Sissi

avatar 08/05/2014 @ 18:16:55
Il faut que tu souffles….mémé…il faut que tu SOUFFLES ! Souffle ! Et la petite vieille, hagarde et comme terrorisée regarde tout cet attroupement, toute cette foule massée autour d’elle, l’œil apeuré elle va de l’un à l’autre, ne se souvient plus des noms de tous. Elle ne peut pas souffler autant de bougies, une centaine rien que ça, ils sont marrants, et puis elle est fatiguée. Elle en mourra le lendemain, la pauvre vieille. En attendant elle les regarde tous, la pupille dilatée par la peur…la pupille se rétracte un peu, mais il ne comprend rien de ce qui lui arrive, le petit minot posé dans sa chaise haute. Devant lui il y a un gâteau avec un truc qui brûle dessus, un bâton avec une flamme, et tout le monde chante une drôle de chanson en le contemplant avec ravissement. Il se met à pleurer. Il veut son doudou. Et puis sa maman. Les cloches qu’on entend tinter au loin l’apaisent , il préfère les cloches de l’église à la drôle de chanson, une église c’est calme, d’ailleurs eux le sont aussi, ils brûlent solennellement un cierge et se recueillent, à l’unisson ils pensent à leur mort, six ans déjà qu’il est parti tu t’y es faite, toi, non pas du tout….fait chier…viens on va se balader ça nous changera les idées, mais comme ils sont tristes et perdus dans leurs pensées ils ne voient pas la petite fille très heureuse qui court avec la robe de princesse qu’elle vient de recevoir pour ses quatre ans et qu’elle étrenne fièrement, et comme ils sont tristes et perdus dans leurs pensées l’un d’entre eux butte sur les trop longues jambes d’un adolescent assis sur un des bancs du parc, oh pardon excusez moi, bah s’pa grave m’sieur et il se remet à embrasser goulûment sa dulcinée, leurs mains très fort serrées il lui dit tu te rends compte ça fait trois mois aujourd’hui qu’on est ensemble et ils sont émerveillés par la longévité de leur histoire, s’embrassent à nouveau, dans leur courte vie ça représente un sacré paquet de jours et de semaines tout ça, et une idylle d’un trimestre, ça pète quand même sa mère, Laurine elle est restée même pas trois semaines avec Théo, nous c’est autre chose, nous ça tient la route. Il s’embrassent encore et encore, mais sont dérangés par un chien qui les renifle, alors ils rient, viens ici Hervé ! ! ! crie la rombière qui remballe son yorkshire tout enrubanné, viens mon chéri on rentre maman va te donner ton bain et te donner ton cadeau pour ton anniversaire, maman t’aime plus que tout tu le sais, ça. Viens, fais un bisou à maman, on va aller t’acheter un bon dîner mon chéri, elle s’arrête chez le traiteur et demande à Hervé de dire à maman ce qui lui ferait plaisir, et comme Hervé ne se décide pas un couple lui passe devant le nez, ils se dépêchent de rentrer, débouchent une bonne bouteille et trinquent les yeux dans les yeux, c’est quoi déjà comme noces, quinze ans c’est cristal je crois, tu regrettes de m’avoir épousée ? oui, parce que le temps passe beaucoup trop vite, alors n’en perdons pas trop…parfum de malice…bah, ils mangeront après, dans la nuit noire où le silence s’est imposé, et que vient juste troubler un ivrogne qui hurle, bouteille à la main « On n’a pas tous les jours vingt aaaaaaaaaaans ! ! ! ca n’arrive qu’une fois seulemeeeeeent ! », ce qui la fait râler, elle râle à cause du dérangement, elle qui peine déjà tellement, tellement sur le texte qu’elle tente désespérément d’écrire.
Encore une histoire d'anniversaire.

C’était la valse des anniversaires. La valse des ans, la valse du temps, le temps court et le temps lent, le temps qui court, bon an mal an, sur la route incertaine des années à venir, chargée d’un passé qu’il est, parfois, bon de fêter.

Veillez changer de partenaire et passer au texte suivant.

Sissi

avatar 08/05/2014 @ 18:21:06
Veuillez!

Nathafi
avatar 08/05/2014 @ 19:43:41
Ah Sissi les idées se bousculent, s'entrechoquent, s'emmêlent et se démêlent, pour repartir de plus belle :-) ça ressemble un peu à ce qui s'est passé dans ma tête à l'annonce du thème, une succession d'anniversaires de toute sorte qu'il était difficile d'arrêter !

Merci pour ce texte très drôle, ce déballage de trucs qu'on fête à tort ou à raison.

Marvic

avatar 08/05/2014 @ 21:19:56
Un texte très dense pour nous présenter pas moins que 8 anniversaires; des histoires d'âge, bien sûr, de 1 à 100 ans, des histoires d'amour, de 3 mois à 15 ans, mais aussi de deuil, sans oublier celui d'Hervé !!
La lecture m'a demandé un petit effort, mais quand j'ai compris son fonctionnement, je me suis bien amusé !

Magicite
avatar 08/05/2014 @ 21:39:28
Superbe, je n'ai pas de mots pour parler de ton texte;
Ou plutôt si si j'en ai beaucoup trop qui se bousculent et chacun veut passer devant alors je vais me contenter de te dire bravo.

L'anniversaire traité avec intelligence finesse, humour narquois, tranche réaliste et sens global. J'arrête là avant de laisser passer le flot de mots que m'a suscité ton texte (picaresque, ...).

Je trouve que les dernières lignes sont de trop, le texte finissait très bien sur :'encore une histoire d'anniversaire.' et la boucle était bouclée sur le narrateur/auteur.
C'est vrai que la valse donne le titre et rajoute le rythme de la musique, et que ceci: ", le temps court et le temps lent, le temps qui court" est joliment dit mais je trouve que ça fait figure de rappel quand c'est déjà évoqué dans la partie principale.

Très réussit.

Valadon
avatar 08/05/2014 @ 22:30:33
J'adore Sissi, tu es vraiment douee!!! ;)
J'ai lu ton texte a toute vitesse, sans reprendre mon souffle, comme s'il n'y avait pas de ponctuation, c'est dense et pourtant les images naissent instantanement, se succedent, comme avec un film de camera super 8... :-)
C'est vif, touchant, profond, je m'en vais le relire!

Débézed

avatar 08/05/2014 @ 23:56:23
Tu te doutes bien que ce genre de texte ne peut que m'épater, j'ai aussi, comme Marvic, apprécié la densité que tu as mise dans ses lignes sans jamais asphyxier le lecteur, juste en jouant sur le rythme de l'écriture. Un bel exercice littéraire.

Sissi

avatar 09/05/2014 @ 00:39:04
Merci pour les remarques. Allez pour une fois (et vous savez que je n'aime pas ça), je vais expliquer un peu: au départ comme dit Nathafi on ne sait pas dans quelle direction aller, un anniversaire...ouais bon d'accord mais quoi, un gai, un triste, celui d'un vieux, d'un jeune...et pourquoi pas tout à la fois?
Puis vient le titre.
Alors j'ai eu envie de faire quelque chose de virevoltant, de tournicotant, pour rester dans l'esprit de la valse, donc il fallait du rythme, des enchaînements rapides, d'où les dialogues non marqués, le peu de ponctuation et une presque simultanéité dans les évènements racontés.
J'ai cherché en plus (mais ce n'est pas probant du tout du tout) à ajouter de la confusion (pour l'effet "tournicoti") dans les points de vue: ne jamais tellement savoir qui parle, le narrateur, les personnages, un personnage extérieur?
Après...il y a le fatal décalage entre ce qu'on a voulu faire et ce qu'on a pu faire.
Marvic a raison, le texte est de toute façon trop court.
Quant à la dernière phrase, je l'ai mise au tout dernier moment, sur un coup de tête, ça m'a beaucoup amusée, mais peut-être était-ce superflu.

Enfin bref, sur ce coup là le but c'était bien de faire un peu les fous et la fête, non?

Merci à vous tous en tout cas.

PS Un oubli de "s" ligne à "il".

Pieronnelle

avatar 09/05/2014 @ 01:41:30
J'aurais plutôt tendance à dire que c'est un sacré méli-mélo d'anniversaires ! Et c'est bien vu ! En fait ton texte m'a fait penser à" La valse à mille temps" de Brel, elle chantait dans ma tête en te lisant ! Le peu de ponctuation est vraiment réussi et s'inscrit bien dans le tourbillon des mots où l'on perd presque le souffle. C'est donc ça la vie ? En fait les vraies ponctuations sont bien ces fameux anniversaires qui nous rappellent à l'ordre, du début...à la fin ! Une belle réussite !

Saint Jean-Baptiste 09/05/2014 @ 18:25:16
"Souffle, souffle, mémé..."
C'est trop drôle, ton texte, Sissi ! A mourir de rire ! Quelle imagination ! On sent un bonheur de vivre dans tout ça.
Pas le temps de s'ennuyer, et on a l'impression que tu pourrais continuer pendant des pages et des pages, sur le même rythme... comme tous ceux qui courent après la vie sans jamais s'arrêter.
Et tout ça dans une belle écriture où on « voit » les choses. Encore un bon moment passé à lire « vos écrits » !
C'était la valse des anniversaires ? Alors, déjà dix ans ! joyeux anniversaire à nous !

Sissi

avatar 09/05/2014 @ 21:20:56
on a l'impression que tu pourrais continuer pendant des pages et des pages, sur le même rythme...


et c'est bien là le grand leurre...;-)

Darius
avatar 10/05/2014 @ 10:47:09
oui, tout à fait, c'est la valse à mille temps.. ;-) des phrases courtes à lire très vite sans reprendre son souffle...

çà me fait penser à un exercice que j'avais l'habitude de faire un certain moment dans ma vie pour calmer l'angoisse d'une attente de quelqu'un, de quelque chose.. : jeter des mots, des phrases .. sur le papier les uns derrière les autres sans idée précise au départ..... la relecture était toujours magique...

Débézed

avatar 10/05/2014 @ 13:11:34
Tous ces anniversaires ça en fait des pots à boire !

Provisette1 10/05/2014 @ 14:59:34
Wouaouhhhhhhhhhhhhhhhhhhh!

Un bijou, un tresor, une perle, j'en suis baba, completement abasourdie par ton recit epoustouflant ET surtout ton incroyable talent, Sissi.
J'en reste bouche bee.

Bravissimiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii!!

Sissi

avatar 10/05/2014 @ 16:08:20
Ben merci...(suite à la discussion de ce matin sur Conv et bad, j'ai décidé d'essayer de recevoir, très simplement, un compliment...)

Spirit
avatar 11/05/2014 @ 19:07:00
Les vies s'entremelles, n’entrechoques, se complétes, se suivent....comme tu le dis c'est une valse, la danse du temps qui passent repassent et trépasse,j'aime beaucoup!

Garance62
avatar 11/05/2014 @ 19:58:59
Une valse des mots à mille temps réussie. Tempo rapide pour la une valse à trois temps : la naissance, la vie, la mort.

Et "vos écrits" même s'il n'y est pas nommé y trouve toute sa place. Car qu'est-ce donc que ce site où nous jetons nos mots en pâture ? Qu'est donc que la littérature, la grande avec un L majuscule (et là il faudrait le demander à Feint :)) ou celle avec un l minuscule, celle avec ses harmonies, ses fanfares de villages, qui donne du bonheur à tous les passants accoudés à leurs fenêtres un jour de fête nationale là où celle avec le L donne du bonheur avec des opéras et des symphonies dans les plus belles salles ? Ici, nous aimons les deux !

Valse de la vie où pour vivre encore plus fort il est quelquefois besoin de l'écrire.

Merci Sissi, et, sans avoir suivi la discussion matinale, je me joins aux compliments.

Lobe
avatar 12/05/2014 @ 21:35:54
Voui, qu'est ce que ça veut dire un anniversaire? Sachant que tout est fêtable, le tragique comme le quotidien, le solennel et le croquignolesque (l'anniversaire d'Hervé, quelle marrade!). Même les non-anniversaires sont fêtables - mais là pour le coup si on s'y met, on n'a pas fini...
Je rapproche ton texte de celui de SJB: le travail fourni permet de gommer le travail fourni, et ça c'est fort. Et tu charries de l'émotion, pire, tu nous entraînes dans un ascenseur émotionnel à fond de train, on est secoués, roseaux dans la tourmente. Et on en redemande. Bravissimo!

Antinea
avatar 14/05/2014 @ 21:16:04
Une valse à mille temps !!!! Dès le début j'avais la chanson de Brel dans la tête.
J'adore ton style "casual", un discours de tous les jours, vrai, les petites choses de la vie, écrites de façon vivante, quelque peu cynique parfois, c'est la plume de Sissi. Qu'est-ce que c'est drôle en plus !

Elle ne peut pas souffler autant de bougies, une centaine rien que ça, ils sont marrants,

ils sont émerveillés par la longévité de leur histoire, s’embrassent à nouveau, dans leur courte vie ça représente un sacré paquet de jours et de semaines tout ça, et une idylle d’un trimestre, ça pète quand même sa mère,

la rombière qui remballe son yorkshire tout enrubanné,


C’était la valse des anniversaires. La valse des ans, la valse du temps, le temps court et le temps lent, le temps qui court, bon an mal an, sur la route incertaine des années à venir, chargée d’un passé qu’il est, parfois, bon de fêter.

Veuillez changer de partenaire et passer au texte suivant.


Et entraînant ! Un bon cru !

Gwenael
avatar 15/05/2014 @ 18:48:46
j'ai beaucoup de mal à lire, à m'imprégner de votre texte à cause des ponctuations par exemple :

"(...) la pupille se rétracte un peu, mais il ne comprend rien de ce qui lui arrive, le petit minot posé dans sa chaise haute."

je trouve la phrase trop longue, et j'ai mis beaucoup de temps à comprendre que ce n'était plus de la mamie qu'on parlait mais du minot. il n'aurait pas fallu à mon sens, mettre une virgule après "arrive". bon après je suis un cerveau lent aussi...
néanmoins j'ai constaté que vous deviez adorer les phrases longues pour seules ponctuations les virgules. (ça semble être une critique acerbe mais ça ne l'est pas du tout, ça fait même professeur je déteste écrire comme ça) j'ai un problème avec les phrases longues j'avoue que je m'y perds facilement... sinon une fois adapté j'ai bien aimé la fin

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