Plaisir des sens

Cet album appartient à la collection "Art y es-tu?" des éditions genevoises Quiquandquoi, réalisée en collaboration avec la Cellule pédagogique du Bâtiment d’art contemporain de Genève (BAC).
Je connais les activités du BAC, un travail pertinent et original qui peut surprendre ou laisser complètement de marbre si on n’arrive pas à entrer dans le mouvement (et ça arrive souvent, rien de plus hermétique que l’art contemporain). Pour avoir participé à des ateliers d’art contemporain avec des enfants, je trouve le concept de ce livre sympathique et utile. C’est vrai qu’au premier abord, on peut se sentir désarçonné devant les étranges mixtures qui s’offrent à nous ou les amalgames qui sont faits entre les matières comestibles et le reste.

Ce livre est intéressant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il fait prendre conscience des matières, de leur aspect visuel mais aussi palpable. Un œuf, quoi de plus commun qu’un œuf pourrait-on penser. Et pourtant, lorsqu’on le voit agglutiné, gluant et tout, donne-t-il encore envie d’être mangé ? (avec ou sans ketchup). J’aime cette notion de matière primaire, d’essence même des éléments qu’on peut ainsi décortiquer les uns après les autres.
Puis le mélange, l’alchimie, toutes les combinaisons possibles. Nous avons tous un jour essayé de mélanger les couleurs et poussé un cri de plaisir devant les résultats obtenus. Pourquoi ne pas agir de la même façon avec les matières, reculant les limites de l’hésitation ou du dégoût pour se prêter à un jeu créatif ouvrant les portes des sensations (manque l’aspect olfactif M’sieur John, mais je sais, on ne pouvait pas :)
Quand je suis avec les petits et qu’ils obtiennent l’autorisation de plonger les mains dans la peinture, c’est le sourire qui vient aux lèvres. Si l’exercice se modifie et qu’on remplace la peinture par de la boue, le sourire est là, mais plus hésitant. La boue c’est sale mais c’est tellement amusant et ça a un petit côté interdit qui plaît. Perfectionnons ensuite en remplaçant la boue par de la viande hachée ou de la gélatine (au diable l’éternelle pâte à modeler) et là, c’est clair, je reçois d’abord une grimace avant un sourire. En demandant aux enfants de fermer les yeux et de me parler de leurs impressions, des sensations ressenties, de l’imaginaire que ça peut ouvrir chez eux, avec un peu de temps et d’encouragement, les résultats sont étonnants. Tous n’accrochent pas de la même façon, c’est sûr, mais dans l’ensemble, c’est à chaque fois un plaisir partagé, un monde de découvertes en tous genres.

Ce bouquin, pour moi, c’est un peu ça, avec l’aspect ludique et didactique mélangés, une invitation au dépassement de ses appréhensions (et un petit tout seul, peu de chance qu’il aime du premier coup si on ne l’y encourage pas, il se détournera car ces amalgames ne font pas partie des repères).
Bref, vous l’aurez compris, c’est un livre que j’aime car il est constructeur d’autre chose, ce n’est pas un simple ouvrage à feuilleter, il demande de l’ouverture et de l’investissement que nous ne sommes pas toujours prêts à fournir. Avec un clin d’œil à Quiquandquoi, sympathique maison d’édition genevoise qui sort des sentiers battus.

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  L'ornithorynque, la mangouste et les trois canards de John Armleder

  de Armleder, John
  Quiquandquoi / Divers
  ISBN : 9782940317097 ; 34,14 € ; 14/11/2002 ; 38 p. ; Album

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