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Forums  :  Vos écrits  :  L’art de voyager

Tistou 04/07/2013 @ 14:55:02
L’art de voyager, bien entendu, ne consiste pas à savoir se déplacer d’un point à un autre. Ca, ce serait plutôt du frêt ! Non, je veux parler de l’art de déplacer son esprit, avec - ou plus que - son enveloppe matérielle.
Voyager, c’est accepter de quitter son cocon de confort, son cocon d’habitudes, pour, non pas se mettre en danger au sens littéral du terme, mais se mettre en situation d’être confronté à du nouveau, de l’inhabituel. Ce qui, dans notre société, et de plus en plus, est vécu comme un certain danger …
Voyager, c’est aller à la rencontre de l’autre, des autres. De leur habitat, de leur cadre de vie, de leurs conditions de vie, c’est accepter de remiser nos propres certitudes pour aller les tester à l’aune d’autres réalités, d’autres vérités. Vous savez ; « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » écrivit Blaise Pascal.
Voyager, c’est aussi une mesure d’hygiène mentale. Une manière de prendre un peu de hauteur pour mieux comprendre qui nous sommes. Pour mieux comprendre les œillères qu’on nous met – qu’on se met volontairement – et qui nous empêche de penser par nous-mêmes. Trois jours loin de chez soi, hors de portée du discours officiel lénifiant qu’on nous déverse en permanence dans les oreilles, et déjà vous sentez l’esprit critique qui s’aiguise …
Trois jours … alors trois semaines, alors trois mois ! Je ne sais pas vous mais moi je me sens devenir un autre hors du … charnier natal (non pas que je me prenne pour un gerfaut !). Un autre plus décontracté, plus vivant, plus tolérant, plus ouvert. Un autre qui redort mieux, qui observe mieux, qui comprend mieux … Et quand je dis comprendre, je parle surtout de la compréhension intuitive. Pas celle basée sur des raisonnements, forcément polluée par notre culture d’origine. Non, la compréhension au sens du ressenti. Le ressenti de la sincérité ou pas de l’autre, de sa dangerosité ou de ses qualités. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire ; « Les peuples heureux, on les reconnait ». Les peuples heureux comme les gens heureux ou qui, au moins, ont une aptitude au bonheur. On le sent. Enfin, au moins moi, je crois le sentir. En voyage. C'est-à-dire en dehors de mes habitudes et certitudes ancrées.
L’art de voyager c’est se faire éponge. Absorber comme un bienfait tout ce qui se passe autour de vous. Laisser son inconscient faire le tri et nous dire où est le bien, où est la folie. Absorber pour pouvoir tout confronter au retour.
Les chocs de civilisations sont les plus forts, bien entendu, mais on peut avoir des surprises sans aller au bout du monde … L’important est l’attitude dans laquelle on accueille « ce qui est étranger », au sens large. Plus le choc est rude, plus les yeux se dessillent au retour, plus le discours officiel apparait comme une glu, qui nous rend gauche et engourdi.
J’ai eu la chance de voyager très jeune. La greffe a prise et je sais que si je n’étais pas allé me confronter à d’autres civilisations, je ne serais pas le même.
Le voyage comme une thérapie à la bêtise, au « suivisme » ? J’y crois. Et j’aime à penser que je ne suis pas le seul à le croire.
Voyagez et vous apprendrez à mieux aimer les autres …, ou à trouver ce qu'il y a à aimer ...

Sissi

avatar 04/07/2013 @ 15:05:36
Une très juste "Invitation au voyage", d'un autre genre que celle de Baudelaire, mais jolie aussi!

AmauryWatremez

avatar 04/07/2013 @ 15:45:26
L'ivresse est un véhicule aussi ainsi que le rappelle une anthologie de Lapaque et Leroy dans leur "Eloge à Dyonisos" paru chez Actes sud

AmauryWatremez

avatar 04/07/2013 @ 15:46:37
Je te réponds Tistou sur la connaissance "intuitive" des voyages dans le chapitre d'aujourd'hui de mon journal
"Revenus en France, on nous a souvent rétorqués que la connaissance virtuelle de la situation en Israël et Palestine par les livres, les informations, les journaux et Internet valait finalement autant que d'y avoir vécu même longtemps. Cette confusion qui se fait de plus en plus entre virtualité et réalité, que je trouve terrifiante, méconnait simplement le fait qu'avoir ressenti, parfois durement, les évènements, qu'avoir constaté concrètement le vécu des populations, l'absurde du sort qu'elles ont à subir, est incomparable. Certes, tous ceux qui partent là-bas ne le vivent pas aussi intensément, encore faut-il le vouloir et ne pas se fermer à ce vécu, et accepter de remettre en cause ses idées reçues, ses certitudes et opinions bien arrêtées que l'on a sur la question."
suite là
http://mesterressaintes.hautetfort.com/archive/…

AmauryWatremez

avatar 04/07/2013 @ 15:47:07
"Voyagez et vous apprendrez à mieux aimer les autres …, ou à trouver ce qu'il y a à aimer ..."
Mais donc voyager virtuellement ? Ou réellement ?

Tistou 04/07/2013 @ 16:03:47
"Voyagez et vous apprendrez à mieux aimer les autres …, ou à trouver ce qu'il y a à aimer ..."
Mais donc voyager virtuellement ? Ou réellement ?

Réellement. Evidemment ...

"Trois jours loin de chez soi, hors de portée du discours officiel lénifiant qu’on nous déverse en permanence dans les oreilles, et déjà vous sentez l’esprit critique qui s’aiguise …
Trois jours … alors trois semaines, alors trois mois ! Je ne sais pas vous mais moi je me sens devenir un autre hors du … charnier natal (non pas que je me prenne pour un gerfaut !)."

Guigomas
avatar 04/07/2013 @ 16:21:26
Je rejoins Sissi, belle invitation au voyage.

J'ai juste tiqué là: "c’est aussi une mesure d’hygiène mentale"... que c'est moche comme expression, et pas du tout évocateur par rapport au sujet. Laissons les mesures d'hygiène aux hopitaux.

AmauryWatremez

avatar 04/07/2013 @ 16:41:23
à Tistou,
"Réellement. Evidemment ..."
Finalement on est d'accord :-)

Saint Jean-Baptiste 05/07/2013 @ 10:43:07
Tiens, Tistou, j'ai trouvé que ce texte était moins bon que tes récits de voyage. J'y ai vu un ton un peu didactique, voire pontifiant. Peut-être qu'il y manque – comment dire – un brin de romance peut-être... ?

Mais tout ce que tu dis est bien observé et bien dit. Tu aurais pu ajouter qu'on apprécie son pays différemment quand on revient d'un long voyage : on le voit d'un œil plus critique.
Cela dit, tu as adopté la bonne manière de voyager, tu vas à la rencontre des gens et tu les observes un peu à la manière d'un anthropologue ; et c'est vrai qu'on apprend plus dans ce type de voyages que dans les livres.
Notre époque a beaucoup de chance pouvoir voyager et on a envie de dire : pourvu que ça dure... Quand on voit aujourd'hui le nombre de pays qui se ferment aux voyageurs...

Tistou 05/07/2013 @ 11:56:27
Tiens, Tistou, j'ai trouvé que ce texte était moins bon que tes récits de voyage. J'y ai vu un ton un peu didactique, voire pontifiant. Peut-être qu'il y manque – comment dire – un brin de romance peut-être... ?

Mais tout ce que tu dis est bien observé et bien dit. Tu aurais pu ajouter qu'on apprécie son pays différemment quand on revient d'un long voyage : on le voit d'un œil plus critique.
Cela dit, tu as adopté la bonne manière de voyager, tu vas à la rencontre des gens et tu les observes un peu à la manière d'un anthropologue ; et c'est vrai qu'on apprend plus dans ce type de voyages que dans les livres.
Notre époque a beaucoup de chance pouvoir voyager et on a envie de dire : pourvu que ça dure... Quand on voit aujourd'hui le nombre de pays qui se ferment aux voyageurs...


Je ne peux qu'être d'accord avec toi, SJB. Notamment sur la première partie ...

Pieronnelle

avatar 05/07/2013 @ 17:04:26
Oui c'est vrai un peu didactique mais vrai.On sent que c'est quelque chose qu'il fallait dire car le virtuel a tellement faussé les choses...Ce sont deux abords complètement différents mais que de frustrations pour ceux qui n'ont pu ou ne pourront voyager. Mais à un certain moment les deux se rejoignent, lire un récit de voyage fait partie déjà du virtuel et il faut croire en celui qui l'a Ecrit ; la transmission se fait et c'est déjà beaucoup...Chaque reportage,chaque écrit est un regard mais rien bien sûr ne remplacera le sien propre. Quoiqu'il existe des gens qui ne savent pas voir, qui gardent leurs oeillères même sur place. Au cours de mes voyages j'en ai rencontré et le regard c'est clair il vient de l'intérieur, certains seront aveugles partout si leur porte intérieure n'est pas ouverte aux autres.
J'aime les récits de voyage écrits pour soi et pour les autres ils permettent à ceux qui ne peuvent partir de voyager quand même...
Mais je ne partage pas ton optimisme sur l'ouverture d'esprit elle n'est malheureusement pas automatique...

AmauryWatremez

avatar 05/07/2013 @ 22:13:23
"et il faut croire en celui qui l'a Ecrit ; la transmission se fait et c'est déjà beaucoup.."
Sans acrimonie, je note que tu dis exactement le contraire sur le fil où j'évoque ma vie à Jérusalem, mais c'est sûrement que j'ai mauvais esprit...

:-)

Nathafi
avatar 05/07/2013 @ 22:50:15
J'aime assez ta perception du voyage; Tistou... Si je voyageais, j'aimerais aussi vivre cela en immersion avec les gens qui m'entourent et cela me plairait sûrement. Hélas je crains que tout le monde ne vive pas le voyage ainsi, enfin, pour peu que j'en connaisse, ce sont généralement des conditions idéales (hébergement, nourriture, visites programmées...) et rarement "la vraie vie". Alors je doute fort que les esprits de ces voyageurs soient plus ouverts, et le retour du voyage ne consiste qu'à faire état des chambres d'hôtel grand standing et des paysages et monuments photographiés...

"Le voyage comme une thérapie à la bêtise...", tout dépend du-dit voyage en fait.

Pieronnelle

avatar 05/07/2013 @ 23:24:18
Je ne mets absolument pas en doute tes écrits Amaury, je ne mets rien doute dans ce que tu as vécu, de quel droit je n'y étais pas. Je crois que tu ne me comprends pas bien ou j'exprime trés mal mon ressenti. Je me pose seulement la question : est-ce que celui qui vit, qui voit, pris dans des sentiments complexes du fait des bouleversements, et dans une sorte de cirque infernal du fait de l'impossibilité de prendre position, n'a pas besoin aussi d'un regard extérieur pour faire le point? C'est pour moi valable pour n'importe quel voyage ou expérience. Est-ce que ce qu'on constate sur place élimine obligatoirement l'analyse "extérieure". Il est clair que pour moi les deux sont necessaires mais je privilegerai toujours d'aller sur place et de se plonger dans la vie quotidienne ainsi que les contacts directs. J'ai beaucoup voyagé mais je reconnais, même si je ne l'ai jamais fait en groupes mais tout au plus à deux, que si on ne maîtrise parfaitement pas la langue par exemple on passe à côté de bien des choses. Au Yémen j'ai eu des problèmes de communication mais j'ai quand même pu me plonger au coeur de la vie yéménite avec des hommes armés pourtant jusqu'aux dents. Ma plus belle expérience est celle de Cuba où j'ai circulé totalement librement et pu communiquer facilement. Et là l'exemple est frappant, quand je parle de ce que j'ai vu, vécu on me renvoit Castro et sa dictature à la figure et mon témoignage est mis en doute (le fameux regard extérieur!) et il est vrai, que en dehors d'à-priori stupide qui sont à rejeter, les deux regards sont valables...
Ça fait partie de l'art de voyager tout ça. Oui il faut s'interroger sur notre possible non objectivité lorsqu'on est sur place et aussi faire confiance à celui qui écrit...Ce n'est pas incompatible.

Lobe
avatar 07/07/2013 @ 22:21:47
Samedi matin, médiathèque de ************* fermée. Alors je me suis promenée dans le centre-ville. Je suis rentrée dans l'église principale pour la première fois. Belle et déserte. Ensuite je suis allée aux ruines du Château (à deux minutes du lycée où j'ai été pendant trois ans!), j'en avais plusieurs fois parlé avec mon frère. Mais là je suis allée voir. Verdure, vieilles pierres et vue surplombante sur toute la ville. Voyager, un apprentissage.

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