Le paradoxe amoureux de Pascal Bruckner

Le paradoxe amoureux de Pascal Bruckner

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Fabrice ROUDERIES, le 30 décembre 2009 (Inscrit le 9 juin 2009, 49 ans)
La note : 8 étoiles
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Une oeuvre plaisante quoique tiède sous certains aspects.

L’auteur, philosophe contemporain, s’était déjà essayé au vaste sujet de l’amour en 1977 avec un autre philosophe non moins célèbre : Alain Finkielkraut.
Tous deux âgés alors de 28 ans tiraient les premiers enseignements de la libération sexuelle des années 60 et 70 au travers d’une œuvre cosignée "Le nouveau désordre amoureux".

Plus de trente ans après, au travers de cet essai, subtil mélange de philosophie, de sociologie, de psychologie et de littérature, Pascal Bruckner procède à une succession d’analyses pertinentes des relations amoureuses dans notre société en montrant que l’amour se nourrit des différents paradoxes de l’humanité.

Je dois reconnaître à l’auteur, non seulement une clarté dans le raisonnement mais également une finesse et une élégance dans l’écriture qui en font un véritable amoureux de la langue française.
Le rythme du livre est également agréable car, le raisonnement et l’analyse fondamentale sont ponctués régulièrement de brefs encadrés thématique digressifs permettant au lecteur une pause dans la réflexion tout en restant dans le sujet. C’est ainsi que seront abordées des questions comme "qu’est-ce qu’un ex ? "; "la séparation", "la prostitution", "la scène de ménage" et d’autres thèmes plus surprenants comme "la politisation du lit conjugal" ou encore "l’empire de la pétasse".

Sur le fond, Bruckner commence par faire un bilan critique de la libération des mœurs : « Les années 60-70 ont laissé à ceux qui les ont vécues le souvenir d’une immense générosité mêlée de candeur et de sottise abyssale » ; il dénonce le règne orgasmique qui lui a succédé mais considère tièdement qu’à cette révolution sexuelle « certains acquis restent incontestables », notamment les acquis de l’amour libre.
Il y a déjà là un paradoxe, Brucknerien cette fois, à dénoncer les effets ravageurs d’une révolution tout en en conservant ses principes fondamentaux… cela étant on a déjà vu ça après la révolution de 1789.

Il souligne ensuite le paradoxe schizophrénique de notre époque hyper sentimentale, qui « prêche à la fois jouissance et méfiance », « attachement fatal et libre disposition de soi ».

A chaque contradiction il tente une réconciliation, une compromission, un consensus qui rend parfois son positionnement quelque peu centriste, fade.

De son raisonnement, on déduit qu’il ne peut y avoir de progrès en amour. Il montre que les codes amoureux traditionnels sont intemporels et qu’ils ne s’effacent pas devant de nouvelles pratiques mais viennent en réalité se superposer tel un mille-feuilles sexuel.

Pas de progrès non plus pour les solitaires, qui malgré les conseils dispensés à tout va dans les magazines, voient leur « sort rendu plus amer par notre époque libérée, des effacés renvoyés à leur anonymat quand tout le monde est supposé jouir ». Cet état de fait vaut désormais autant pour l’homme que pour la femme, « voici les femmes, fortes de leur récente liberté, susceptibles de prendre l’initiative et d’être à leur tour repoussées ».

Même Bruckner adopte l’hypothèse qu’il y a du féminin dans l’homme et du masculin dans la femme, gommant et négligeant la différenciation pourtant naturelle des sexes depuis des millénaires.

C’est le développement de ce type de théorie, habilement distillé dans nos sociétés occidentales depuis les années 60, qui a conduit à l’être asexué s’affichant en couverture de tous les magazines de modes.
Cet être, est en réalité très marginal mais sert de modèle ne contentant ni les hommes ni les femmes.

De même, Bruckner voudrait que « chaque personne confirme et réfute à la fois le genre qui est le sien et agisse autrement qu’on ne s’y attend en raison de son appartenance »… malheureusement les rôles de chacun à vouloir être interchangeables de l’un à l’autre, finissent par se brouiller.

En dehors de ces quelques points de désaccord, et surtout de la tiédeur de sa conception amoureuse (qui, si il l’applique dans la vie doit en ennuyer plus d’une…) j’ai trouvé dans cet essai des moments de purs plaisir, notamment lorsque l’auteur souligne que « je t’aime » est désormais la « formule putain par excellence », ou, dans un encadré (P196 à 198) il rappelle une vérité qui lui vaudra sans doute les remerciements de Lady Gaga, Victoria Beckham, Britney Spears ou Paris Hilton : « Sous le string de la pétasse, il y a un cœur qui bat. ».

Pour conclure, ce livre de 272 pages répond à une question essentielle que se pose l’auteur : « Comment l’amour qui attache peut-il s’accommoder de la liberté qui sépare ? »

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