Nature ?

'Nous avons déja tellement pompé de gaz dans l'air qu'une augmentation significative en température, avec ses conséquences sur le climat, est inévitable. Le pas franchi est permanent.'

Et ?

Publié en 1990, 'La Nature assassinée' de Bill McKibben est intéressant à plus d'un titre. Ecrit à une époque où l'effet de serre et le réchauffement climatique faisaient leurs entrées fracassantes dans les médias grands public et étaient, encore plus qu'aujourd'hui, sujets au scepticisme l'essai de McKibben frappera non seulement par sa prescience mais, aussi, par sa théorie originale : la fin de la Nature telle que nous la concevons.

D'une acuité fascinante l'auteur y prédit en effet les risques terribles des effets nocifs de nos sociétés industrielles pour l’environnement -des risques qui sont, malheureusement, devenus une triste réalité de nos jours (dérèglement climatique, multiplication des inondations, tsunamis de plus en plus violents, prolifération de certaines conditions et maladies -allergies, asthme, cancers etc.). Il y avance surtout l'idée que nous sommes à une période cruciale qu'il nomme 'la fin de la Nature' -la Nature 'assassinée'.

Alors attention ! Il ne s'agit pas d'une vision apocalyptique où l'ensemble de la planète se meurt horriblement à cause des activités humaines. Son idée est beaucoup plus subtile. Il s'agit en fait de notre conception même de 'nature' qui est sujette à un bouleversement dans les esprits.

Si, pour les générations qui nous précèdent 'nature' est souvent associée avec des concepts comme 'sauvage', 'vierge', dissociés de la civilisation humaine au point d’être un environnement à part où ses empreintes sont absentes, pour les plus jeunes et les générations futures l'idée de nature sera en effet tout autre. Pour lui deux facteurs aident à expliquer cette évolution : d'une part le fait que l'homme a exploré, peuplé et exploité jusqu'aux coins les plus reculés de la planète et, d'autre part, le fait que des cieux aux sols de territoires pourtant encore considérés comme étant 'vierges' l'impact des activités humaines se fait bel et bien sentir, comme tout un chacun maintenant ne le sait que trop bien (Rachel Carson l'avait, par exemple, déjà démontré dans son incontournable 'Printemps Silencieux').

Alors, Bill Mackibben, certes, regrette la fin d'une certaine idée de nature. Peut-être est-ce parce que je suis d'une génération différente mais j'ai d'ailleurs parfois trouvé ses propos larmoyants sur fond de condamnation (nuancée, il est vrai) de nos sociétés matérialistes modernes un peu irritante. Cela dit, ce qui est avant tout mis en avant ici sont les conséquences d'une telle fin, d'un tel assassinat.

D'abord, si l'on ne peut pas trop prédire ce qu'englobera réellement le concept futur de 'nature' il n'en reste pas moins qu'il aura certains traits pour nous encore déstabilisants. Par exemple, l'imprévisibilité chaotique de phénomènes naturels là où, avant, nous pouvions être assez dépendants de ces dits phénomènes (les changements de saisons ou climatiques pour l'agriculture, par exemple).

Ensuite parce que, quelles que soient les solution avancées pour limiter nos effets nocifs sur l'environnement (et je vous laisse découvrir les idées d'alors pour réduire l'impact du trou dans la couche d'ozone !) ces solutions ne peuvent reposer que sur nos progrès scientifiques et technologiques. Suivent alors d'intéressantes réflexions sur la place de l'ingénierie génétique qui, en plus d’être elles aussi très pertinentes, finissent ainsi par boucler la boucle : celle-ci témoigne en effet à merveille de l'évolution de notre idée de ce qui est 'naturel' et de ce qui ne l'est pas (pensons au secteur alimentaire) et, au-delà, de ce qu'est la nature elle-même.

Pour qui sait faire fi de son admiration démesuré pour les modes de vie à la Walden ou, encore, ses doutes et regrets face à un monde en pleine tourmente écologique, 'La Nature assassinée' est donc un livre fascinant qui ne manquera pas de laisser songeur. Incontournable ?

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  La Nature assassinée [Texte imprimé] Bill McKibben adapt. française d'Éric Conan avec la collab. d'Anne Etcheverry

  de McKibben, Bill
  Fixot
  ISBN : 9782876450691 ; 3,13 € ; 15/03/1994 ; 272 p. ; Broché

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