Les jésuites

Ce livre est une enquête sur l'ordre religieux le plus décrié et admiré à la fois, il y a vraiment matière à passionner celui qui comme moi s'intéresse à la spiritualité ignacienne et surtout au formidable essor de la compagnie dans le domaine de la justice sociale dans les années 1980.

L'auteur passe en revue sans s'attarder longuement l'histoire des jésuites, qui débute avec Saint Ignace de Loyola dans les années 1500. On rappelle les grands épisodes glorieux des missions étrangères en Asie, Amérique du nord et bien sur en Amérique du Sud avec les célèbres "réductions" (cfr le film mission). La question essentielle de l'inculturation, qui date déjà de l'époque de Mattéo Ricci et la querelle des rites, est très intéressante et révélatrice de comment les jésuites ont souvent été progressistes et en avance sur leur époque.

La plus grosse partie du livre est consacrée à la période qui débute en 1965 avec le père Pedro Arrupe qui est élu supérieur général. La compagnie ré-oriente son action vers la justice sociale et l'option préférentielle vers les pauvres. Qui dit justice sociale dit nécessairement engagement politique, et ce sera l'objet d'une querelle très dommageable entre le "pape blanc" (Paul VI d'abord, Jean-Paul I et II ensuite) et le pape noir (Pedro Arrupe). Les jésuites avaient compris que pour promouvoir la justice en Amérique du Sud, il fallait arrêter de former les élites (rôle traditionnel des jésuites) car ces élites ne faisaient que perpétuer un modèle inégalitaire et injuste. D'où l'idée de l'option préférentielle pour les pauvres. Une option courageuse, qui coûtera beaucoup de martyres (le massacre des six jésuites à la tête de l'université du Salvador par les escadrons de la mort est un triste épisode parmi beaucoup d'autres) . Ce qui est très frappant, avec le recul, c'est de voir comment la droite avait une telle phobie du communisme qu'elle en est arrivé à massacrer des prêtres et engager une guerre totale contre tout ce qui ressemble à du marxisme. Et bien sûr, les intérêts géopolitiques des US en Amérique du Sud. L'auteur précise que les campagnes de dénigrement à l'encontre des théologiens de la libération furent particulièrement virulentes en France (le Figaro magazine). Il est à noter aussi que c'est la phobie des papes romains à l'encontre de l'idéologie athée communiste qui leur a valu une certaine connivence avec le fascisme. Finalement, et c'est très triste, on se rend compte que tout est politique dans nos sociétés, que les hommes ne peuvent pas s'arrêter de comploter, de se nuire, de lutter pour le pouvoir.

Mais la théologie de la libération ne fut pas la seule pierre d'achoppement. Depuis 1965, l'ordre s'est souvent trouvé fort en avant sur des sujets comme l'avortement, le contrôle des naissances, et autres questions de morale. Tout comme les jésuites furent souvent en avance dans les sujets scientifiques (cft Teilhard de Chardin). Ce progressisme causera souvent des heurts avec la Sainte Eglise.

A côté de ces épisodes dramatiques, le livre relate d'autres moins connus, comme la vie clandestine des jésuites dans les pays de l'Est, sous le communisme. Et toujours dans le domaine de l'action sociale, les épisode des prêtres ouvriers et de l'Action populaire est relaté.

Après Pedro Arrupe, les jésuites ont élu comme superviseur Kolvenbach qui a poursuivi dans la même ligne. Les problématiques de l'inculturation au tiers-monde et en Asie sont toujours des points important. Les jésuites s'impliquent toujours dans la justice sociale, notamment à travers le "Jesuit refugee Service". Malheureusement le livre se termine en 1990, il faut aller dans d'autres sources pour suivre les tribulations que j'espère les plus longues possible des compagnons de Jésus.

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  Les Jesuites : Histoire de pouvoirs

  de Woodrow, Alain
  J.-C. Lattès / Lat. histoire
  ISBN : 9782709602884 ; 1,53 € ; 01/01/1984 ; 349 p. ; Broché

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