le poids …
Don Khône est une étape particulièrement fréquentée des voyageurs, backpackers (sac au dos) ou autres. Elle a sa petite sœur à laquelle elle est reliée par un pont, Don Det, à la réputation plus « routarde », où les Guest-Houses s’empilent les unes sur les autres, en bordure du Mékong, donnant un aspect, lorsqu’on circule en bateau, de bungalows sur pilotis serrés les uns contre les autres, minuscules, avec une terrasse couverte côté fleuve et un hamac suspendu. Primordial le hamac en cette zone des 4000 îles.
Pas de route goudronnée. Le trafic se fait plutôt à moto ou vélo, on encore avec ce qui tient lieu de « tracteur du pauvre », un « véhicule » à trois roues et un siège évoquant davantage une grosse tondeuse mais qui permet de tirer une remorque (une petite remorque !). La piste est défoncée, au moins en saison des pluies, avec de belles et larges ornières boueuses, des fondrières pourrait-on dire. Evoluer à pied en ces lieux c’est accepter de se déplacer très lentement, la boue, la chaleur humide, vous ramenant à la raison.
La végétation y a une allure plus franchement tropicale que dans le reste du Laos. Envahissante, luxuriante. Des cocotiers, des bananiers, des papayers, des – beaucoup - dont on ne connait pas les noms aux formes tourmentées qui bouleversent mon cœur d’amoureux des arbres, des hibiscus (version arbres) , des lianes, des herbes folles … Et puis du bétail qui se répand partout : des poulets – hauts sur pattes les poulets du Laos – des vaches, des buffles qui se vautrent dans les mares à boues en bons buffles qui se respectent, des truies, des canards, des chiens, des chats … Beaucoup d’animaux au Laos, d’animaux domestiqués ou utiles mais toujours pas d’oiseaux, d’oiseaux sauvages j’entends. Pas plus ici que dans les zones forestières bien plus au nord.
Et puis aussi, lorsque survient une moto ou le « teuf-teuf » d’une pirogue sur le Mékong, la prise de conscience pour l’occidental que nous sommes de l’absence des bruits parasites auxquels nous sommes habitués : moteurs, klaxons et autres séquelles urbaines.
Ici les sons ont une profondeur inaccoutumée. En fin d’après-midi notamment, quand la lumière vient à se dorer doucement et que les rayons du soleil relâchent leurs morsures, des éclats de voix entre piroguiers sur le fleuve ont quelque chose de sacré et d’éternel. Le fleuve roule imperturbablement ses dizaines de milliers de mètres cubes d’eaux jaunes par seconde et quelques sons humains nous détournent un peu de cette nature triomphante. Pourquoi faut-il que ce soit le soir ou au petit matin que les sons aient cette particularité ? Est-ce notre conscience se relâchant avec la proximité de la nuit qui nous fait particulièrement ressentir ces échos ?
Mais peu importe en définitive. Vous êtes là, entité humaine, à composer avec la nature toute puissante, et bien content que nos ancêtres y aient créé les conditions d’une survie appréciable. On ne sait plus goûter ces joies essentielles par chez nous !

Pieronnelle

avatar 30/11/2014 @ 19:31:31
Toujours aussi visuel ! Et les sons, j'aime beaucoup le dernier paragraphe avec les éclats de voix ,les echos ; et ce fleuve, un personnage à lui seul qui vit, se transforme à son gré et celui des hommes aussi qui savent l'emprunter, lui soutirer des ressources .
Mais Tistou il n'ya pas que les fleuves d'Asie qui quittent leurs lits, dans le midi en ce moment certains les imitent assez bien...
C'est incroyable comme tu sais garder les images ,les ressentis de tes voyages. Tu prends des notes sur place ou tout te revient comme ça ?
Moi je n'ai jamais su faire des carnets de voyage, j'ai tout dans ma tête mais plus suffisament de détails à part certains événements.
Merci en tout cas de nous faire profiter des tiens.

Lobe
avatar 05/12/2014 @ 17:13:48
Je n'ai aucune idée de si c'est ton dernier texte sur le Laos, mais je trouve qu'il fait un peu la synthèse de tous ceux que tu as partagés jusque là: le fleuve, les oiseaux, la sérénité... Une forme un peu plus éclatée, des paragraphes plus courts; peut-être que je divague mais ça m'évoque un peu la mémoire de moyen terme, qui commence très progressivement à se faner. Restent les sensations, les points saillants, qui se gravent et feront le goût du souvenir.

Tistou 06/12/2014 @ 09:48:01
Je n'ai aucune idée de si c'est ton dernier texte sur le Laos, mais je trouve qu'il fait un peu la synthèse de tous ceux que tu as partagés jusque là: le fleuve, les oiseaux, la sérénité... Une forme un peu plus éclatée, des paragraphes plus courts; peut-être que je divague mais ça m'évoque un peu la mémoire de moyen terme, qui commence très progressivement à se faner. Restent les sensations, les points saillants, qui se gravent et feront le goût du souvenir.

Pas faux, Lobe. Tu sens bien. Et le Laos, contrairement à certaines autres destinations, c'est plus une atmosphère, une ambiance que de très gros flashes type Taj Mahal ou Baie d'Ha Long. C'est un morceau qu'il t'a été donné de vivre et qui restera comme une page paisible dans le livre de ta vie. Une page où il n'y a pas forcément une pépite qui sautera aux yeux, pleine page, mais une page riche et remplie harmonieusement des petits plaisirs et des beautés sereines qui font la vie. Rien que ça !
Et c'est vrai, Piéronnelle, qu'il n'y a pas que les fleuves d'Asie qui peuvent quitter leur lit. Mais ils ont une autre dimension que nos "ruisseaux" (même si ceux-ci peuvent être dévastateurs). C'est comparer une piste de ski synthétique arrangée sur un terril dans le Pas de Calais (si, si, ça existe !) avec la station de ski au -dessus de chez moi !

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