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C’est un matin de printemps que l’affaire du potager eut lieu, un matin qu’un levé de soleil éblouissant avait annoncé plutôt prometteur : les haricots commençaient tout juste à fleurir, les plans de tomates, déjà bien haut, avaient été récemment fixés à leurs tuteurs tandis que les petits pois enroulaient naturellement leurs vrilles sur leurs tipis. Les toiles d’araignées scintillaient des diamants de Mère Nature tandis que dans les feuilles s’excitait toute la machinerie qui permet le miracle de la photosynthèse.
Sous la canopée verdoyante, limaces et scolopendre se croisaient en toute indifférence. Plus loin, délimitant le précieux potager, un mur un peu bancal. Il protégeait des pois de senteur déjà bien développés, offrant à ce tableau émouvant des jardins de grands-mères les petits papillons blanc et mauve de leurs fleurs délicates.
Un petit matin parfumé de l’herbe des près et des légumes du jardin, aube insouciante et bucolique, charme éternel des… Mazette ! Quelque chose avait changé ! Une agitation gagnait le potager :
- Vous m’excuserez mais franchement, je ne vois rien d’anormal ! s’écria le fraisier.
- Faut dire que, très cher, et sans vous offensez, vous êtes au ras du sol, dit le plan de tomate.
- Et bien peut-être pourriez-vous nous dire ce qu’il se passe au lieu de nous prendre de haut ! s’offusquèrent les courgettes.
- Ah, pas la peine de le prendre sur ce ton, on va vous raconter ! lança le petit pois dont les vrilles se serraient d’excitation.
- Et bien, et bien, on attend ! s’écrièrent en cœur melons, fraises et aubergines.
- Il semblerait qu’un de nous ait été tué cette nuit !
- Oh ! s’écrièrent en chœur les végétaux.
- Attendez, attendez, je crois que les pommes de terre et les carottes n’ont pas entendu ! Il faudrait répéter ! tenta le chou.
- On s’en fiche ! de toute façon, elles en ont plein les oreilles ! dit la cœur-de-bœuf, un tantinet méprisante.
- Oh, toi, depuis que tu as gagné le concours, la terre ne te porte plus ! Quelle mijaurée !
- Mais cessez voyons, un peu de tenue ! Quelle agitation alors que l’un des nôtres… reprenait le chou, consterné.
- Qui, mais qui ? reprirent les plants scandalisés. Est-ce une tomate, une aubergine ? Qui cette fois a fini en ratatouille, ou pire, en macédoine ?
- C’est la marjolaine, elle a fini en tisane.
Les légumes, atterrés, firent silence. La marjolaine – marjo pour les intimes – avait trépassé sous le sécateur assassin. La verveine, sa copine, ne s’en remettrait jamais. Elle se laisserait flétrir de tristesse. Quant à la menthe, plutôt jaunir que de finir en tisane ! Le thym et le romarin l’avaient échappé belle : ils poussaient juste à côté de la marjolaine et avait senti la lame froide de la tueuse, la faux de la mort implacable venue hier au soir, à la bougie, perpétrer son horrible massacre. Il fallait se rendre à l’évidence, accepter cette insoutenable vérité, la marjolaine gisait dans le fond d’une théière.
- Eh, oh ! n’en faites pas une salade ! Je suis là, ici, là ! entendit-on soudain, comme une voix venue des enfers.
- Mais c’est la marjolaine, tu es en vie ? s’écria la verveine tellement émue qu’elle en perdait toute sa rosée.
- Mais oui, bien sûr ! On ne m’a pris que quelques branches, et les plus âgées en plus. Ma sève en est toute revigorée ! déclara la marjolaine enthousiaste et rassurante.
- En tous cas, ça fait une personne de plus au ras des pâquerettes, dit le chou, satisfait.
- Vivement la nuit prochaine que tu finisses en choucroute ! termina le pois qu’on souhaitera, l’an prochain, planté près des carottes.
Et la journée se termina dans la sérénité retrouvée.
Sous la canopée verdoyante, limaces et scolopendre se croisaient en toute indifférence. Plus loin, délimitant le précieux potager, un mur un peu bancal. Il protégeait des pois de senteur déjà bien développés, offrant à ce tableau émouvant des jardins de grands-mères les petits papillons blanc et mauve de leurs fleurs délicates.
Un petit matin parfumé de l’herbe des près et des légumes du jardin, aube insouciante et bucolique, charme éternel des… Mazette ! Quelque chose avait changé ! Une agitation gagnait le potager :
- Vous m’excuserez mais franchement, je ne vois rien d’anormal ! s’écria le fraisier.
- Faut dire que, très cher, et sans vous offensez, vous êtes au ras du sol, dit le plan de tomate.
- Et bien peut-être pourriez-vous nous dire ce qu’il se passe au lieu de nous prendre de haut ! s’offusquèrent les courgettes.
- Ah, pas la peine de le prendre sur ce ton, on va vous raconter ! lança le petit pois dont les vrilles se serraient d’excitation.
- Et bien, et bien, on attend ! s’écrièrent en cœur melons, fraises et aubergines.
- Il semblerait qu’un de nous ait été tué cette nuit !
- Oh ! s’écrièrent en chœur les végétaux.
- Attendez, attendez, je crois que les pommes de terre et les carottes n’ont pas entendu ! Il faudrait répéter ! tenta le chou.
- On s’en fiche ! de toute façon, elles en ont plein les oreilles ! dit la cœur-de-bœuf, un tantinet méprisante.
- Oh, toi, depuis que tu as gagné le concours, la terre ne te porte plus ! Quelle mijaurée !
- Mais cessez voyons, un peu de tenue ! Quelle agitation alors que l’un des nôtres… reprenait le chou, consterné.
- Qui, mais qui ? reprirent les plants scandalisés. Est-ce une tomate, une aubergine ? Qui cette fois a fini en ratatouille, ou pire, en macédoine ?
- C’est la marjolaine, elle a fini en tisane.
Les légumes, atterrés, firent silence. La marjolaine – marjo pour les intimes – avait trépassé sous le sécateur assassin. La verveine, sa copine, ne s’en remettrait jamais. Elle se laisserait flétrir de tristesse. Quant à la menthe, plutôt jaunir que de finir en tisane ! Le thym et le romarin l’avaient échappé belle : ils poussaient juste à côté de la marjolaine et avait senti la lame froide de la tueuse, la faux de la mort implacable venue hier au soir, à la bougie, perpétrer son horrible massacre. Il fallait se rendre à l’évidence, accepter cette insoutenable vérité, la marjolaine gisait dans le fond d’une théière.
- Eh, oh ! n’en faites pas une salade ! Je suis là, ici, là ! entendit-on soudain, comme une voix venue des enfers.
- Mais c’est la marjolaine, tu es en vie ? s’écria la verveine tellement émue qu’elle en perdait toute sa rosée.
- Mais oui, bien sûr ! On ne m’a pris que quelques branches, et les plus âgées en plus. Ma sève en est toute revigorée ! déclara la marjolaine enthousiaste et rassurante.
- En tous cas, ça fait une personne de plus au ras des pâquerettes, dit le chou, satisfait.
- Vivement la nuit prochaine que tu finisses en choucroute ! termina le pois qu’on souhaitera, l’an prochain, planté près des carottes.
Et la journée se termina dans la sérénité retrouvée.
:-))))) Excellent!!!
Je me suis marrée comme une baleine, là.
Tu as vraiment complètement cassé les codes et tourné en dérision l'exercice, quelque part, mais qu'est-ce que c'est drôle!!!!
"Oh, toi, depuis que tu as gagné le concours, la terre ne te porte plus ! "
:-))
En plus c'est rondement bien amené, on ne sait pas du tout où on va au début, petit préambule charmant et descriptif, vient le dialogue qui tue, et il y a le deuxième effet kiss cool derrière, bref, c'est quand même assez jouissif, cette affaire!
Je me suis marrée comme une baleine, là.
Tu as vraiment complètement cassé les codes et tourné en dérision l'exercice, quelque part, mais qu'est-ce que c'est drôle!!!!
"Oh, toi, depuis que tu as gagné le concours, la terre ne te porte plus ! "
:-))
En plus c'est rondement bien amené, on ne sait pas du tout où on va au début, petit préambule charmant et descriptif, vient le dialogue qui tue, et il y a le deuxième effet kiss cool derrière, bref, c'est quand même assez jouissif, cette affaire!
Un petit cours de botanique ! J'aime beaucoup, c'est amusant, ces échanges entre plantes et légumes, très bien fait !
En aparté, ça me rappelle le poème que j'avais concocté pour ma communion solennelle, un échange entre fleurs, pas du même acabit, mais dans le même esprit :-)
En aparté, ça me rappelle le poème que j'avais concocté pour ma communion solennelle, un échange entre fleurs, pas du même acabit, mais dans le même esprit :-)
Au début, j'ai pensé à "Sacré géranium" https://www.youtube.com/watch?v=QZMUwL4sK0M
"Mystère au potager", on se croirait dans un roman policier : Un meurtre, mais où est le cadavre? Et tous ces témoins qui se détestent plus ou moins dans leur promiscuité. Agatha Christie chez Arcimboldo. Joli
"Mystère au potager", on se croirait dans un roman policier : Un meurtre, mais où est le cadavre? Et tous ces témoins qui se détestent plus ou moins dans leur promiscuité. Agatha Christie chez Arcimboldo. Joli
:-))))) même sourire à cinq étages que Sissi - ou sourire simple détenteur d'un quadruple menton - devant cette histoire "pas piquée des hannetons"! C'est vraiment extra, qui a dit qu'un meurtre était une chose sérieuse? Des contraintes transcendées, une bouffée d'air frais, de l'humour potache, voire "potacher". Youplaboum fantastique.
quel texte revigorant et bucolique avec çà... en voilà une qui n'est pas tombée dans le fait divers sordide comme la plupart d'entre nous... jusque dans l'assassinat de la marjolaine qui n'en est pas un..
On sent que tu as un bon coeur, ma chère ou que tu es une indécrottable optimiste..
On sent que tu as un bon coeur, ma chère ou que tu es une indécrottable optimiste..
Marjolaine au jardin et tout finit bien. ;-)
Pas de mort, quelques combats d'orgueil mais on s'en tiendra là.
Légèreté au menu, c'est toujours un bon plat! :-)
Pas de mort, quelques combats d'orgueil mais on s'en tiendra là.
Légèreté au menu, c'est toujours un bon plat! :-)
Quel délicieux potager !
Et les disputes entre légumes et plantes sont drôlement bien menées en fonction de leur condition ; j'ai aimé les hautaines et les ras des paquerettes, ma foi c'est une petite société qui ressemblerait bien à la nôtre...Mais certaines de ces plantes ont des privilèges, en particulier un, celui d'être coupées sans pour autant mourir, bien au contraire ! D'où la marjolaine qui se revigotte quand on lui fait une coupe en brosse :-) ; j'en ai eu un belle touffe dans mon jardin !
Beaucoup d'humour dans cette tentative d'assassinat potagère !
Ce qui m'a fait de plus beaucoup rire c'est de penser à ces messieurs-dames scandalisés qu'on puisse décapiter la marjolaine au combien vivace, alors qu'eux-mêmes allaient en toute certitude finir dans une cocotte ...:-))
Et les disputes entre légumes et plantes sont drôlement bien menées en fonction de leur condition ; j'ai aimé les hautaines et les ras des paquerettes, ma foi c'est une petite société qui ressemblerait bien à la nôtre...Mais certaines de ces plantes ont des privilèges, en particulier un, celui d'être coupées sans pour autant mourir, bien au contraire ! D'où la marjolaine qui se revigotte quand on lui fait une coupe en brosse :-) ; j'en ai eu un belle touffe dans mon jardin !
Beaucoup d'humour dans cette tentative d'assassinat potagère !
Ce qui m'a fait de plus beaucoup rire c'est de penser à ces messieurs-dames scandalisés qu'on puisse décapiter la marjolaine au combien vivace, alors qu'eux-mêmes allaient en toute certitude finir dans une cocotte ...:-))
Moi qui ne suis ni jardinière, ni cuisinière, je me suis énormément amusée à la lecture de ce "petit meurtre" dans le jardin.
Un jardin remarquable !
Quand fraises, tomates, courgettes et autres plants discutent, ça sent bon l'été...
Mais verveine et marjolaine racontées comme ça, on les sent de là !
Un vrai plaisir de lecture devant cette belle et poétique écriture.
Un jardin remarquable !
Quand fraises, tomates, courgettes et autres plants discutent, ça sent bon l'été...
Mais verveine et marjolaine racontées comme ça, on les sent de là !
Un vrai plaisir de lecture devant cette belle et poétique écriture.
En aparté, ça me rappelle le poème que j'avais concocté pour ma communion solennelle, un échange entre fleurs, pas du même acabit, mais dans le même esprit :-)
On pourrait le lire, ce petit poème ? ;)
Lol ! Je ne l'ai plus hélas, un jour j'ai filé mon cahier de poèmes où celui-ci se trouvait à une prof de français qui devait me dire ce qu'elle en pensait... et qui ne me l'a jamais rendu :-)
Mais que c"est mignon ! Jardinier, bucolique, végétatif et précieux. Mais surtout, c'est mignon. Et j'aime beaucoup le :
"tandis que dans les feuilles s’excitait toute la machinerie qui permet le miracle de la photosynthèse."
Ca sent sa biologiste à plein-nez ! Et c'est un thème qui m'est cher et que je trouve incroyable qu'on n'ait pas le bon sens de voir en face ; la chimie des végétaux, mise en oeuvre par les végétaux, est mille fois, un million de fois plus sophistiquée que les réactions, synthèses, mises en oeuvre dans les réacteurs de nos usines chimiques, basiques, brutasses, violentes et dispendieuses en énergie et ressources naturelles. Et tout ça, Antinea le fait bien comprendre ...
Un carton jaune pour "levé de soleil". Tu nous as déjà fait le coup pendant la sélection des contraintes. Non, non, c'est bien un lever de soleil !
Vraiment très jolie chronique et je me dis que tu dois vraiment être malheureuse coincée dans un petit appartement parisien d'où les chauffe-eau vous tombent sur le rable. Encore une fois, stp, mets tout en oeuvre pour te relocaliser en province, près de la terre et de la nature !!!
"On sent que tu as un bon coeur, ma chère ou que tu es une indécrottable optimiste.."
Ca c'est Darius qui l'a écrit et je puis qu'y souscrire !
Un moment de calme dans un monde de tueur(ueuse).
"tandis que dans les feuilles s’excitait toute la machinerie qui permet le miracle de la photosynthèse."
Ca sent sa biologiste à plein-nez ! Et c'est un thème qui m'est cher et que je trouve incroyable qu'on n'ait pas le bon sens de voir en face ; la chimie des végétaux, mise en oeuvre par les végétaux, est mille fois, un million de fois plus sophistiquée que les réactions, synthèses, mises en oeuvre dans les réacteurs de nos usines chimiques, basiques, brutasses, violentes et dispendieuses en énergie et ressources naturelles. Et tout ça, Antinea le fait bien comprendre ...
Un carton jaune pour "levé de soleil". Tu nous as déjà fait le coup pendant la sélection des contraintes. Non, non, c'est bien un lever de soleil !
Vraiment très jolie chronique et je me dis que tu dois vraiment être malheureuse coincée dans un petit appartement parisien d'où les chauffe-eau vous tombent sur le rable. Encore une fois, stp, mets tout en oeuvre pour te relocaliser en province, près de la terre et de la nature !!!
"On sent que tu as un bon coeur, ma chère ou que tu es une indécrottable optimiste.."
Ca c'est Darius qui l'a écrit et je puis qu'y souscrire !
Un moment de calme dans un monde de tueur(ueuse).
Merci pour vos remarques et appréciations !
Optimiste, me dit Darius... sur l'écran peut-être, ailleurs, je ne crois pas.
Et oui Tistou, la photosynthèse, c'est quelque chose ! Et t'inquiète, la chimie verte est en marche, mais pas sans problèmes... Ok pour le "lever" de soleil.
Assassinat potager, humour "potager", Agatha Christie au jardin... c'est que vous avez de l'humour à revendre ! Et la remarque très vraie de Piero : ces légumes qui s'offusquent alors qu'ils finiront tous dans la casserole ! ;)
Merci !
Optimiste, me dit Darius... sur l'écran peut-être, ailleurs, je ne crois pas.
Et oui Tistou, la photosynthèse, c'est quelque chose ! Et t'inquiète, la chimie verte est en marche, mais pas sans problèmes... Ok pour le "lever" de soleil.
Assassinat potager, humour "potager", Agatha Christie au jardin... c'est que vous avez de l'humour à revendre ! Et la remarque très vraie de Piero : ces légumes qui s'offusquent alors qu'ils finiront tous dans la casserole ! ;)
Merci !
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