Jorge Volpi par Arsenic, le 6 janvier 2002

Né au Mexique en 1968, Jorge Volpi est l'auteur de six romans et d'un essai sur l'histoire intellectuelle de 1968. Il est attaché culturel à l'ambassade du Mexique à Paris.

Comment vous est venue l'idée d'écrire ce livre? Vous aimiez la science, vous aviez un intérêt particulier pour la guerre 40-45?

Depuis que je suis tout petit, j'aime la science. Quand on me demandait ce que je voulais faire quand je serais grand, je répondais toujours scientifique. Je ne savais pas très bien ce que cela voulait dire… J'ai beaucoup lu de bouquins scientifiques, mais quand je fus au lycée, j'ai eu de terribles professeurs de sciences et j'ai décidé d'étudier le droit et ensuite la littérature.

Ce n'est pas la même chose du tout!!!

Non, mais j'ai toujours regretté de ne pas avoir suivi une carrière scientifique, donc quand j'ai commencé à écrire, j'ai décidé d'écrire un roman sur le monde de la science pour pouvoir vivre un peu ce monde que je n'ai pas vécu.

Donc, comme je ne suis pas scientifique de formation, j'ai dû faire beaucoup de recherches, mais c'est cela qui m'amusait. Et pendant trois ans, j'ai seulement fait des recherches, en lisant sur l'histoire de la science, sur la science elle-même, des biographies de scientifiques, etc., pour que mon livre soit vraisemblable.

Au début, je ne savais absolument pas dans quelle période j'allais situer mon roman. Et puis, je suis tombé sur cette coïncidence formidable entre la découverte de la mécanique quantique et le moment où elle fut découverte, c'est-à-dire la première moitié du XXe siècle, plus précisément entre la fin de la première guerre mondiale et la fin de la seconde. C'était la première fois, en ce qui concerne la mécanique quantique, que la science a incorporé le hasard dans la connaissance scientifique. Et puis, il y a l'incertitude. Cette découverte fut faite pendant que l'incertitude la plus totale régnait en Allemagne, morale, politique, sociale, etc. Pour moi, cette coïncidence entre le hasard introduit dans la science et l'incertitude du monde, m'a décidé à écrire mon roman sur ces moments particuliers de l'histoire de la science.

J'ai l'impression qu'il y avait de nombreux scientifiques à cette époque. Ainsi que de nombreuses découvertes importantes. C'est un peu moins le cas aujourd'hui…

Il y a moins de découvertes importantes, ou en tout cas elles sont moins nombreuses. La première moitié du XXe siècle compte de très nombreux scientifiques, génies formidables.

En parlant d'Heisenberg, vous dites qu'on "lui avait tout pardonné, comme si le fait d'être un génie équivalait obligatoirement à être innocent". Est-ce que vous pensez que ce fut beaucoup le cas dans l'Histoire, qu'on a pardonné beaucoup au nom de la Science?

Oui, je crois que c'est possible. À la fin de la guerre, Heisenberg pensait qu'il pouvait négocier avec les alliés parce qu'il était un scientifique et qu'il avait une connaissance de la science très importante, et je crois que quelquefois la science permet beaucoup de choses.

Oui, mais il y a beaucoup de gens qui pensent qu'au nom de la science, on peut se permettre n'importe quoi. Que pensez-vous de cela?

Pour moi, écrire ce roman a aussi été une opportunité de montrer les dilemmes moraux des scientifiques et les problèmes que représente la connaissance scientifique, avec son rapport avec le pouvoir politique et le mal. Quelques scientifiques pensent que leur unique tâche, c'est la découverte scientifique et peu importe les moyens qu'il leur faut pour y parvenir. Mais il y a aussi les autres, ceux qui pensent tout le contraire. C'est très intéressant de voir quelle est la différence de pensée des scientifiques dans chaque cas particulier.

Ce fameux conseiller scientifique, Klingsor, a-t-il vraiment existé ou bien s'agissait-il de plusieurs scientifiques?

En fait, Klingsor est le produit de mon imagination, mais il existait un conseil de la recherche scientifique de Hitler. C'était un groupe de scientifiques et aussi de membres de l'armée, et qui étaient vraiment les conseillers scientifiques de Hitler. Ce que j'ai fait, dans mon roman, c'est de rassembler ces conseillers pluriels en un seul personnage mystérieux.

Y a-t-il un autre sujet sur lequel vous aimeriez écrire, tout à fait différent?

Je suis en train d'écrire un nouveau roman qui fera partie d'une trilogie. Il s'agit de nouveau d'un mélange de personnages historiques et de personnages de fiction, mais le sujet n'a rien à voir.

J'ai aussi le projet d'écrire un roman sur le monde de la musique, que j'aime beaucoup.

Votre envie d'écrire vous est venue comment?

Au lycée, je voulais être philosophe - après avoir été dégoûté de la science par mes professeurs! - mais j'avais un ami à l'époque qui était fou de littérature, qui écrivait des poèmes et m'a encouragé à écrire ma première nouvelle. Je l'ai écrite pour un concours et j'ai gagné le troisième prix! Ce prix était très célèbre parce qu'il avait été gagné auparavant par Carlos Fuentes qui avait été étudiant dans ce lycée-là. J'ai donc décidé de devenir écrivain, comme mon ami d'ailleurs!

Vous faites cependant d'autres choses, puisque vous êtes attaché culturel à l'ambassade du Mexique à Paris?

Oui, j'ai habité pendant quatre ans en Espagne, où j'ai fait un doctorat. Ensuite, j'ai enseigné pendant deux ans aux États-Unis, et maintenant à Paris que j'aime beaucoup. J'aime changer.


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