Wölferin 07/01/2010 @ 23:41:38
Ce livre est d'une douceur exquise comme la soie. Les mots sont magnifiquement choisis; ils évoquent tour à tour, avec justesse, des images superbes, des sensations, des émotions fortes...
Parallèlement à l'histoire émouvante d'Hervé Joncour qui achetait et vendait des vers à soie, ce livre est truffé d'énigmes, de mystères, de symboles...
Pouvez-vous m'aider à comprendre ce qu'Alessandro Baricco sussure à demi-mot dans cette belle histoire?
Au sujet de Baldabiou, par exemple:
ce personnage sans âge qui aime les secrets est bien intrigant. N'aurait-il pas des intentions cachées?
Au sujet d'Hélène:
Quelle est la nature de sa relation avec Baldabiou?
Comment a-t'elle eu connaissance de l'histoire d'amour de son mari au Japon?
Comment a-t'elle connu Madame Blanche?
J'ai encore beaucoup de questions qui me trottent dans la tête mais vos premiers avis m'éclaireront peut-être sur les dessous de cette histoire, si dessous il y a?

Saule

avatar 08/01/2010 @ 08:47:20
Tu dois rendre ton devoir pour quand :-). A 49 ans, tu es en quelle année ?

MEISATSUKI

avatar 08/01/2010 @ 10:44:29
Pour ma part, je suis passée complètement à côté de ce livre, je crois. Rien compris, très poétique certes mais pour moi un livre qui laisse autant de questions à la fin et qui ne fait que 142 pages reste inachevé. Mais je ne suis pas écrivain non plus :) chacun son style et vive la liberté d'expression ;)

Nomade 08/01/2010 @ 11:30:23
Pas lu. Mais lu Novecento

Garance62
avatar 08/01/2010 @ 12:04:48
Tu dois rendre ton devoir pour quand :-). A 49 ans, tu es en quelle année ?

Saule, serais-tu soupçonneux ? :))
Lu plusieurs fois Soie et aussi comme Nomade Noveccento. Petites perles assez inclassables. Je dois aller d'ici peu à une rencontre avec la traductrice. Je pourrai lui transmettre les questions ainsi qu'à l'auditoire (sauf à ce que la date pour rendre le devoir soit proche .. :))

Steppe 09/01/2010 @ 10:45:28
Oui je suis d'accord avec toi wollferin (drôle de pseudo!).
Le livre est doux, sensuel et magique.
Je vois 2 niveaux de lecture, comme suggéré par l'auteur.
Le premier est l'histoire d'amour fantasmatique de Hervé Joncour sorte d'Ulysse moderne, attiré vers une belle Nausicaa japonaise ou autre.
Le film s'attache à développer cette première approche, la plus évidente.
Mais derrière cette histoire d'amour, il y a une 2ème histoire dont le personnage central est effectivement BALDABIOU.
C'est lui le grand manipulateur, qui fait ce qu'il veut du village. Il dicte sa loi au maire et se moque de lui, mais apporte l'argent et la puissance. Engage son fils Hervé JONCOUR, l'envoye au Japon, le met en relation avec cette mystérieuse Mme Blanche,etc;;; il y a beaucoup à dire.
La piste de l'origine des noms utilisés par l'auteur est très éclairante.

Cf Carole sur un autre forum, qui met sur la piste en interprêtant Hervé JONCOUR, comme hervé=rêvé et Joncour, comme Jonc-court avec connotation sexuelle. (stérilité,insatisfaction???, impuissance qd même pas, le jonc est court mais pas nul!)

Du coup BALDABIOU fait référence à BAAL et au diable (diablou?)
Baal est l'origine de Belzébuth, le diable, dieu paîen symbole de puissance, fécondité, sexualité. Il fait venir la foudre.
C'est un grand bouc sexuel, dont l'attribut est un grand baton brandi en l'air.
Baldabiou brandit la queue de billard;;; attribut phallique par excellence. ou il brandit sa canne de jonc (p 18) ce qui répond à Jonc-court. Baldabiou est jonc long. Le grand mâle solitaire, puissant et manipulateur.

La deuxième histoire est donc celle de la prise en main d'une petite ville tranquille, Lavilledieue(tiens donc!) par le diable, qui va la pervertir par l'argent et le sexe.

Je pense que cette clé doit permettre de relire le livre et de mieux comprendre la machination de Baldabiou, les relations entre Hélène et Mme Blanche sont à étudier à la loupe. tout n'est pas clair chez Hélène (la belle Hélène de l'Iliade , sujet d'un précédent livre de BARICCO). La keyra KNIGHTLEY du film ravissante et délicate, ne semble pas révèler qqchose, car le film en reste à la première histoire.. Que vient faire Ste-Agnès?

Voilà bcp de questions. J'ai trouvé de nombreuses références diaboliques, dans le texte (que diable... quel diable d'homme..etc)


A bientôt XV


Ce livre est d'une douceur exquise comme la soie. Les mots sont magnifiquement choisis; ils évoquent tour à tour, avec justesse, des images superbes, des sensations, des émotions fortes...
Parallèlement à l'histoire émouvante d'Hervé Joncour qui achetait et vendait des vers à soie, ce livre est truffé d'énigmes, de mystères, de symboles...
Pouvez-vous m'aider à comprendre ce qu'Alessandro Baricco sussure à demi-mot dans cette belle histoire?
Au sujet de Baldabiou, par exemple:
ce personnage sans âge qui aime les secrets est bien intrigant. N'aurait-il pas des intentions cachées?
Au sujet d'Hélène:
Quelle est la nature de sa relation avec Baldabiou?
Comment a-t'elle eu connaissance de l'histoire d'amour de son mari au Japon?
Comment a-t'elle connu Madame Blanche?
J'ai encore beaucoup de questions qui me trottent dans la tête mais vos premiers avis m'éclaireront peut-être sur les dessous de cette histoire, si dessous il y a?

Wölferin 09/01/2010 @ 22:48:13
Steppe, ton 2ème niveau de lecture est subtil. C'est vrai, Baldabiou fait penser au diable: il apparaît dans le bourg, fait sa révolution puis disparaît sans qu'on ne sache d'où il venait ni où il va; il n'a pas d'âge, il connaît tous les secrets... Il se pourrait même qu'il ait été l'amant de bien des femmes du village: à la fin du livre, n'est-il pas fait allusion à sa relation avec la femme du joueur de dominos dont la 3 ème fille se prénomme bizarrement Agnès.
Cette dévotion de Baldabiou à Ste Agnès est présente tout au long de l'histoire, que peut-elle signifier? Ste Agnès est la belle jeune fille pure et vierge qui a été enfermée dans une maison close car elle refusait d'épouser le fils d'une personnalité. N'y aurait-il pas un rapport avec la maison close tenue par Madame Blanche?
C'est certain, Baldabiou et Mme Blanche se connaissent et tous deux connaissent Hélène. Mais depuis quand?
Lorsqu' Hélène et Hervé sont en vacances à Nice et se font inviter au 60ème anniversaire d'un italien, Hélène a une attitude déconcertante vis-à-vis d'un charmant gentleman anglais qui porte un anneau avec des petites fleurs bleues, signe que l'homme a été client de Mme Blanche. Hélène n'aurait-elle pas travaillé pour Mme Blanche? N'aurait-elle pas été "offerte" à Hervé par Baldabiou? La longue lettre d'amour qu'elle écrit à son mari est révélatrice d'une femme "experte" en sexualité. La lettre du film (qui s'en tient au 1er niveau de lecture) est différente, beaucoup plus romantique...
Merci Steppe pour ton éclairage!
Merci Garance62, ça sera super d'avoir l'avis de la traductrice sur ces impressions et interrogations!

Gabri 10/01/2010 @ 18:03:48
Steppe, tes idées sont très intéressantes, mais je me demandais si la traduction française n’aurait pas donné certaines anagrammes ou significations involontaires? Quels sont les noms et prénoms dans la version originale?

Et je me demandais aussi que signifie le symbole de la cage à oiseaux? C’est tellement présent dans le livre que ça ne peut pas ne pas avoir de signification. Qu’en ensez-vous?

Steppe 11/01/2010 @ 22:01:26
Non Gabri, je ne pense pas que les noms propres aient été modifiés par rapport à la version originale.
Je me demande même si BARICCO ne se serait pas inspiré d'un autre auteur. Je sens un peu du Giono, dans la présence de BALDABIOU.

Merci Wolferin de tes informations sur Ste Agnès, cela est effectivement troublant. Pourquoi ce vieux sagouin de Baldabiou, s'intéresse-t-il à une si pure jeune fille. Se prend-il pour le christ, sommes-nous dans un scénario à la Rosemarys baby.
BALDABIOU joue aux dominos avec les hommes, puis couche avec leurs femmes. La petite Agnès n'est pas là par hasard.

Je m'interroge aussi sur Hara Kei. Pourquoi parle-t-il français?
Quelle est l'origine de la belle japonaise, qui n'a pas les yeux orientaux. D'où vient-elle? Elle ne parle pas, mais quelle est sa langue maternelle. pourquoi offre-t-elle une jeune fille en cadeau à Hervé?
Le rituel du bandage des yeux est très excitant XV

Hara kei manipule-t-il la belle japonaise, en lui faisant transmettre ce message "reviens, ou je vais mourir"?
Car HERVE doit accomplir plusieurs voyages, sans se décourager, ce qui permet de faire fructifier les commerces de BALDABIOU et de HARA KEI.

L'Argent, l'Amour,la Mort, tout s'entrecroise, tout se tient. Quelle machination diabolique.

Steppe 11/01/2010 @ 22:17:09
Oui Wolferin, je suis bien d'accord avec toi. Tout cela sent le soufre. La rencontre de Hélène et du gentleman anglais, laisse supposer que Hélène a une certaine familiarité experte avec ce monsieur, et l'idée que Hélène et Mme Blanche se connaissaient depuis longtemps est une bonne piste. Hélène aurait été une ancienne pensionnaire de lieu de plaisir comme Ste Agnès.
L'auteur évoque la "musique blanche" dans son propos introductif.
Musique blanche aurait peut -être une proximité avec prostitution?

On commence à être loin de la belle première histoire délicieusement romantique, mais un peu perverse qd- même.
La deuxième histoire est sardonique.
Il faut que je relise ce texte, pour avancer un peu plus loin.
Il y a peut-être même une symbolique des nombres (11 jours?)XV

Au final j'ai bcp aimé le film et je crois qu'il a eu raison de s'en tenir à la première histoire. Dans le film, le texte de la lettre finale de Hélène traduite en japonais est un vrai délice. La lettre pornographique du livre déçoit.
Et toi Wollferin, as-tu vu le film? Si ce n'est pas le cas, cours-y vite!
N'y va pas seule, invite un bon ami et tu pourras échanger longuement et délicieusement.

Wölferin 11/01/2010 @ 23:06:28
A l'attention de Gabi:
Je ne pense pas que les noms et prénoms des personnages aient été changés car l'histoire se déroule en France et, même si l'auteur est italien, il a dû donner des noms français à ses personnages.
Le symbole de la cage aux oiseaux m'intrige aussi. Dans le village japonais, ces oiseaux symbolisent la puissance et la richesse d'Hara Kei ainsi que la beauté et la fidélité de son amante. En revanche, je me demande pourquoi Hervé Joncour rêve à son tour de construire une volière dans son village français:
- Il n'est pas du genre à vouloir impressionner les villageois par sa richesse.
- Peut-être espère-t'il ainsi devenir "puissant" et avoir le fils dont il rêve tant avec Hélène?
- Peut-être souhaite t'il tout simplement reproduire l'ambiance magique et mystérieuse du village japonais en souvenir de son amour platonique envers la belle jeune compagne de Hara Kei?

A l'attention de Steppe:
L'origine de cette belle jeune fille est mystérieuse. Elle n'a pas les yeux des orientales:
... et si c'était une européenne?
... et si Hara Kei connaissait bien Baldabiou lequel lui aurait "offert" cette belle jeune fille qui aurait été initiée aux jeux de l'amour par Madame Blanche?
Tu dis bien que Hara Kei parle français, il pourrait parfaitement être lié à Baldabiou et à Madame Blanche qui, raison de plus, est japonaise.
Baldabiou, Hara Kei et Madame Blanche= le trio diabolique avec en face: Hélène, la jeune fille du Japon et Hervé= le trio innocent qui se fait piéger.

A l'attention de Garance62:
Je suis pressée de connaître ce que pense la traductrice de toutes ces hypothèses!

Wölferin 12/01/2010 @ 23:17:48
Encore une autre interrogation sur la description des voyages d'Hervé JONCOUR au Japon. Le texte utilisé est pratiquement le même à l'exception d'un mot pour qualifier le lac Baïkal par "les gens de l'endroit":
1er voyage: mer
2ème voyage: le démon
3ème voyage: le dernier
4ème voyage: le saint.
Que signifie cette progression? Elle doit avoir un rapport avec l'évolution d'HJ... Son parcours commence par la mer, il est tenté par le démon et après avoir accompli son dernier voyage, il atteint la sagesse???
Steppe, je vais suivre tes bons conseils: il faut que je revois ce film qui s'en tient à la belle histoire romantique et arrêter mes cogitations de collégienne attardée comme le laisse entendre si gentillement Saule!

Saule

avatar 13/01/2010 @ 10:04:18
Steppe, je vais suivre tes bons conseils: il faut que je revois ce film qui s'en tient à la belle histoire romantique et arrêter mes cogitations de collégienne attardée comme le laisse entendre si gentillement Saule!

En réalité j'avais cru qu'un étudiant voulait de l'aide pour un devoir, ce qui arrive de temps en temps sur CL.

Ce n'est pas le cas, et je suis avec beaucoup d'intérêt et d'étonnement votre discussion. Je vais d'ailleurs relire ce livre avec ce nouvel éclairage.

Steppe 17/01/2010 @ 11:11:44
Je reviens sur la cage aux oiseaux de Gabri et Wolferin. Dans un premier temps je ne savais quoi en dire. J'ai relu le passage en question.
Je pense qu'effectivement ces volières ont toujours été un signe de puissance et de pouvoir pour les seigneurs du moyen-âge.
Wolferin laisse apparaître la relation oiseau-beauté-sensualité-couleurs-chatoyances-féminité.
Il y a un peu une symbolique du harem, pour ces princes?

L'intérêt dans l'histoire est le pouvoir de HARA KEI sur la libération et le retour des oiseaux dans la cage. C'est à ce moment là qu'il reconnaît implicitement être à l'origine du petit papier plié en 4.
"Reviens,sinon je vais mourir"
lire page 63 HARA KEI dit à propos des oiseaux "ils reviendront...il est toujours difficile de résister à la tentation de revenir,n'est-ce-pas?"
Tout est dit. Il y a bien 2 manipulateurs diaboliques dans cette histoire.
Hervé finit par comprendre.

Je suis conscient de casser la lecture romantique du livre, en disant cela. Heureusement que le film a sauvé merveilleusement et enjolivé la présentation romantique,sensuelle et soyeuse que seule auront retenu la plupart des lecteurs.

Quelques lignes ou pages plus loin, Hervé quitte le village après le départ précipité de HARA KEI qui marque la fin de la première période de 3 voyages, il décide de prendre les choses en main et tire un coup de fusil en l'air pour déclencher l'envol vers le ciel de milliers d'oiseaux. Il commence à avoir du pouvoir. Il va réagir enfin et lutter contre la manipulation où il a toujours été passif.

Steppe 17/01/2010 @ 11:42:18
Encore une autre interrogation sur la description des voyages d'Hervé JONCOUR au Japon. Le texte utilisé est pratiquement le même à l'exception d'un mot pour qualifier le lac Baïkal par "les gens de l'endroit":
1er voyage: mer
2ème voyage: le démon
3ème voyage: le dernier
4ème voyage: le saint.
Que signifie cette progression? Elle doit avoir un rapport avec l'évolution d'HJ... Son parcours commence par la mer, il est tenté par le démon et après avoir accompli son dernier voyage, il atteint la sagesse???
Steppe, je vais suivre tes bons conseils: il faut que je revois ce film qui s'en tient à la belle histoire romantique et arrêter mes cogitations de collégienne attardée comme le laisse entendre si gentillement Saule!


Oui, super il y a sans doute qqchose à tirer de cela. Je pense que cela traduit l'évolution du récit selon les différentes phases.
En n°2 il y a bien "démon" affaire démoniaque manipulation diabolique. il n'y a plus de doute dans mon esprit. Je cois qu'on est d'accord là-dessus wolferin.

Le n°3 c'est le dernier voyage passif. Le n°4 c'est le rachat de Hervé après sa prise de conscience (cf mon message précédent à Gabri). Il va devenir saint. Le vocable saint se retrouve dans le texte plus loin, lorsque le village va être sauvé de la ruine par les initiatives paysagères de Hervé. Les villageois le considéreront un peu comme un saint.

Et peu à peu il va prendre un certain ascendant sur le diable, BALDABIOU qui finira par quitter le pays et disparaître comme il est arrivé, tout entouré de mystères plus ou moins vénéneux.
Le déclic au village entre les voyages 3 et 4, je pense que c'est l'achat de la maison maudite, qui fait peur à tout le monde. La maison Jean BREBEK. Drôle de nom, qu'en pensez-vous les amis. Que réprésente BREBEK pour vous?

Il faut relire plusieurs fois, les symboles sont effectivement innombrables. L'auteur nous suggère une piste psychanalytique que je ne maîtrise pas. Mais le réseau CT a sans doute son docteur FREUD. Doc es-tu là?

La symbolique des nombres est plus que probable. P80 les 40 jours sont à coup de sûr une référence christique. Mais le chiffre 12 est soigneusement évité. 11 et 13 sont présents, mais surtout 11.
Je participe rarement à des sabbats et ne possède qu'une connaissance très limitée des liturgies diablesques. Le réseau CT a sans doute un Méphisto de service pour nous éclairer!

Je vais relire et retravailler le thème du rachat pour Hervé, si rachat il y a vraiment. Entre temps quelques amis du réseau nous auront sans doute offerts de nouvelles pistes.

C'est vrai au final que ce texte très court, concis et agréable ne laisse pas beaucoup de place pour le développement d'une analyse de la conduite du pouvoir diabolique au village et de la lutte pour la victoire du Bien. Ca manque un peu.

Maria-rosa 18/01/2010 @ 14:48:26
Ce qui m'a intriguée : Baricco insiste à plusieurs reprises sur le fait qu'Hervé Joncour est le spectateur de sa propre vie et non l'acteur. Au départ, on dit qu'il est un militaire, un bon petit soldat ma foi, qu'il continue à être par la suite. Il ne m'est pas vraiment sympathique, il va où on lui dit d'aller même si c'est pour une bonne cause.
Baldabiou : le grand manipulateur, n'éloigne-t-il pas Joncour pour se rapprocher d'Hélène. Une scène dans les dernières pages dit qu'Hélène est éplorée lorsque Balbadiou s'en va pour toujours.
Que sait-on d'Hélène lorsque Joncour est absent ? Que fait Hélène lorsque son mari est parti au loin ? J'ai du mal à imaginer qu'elle ne fait que l'attendre. Trop de signes montrent qu'elle a changé à chaque retour de son mari. Elle l'aime, cela est tenu pour acquis mais que n'est-elle pas capable de faire pour le garder ?
On dirait que c'est elle qui tire les fils de soie…
Les autres personnages féminins me semblent plutôt inconsistants. Ils semblent être des avatars d'Hélène.

Garance62
avatar 18/01/2010 @ 17:56:09
S'il n'y a pas d'imprévu, j'irai à la rencontre avec Françoise Brun demain. J'ai relu, encore, ce livre qui me procure à chaque fois une impression très forte.
Maria-Rosa je suis d'accord avec toi sur le fait qu'Hervé Joncour ne maîtrise pas sa vie. C'est justement cela qui a de l'intérêt.
Il ne devait pas maitriser sa carrière de militaire, ni plus tard son rôle d'émissaire au Japon.
Il a laissé la vie décider pour lui. Il a laissé le destin décider pour lui, acceptant de se laisser porter. Cette indolence peut faire réagir. Pour ma part je la trouve très belle.

Pourtant, il se décide, pour le quatrième voyage -qui n'avait pas de raison d'être- à forcer ce destin. La mort du jeune porteur de message (c'était lui le message) est la sanction.

Faut-il laisser la vie se charger de mettre les éléments de notre vie en place ? Faut-il forcer le destin ? Existe-t-il un destin ?

Pour ma part, je n'ai jamais imaginé que Baldabiou était l'envoyé du "malin" (si tant est qu'on y croit, ce qui n'est pas mon cas) mais un des éléments, tout comme la maladie des vers à soie, qui permet la rencontre entre Hervé Joncour et la japonaise. Un passeur. Un vecteur. Simplement un élément qui, s'il n'avait pas été là, aurait fait que rien ne se serait passé.

Qu'il ait été l'amant d'Hélène me semble fort improbable. Hélène portait à son mari -et c'est toute la force du dénouement de l'histoire- un amour très pur, authentique et d'autant plus magnifique qu'en rien elle n'a voulu le forcer à l'aimer (sage femme qui sait que l'amour est ou n'est pas). Madame Blanche le dit bien à la fin : Hélène aurait voulu être la japonaise "vous savez monsieur, je crois qu'elle aurait désiré plus que tout, "être cette femme" (en italique dans le texte) et a été jusqu'à utiliser un subterfuge suintant d'amour, écrasant (si elle en avait ressenti) sa jalousie, la sublimant pour, avec ces lettres, donner du bonheur à son mari, en le laissant imaginer, derrière ses yeux fermés, le fantasme de l'impossible rencontre amoureuse avec la femme d'Orient.
Seule une femme pétrie d'amour peut agir ainsi. Et c'est toute la force du livre. Impossible pour moi de l'imaginer autrement.

Aimer, est-ce aussi être capable d'aller jusqu'à se nier, se mettre à l'écart, et ne tendre que vers un but : rendre l'autre heureux ? Aller jusqu'à l'abnégation d'une partie de soi, dépasser le stade souffrant, inutile et créateur de misère de la jalousie pour donner à l'autre le meilleur de soi au risque de s'y perdre ?
Hélène mourra vingt ans avant Hervé. L'énergie d'abnégation a t-elle été (dans la pensée de l'auteur) fatale à cette femme ?

Ce livre a pour moi les échos d'une tragédie moderne. Tout y est sublimé. Les sentiments et les actes (pendaison de l'enfant) y sont poussés à l'extrême. C'est d'une beauté à couper le souffle. Mais là où la tragédie aurait pu ensevelir Hervé Joncour et sa femme, c'est la sérénité (du Japon) qui l'emportera. Car apaisement il y a. Et cette force bénéfique de l'Orient (autre bijou dans le même esprit : François Cheng : "L'éternité n'est pas de trop") est pour moi un élément de plus qui me tant aimer l'esprit de ce livre.

Avant la mort d'Hélène : "Hervé Joncour passa les années qui suivirent en choisissant pour lui-même l'existence limpide d'un homme qui n'a plus de besoins".
Ayant vécu ce qui pour lui relève du plus beau, il peut cette fois Choisir pour lui. Et c'est la vie qui coule clair qu'il choisit.
"Il avait en lui la quiétude inentamable des hommes qui se sentent à leur place".

Qu'en aurait-il été si Hélène avait laissé la jalousie la dévorer (car bien sûr elle savait, ces choses toujours se savent) ? Qu'en aurait-il été si la guerre au Japon n'avait pas éclatée ? Si le jeune garçon ne l'avait pas retrouvé ? Le destin ...

J'en aurais encore tant à dire... et vous aussi ?

Garance62
avatar 21/01/2010 @ 13:53:57
Les réponses promises ne seront pas à la hauteur des attentes. Mais j'apporterai juste quelques éléments. Dès que possible ..

Garance62
avatar 25/01/2010 @ 14:49:17
Ce livre est d'une douceur exquise comme la soie. Les mots sont magnifiquement choisis; ils évoquent tour à tour, avec justesse, des images superbes, des sensations, des émotions fortes...
Parallèlement à l'histoire émouvante d'Hervé Joncour qui achetait et vendait des vers à soie, ce livre est truffé d'énigmes, de mystères, de symboles...
Pouvez-vous m'aider à comprendre ce qu'Alessandro Baricco sussure à demi-mot dans cette belle histoire?
Au sujet de Baldabiou, par exemple:
ce personnage sans âge qui aime les secrets est bien intrigant. N'aurait-il pas des intentions cachées?
Au sujet d'Hélène:
Quelle est la nature de sa relation avec Baldabiou?
Comment a-t'elle eu connaissance de l'histoire d'amour de son mari au Japon?
Comment a-t'elle connu Madame Blanche?
J'ai encore beaucoup de questions qui me trottent dans la tête mais vos premiers avis m'éclaireront peut-être sur les dessous de cette histoire, si dessous il y a?

Me revoilà après avoir rencontré Françoise Brun. Une femme passionnante.
Il m'a été difficile de poser les questions car elle a, dès le début, parlé un peu de son parcours, où elle a, à trois reprises, été prof de français, trois fois trois mois.. avec à chaque fois la même sensation de n'être pas à sa place. Elle n'aime pas disséquer les textes !! :))
Nos questions resteront donc sans questions d'autant plus qu'Alessandro Baricco est, à ses dires, ainsi que les autres Piémontais : taiseux.
Je n'ai donc pas eu de réponse, dont elle m'a pourtant remercié au moment du départ (:)) à ma seule question... sur le sens des trois mots différents pour les voyages. Elle a juste précisé que Baricco tenait Absolument à ce que les passages soient strictement identiques, hormis ces trois mots-là qui étaient comme Hervé Joncour, différents en fonction des voyages.

Élément très intéressant : elle a lu (avec son autorisation) la lettre que Baricco a adressé au traducteur anglais qui, pour lui, ne respectait pas l'esprit et la cadence du texte. Ce qui n'a pas empêché ce dernier de ne pas en tenir compte, ce qui est incompréhensible pour F. Brun (et j'imagine, j'espère pour la plupart des traducteurs).

Elle a tout de même répondu quand je lui ai demandé la façon dont les noms avaient été traduits : ils sont en français dans le texte original !

Par ailleurs, c'est à la suite d'un voyage de Baricco dans les Cévennes qu'il a eu envie d'écrire ce livre. Le nom de Lavilledieu (très usité en France) n'a pas été choisi intentionnellement. Il ignorait même qu'il y en eu un dans cette région. C'est à la publication du livre en français que le maire de cette commune dans les Cévennes l'a averti..

J'ai été ravie par cette rencontre et, en fait, assez heureuse de pouvoir en repartir avec ma vision du livre. Ma musique intérieure s'en est trouvée confortée. Et je pourrai encore, dans quelques années, le relire avec, je crois, la même émotion.

Un mot sur le rôle joué par F. Brun sur les traductions de Baricco. Pendant trois ans elle a présenté le manuscrit de "Chateaux de la colère". Refusé. Partout .. Et puis, alors qu'elle allait abandonner, une nouvelle équipe éditoriale est arrivée chez Albin Michel...
On doit donc à Françoise Brun de pouvoir lire Baricco aujourd'hui.

Wölferin 29/01/2010 @ 22:43:48
Merci Garance 62 pour tes 2 messages; ils sont très beaux, très bien écrits et plein de délicatesse. Je suis heureuse que la traductrice t'ait confortée dans ton ressenti; ainsi nos réflexions sur la possibilité d'un 2ème niveau de lecture de "Soie" ne viendront pas gacher la belle et forte impression que tu as eu en lisant ce livre. Je suis désolée d'avoir pu t'embarrasser avec toutes ces questions, le but de mon appel n'était pas de retirer au livre toute sa poésie et sa magie.
Personnellement, je trouve que les propos de la traductrice ne sont pas incompatibles avec le second niveau de lecture évoqué mais après tout, peu importe ce que l'auteur avait ou non en tête , l'essentiel, ce sont les messages et sentiments que le lecteur perçoit au fond de lui et pour lui-même.
Merci à tous pour ce partage d'idées, d'impressions. J'ai trouvé cela passionnant.

Page 1 de 2 Suivante Fin
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier