Stavroguine 02/11/2015 @ 19:02:02
C'est une confusion assez généralisée, mais le procès pénal (contrairement au procès civil) n'oppose pas l'accusé et sa victime. Il oppose l'accusé à la société. Comme c'est la société qui le punit, il est également normal que ce soit la société qui décide de sa remise en liberté anticipée si elle l'estime que le condamné a purgé une peine suffisante et peut être réinséré. Il ne s'agit pas de vengeance ou de compensation, on n'envoie pas un meurtrier en prison comme on demande à un joueur de foot de rembourser le carreau qu'il aura cassé.

La douleur des victimes est bien compréhensible et il est évident que rien ne remplacera pour eux la perte d'un être cher. Et c'est justement pour ça qu'un juge autant que possible neutre et objectif se substitue à eux.

(Par ailleurs, on peut sincèrement regretter ses actes sans pour autant souhaiter passer le reste de sa vie entre quatre murs...)

Saule

avatar 02/11/2015 @ 19:45:44
Il ne s'agit pas de vengeance ou de compensation, on n'envoie pas un meurtrier en prison comme on demande à un joueur de foot de rembourser le carreau qu'il aura cassé.

D'après le texte donné par Eric plus haut il y a bien une idée de sanction, non ? L'idée que le détenu rembourse sa dette envers la société en effectuant sa peine ?

Stavroguine 02/11/2015 @ 19:59:51
Il y a une sanction, oui, bien sûr. Mais ce n'est pas une compensation au sens civil du terme où le responsable rembourse la personne à laquelle il a causé un dommage.

Rembourser sa dette à la société, c'est une image et un excès de langage. La sanction pénale a pour but de punir et (idéalement) de réinsérer le criminel.

(Il peut y avoir un volet civil dans une affaire criminel (la procédure est distincte aux USA ; en France, on peut "se porter partie civile") pour dédommager la victime, mais alors, il ne s'agit pas de "sanction" ou de "peine" mais simplement d'indemniser le préjudice causé par ma faute comme dans un procès civil. Par exemple, si je te vole ta télé, je subirai une sanction pénale pour le vol (volet pénal) et je devrai t'indemniser pour la perte de ton bien (volet civil). Mais ce n'est pour le dommage que je t'ai causé que je vais prison : si j'avais cassé ta télé par accident, j'aurais dû t'indemniser, mais je n'aurais évidemment pas été en prison ; de même, si on avait retrouvé ta télé intacte et si on te l'avait restitué, j'aurai été condamné pour vol alors que tu n'aurais finalement subi aucun dommage.)

Eric Eliès
avatar 03/11/2015 @ 00:48:46

Quant à "l'hypocrisie" en question, plutôt la différence de traitements, elle se justifie précisément par le fait que dans un cas, on est dans une situation de conflit armé et pas dans l'autre : les mêmes règles ne s'appliquent pas. On ne va évidemment pas faire le procès de chaque soldat ou apparenté : ni dans un sens ni dans l'autre, notez : effectivement, on peut l'abattre sans jugement, mais la réciproque, c'est qu'à la fin du conflit, on ne lui demandera pas de rendre des comptes pour les gens qu'il a tué (sauf en cas de crimes de guerre). Et puis d'abord, y a-t-il vraiment différence de traitement ? On a bien abattu les frères Kouachi et on fait beaucoup de prisonniers sur un théâtre d'opération. Qu'on soit en France ou en Syrie, c'est plus une question d'opportunité : si une personne armée se rend, on l'arrête ici comme là-bas, si elle fait feu, on l'abat.


Dans l'exemple que je donnais dans mon post du 01/11 à 13:29, l'homme est exactement le même "combattant" préparant le même acte, qu'il se trouve en Syrie, en Libye ou sur le sol français. La seule différence est le passage d'une frontière.

Par ailleurs, concernant les frères Kouachi, qui sont sortis de l'imprimerie pour un dernier assaut suicidaire, leur reddition aurait soulevé la question : que faire de tueurs "enragés" quand ils sont capturés ? La seule option actuellement envisagée est de les garder toute leur vie en prison et à l'isolement, ce qui est équivalent à une peine de mort sociale ie une peine de mort qui ne veut pas s'assumer. La Norvège avait courageusement renoncé, pour cette raison, à la prison à perpétuité mais le cas Breivik les confronte à la réalité de l'existence des psychopathes prédateurs.

Enfin, pour répondre à ton dernier point, les puissances occidentales ne font plus vraiment de prisonniers. De plus en plus, elles concentrent leurs efforts sur des cibles "clef" identifiées par le renseignement militaire, qu'elles éliminent physiquement par GBU (bombe guidée laser) larguées depuis le ciel ou via des opérations spéciales, sans laisser à leur "cible" la moindre occasion de se rendre.

Nota : je constate que les arguments de Konrad Lorenz n'ont trouvé aucun écho. Si vous avez néanmoins l'occasion de lire ce qu'il a écrit sur le sujet, je vous invite à y jeter un œil. Le point éventuellement gênant pour certains est que son approche du comportement humain est fondée sur l'éthologie animale, mais cette animalité existe, qu'on le veuille ou non (à moins d'être un créationniste convaincu).

Stavroguine 03/11/2015 @ 10:45:04

Dans l'exemple que je donnais dans mon post du 01/11 à 13:29, l'homme est exactement le même "combattant" préparant le même acte, qu'il se trouve en Syrie, en Libye ou sur le sol français. La seule différence est le passage d'une frontière.


Oui, oui, j'entends bien. Mais pas n'importe quelle frontière puisqu'elle nous fait passer d'une zone de combat à un pays en paix. Et légalement, ça change des choses, à commencer par le statut de la personne et la protection dont elle jouit. C'est évidemment arbitraire (les situations juridiques le sont), mais ça ne me semble ni hypocrite ni insensé.

Nota : je constate que les arguments de Konrad Lorenz n'ont trouvé aucun écho. Si vous avez néanmoins l'occasion de lire ce qu'il a écrit sur le sujet, je vous invite à y jeter un œil. Le point éventuellement gênant pour certains est que son approche du comportement humain est fondée sur l'éthologie animale, mais cette animalité existe, qu'on le veuille ou non (à moins d'être un créationniste convaincu).


Pardon, c'est vrai que nous l'avons laisse de cote. En fait, je suis assez d'accord avec son constat, mais moins avec les solutions qu'il propose. Ça me gêne de réduire la question de la peine de mort a une question de coût, au fait qu'elle serait plus pratique et efficace que la prison. Si être humain, c'est une question de valeurs et pas seulement d'avoir deux pieds et deux mains, cela doit valoir autant pour les criminels que pour leurs juges. Et si dans une société humaine, le respect de la vie humaine est sacrée (on peut discuter de ça, mais admettons que nos valeurs nous indiquent que la vie humaine est belle et bien sacrée - en fait elle ne l'est pas : il y a des tas de raisons où l'on peut tuer) alors, les juges perdraient leur humanité en condamnant a mort. J'entends bien l'argument selon lequel le psychopathe ayant au préalable ignoré ces valeurs, il aurait cesse d'être humain et on pourrait donc l'abattre comme un chien, mais une telle personne existe-t-elle vraiment ? Dans le cas de Breivik et Kouachi, on ne peut pas dire qu'ils n'avaient pas de valeurs : ils tuaient pour une cause qu'ils estimaient supérieure ; seulement que leurs valeurs étaient en contradiction avec les nôtres en tant que société (et PAS en tant qu'êtres humains). Or on ne peut pas décrèter que tous les gens qui ne partagent pas nos valeurs ne sont pas humains et qu'on peut donc les abattre. Et si une telle personne existait, sur laquelle toute notion de valeur (et pas seulement les valeurs que nous avons élues) glissait, alors ne relèverait-elle pas plutôt de maladie, un fou ? Or, là encore, on peut en discuter, mais il semble que nos valeurs nous interdisent de tuer des malades et des fous et que ce serait donc nous qui perdrions notre humanité en les tuant pour des raisons de coûts ou d'effectivité. J'ai un ami qui travaille en Afrique auprès de sociétés primitives. Dans son village, il y a un fou. Il est enchaine près de la rivière et on lui apporte chaque jour a manger mais on se refuse a le tuer. Nos sociétés "civilisées" prendraient un sacre coup si on se refusait même a cela.

Saule

avatar 03/11/2015 @ 11:46:23
Je rejoins Stavro. Mais en fait j'avais réagi au constat de Konrad Lorenz dans ma première réponse en disant que chaque vie humaine est sacrée et se vaut. On ne peut pas faire une hiérarchie en fonction du nombre de mains ou de jambes, tout comme on ne peut pas faire une hiérarchie sur base de l'absence d'humanité (c'est un commandement de base du christianisme : tu ne jugeras pas).

En fait poser comme principe absolu le respect de toute vie humaine est la seule manière de se protéger contre les dérives de l'eugénisme, l'avortement, l'euthanasie,...

Saint Jean-Baptiste 03/11/2015 @ 16:31:47



J'ai un ami qui travaille en Afrique auprès de sociétés primitives. Dans son village, il y a un fou. Il est enchaine près de la rivière et on lui apporte chaque jour a manger mais on se refuse a le tuer.
Moi ça me réconforte de savoir que dans des sociétés primitives on se refuse de tuer quelqu'un parce qu'il est fou dangereux. Ça me confirme dans ma conviction que le « tu ne tueras pas » transmis par les religions est, au fond, une valeur universelle de l'humanité, en dehors de toute obligation religieuse ; c'est la loi Naturelle, qu'aujourd'hui on prétend nier en la faisant passer pour culturelle, afin d'autoriser l'avortement, l’euthanasie et, bientôt, l'eugénisme.

Stavroguine 03/11/2015 @ 17:20:44
Moui, enfin il ne faut pas perdre de vue que le caractère sacré de la vie est déjà relatif. Sans même parler d'avortement et d'euthanasie, la guerre en est la preuve : en tant de guerre, il est tout à fait acceptable de se tuer, on l'accepte aussi pour des cas de légitime défense même quand la vie de l'assailli n'est pas directement menacée, pour la sauvegarde de l'ordre public dans certaines circonstances (un policier peut parfois tuer un criminel), tandis que pour un chrétien, par exemple, il n'est pas de circonstances dans lesquelles il serait acceptable de brûler un crucifix ou une église : le sacré ne souffre pas d'exceptions. Je pense donc que le caractère sacré de la vie humaine supposément transcendantal n'est pas un argument valable en ce qui concerne la peine de mort pour la bonne raison qu'il n'existe pas ; c'est plutôt un choix de société, discutable en tant que tel, mais qui semble correspondre a ce vers quoi veut tendre notre société actuelle. C'est ce que je voulais exprimer dans mon précédent message.

Stavroguine 03/11/2015 @ 17:22:25
*En temps de guerre, pardon.

Feint

avatar 03/11/2015 @ 17:30:23
Je pense donc que le caractère sacré de la vie humaine supposément transcendantal n'est pas un argument valable en ce qui concerne la peine de mort pour la bonne raison qu'il n'existe pas ; c'est plutôt un choix de société, discutable en tant que tel, mais qui semble correspondre a ce vers quoi veut tendre notre société actuelle. C'est ce que je voulais exprimer dans mon précédent message.
Le fait est que personnellement je n'ai jamais réussi à me persuader que la vie soit sacrée, ce qui ne m'empêche pas d'être farouchement opposé à la peine de mort.

Stavroguine 03/11/2015 @ 18:18:10
Je partage un peu ta position, Feint. En fait, il me semble qu'un des principes de civilisation est justement pour le groupe majoritaire/dominant d'accorder un traitement similaire à celui qu'il se réserve aux personnes qui ne lui appartiennent pas soit qu'elles soient étrangères au groupe (les migrants, les étrangers), soient qu'elles soient en situation de faiblesse (les animaux, les enfants, les malades, les femmes - du moins tant qu'elles ne seront pas entièrement intégrées au groupe dominant, les handicapés), soient qu'elles aient été exclues du groupe (les criminels). Il me semble que la civilisation correspond à un mouvement d'élargissement, d'englobement, expansif tandis qu'un mouvement anti-civilisationnel se resserre justement sur un groupe défini au détriment de ceux qui ne lui appartiennent pas, ce qui est le principe de tous les fascismes qu'ils soient de gauche ou de droite, idéologiques, religieux ou raciaux.

Stavroguine 03/11/2015 @ 18:23:30
J'en ai oublié d'apporter la conclusion évidente pour relier ce message à ce fil... C'est évidemment que, indépendamment de la question de savoir si la vie humaine est sacrée ou non, si on estime dans nos sociétés qu'on ne doit pas s'entretuer, alors c'est agir en société civilisée de ne pas tuer nos criminels (et nos fous, et nos handicapés) quels que soient les coûts et le fardeau qu'ils représentent pour nous.

Yokyok
avatar 03/11/2015 @ 18:39:55

Ça me confirme dans ma conviction que le «tu ne tueras pas» transmis par les religions est, au fond, une valeur universelle de l'humanité

Sans même parler de guerre, où les personnes que l'on cherche à tuer sont étrangères au groupe, que fais-tu de la strangulation rituelle des veuves chez les Kaulong ?

Frunny
avatar 03/11/2015 @ 20:40:27

Le fait est que personnellement je n'ai jamais réussi à me persuader que la vie soit sacrée, ce qui ne m'empêche pas d'être farouchement opposé à la peine de mort.


Le fait est que personnellement je n'ai jamais réussi à me persuader que la vie soit sacrée, ce qui ne m'empêche pas d'être farouchement POUR la peine de mort.

Eric Eliès
avatar 03/11/2015 @ 22:25:32

J'ai un ami qui travaille en Afrique auprès de sociétés primitives. Dans son village, il y a un fou. Il est enchaine près de la rivière et on lui apporte chaque jour a manger mais on se refuse a le tuer.

Moi ça me réconforte de savoir que dans des sociétés primitives on se refuse de tuer quelqu'un parce qu'il est fou dangereux. Ça me confirme dans ma conviction que le « tu ne tueras pas » transmis par les religions est, au fond, une valeur universelle de l'humanité, en dehors de toute obligation religieuse ; c'est la loi Naturelle, qu'aujourd'hui on prétend nier en la faisant passer pour culturelle, afin d'autoriser l'avortement, l’euthanasie et, bientôt, l'eugénisme.


D'après ce que j'avais compris de quelques lectures d'auteurs arabes (dont Naguib Mahfouz), les fous sont sacrés dans les pays musulmans car on considère que tout ce qui ne vient pas de la raison humaine vient directement des démons ou de Dieu. Pour cette raison, ils sont protégés.

Saint Jean-Baptiste 04/11/2015 @ 10:26:45




les fous sont sacrés dans les pays musulmans
L'Islam va beaucoup nous apporter : ils lapident les femmes infidèles, les autres ils se contentent de les fouetter et ils pendent les homos... (je me demande ce qu'ils font des belles-mères) par contre, ils protègent les fous (les mauvaises langues diront qu'ils se protègent).
Non, non, oubliez tout ça, c'est pour rire...;-)) 

Saint Jean-Baptiste 04/11/2015 @ 10:44:28

Ça me confirme dans ma conviction que le «tu ne tueras pas» transmis par les religions est, au fond, une valeur universelle de l'humanité


... que fais-tu de la strangulation rituelle des veuves chez les Kaulong ?

Yokyok
J'ai l'impression que ce sont des rites sacrificiels, comme chez les Aztèques où ils abreuvaient leurs dieux du sang des jeunes gens. Je pense que ce sont des civilisations qui ont dégénéré mais ça ne peut pas s'assimiler à des peines de mort ou à de l'eugénisme ou au non respect de la vie puisque la vie était offerte en sacrifice aux dieux.
Ce sont des mœurs contre nature, à mon avis, et c'est vrai que c'est difficile à s'expliquer.

Stavroguine 04/11/2015 @ 11:54:25
Y a quand même certains mots, comme "dégénérés", pour lesquels on devrait réfléchir a deux fois avant de les employer a propos d'un peuple...

Je ne connaissais pas les Kaulong, mais d'après ce que j'ai pu lire, ça n'a rien d'un rite sacrificiel et ce sont elles qui demandent a leurs propres frères de les étrangler. Évidemment, il y a le poids de la coutume qui exerce une contrainte, mais ce n'est pas forcément une mise a mort horrible et "dégénérée". On peut supposer que ces femmes, ayant perdu l'homme avec lequel elles ont passe leur vie, n'ont plus trop de raisons de vivre (ma grand-mère s'était littéralement laissé mourir après la mort de mon grand-père) ou bien qu'elles sont devenues un poids pour la société et s'y refuse. Ça me fait bien plus pensé au suicide des samouraïs à la mort de leur suzerain qu'à un sacrifice sanguinaire. Mais évidemment, je ne prétends pas être expert de la question. Quoi qu'il en soit, il semble en effet que la vie humaine ne soit pas universellement considérée comme sacrée.

Stavroguine 04/11/2015 @ 11:56:19
Pardon pour les fautes et les accents : je suis sur mon portable.

Radetsky 04/11/2015 @ 12:11:28
l
L'Islam va beaucoup nous apporter.......... (je me demande ce qu'ils font des belles-mères) ....
Ils les mangent, AVEC les carottes. les pois chiches, etc. ça s'appelle "couscous".

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