Erika 24
avatar 15/08/2004 @ 19:11:49
« -Ce qu’il fait chaud aujourd’hui, ça te tente d’aller au musée ? Avec la clim, se sera moins étouffant.
-Oui, pourquoi pas, de toute façon il n’y a rien d’autre à faire !!! »

Et voilà, c’est ainsi que commence une de mes nombreuses journées. Je suis encore avec Coco (Coralie, ma meilleure amie), les inséparables on nous appelle. Jamais l’une sans l’autre, toujours pendu des heures au téléphone alors qu’on a passé notre temps ensemble mais c’est pas grave. De toute façon on a constamment des trucs super important à se dire ! C’est curieux quand je dis ça à maman, elle est limite de me sauter à la gorge. Je vois vraiment pas pourquoi !

Ça y est, voilà le musée. Heureusement, au mois d’Août, Paris est moins encombré. Bah oui, les parisiens sont quasiment tous partis au bord de la mer ! Bon, la monnaie pour payer l’entrée. Hummmm, je la payerai bien en nature moi ! Gloups, heuuuu, vu le tarif, je suis pas sûre qu’une nuit soit suffisante.

« -Lise, quand t’auras fini de rêvasser, tu donneras ton ticket à la dame ! Faut l’excuser, elle a l’imagination fertile.
-Tais toi et avance. N’importe quoi, pourquoi tu dis ça ?
-Vu l’éclat de tes yeux, je sais où ton esprit vagabondait. Plutôt pas mal comme mec mais vu le prix de l’entrée je pense que c’est pour appâter qui nous l’on mit ici celui-là !
-Dis donc la Sibylle, quand t’auras fini de prédire où vont mes pensées et à quoi sert l’autre tartuffe, tu me feras signe.
-Mince, tu as découvert qui j’étais réellement ! Alors plus besoin de te cacher que je suis à l’origine des livres Sibyllins !!!
-Mais c’est que tu n’es plus toute jeune ! Dis, c’est à cause de ça les rides et compagnies ? Enfin trêve de plaisanterie, on va voir les peintures ?
-Ok, je te suis où tu veux ma belle.
-Bla, bla, bla ! Arrête ils vont tous croire que l’on est ensemble.
-Et alors on s’en fou.
- Bien sûr seulement ça ne donne à personne l’envie de nous aborder.
-Tu arrives à penser à autre chose plus de 30 secondes ?
-Evidemment, je tiens jusqu’à 32 secondes !!!
-Ha, ha, ha !
-Tiens eux, au moins, ils forment un vrai couple. De qui est cette peinture ? De E. HO, HOP…
-E. HOPPER. N’oublie pas tes lunettes la prochaine fois !
-Je les ai pas oublié, elles ont refusé de venir. Soi-disant qu’elles aiment pas les musées, il y a trop de monde et puis elles ont peur de tomber et d’être ca…
-Comme d’hab tu les as pas pris. Elles te vont bien et puis t’attends quoi ? De ne plus rien voir du tout ?
-Oh certes elles me vont bien, je ressemble à un poisson derrière son bocal mais c’est tout à fait splendide, je n’en doute pas une seconde !! Regarde, la nana du tableau, au moins elle est belle. Pas un bout de gras qui dépasse par-dessus sa jupe, un décolleté à en pâmer plus d’un. D’ailleurs l’autre il l’a bien remarqué. Blonde, les cheveux longs, enfin tout pour elle quoi. Je me demande ce qu’ils peuvent se raconter. Ooooh Coco je me sens pas bien, j’ai la tête qui tourne. Ça doit être la chaleur et dit à ce chien qu’il arrête de me souffler son haleine pestilentielle sur le visage. Je vais tomber dans les…
-Lise, Liiiise. Appelez les pompiers, vite ! »

Tiens je suis où ? Il fait sombre ici, je n’y vois rien. AAAAAH JE VAIS TOMBER !! Mais, mais je vole. Qu’est-ce que c’est ce bazar. Coco, COCO REPONDS MOI. Enfin où es-tu ? J’y comprend rien, rien du tout. Tiens je la reconnais celle-là. Où je l’ai vu, déjà ? Cheveux blonds, jupe, décolleter flamboyant. MERDE, je suis DANS le tableau. C’est pas possible, je dois rêver, non c’est to-ta-le-ment impossible. Bon, résumons la situation :
- Je vole ;
- Je ressemble à un moustique, une libellule ou je ne sais quoi d’autres ;
- Je suis dans un tableau ;
- Je suis peut-être même COINCE dans ce tableau ;

Oui tout va bien, tout va TRES TRES BIEN. Après tout c’est normal, c’est courant ce genre de chose. Mais c’est fou, hein, ça n’arrive qu’à moi !!! Cela aurait pu être pire, j’aurai pu arriver sous la forme d’un coyote et qui sait, je les aurai peut-être bouffer ces deux zozos ! Allez voilà, j’ai l’esprit qui déraille, super !

Enfin autant prendre le bon côté des choses, je vais aller les espionner. Moi qui crever d’envie de savoir ce qu’ils se racontaient. C’est cool j’ai l’impression d’être un agent de la CIA, je vais faire gaffe quand je chouterai un moustique maintenant. Je voudrai pas avoir d’ennui avec les services secrets.

Alors, que se racontent-ils…

« -…pas froid ?
-Non, ça va, merci. Le 16 juin est identique depuis qu’il nous a quitté. Tout les ans la journée est la même, maman ne sort pas et nous non plus. On doit rester renfermé dans la pénombre, elle ne reçoit personne et ne veut voir aucune tête autre que les nôtres. Et tous les ans je fais pareille : une fois qu’elle dort, je me change. J’enlève tout ce noir qu’elle nous oblige à mettre, je mets des couleurs gai, je détache mes cheveux et je sors prendre l’air. Je reste parfois deux ou trois heures dehors, perdu dans mes pensées. En général je suis seule, sauf ce soir puisque tu me tiens compagnie. Où allez-tu ainsi, Christopher ?
-Je reviens de chez ma grand-mère, mon oncle et décédé quelques jours avant ton père et elle commémore sa mémoire durant tous le mois. Foutu guerre qui nous a ravit bien du monde. La douleur est encore vive dans nos mémoires. Après tout cela se déroulait il n’y a pas si longtemps, tout juste 2 ans.
-C’est exact, je ne sais pas si j’ai vu maman sourire depuis la guerre. La vie reprend son cour mais c’est si difficile. Ils reconstruisent encore certains bâtiments et puis il y a aussi tout ces blessés de guerre que l’on croise matin et soir. Comment veux-tu oublier ? Comment peut-on surmo…
-La nuit est douce, l’air est frais. Ça fait beaucoup de bien après la chaleur étouffante de la journée. Shirley tu veux bien me faire un sourire, un tout petit sourire. Juste une esquisse me suffirait pour que je sois heureux. »

Mais voyons, qu’est-ce que ça peut lui faire que tu sois heureux ou non, elle pense à son père. A les hommes, faudrait toujours faire bonne figure pour qu’ils soient bien et à l’aise. Et bien désolé mais on n’a pas constamment envie d’avoir un sourire béat d’accrocher aux lèvres.

« -Oh Christopher, tu es si gentil !
-Je ne suis pas gentil, je me souci de te voir si malheureuse. Je sais combien le manque d’un être cher est cruel, combien on peut souffrir et haïr la terre entière de nous l’avoir subtilisé mais tu ne peux pas lutter contre le sort.
-J’ai honte Christopher, tu es si courageux alors que tu as perdu tes parents quand tu n’étais qu’un enfant. Comment fais-tu pour être si optimiste envers la vie ?
-J’ai simplement compris que ce n’était pas en s’apitoyant sur soi qu’ils allaient revenir. Ils ne sont plus là et ils ne reviendront jamais. Que je me lamente ou pas ne les fera pas revenir, que je pleure ou que je ris ne changera rien du tout. Mais pour moi et mon moral j’ai choisi de rire plutôt que de pleurer, d’être heureux plutôt que d’être malheureux. »

C’est un homme bien en fait ! Quelle vilaine fille je suis à dénigrer tout de suite. Je n’ai pas ce genre de souci, j’ai tout ce que je désire et mes parents sont là et bien vivant. Je serai perdu sans eux, mon Dieu, je préfère ne pas y penser.

« -Le voilà ce sourire ! Il commençait à se faire attendre.
-Merci Christopher de me redonner un peu goût à l’existence. J’ai tellement de mal à me dire qu’il est parti pour toujours. Je rêve très souvent de lui. Je le vois là-haut, il a l’air si heureux et paisible que je suis bien quand je me réveille. Je pense qu’il veille sur nous, j’aimerai qu’il redonne envie de vivre à maman.
-Tu vas perpétuellement rêver de lui, pas toutes les nuits mais de temps à autre. Il te rappellera qu’il t’aime en te le soufflant au creux de l’oreille dans tes rêves multiples. Il te dira tout ce qu’il ne t’a jamais dit et tu en feras autant. Longtemps j’ai rêvé de mes parents, même encore ils viennent me voir dans mes rêves. Je ne savais pas ce qu’était la mort et pour moi ils étaient morts juste pour m’abandonner car ils ne savaient pas comment faire autrement. Puis je les ai vu, ils sont venus m’éclaircir sur la mort. Ils m’ont expliqué qu’ils auraient préférés, plus que tout, être auprès de moi et pouvoir me prendre dans leur bras à volonté. Depuis cette nuit-là, j’ai accepté leur départ et je sais qu’ils me protègent.
-Ce que je regrette le plus dans toute cette histoire, c’est de ne pas lui avoir dit plus souvent l’amour que je lui portais. Je ne me souviens même plus si je lui ai dit UNE fois que je l’aimais. Quand les personnes que l’on aime sont toujours parmi nous, on ne leur dit jamais assez. On pense qu’ils le savent et qu’il est inutile de le leur dire, seulement quand ils nous quittent on ressent ce besoin de dire tout ça. On ressent ce besoin cruel de leur crier : JE T’AIME. L’amour est un sujet tellement tabou qu’on n’ose jamais avouer nos sentiments. Les personnes ont du mal à comprendre qu’il existe plusieurs sortes d’amour :
- L’amour que l’on porte à ses parents ;
- L’amour que l’on porte à ses frères et sœurs ;…
Non, vraiment, on ne dit jamais assez ce que l’on éprouve ! Vois-tu, en ce moment, je donnerai tout ce que je possède pour prendre sa main dans la mienne et sentir son contact doux et rassurant. Je n’aurai plus cette occasion ailleurs que dans mes rêves, alors j’en profiterai pleinement sachant qu’à mon réveil il s’évanouira dans ma mémoire.
-Si tu savais ce que je regrette toutes les fois où je les ai fait mettre en colère pour rien et toutes celles où je leur ai dit que je les détestai pour les faire enrager. J’ai honte. Ils sont partis quand j’avais huit ans néanmoins je m’en veux toujours autant. Je n’ai jamais pu me souvenir les dernières paroles que je leur ai dit, le dernier câlin que je leur ai fait. Rien, c’est un volute de fumée dont je n’arrive pas à extraire ce qui me manque. Quand ils sont partis, j’ai longtemps dormi avec le manteau de maman et l’écharpe de papa. J’avais un grand besoin d’avoir leur odeur, j’avais peur d’oublier leur visage ou leur voix. Cependant je me rappelle d’eux comme si leur départ datait d’hier, je revois ma mère souriante et j’entends mon père me parlait de ses passions. Il est vrai que j’aimerai pouvoir leur dire : JE VOUS AIME. Mais c’est… »

« -Lise, ça y est je crois qu’elle revient à elle.
-Ooooh p’pa, m’man ! Où suis-je ?
-Tu as fait une syncope au musée et tu as été transporté à l’hôpital. Coralie nous a prévenue. Repose toi, on repasse te voir tout à l’heure.
-Et p’pa, m’man.
-Oui ?
-Je vous aime ! »

trop cool, vous auriez dû voir leur tête !!!

Kilis 15/08/2004 @ 20:31:41
Je trouve que tu t'en tires très bien Erika, Et tes dialogues sont chouettes car très proches du langage parlé des 2 nénettes. J'ai été agréablement surprise de l'évolution par rapport à tes textes précédents que je trouvais vraiments banals. Continue!

Monique 15/08/2004 @ 21:02:30
Très touchant Erika, très beau, vraiment. La façon toute légère et humoristique utilisée au début pour parvenir à t'intégrer au tableau et avoir ensuite des pensées plus sérieuses est très bien menée.
Les mots imposés (à part sibyllin...) sont placés avec naturel.
Ca m'a plus. C'est chouette de pouvoir compter sur un pilier écrivain amateur de plus.

Balamento 15/08/2004 @ 22:25:04
Ca pète dans les dialogues... ;-) Je crois que tu sais rendre pas ce biais là... en tout ca, là ça fonctionne ;-)

Et si ton style c'était justement le style 'parlé' ? ;-)

Yali 16/08/2004 @ 06:19:30
Oui, des encouragements ! Tu tiens le bon bout.

Erika 24
avatar 16/08/2004 @ 15:28:43
Merci de vos critiques, somme toute, assez sympathique. ça donne envie de continuer, vraiment. J'ai pas trop de temps mais dès que je peux je vous donne mon avis sur vos textes que j'ai trèèèèèès légèrement survolé.
A +

Benoit
avatar 17/08/2004 @ 18:31:04
Le début avec les deux nénettes : très bien! Ca coule tout seul et ça fait sourire.
La discussion plus sérieuse entre Christopher et la nana avec les interruptions de la fille :très bien aussi!!
Par contre, entre les deux, ça a moins bien coulé : lorsqu'elle chute dans le tableau, peut-être utiliser la 3ème personne eût été préférable. Et le début de la conversation entre les deux personnages du tableau me paraît maladroit. Mais, ce n'est pas non plus un frein à la lecture!

Tistou 19/08/2004 @ 10:50:06
1) Super de trouver un nouvel élément à l'ex bande des 4! Merci Erika24.
2) Je n'ai pas trop accroché au début. Dialogues laborieux? ou situation dans laquelle j'avais du mal à me projeter?
3) Par contre les tiroirs successifs de l'histoire! Ca j'ai beaucoup aimé. C'est là qu'est la trouvaille à mon avis et ça a dû te demander du temps de tout mettre en place? Non? Je me trompe?
4) Un peu gêné par les fautes de français. C'est plus fort que moi, ça me saute aux yeux.
5) Bilan positif. Je dirais ; très bien pour l'imagination, moyen pour la réalisation.
6) Je me permets ces commentaires parce que je me suis exposé de la même manière que toi, et que, personnellement les critiques, légitimes, ne me gênent pas.
7) J'espère qu'on va pouvoir te compter comme "régulière"!

Sahkti
avatar 19/08/2004 @ 12:30:47
Un seul mot Erika: BRAVO!

Les dialogues sont vifs, pétillants, le langage parlé de deux filles de cet âge est parfaitement restitué, on s'y croirait! Et puis j'aime beaucoup cette idée du malaise, de la vision de l'intérieur du tableau. Et passer ainsi de deux filles un écervelées qui déconnent sur tout et sur rien à deux autres jeunes qui parlent gravement de guerre, de mort, d'amour... c'est bien vu et bien écrit.

Seule petite critique, je déteste le "trop coool" de la fin mais c'est mon côté "ringarde" qui veut ça :)

Erika 24
avatar 21/08/2004 @ 16:12:24
Trop aimable, arrêter j'ai les chevilles qui enflent. Au moins vous me donner vraiment envie de continuer. Dans 1 semaine (après mon farniente)je m'attaque à la lecture de vos textes et .......à la critique.

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