Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons de Konrad Lorenz

Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons de Konrad Lorenz
(So kam der Mensch auf den Hund)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Divers

Critiqué par Eric Eliès, le 21 janvier 2012 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 8 étoiles
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Un livre simple, rempli d'anecdotes et d'enseignements

Ce livre de Konrad Lorenz est sans aucun doute l'une de ses oeuvres les plus accessibles, car écrite pour le grand public afin, notamment, de le sensibiliser aux difficultés et aux problématiques de la possession d'animaux apprivoisés. Lorenz insiste sur la nécessité de préserver la dignité d'être vivant de l'animal et dénonce la détention d'animaux privés de la liberté de mouvement et d'action propre à leur espèce. En conséquence, Lorenz donne des conseils sur le choix des animaux domestiques, qui doivent être des espèces robustes (car aucun propriétaire ne peut s'occuper à plein temps de son animal) et acceptant "naturellement" les conditions de captivité en appartement ou en maison. Les besoins spécifiques des oiseaux sont parfois subtils et ne peuvent être connus du grand public : par exemple, Lorenz recommande, pour un citadin désireux de posséder un oiseau, de choisir entre le bouvreuil, le serin, ou l'étourneau mais "interdit formellement" le perroquet encagé et, surtout, le pinson qui panique à tout mouvement un peu brusque survenant dans son entourage... Certains détails peuvent heurter notre sensibilité car Lorenz recommande parfois de capturer l'oisillon au nid (dans le cas d'espèces bien déterminées), afin de provoquer la création d'un lien de relation personnel entre l'oiseau et son propriétaire. Lorenz fait aussi d'intéressants commentaires sur le comportement des chiens, en distinguant entre les chiens descendant du loup et les chiens descendant du chacal doré, qui sont les plus nombreux car les plus sociaux, en insistant d'ailleurs sur la dépendance affective du chien vis-à-vis de son maître et la monstruosité que représente, pour un chien, l'abandon de son maître.

Néanmoins, le livre de Lorenz n'est pas qu'un manuel à l'usage des propriétaires d'animaux. Il contient de nombreux faits d'observation qui ont permis à Lorenz de théoriser et d'étayer sa conception du comportement instinctif (cf ma critique des 3 essais sur le comportement). Il fourmille également d'anecdotes sur la vie de Lorenz avec ses animaux et leurs interactions avec sa famille et son voisinage. Il n'était pas de tout repos d'être le voisin de Lorenz ! Ces anecdotes sont souvent amusantes :
* un ami de Lorenz essayant de "parler" à des oies mais en langage "coin-coin" de canard, provoquant l'hilarité de Lorenz...
* Lorenz se déguisant (en père noël, etc.) pour manipuler ses corbeaux car le corbeau attaque, par comportement automatique instinctif, tout être vivant non corbeau qui s'empare d'un congénère. Or tout corbeau qui a attaqué le même individu plusieurs fois finit par l'assimiler à un ennemi ; aussi Lorenz ne devait pas être reconnu de ses corbeaux...

Certaines anecdotes sont aussi troublantes, en révélant le niveau insoupçonné d'individuation des animaux et leurs capacités à identifier un autre individu, et à se comporter spécifiquement envers lui. Plus que celles relatives aux animaux "supérieurs" (ex : le choucas Tchok, l'oie Martina, le corbeau Roa, etc.) avec lesquels Lorenz a su nouer une véritable relation d'intimité, ce sont celles concernant des espèces jugées sans intelligence qui m'ont le plus frappé. Lorenz rapporte ainsi le comportement exceptionnel d'un poisson-bijou, qu'il n'avait pu nourrir de la journée. Ces poissons forment des couples qui construisent un nid, dans lequel, chaque nuit, ils rassemblent leurs "enfants" qui nagent dans la journée autour du nid. Pour ce faire, la mère se met au-dessus du nid et appelle les "enfants" par des mouvements ondulatoires tandis que le père les pousse et si besoin prend dans sa bouche (ie il les gobe sans les avaler) les retardataires et/ou les récalcitrants pour les porter jusqu'au nid. Un jour, alors que les poissons n'avaient pu être nourris, Lorenz et ses étudiants donnèrent très tardivement de la nourriture aux poissons, qui avaient commencé à rassembler les "enfants". Le père, affamé, se jeta sur les morceaux de vers, qui emplissaient largement sa bouche, lorsqu'il vit soudain un de ses "enfants" qui nageait, solitaire. Il le ramassa aussitôt dans sa bouche, déjà pleine de nourriture. Lorenz vit alors le poisson se tétaniser, comme s'il était véritablement en train de réfléchir : après quelques secondes, il s'approcha du fond de l'aquarium, régurgita délicatement tout ce qu'il avait dans la bouche, puis mangea les morceaux de ver sans cesser de fixer de l'oeil son "enfant", posé immobile sur le sol. Une fois son repas fini, il prit "l'enfant" dans la bouche et le ramena au nid.

Nota : la couverture est celle de l'édition que je possède (J'ai lu) et non celle de la dernière édition (Flammarion). Il se peut que le texte ait été revu entre les deux éditions car les titres originaux, entre celui de J'ai Lu "Er redete mit dem Vieh, den Vogeln und den Fischen" et celui mis en tête par C-L, diffèrent.

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