La planète Fleur de John Boyd

La planète Fleur de John Boyd
(The Pollinators of Eden)

Catégorie(s) : Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Kaftoli, le 2 juillet 2011 (Laval, Inscrit le 29 mai 2010, 58 ans)
La note : 7 étoiles
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Le pouvoir des fleurs :)

Le romancier américain, John Boyd (Boyd Bradfield Upchurch), publie en 1969 La planète Fleur, un roman de science-fiction qui projette le lecteur au XXIIIe siècle: quelque quatre cents ans séparent l'univers imaginé et le monde contemporain de Boyd, en plein cœur du mouvement Flower Power. C'est un peu comme si on retraçait le texte d'un penseur du XVIIe siècle qui imagine ce que nous sommes devenus aujourd'hui: j'aime bien m'imaginer ce qu'ils auraient vu de nous. Je parie qu'on n'aurait pas imaginé toute cette architecture, cette structure sociale, ces nombreux appareils technologiques qui font partie de notre quotidien. Peut-on reprocher à Boyd d'avoir mal évalué le futur ? Je ne crois pas. Qui revoit aujourd'hui des épisodes de Cosmos 1999 sourit en voyant ces appareils lourdauds et ces panneaux lumineux complexes. La planète Fleur a le même charme vieillot.
En quelques mots, l'histoire de Planète Fleur se passe essentiellement sur Terre, aux États-Unis. Au centre de cette proposition, le narrateur suit le cheminement de Fréda Caron, une cytologiste dont le fiancé, Paul Theaston, est resté sur la planète nommée Fleur. Celui-ci lui fait porter un message par un jeune et bel assistant, Hal Polino: il l'attend sur Fleur. D'ici à ce qu'elle puisse partir avec une prochaine expédition, Fréda pourra prendre soin du cadeau qu'il lui offre: une étrange tulipe qui a la capacité d'émettre des sons. Avec l'aide de Polino, Freda étudie la fleur extraterrestre. Or, la plante se reproduit à une grande vitesse, et le couple scientifique découvre avec stupéfaction sa faculté à adapter l'environnement à ses besoins. Au fil des premiers chapitres, Fréda se révèle une femme forte qui découvre peu à peu sa sexualité. Au départ froide, elle devient sensible aux charmes de Polino, aura sa première relation sexuelle avec un haut gradé Hans Clayborg, puis développera une attirance toute maternelle envers les tulipes qui envahissent les serres de l'institut de recherche pour laquelle elle travaille. Le tout culminera par une fusion avec une autre plante, sur Fleur. Étrange ? Certes. Mais le symbole de la fusion de la femme avec la nature, de la symbiose parfaite qui ne peut avoir lieu que sur une autre planète n'est pas dénué d'intérêt.
Le roman de Boyd est marqué par son époque, époque où le mouvement hippie prônait la liberté sexuelle et où les fleurs devenaient l'icône de la non violence. N'a-t-on pas parlé de Flower Power ? Ici, l'expression prend son sens littéral. Le pouvoir des fleurs est surprenant: ces dernières sont dotées d'une intelligence et peuvent communiquer entre elles. De plus, elles peuvent se défendre contre quiconque veut leur nuire. Il y aurait toute une étude à faire sur le lien entre l'époque et ce roman.
Toutefois, au-delà de ces liens socioculturels évidents, il en est d'autres qui font aussi sourire. Imaginer ce que sera le monde dans quatre cents ans, à la fin des années soixante et l'imaginer à partir d'aujourd'hui, cela donnera deux résultats complètement différent, vous vous en doutez bien. Dans le roman de Boyd, la "petite" technologie a bien peu évolué comparée à la "grande". En effet, dans ce monde imaginé, il est possible de voyager d'une planète à l'autre, sans que cela ne pose trop de problème technique. L'homme du XXIIIe siècle a même pu "coloniser" quelques planètes. En tout cas, l'exploration spatiale bat son plein. Pourtant, l'ordinateur est encore un instrument qui fascine: le narrateur en parle un peu comme le narrateur vernien s'émerveille des possibilités de l'électricité ! Pourtant, bien des objets, aujourd'hui familiers, n'ont pas été imaginés par l'auteur. Par exemple, pour étudier les tulipes, il importe de les filmer. Or, quand Polino demande un appareil à Fréda pour ce faire, il semble que cela soit complexe : " Avez-vous dans votre réserve un appareil de prises de vues ? [demande Polino]. -- Non. Il me faudrait en réquisitionner un à l'atelier de photographie mais il n'est pas encore ouvert. -- Je vais en réquisitionner un en douce, fit Polino". Puis après s'être rapidement procuré un appareil, le jeune assistant revient pour "braquer l'objectif de la caméra sur le sac ovarien encore fermé et [adapter] à l'appareil la prise de son." (p. 156)
Mieux encore, ce sont toutes les étapes qu'il faut franchir pour expédier un simple formulaire. Souvenons-nous que, en 1969, IBM venait à peine de révolutionner le monde de la dactylographie avec sa "machine à boule" (c'est une boule qui se déplace au lien de tout le chariot). Ainsi à la lecture d'une scène comme celle-ci, le lecteur familier au I-Pad ne peut que sourire: "Avec quinze cents dollars on pouvait acheter des tonnes de papier carbone. […] Tandis qu'elle établissait le brouillon de la demande qui serait ensuite tapée par sa secrétaire, Fréda se rappela que Peter Henley lui avait dit entre autres que les tulipes […] l'avaient manipulée."
Boyd a publié une douzaine de romans. Planète Fleur est son deuxième.


Un extrait rigolo :
Dans cette scène, Hans Clayborg séduit Fréda Caron, en la faisant boire. Après quelques verres, Hans et Fréda sont un peu ivres. Hans a expliqué à Fréda, qui se dit allergique au moindre attouchement, que l'alcool devrait la libérer de ses inhibitions.
"Lorsqu'elle revient près de lui, elle constata qu'il luttait lui aussi pour retrouver son centre de gravité.
- J'ai contrôlé mes calculs à la lumière de la lampe du bar et je crains que vous n'ayez dépassé votre maximum. De plus je ne supporterai pas de voir un serveur entrer dans votre chambre. Je serais capable de sauter par la fenêtre, et seize étages, c'est une longue, longue chute.
- Dans ce cas, suivez-moi, mon petit bonhomme. Mais il existe un règlement pour pénétrer dans ma chambre… Les fausses dents n'y sont pas admises. Alors, enlevez votre dentier. Au fait, Hans, comment avez-vous perdu vos dents ?
Soucieux de se plier à ses moindres désirs, il prit sur la table le sac à main de la jeune femme, y glissa son dentier et dit simplement:
- Je me suis retrouvé un jour en état de nette infériorité.
Ce fut un étrange intermède que ne précéda ni appréhension, ni attente, ni curiosité. Quelque part près du plafond flottait le docteur Caron qui observait d'un œil clinique le crabe qui progressait de biais vers Fréda, émettant des sons qui rappelaient les rauques aboiements d'un phoque.


Quelques références:
Une critique de Jean-Pierre Andrevon, mise en ligne le 15 janvier 2002 http://noosfere.com/icarus/livres/…
Biographie en anglais de John Boyd : http://bookrags.com/biography/…
Un fan: Benjamin Berton : http://livres.fluctuat.net/blog/…

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Les éditions

  • La planete fleur
    de Boyd, John
    Denoël / Présence du futur
    ISBN : 9782207301401 ; 4,48 € ; 21/03/1975 ; 254 p. ; Poche
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