Joséphine Dedet par Arsenic, le 1 août 2001

Après un diplôme de l'Institut des sciences politiques et un troisième cycle de droit, Joséphine Dedet, fille de l’écrivain Christian Dedet, s’est tournée vers l'écriture et le journalisme.


Qu'est-ce qui vous a amenée à écrire sur Alexandre et Roxane ?
Cela faisait plusieurs années que je pensais à ce sujet. J’avais lu une biographie d’Alexandre (de Benoît Méchin), qui m’avait beaucoup plu. Roxane apparaissait, fatalement, puisqu’elle était la femme d’Alexandre, mais son personnage restait très secret, très énigmatique ; on n’en parlait presque pas, on savait simplement qu’elle était très belle et était la fille d’un satrape de Perse, dans ce qui est aujourd'hui l'actuel Afghanistan.

Un satrape, c’est une sorte de gouverneur de province, en fait ?
Oui, c’est ça. L’empire perse fonctionnait comme ça et Alexandre a maintenu le système en place. Au début, il plaçait des satrapes macédoniens et après, il a eu un geste politique assez étonnant, il a laissé en place des satrapes perses qui lui faisaient allégeance et reconnaissaient son pouvoir. Et donc, il a épousé Roxane en signe de réconciliation également avec le peuple qu’il avait vaincu.
Tout ce qu'on avait écrit sur Alexandre concernait plutôt sa vie publique, ses conquêtes, et très peu sa vie privée. C'était un personnage ambivalent, justement sur le plan sexuel, puisqu’il aimait également les hommes.

Vous parlez d'un geste de réconciliation, mais si ça avait été uniquement cela, il aurait épousé directement la fille de Darius, Statyra, ce qui aurait été un plus grand geste.
Justement, là, ce qui est singulier, c'est qu’il a mêlé l’amour et la politique, parce qu’il est tombé très très amoureux de cette femme dont on dit qu’elle était extraordinairement belle. Son nom, Roxane, signifie l'.blouissante, et elle avait un teint très lumineux et était – paraît-il – la plus belle femme de l’empire, après la femme de Darius qui était la plus belle femme du monde de l'époque… Alors, il est vrai qu'Alexandre a épousé Statyra plus tard, mais elle était loin d’être aussi belle que sa mère et c’était simplement un acte politique, il ne l’aimait pas.

Pourquoi avoir choisi le style " mémoires " ?
Alors, oui, effectivement, c’est à la première personne, mais ça s’est imposé tout de suite ; il m’a semblé qu’ainsi je me mettais vraiment dans la peau du personnage. J'ai dû complètement créer ce personnage de Roxane dont on ne sait absolument plus rien aujourd'hui. J’ai dû lui insuffler une vie, une âme, un caractère. c’est pour cela que c’est un roman. Et c'est sûrement plus naturel à la première personne.

Avez-vous fait beaucoup de recherches ?
Oui, ça représente deux ans et demi de travail. Il y a toutes les recherches historiques factuelles, et dans la somme des documents qu'on trouve, il faut beaucoup mettre de côté, parce que mon but n'était pas d'écrire une thèse, mais un roman ! On garde les paysages, les dates, les faits les plus marquants et moi, j’ai vraiment reconstitué complètement le personnage de Roxane dont on connaissait seulement la beauté. Les circonstances de leur rencontre sont par contre complètement exactes, c’est bien ainsi qu’Alexandre et Roxane se sont rencontrés.

Comment on a su alors qu'Alexandre était tombé amoureux, y avait-il des textes ?
On en parle dans les chroniques de l’époque.

Et le caractère de Roxane, le fait qu'elle soit triste, fâchée de ne pas voir plus souvent son mari, vous avez inventé tout cela ?
Oui, bien sûr, c'est complètement inventé, mais c’est aussi tout à fait plausible, parce que Roxane voyage beaucoup et qu’elle suit les hommes dans des convois peu confortables. Et puis Alexandre, même s’il aime beaucoup sa femme, reste un chef d'armée et il est très proche de ses troupes. Elle est la seule femme parmi eux et donc on peut tout à fait imaginer qu'elle ait eu ce sentiment de solitude et un peu de déprime. Solitude de femme, de reine et de perse au milieu d’" étrangers ".

Et Héphestion, quelles était ses relations avec Alexandre et Roxane ? Vous laissez planer beaucoup de doute…
Il y a beaucoup de manuscrits qui ont été perdus, mais qui ont été repris par des chroniqueurs, des historiens de l'époque. Il y a des choses qui reviennent souvent dans les textes, notamment qu’Héphestion est effectivement son ami d'enfance, qu'ils sont très proches et qu'ils se ressemblent physiquement. Et moi, dans le roman, j'ai joué de cette ressemblance pour intégrer Roxane dans le duo Alexandre-Héphestion, et en faire un trio.
Quand Héphestion est mort, Alexandre a perdu le goût de vivre. D'ailleurs, avant que Roxane ne tombe enceinte, Héphestion était son héritier.

Et l’homosexualité d’Alexandre, est-ce finalement une légende ou bien est-ce un fait certain ?
On ne peut être sûr de rien, mais il y a de grandes chances pour que ce soit le cas. D'abord, c’était une pratique courante chez les Grecs de l’époque, et ensuite, il ne faut pas oublier que toute cette armée était loin de chez elle depuis 12 ans et, à part quelques prostituées de temps et temps et quelques viols, ces hommes n'avaient qu’eux-mêmes pour se soutenir.

C'est votre deuxième livre (le premier étant Géraldine, reine des Albanais) sur une même région, vous avez un goût particulier pour l'Orient ?
Oui, l'Orient me fascine, mais j'ai surtout un goût particulier pour l'Histoire. Roxane est bien sûr un roman historique, mais pour moi, c'est surtout un roman, parce que mon personnage se suffit à lui-même. Sa personnalité, son caractère sont très personnels…

Oui, on peut dire qu'elle a un sacré mauvais caractère.
Elle a un caractère très fort, et j’ai voulu créer un personnage qui puisse s’affirmer par rapport à Alexandre qui est quand même une figure écrasante. Je ne voulais pas d’un personnage fallot à côté, mais plutôt quelqu’un de vivant, de sensuel.

Avez-vous beaucoup voyagé là-bas ?
Je n’ai pas suivi le périple d’Alexandre, non. Je pense qu’il vaut mieux le faire après avoir écrit qu’avant, parce que sinon ma vision aurait pu être déformée.
J'étais beaucoup plus inspirée en lisant. On vit les lieux, les paysages de manière beaucoup plus intense quand on les imagine (pour l’écrivain en tout cas).


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