Eric Summer par Spirit, le 2 juillet 2005

Eric Summer est réalisateur et scénariste de plusieurs séries télévisées ainsi que de différents documentaires. Il ajoute une corde à ses multiples activités en écrivant le scénario de la bande dessinée : « ANGELINE ». http://www.gaspachofilms.com/EricSummer/EricSummer.html

Tu as débuté dans la radio (à l’époque des radios libres) et ta carrière est maintenant axée autour du cinéma et de la télévision. Pour quelles raisons t’es-tu lancé dans la bd ?

Il y a trois ans, j’ai eu à Montréal (où je vis) l’idée du personnage d’Angeline et je me suis concentré sur l’écriture d’un scénario de film qui se voulait un « thriller féministe ». L’écriture tout juste achevée, j’ai retrouvé par hasard un copain qui était devenu scénariste de BD : Jean-Charles Gaudin, auteur chez Soleil des séries « Garous », « Marlysa », etc. Je pensais qu’Angeline pouvait faire un bon personnage de BD et qu’adapter mon scénario en BD pouvait m’aider à développer le projet de long métrage. Jean-Charles m’a alors mis en rapport avec son éditeur qui a trouvé l’idée très bonne et a signé pour l’adaptation en BD ! C’était tout à coup un rêve d’enfant qui prenait forme : je suis en effet un grand amateur de BDs, j’en ai environ 6.000 et je ne passe pas une semaine sans en acheter. Mais je n’aurais pas pensé, jusqu’à ce moment, mettre un pied dans cet univers.

Tu es crédité sur le bandeau comme étant l’auteur de l’idée originale, pourquoi avoir choisi la bd plutôt que le roman ?

La raison est assez évidente : la BD me permet de dépeindre assez fidèlement l’univers du film que je souhaite faire : tant au niveau des décors (j’ai fait tous les repérages, et les lieux qu’on voit dans les deux tomes de la BD existent réellement), qu’au niveau de l’expression de la violence (suggérer mais ne pas montrer), qu’au niveau enfin des cadres et du découpage (Juliet sautant du pont de New Olrleans, par exemple). La BD était donc une extension parfaitement naturelle du scénario.

Comment vous êtes vous partagés le travail Adeline Blondieau et toi ?

J’ai écrit le scénario du film, qui s’appelle actuellement « Dark Nights, Brighter Days », le premier titre, « Fuckin’ Day », ayant été jugé trop « hard » par mes producteurs canadiens ! Adeline Blondieau, que j’ai connue en tournant « Sous le Soleil », l’a lu et a adoré l’histoire ; c’est une très bonne scénariste et elle m’a donné d’excellentes idées pour étoffer mes personnages féminins et mon récit. Il m’a semblé logique de l’associer à l’aventure du film, sans savoir alors qu’elle allait se doubler d’une aventure BD !

Tu travailles en ce moment sur le deuxième opus. Prévois-tu un troisième volume ? Ou une autre série ?

Le deuxième opus sera la suite et fin de cette première aventure. Il complète en fait ce qui est le scénario du long métrage. Il sortira fin Septembre et s’appellera « Mississippi Queen ». A la demande de l’éditeur, Adeline et moi attaquerons tout de suite une nouvelle aventure d’Angeline. Nous avons tous deux échafaudé les bases de cette nouvelle histoire qui s’étendra à nouveau sur deux tomes. Je n’aime que moyennement les histoires étirées sur plus de deux volumes. A chaque fois, il faut tout relire depuis le début ! J’aime la formule « Largo Winch » : boucler une histoire sur un ou deux tomes, pas plus !... J’ai aussi deux autres projets chez Soleil. Mais chut !

As-tu eu des difficultés pour trouver un éditeur ?

Trouver l’éditeur a vraiment été simple. Et je suis ravi d’avoir atterri chez Soleil ! En revanche, trouver le dessinateur n’a pas été facile : peu de dessinateurs peuvent s’adonner au style réaliste avec la rigueur que cela implique. C’est entre autres la raison pour laquelle le dessinateur a changé entre les deux premiers tomes d’Angeline : Sébastien Goethals a déclaré forfait et cédé sa place à Serge Fino, qui a fait un remarquable boulot. Que les lecteurs ne s’inquiètent pas, il y a une vraie continuité de style. C’est juste beaucoup mieux !

Le fait de travailler sur un projet personnel ne t’a-t-il pas donné envie d’en faire de même au cinéma ou à la télévision ?

Comme je l’ai dit, Angeline est un projet cinéma. C’est juste un projet lourd et compliqué puisque c’est un film de langue anglaise qui doit se tourner sur le continent nord-américain. On m’a conseillé dix fois d’écrire une bonne grosse comédie pour le marché français. Mais je ne fonctionne pas comme ça. Je fais ce que j’ai envie de faire, sans penser « marketing ». En télé, la marge de liberté est étroite dans l’écriture. Mais pourquoi pas ? Ce n’est juste pas dans mes priorités du moment.

L’univers de l’album est assez violent ; est-ce un choix ou l’histoire imposait-t-elle des scènes aussi dures ?

La violence de l’histoire n’est pas un « choix » dans la mesure où elle s’est imposée d’elle-même. Mais elle ne me paraît pas une violence choquante puisque, comme je l’ai dit, elle se contente de suggérer. La violence est surtout dérangeante quand elle est crue ou trop réaliste. Regardez « Sin City », c’est très extrémiste et pourtant, ça passe très bien car les choix esthétiques sont remarquables. De plus, dans Angeline, il y a un second degré qui aide à faire passer la pilule. Du moins je l’espère !

L’image de l’héroïne est en rupture avec celle des héroïnes de téléfilms Français ; elle est plus proche des Etats-Unis, là où se déroule l’histoire. Penses-tu impossible d’imaginer une telle histoire en France ?

C’est impossible car l’histoire a un contexte beaucoup plus large que la France. Mais on peut bien sûr envisager le même genre d’héroïnes en France. Pas pour la télé mais pour le cinéma. Je ne suis pas un grand fan de « Nikita » mais c’est un film que je respecte et qui avait entre autres le mérite de développer une héroïne très atypique pour le marché français. Les Américains ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils l’ont déclinée au cinéma et à la TV.

La BD en France se porte bien. En est-il de même de l’autre coté de l’Atlantique où tu vis maintenant ?

Le marché de la BD est très différent ici et beaucoup moins développé qu’en France. On pratique peu les belles éditions et on est resté plus sur le concept d’illustré que de livre. Cela dit, le marché en France se porte bien en effet mais il est regrettable que ce soit au détriment de la qualité. Beaucoup de BDs médiocres viennent encombrer les rayons. Et vu que le prix d’un album est de plus en plus prohibitif, je crains que le retour de bâton ne soit quelque peu violent… Là, je parle en acheteur de BDs et non en auteur !

Y aura-t-il une traduction d’ « Angeline » aux Etats-Unis ?

Le scénario est en anglais. Il serait donc extrêmement simple de sortir la BD pour les pays anglophones. Mais là encore, le marché est très différent. Ça reste cependant dans le domaine du possible.

Au niveau de la littérature, quels auteurs lis-tu ? Quels sont les romans qui restent pour toi des repères ?

Je lis un peu de tout, d’Eric-Emmanuel Schmidt à Dean Koontz en passant par Marc Levy ou James Lee Burke… Je n’ai pas de genre de prédilection. J’aime juste les bons bouquins. Enfant, j’ai été fasciné par « Tarzan », d’Edgar Rice Burroughs. « l’Échiquier du Mal » de Dan Simmons m’a aussi profondément marqué. J’ai adoré la plupart des bouquins de Barry Gifford. Un livre dont j’aurais rêvé de faire l’adaptation en film est « Archangel » de Robert Harris mais à mesure que le temps passe, les chances s’amenuisent puisqu’il se base sur l’existence hypothétique du fils de Staline…

Au niveau de tes différentes activités artistiques, ces romans ont-ils eu une influence ?

Sans doute... C’est par exemple de « l’Échiquier du Mal » que vient ma fascination pour l’ambiance de New Orleans et de la Louisiane. Mais mes influences viennent autant de la littérature que de la BD ou de la musique… Le personnage d’Angeline et la trame du scénario me sont par exemple venus en écoutant en boucle le groupe Nashville Pussy et leur CD « Say Somethin’ Nasty ». C’est donc davantage un mélange de tout ce que j’aime qui constitue la source de ma créativité.

Est-il possible d’imaginer qu’un jour tu écrives un roman ?

Je n’ai jamais osé, alors que des amis m’y encouragent régulièrement. Mes synopsis et scénarios sont en effet très imagés. J’ai en ce moment un sujet auquel je tiens, et je me dis qu’il mériterait peut-être que je tente le coup… Mais mon emploi du temps n’est hélas pas extensible ! Il faudra d’abord que je me libère des projets actuels…

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