Pour une première...

Fidèle à l’esprit qui anime depuis sa création ce label KSTR, Didier Borg, l’éditeur, nous offre un bien beau travail signé de deux jeunes auteurs, Mathias Mercier pour le scénario et Paul Filippi pour le dessin et les couleurs. L’éditeur voulait des écrits rock’n’roll, des histoires pêchues, rythmées, et, album après album, il nous le montre, ce n’était pas un fantasme de jeune inconscient mais bien une volonté, qui plus est, maintenant, réalisée. Cette histoire « Colères » va illustrer le propos avec une violence, un fatalisme, une philosophie de vie qui surprendront le lecteur. Ames sensibles veuillez passer votre chemin, ici, c’est bien une histoire d’hommes…
Je n’ai pas dit de mâles, mais bien d’hommes. Le récit est à la première personne. C’est Georges Trauven qui prend le récit à son compte. Nous sommes en 1965, et nous trouvons cet homme qui traine sa misère le long des quais. Est-il fataliste, mélancolique, triste ? Un peu tout cela, très probablement. Il n’attend qu’une occasion pour se remettre en mouvement, lui, l’ancien résistant.
De son côté, Bollard, un truand, se retrouve en cavale. Il se réfugie où il peut et rencontre, dans l’ombre d’un wagon, le cheminot au bord de la retraite…
Que doit faire Georges Trauven ? Dénoncer le fuyard ? Le protéger ? Lui donner une chance ? Se mêler de ce qui ne le regarde pas ? Ses choix doivent-ils dépendre de la présence de sa fille qui n’a déjà plus de mère ?
Trauven va plonger dans cette affaire qui ne se révélera pas un simple fait divers… Cette époque française a des relents de d’officines pas très claires, de police d’Etat pas toujours très rigoureuse dans l’exécution de la justice… oui, en clair, c’est bien une histoire politique et criminelle et le pauvre Georges Trauven entraine tout son petit monde dans un drame assez prévisible…
Certains personnages sont attachants comme Georges, Line, La Tige… D’autres sont plus pitoyables car embarqués dans ce qui les dépasse complètement comme Roger Bollard… Enfin, il y a de vrais salopards, reconnaissons-le, et ils sont très crédibles : le Colonel ou Donval, par exemple. Heureusement, de tels personnages n’existent pas dans la réalité…
Une narration graphique de grande qualité, pleine d’énergie qui prouve que l’on peut raconter avec efficacité des histoires de nature policière sans tomber dans le réalisme classique. Les personnages, les chevaux, les voitures, tout semble souple et léger dans cet album. Les mouvements sont aussi naturels et évidents que si nous étions dans la réalité et, pourtant, dès qu’il y a une bagarre – il y en quelques-unes unes – les corps se frappent et se mêlent comme des figurines en pate à modeler… j’ai vraiment été séduit par ce dessin, par cette patte graphique qui devrait dans les années à venir satisfaire de nombreux lecteurs.
Quant au scénario et aux dialogues, c’est du très bien construit et du très solide !
Pour un coup d’essai, Mathias Mercier et Paul Filippi viennent de réaliser, sinon un coup de maitre, au moins un travail d’une grande qualité et on ne peut que les encourager à poursuivre dans ce sens tout en félicitant l’éditeur de trouver aussi régulièrement des jeunes auteurs de talent !

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  Colères [Texte imprimé] scénario, Mathias Mercier dessin et couleurs, Paul Filippi

  de Filippi, Paul (Illustrateur) Mercier, Mathias (Scénariste)
  Casterman / KSTR
  ISBN : 9782203012271 ; 15,00 € ; 25/02/2009 ; 102 p. ; Album

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