Stavroguine 14/04/2013 @ 14:54:09
C'est un peu ce que dit Schopenhauer. Qu'en connaissant O, tu pourrais remonter jusqu'à M (ou presque, M restant en définitive inexplicable).

Par contre, tu ne pourrais tracer le chemin qui mène jusqu'à O qu'en connaissant déjà parfaitement le caractère et donc la stimulation de la volonté par les différents motifs en fonction de lui. Or, le caractère étant empirique, tu ne peux le découvrir qu'après la réalisation des faits. Si la volonté n'est que le seul résultat possible d'une suite logique de causes et de conséquences, tu ne peux découvrir cette suite (ce chemin) qu'après réalisation de l'acte. C'est à ce moment là, et pas avant, que tu as conscience de toi, dans le sens où tes actions t'ont révélé.

Sissi

avatar 14/04/2013 @ 18:42:10
Je vois pas où j'ai dit qu'il ne fallait pas en parler, j'ai juste dit que le libre arbitre était une question beaucoup plus vaste que les seules conséquences juridiques. En outre, il me semble que je les aborde à de nombreuses reprises dans ma critique et dans notre discussion, ces notions dont tu parles.


Certes, en même temps si t'es mère Theresa on s'en fout quand même un peu de parler des motifs qui font que t'es bon.
Idem pour les goûts, les couleurs et le tempéraments qui sont propres à chacun.
Là où ça commence devenir épineux et que ça demande analyse, c'est bel et bien quand tu commets des actes répréhensibles et que tu nuis aux autres.
(Mais je veux bien admettre focaliser un peu trop là dessus.)

Je me demande si tu me lis vraiment en fait quand je vois que tu continues de bloquer sur l'exemple du psychopathe alors que je crois avoir assez longuement et clairement montré que son mode de fonctionnement était le même que celui qu'une personne "normale" hormis ses motifs qui ne sont pas rationnels.


Et comment que je bloque!
L'un est irresponsable (le fou), l'autre pas. L'un n'est pas dans le réel (le fou), l'autre si. L'un est incapable d'analyser ce qu'il fait, l'autre est sensé.
Ben moi je ne peux pas me dire qu'il s'agit du même processus, et qu'on se fout totalement de faire le distingo entre les deux (hormis que l'un obéit à des motifs qui ne sont pas rationnels, bagatelle, quoi...mais y'a un gouffre pour moi!)

Tu me dis que seul l'aspect pénal t'intéresse (en me donnant des exemples qui n'ont rien de criminel)


Il n'y a pas que les crimes qui relèvent du droit pénal.

et je te réponds justement sur l'aspect pénal en te disant que libre arbitre ou pas, in fine, ça ne change pas grand chose puisqu'aux yeux de la loi,


Ben pas aux miens.

il suffit que tu sois responsable de tes actes (ce que tu es ; même si tu es psychopathe, d'ailleurs)


Alors pourquoi mandate-t-on, en cas de crime, un, voire, deux, voire trois experts psychiatre pour s'assurer que l'auteur des faits est bien responsable de ses actes?

Après, en effet, cette volonté n'étant pas elle-même "libre"


Ce avec quoi je ne suis pas d'accord, pour moi on a le choix.

on peut se poser des questions, mais 1) la loi, elle, ne se les pose pas


Voir avant (experts psy). Je rajoute qu'on se pose quand même la question de savoir si il y a préméditation, s'il y a légitime défense, s'il s'agit d'un crime passionnel etc...
On se contente quand même pas (et heureusement!) de dire que ce qui est fait est fait, et de sortir la théorie de S. pour bien expliquer un processus qui est le même à chaque fois! (Mais qui varie selon les personnes, au cas où tu me dises, encore, que je ne pige rien à rien)

quand le droit pénal a pour fonction principale de protéger la société


Et de sanctionner. (Quand tu es condamné à verser des dommages et intérêts à tes victimes, je vois pas en quoi ça protège la société, il s'agit bien de ""payer"" - au sens propre du terme, puisqu'on n'a rien trouvé d'autre...- pour le mal que tu as fait)


Après, moi, je suis un peu perdu quand tu dis d'abord "la conscience de soi de l'homme n'est qu'une illusion", que je te réponds que "la conscience de soi n'est pas une illusion".....



...... seulement, elle n'influe en rien sur ta volonté.

Voilà, ce que tu réponds, plus précisément, et ce qui me fait dire que j'ai bien compris.
(C'est effectivement le libre arbitre qui est une illusion, sauf que pour moi, qui pense le contraire, la conscience, si elle n'intervient qu'après l'acte, ne sert pas à grand chose. Mais sur ce coup là, OK pour l'incohérence.)


Moi, ce sujet m'intéresse vraiment et je suis ravi d'en discuter, mais j'ai vraiment du mal à comprendre ce que tu dis, j'essaye de te répondre, mais je te trouve incohérente.


Je vois bien, je vois bien...:-)
Mais je suis un peu confrontée au même problème.
Je ne te trouve pas incohérent, mais je trouve que tu dévies beaucoup, que tu n'enregistres pas ce que je dis, que tu n'en prends qu'une partie etc..que tu relègues ce qui est important au second plan pour ne mette en avant que ce qui est secondaire etc...

J'ai l'impression que tu cherches plus à trouver à tout prix des failles dans un raisonnement qui te dérange


Non, pas vraiment...
Je n'adhère pas et j'essaie d'expliquer pourquoi (mais mal, sans doute, visiblement!)

(ce "il faut replacer cette théorie dans son époque" radical et qui ne tombe de nulle part dans ton dernier message)


Mais parce que la psychanalyse n'existait pas! (Ah non, là tu charries...) que l'avancée de la médecine n'en était pas où nous en sommes aujourd'hui, qu'on n'avait pas tous les travaux sur l'inconscient etc.. et que du coup on n'avait beaucoup moins de moyens d'agir sur ce qu'on est.
(Ex: je n'ai pas choisi d'être une brute violente, mais je peux choisir d'aller me faire soigner, de remédier à ça).



Encore une fois, je suis ravi de discuter de ce sujet, mais je ne vois juste pas où tu veux en venir.


Le problème, c'est que je ne vois pas ce que je peux te dire de plus...

Alors je vais céder la place! :-) (je dis ça sans animosité)

Sissi

avatar 14/04/2013 @ 18:49:31

Tu parles d'épinards (histoire de goût), d'achat de chaussures (histoire d'envie- pas forcément liée à la coquetterie, d'ailleurs..), de foot, de religion, et te voilà reparti avec ces histoires de découpage en rondelles....


Tu vois, typiquement, quand je lis cette phrase, je me dis que tu ne comprends vraiment pas. Le goût, c'est justement ton rapport avec une une chose hors de toi (ici, les épinards) et c'est ça qui va motiver ou non ta volonté ; idem pour ton envie (rapport) d'avoir des chaussures (chose externe) qui entraîne (cause, donc) ta volonté d'acheter (action-conséquence), idem pour ta passion (rapport) du foot (chose externe) qui motive (cause) ta volonté d'en faire (action-conséquence) alors que si tu avais été une autre (ce qui t'est impossible) ta croyance (rapport) en Dieu (chose externe) aurait motivé (cause) ta volonté d'aller à la messe (action-conséquence) ; idem pour le tueur qui veux tuer (action-conséquence) parce que (cause) il obéit (rapport) à la voix de Dieu (chose externe) ou parce qu'il éprouve du plaisir (rapport) au meurtre (chose externe).

Donc pour moi, ta phrase traduit soit de la mauvaise foi (histoire de pointer le ridicule de mon message qui "talks nonsense"), soit le fait que tu n'as rien compris au mécanisme qui est le même dans tous ces cas de figure.


C'est peut-être le même mécanisme, en attendant tes goûts culinaires n'ont aucune incidence sur les autres, alors que tes actes, si.
Alors que tu restes toute ta vie sans acheter/manger d'épinards, ça n'a aucune importance et tout le monde (à part les producteurs d'épinards, mais je pense qu'ils n'en mourront pas) s'en moque.
Mais si tu prend la volonté de découper quelqu'un en rondelles, faut faire quelque chose....et on peut faire quelque chose.
PS ( Puisque tu en parles, je détestais les épinards, mais j'ai continué à me forcer à en goûter de temps en temps, et maintenant j'adore. J'ai bien agi pour modifier ce que je suis)

Sissi

avatar 14/04/2013 @ 19:07:33
Si les mots te Pieronnelle te parlent plus, Stavro, je pense ça comme elle:

"Alors je trouve que cette réflexion sur le libre arbitre est importante surtout pour la question de la culpabilité. Sinon c’est uniquement une reflexion philosophique sur la conduite de notre vie en société et notre relation aux autres. Ce qui est bien sûr énorme !"

Allez cette fois j'arrête!

Sissi

avatar 14/04/2013 @ 19:07:59
"de"

Provis

avatar 14/04/2013 @ 19:44:47
Je me demande si votre difficulté de discussion, Stavro et Sissi, ne tient pas, en partie au moins, dans le fait que vous vous situez sur des plans assez différents. Toi Stavro à un niveau élevé, théorique, et Sissi plus les pieds sur terre, avec un intérêt marqué pour les applications pratiques.

Pour moi, la « Philosophie » est une discipline qui, relativement aux sciences, présente une particularité essentielle en ce que la question a plus d’importance que la réponse. Heureusement d’ailleurs, parce que, comme le montre l’expérience, les vraies questions philosophiques n’ont généralement pas de réponse ! .. :o)
(pour être plus juste, disons que la philosophie n’apporte que des réponses qui peuvent être controversées, comme le montre la coexistence d’écoles philosophiques antagonistes, présentant des thèses opposées, la réponse absolue n’existe pas. )
(je veux bien des contre-exemples..)


Or, il se trouve qu’en ce bas monde on a besoin de réponses pratiques, applicables au monde réel, comme celles qu’adopte la société quand elle édicte ses lois. Et cela quelle que soit la réponse à la question : le libre arbitre existe-t-il ?

La société est ainsi forcée de faire des choix, et ces choix sont plus le reflet de ce que pense le citoyen moyen que de la pensée du philosophe. La pensée du philosophe est essentielle bien sûr, mais elle ne peut avoir d’influence sur la société que si, peu ou prou, elle est assimilée par le citoyen (d’où en particulier l’importance de l’éducation… mais nous sortons du sujet :o).

C’est pour cette raison que les lois sont avant tout des conventions (fortement marquées par la culture de la société en question) qui sont faites pour rendre possible, sinon harmonieuse, la cohabitation des citoyens : libre arbitre ou pas, la société a besoin d’affirmer que les citoyens sont, sauf exceptions (maladies, ...), responsables de leurs actes pour la raison qu’il possèdent un libre arbitre.
Par exemple, la société n’acceptera pas comme excuse l’ignorance de la loi, alors que d’un point de vue moral on n’est pas coupable si on est dans l’ignorance). Et la loi est rusée : elle ne nous donne pas des droits seulement, mais aussi des devoirs, en particulier celui de connaître la loi (ce qui laisse l'accusé sans excuse).
En pratique, comment faire autrement ?

Je ne crois pas que le législateur s’élève au niveau du philosophe, parce qu’il sait qu’il aurait à se poser des questions sans réponse.. :o)

Stavroguine 14/04/2013 @ 20:15:18
En effet, Provis, le libre arbitre est une fiction aussi utile à la loi qu'elle a pu l'être pour les religions.

Le problème, Sissi, c'est que ta définition du fou est en effet très terre à terre. D'un point de vue de la médecine légale et peut-être plus généralement de la psychologie, et pour reprendre mon exemple, le mec qui va dire qu'il prend un tel plaisir à tuer que ça a balayé toutes ses résistances morales quant à l'action de tuer sera sûrement considéré comme fou. Or, d'un point de vue strictement logique et philosophique, le plaisir est un moteur fondamental de la volonté humaine et il n'y a absolument rien de plus normal que de chercher à l'atteindre. Seulement, si on vit dans une société où il est parfaitement accepté de manger du chocolat quand ça nous fait plaisir, cette même société refuse que l'on tue quand ça nous fait plaisir. Ce qui ne souffre pas de contestation : d'un point de vue social, c'est tout à fait normal ; d'un point de vue philosophique, c'est une incongruité.

La loi, comme le relève Provis, est une convention : elle définit simplement l'ensemble des comportements qui sont acceptables ou non dans la société. Quand tu va à l'encontre de ces règles, tu es condamné.

Je me suis évertué depuis le début de notre discussion à te montrer que le criminel (psychopathe ou non) est à la fois responsable de ses actes et qu'il agit selon sa volonté. La loi ne va pas plus loin dans son analyse ; seulement, elle va écarter une certaine catégorie de personnes dont le comportement est tellement loin des normes sociales qu'on va dire qu'ils sont fous, même si in fine, ils fonctionnent comme tout le monde. Seulement, on conçoit que manger du chocolat pour le plaisir, c'est bien, que voler pour s'enrichir, c'est pas bien mais ça peut se comprendre, mais que tuer pour le plaisir, ça dépasse l'entendement et on va donc appeler celui qui fait ça un fou. Ce n'est encore une fois qu'affaire de convention.

Après, pour le reste, il te manque peut-être quelques notions juridiques, notamment quand tu évoques des dommages et intérêts payés à la victime du crime : cela se produit quand la victime (ou ses proches) se portent partie civile, c'est donc un processus par lequel on intègre un peu de responsabilité civile dans le procès pénal (contrairement aux Américains qui continuent de dissocier les deux aspects, cf. les affaires OJ Simpson, ou plus récemment, DSK). Mais normalement, le procès pénal oppose l'accusé au représentant de la société civile : on considère donc (via une autre fiction) que le crime porte atteinte à la société dans son ensemble : il s'agit donc bien de la protéger - même si beaucoup, comme toi, l'oublient et réclament des sanctions toujours plus fortes et disproportionnées avec l'offense, voire automatiques.

Saule

avatar 14/04/2013 @ 20:16:38
Nier le libre arbitre ne risque-t-il pas de nous amener à nier l'idée de morale ? Quelle est la solution prônée par Schoppenauer ? Le but de tout un chacun est malgré tout de rendre plus beau, c'est dans notre nature.

Exemple : un industriel, style Mithal, décide de fermer une usine. Il rend le monde plus laid, et son accroissement de richesse ne lui procure qu'un plaisir triste et à court terme, car la course vers la richesse est vaine et sans fin, cette recherche vaine ne pourra jamais le combler. Evidemment il a été corrompu par la société, et les motifs qui l'ont conduit a avoir ce comportement amoral sont enseignés sur les banc des universités, mais ne juge-t-on pas l'arbre à ses fruits ?

Stavroguine 14/04/2013 @ 21:38:11
Nier le libre arbitre ne risque-t-il pas de nous amener à nier l'idée de morale ? Quelle est la solution prônée par Schoppenauer ?


C'est en effet un risque, Nietzsche dit d'ailleurs que Schopenhauer est un nihiliste.

Et je ne crois pas que Schopenhauer prône une quelconque solution à ça (mais je n'ai pas lu toute son oeuvre). D'une part, parce que, comme le dit Provis, prôner des solutions n'est pas son rôle en tant que philosophe (il met d'ailleurs en garde les philosophes qui développent des théories en fonction des solutions qui les arrangent), d'autre part parce qu'on son entreprise philosophique réside entièrement dans la désillusion de l'homme et la destruction systématique des fictions auxquelles il se rattache pour organiser sa vie et qu'il me semble que la morale est une de ces fictions. Schopenhauer dit ainsi que l'homme ne tient aucun rôle particulier sur terre, qu'il n'a d'autre fonction que celle de tous les autres êtres vivants. Cela s'oppose à l'idée d'une morale.

Sissi

avatar 14/04/2013 @ 22:07:15
Sissi plus les pieds sur terre, avec un intérêt marqué pour les applications pratiques.


Oui c'est très vrai, (et c'est bien pour ça que j'ai décidé de m'arrêter là, même si je vais continuer à vous lire avec grand plaisir): j'ai très rapidement transposé la question de l'existence ou non du libre arbitre de manière concrète et pratique, et de fil en aiguille j'ai fini par l'appliquer à un cas en particulier, qui me concerne mais qui n'a pas franchement d'intérêt.

Il en résulte que, fatalement, je ne suis plus à même de discuter du sujet dans sa globalité, avec du recul, en faisant preuve d'abstraction, en l'appréhendant de manière philosophique.

Saint Jean-Baptiste 16/04/2013 @ 11:03:58
Je trouve que la théorie de Shopenhauer est très cohérente et je pense avoir compris tes explications, Stravo : « les actes ne sont pas motivés par la volonté ; c'est la volonté qui obéit à des motifs ».
Et : « Les hommes sont responsables de ce qu’ils font, mais innocents de ce qu’ils sont. »
Et encore : « La conscience est tout juste capable de prendre acte de la résolution suite à l’action dont elle aura provoqué l’accomplissement via la volonté. »
Et puis, à propos du remords : « le remords n’est pas le regret de n’avoir pas agi autrement (c’eut été impossible), mais bien celui de ne pas être quelqu’un d’autre. »

Tout ça est très cohérent à condition de partir de l'hypothèse athée et matérialiste.

Quand Shopenhauer dit :
« Or, les hommes sont la créature parfaite d'un Dieu parfait. Face à ce problème, il fallait bien justifier le pécher des hommes tout en en absolvant Dieu. C'est de là que nait la fiction du libre arbitre », là je ne suis plus d'accord du tout : pour moi, les religions rappellent à l'homme que son libre arbitre n'est pas une illusion.

Mais ce n'est pas le cas de toutes les religions.
La plupart des religions sont déterministes. Toutes les religions gnostiques issues de la pensée grecque ou perse, la religion des Cathares, le Jansénisme et Blaise Pascal étaient déterministes ; l'Islam est, à mon avis, carrément déterministe – mais je ne veux pas m'aventurer – et, pour le Judaïsme, tout est dans la main de Dieu. On peut aussi très facilement faire une lecture déterministe des Évangiles.

Quand Shopenhauer nous dit : « affirmer le miracle qu’il pourrait y avoir une conséquence sans cause », pour moi, c'est tout simplement nier que la cause est la conscience du bien et du mal.
Et quand il dit que « le libre arbitre est une fiction aussi utile à la loi qu'elle a pu l'être pour les religions », ce n'est cohérent que dans l'hypothèse matérialiste. Mais, dans l'hypothèse du christianisme, le libre arbitre est une réalité ; et c'est en ça qu'on dit que le christianisme a rendu l'homme libre.

En fait, pour moi, comme pour pratiquement tout le monde, même sans religion, l'homme ne peut exister que s'il possède une conscience. Et même si la science arrivait à prouver noir sur blanc que la conscience est le résultat de connexions biologiques – ce qu'à mon avis elle n'arrivera jamais à faire – je dirais que c'est la conscience qui engendre ces connexions.


Mais nous sommes sur un site littéraire alors on peut citer deux auteurs que tous les CLiens connaissent. Dostoïevski dans Les Frères Karamazov nous raconte que le Grand Inquisiteur refuse au Christ de revenir sur terre parce qu'il a donné la liberté aux hommes en leur révélant leur libre arbitre et que c'est trop lourd à porter pour le commun des mortels ; mais, heureusement, l’Église est venue à la rescousse en leur imposant des règles de conduite et des commandements qu'il suffit de suivre pour faire son salut.

Dans un autre registre, Camus disait dans L'Homme Révolté : « Si on ne croit à rien, si rien n'a de sens et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur, tout est possible et rien n'a d'importance. Point de pour ni de contre ; l'assassin n'a ni tort ni raison. On peut tisonner les crématoires comme on peut aussi se dévouer à soigner les lépreux ».

Ça revient à dire exactement la même chose si le libre arbitre est une fiction.
Mais ça part aussi d'un à priori : c'est que la conscience du bien et du mal a été voulue par le Créateur pour rendre l'homme libre de son destin.

Provis

avatar 16/04/2013 @ 14:11:21
Nier le libre arbitre ne risque-t-il pas de nous amener à nier l'idée de morale ? Quelle est la solution prônée par Schoppenauer ? Le but de tout un chacun est malgré tout de rendre plus beau, c'est dans notre nature.

Exemple : un industriel, style Mithal, décide de fermer une usine. Il rend le monde plus laid, et son accroissement de richesse ne lui procure qu'un plaisir triste et à court terme, car la course vers la richesse est vaine et sans fin, cette recherche vaine ne pourra jamais le combler. Evidemment il a été corrompu par la société, et les motifs qui l'ont conduit a avoir ce comportement amoral sont enseignés sur les banc des universités, mais ne juge-t-on pas l'arbre à ses fruits ?

Ma conscience et mon libre arbitre m’interdisent de déformer la réalité pour la rendre plus belle, Saule.. :o)

Mais je suis d’accord pour dire que, sans libre arbitre, on ne saurait pas bien ce que veut dire « moral » (voir en particulier la phrase de Camus citée par SJB juste au-dessus).


En fait, on (moi au moins) ne nie pas vraiment le libre arbitre, on dit seulement que le libre arbitre de l’homme est relatif, conditionné, incomplet.

S’il faut parler du libre arbitre absolu, alors parlons de Dieu.
(c'est que trop souvent, quand l'homme croit parler de lui, il parle de Dieu.. :o)

Stavroguine 16/04/2013 @ 14:58:01
Je comprends parfaitement ce que tu dis, SJB, et je suis d'accord avec ton propos. Seulement, comme tu l'écris, le libre arbitre est une réalité si l'on accepte l'hypothèse chrétienne. C'est normal que la religion qui prône le libre arbitre ne le considère pas elle-même comme une fiction. Idem pour la loi qui, comme on le disait plus haut, ne se pose pas la question de savoir si le libre arbitre existe pour éviter tout un tas de problème. Ce que tu me dis à propos du libre arbitre, ça revient un peu à dire "Dans l'hypothèse chrétienne, Dieu est une réalité". Sans aucun doute ! Seulement, cela ne le rend pas réel pour autant aux yeux du nom chrétien et, au final, ça ne règle le problème que pour celui qui croit. Ce qui est tout à fait respectable, mais qui nous sort totalement de la sphère philosophique.

De même, quand tu évoques la conscience du bien et du mal, on sort très largement de la philosophie où l'existence de ces deux concepts en tant que réalité a assez largement tendance à être niée depuis Nietzsche et Schopenhauer, justement.

Pieronnelle

avatar 16/04/2013 @ 15:06:12
Croyez-vous vraiment que si la conscience du bien et du mal n'existait pas le monde des hommes aurait survécu ? Pourquoi finalement sommes-nous arrivés à surmonter ces grandes folies meurtrières, conséquences sans doute de ce qu'on appelle "mal" ?

Le rat des champs
avatar 16/04/2013 @ 15:23:04
Croyez-vous vraiment que si la conscience du bien et du mal n'existait pas le monde des hommes aurait survécu ? Pourquoi finalement sommes-nous arrivés à surmonter ces grandes folies meurtrières, conséquences sans doute de ce qu'on appelle "mal" ?

Tout simplement parce que l'espèce humaine est prolifique.

Stavroguine 16/04/2013 @ 15:29:31
Jusqu'à preuve du contraire, les animaux n'ont pas conscience du bien et du mal, et ils ont l'air de pas s'en sortir si mal que ça...

La seule créature terrestre qui aurait conscience du bien et du mal serait donc celle qui aurait provoqué les plus grands maux et qui menace maintenant sa propre planète...? Même pour ce qui incarne aujourd'hui le mal le plus absolu et le plus évident, la Shoah, on voit que le mal est une notion variable. Combien de pogroms et de génocides dans l'histoire ont été exécutés en toute impunité, encouragés par les populations qui n'y voyaient rien à redire ? Est-ce qu'une conscience du bien et du mal a permis à ces populations de survivre ? Ceux qui ont survécu, c'étaient simplement les plus forts, les mieux armés à un moment donné.

Je suis désolé, Pieronnelle, mais c'est certainement pas avec ce genre d'argument que tu convaincras qui que ce soit.

Pieronnelle

avatar 16/04/2013 @ 16:17:09
Ce que je veux dire c'est qu'il y a à mon avis toujours un sursaut après même le mal absolu. Pourquoi arrive-t-on à en sortir ? Tu dis que ce sont les plus forts qui gagnent, peut-être, mais quand on condamne la Shoah, quand on lutte contre Hitler, plus forts ou pas c'est au nom du "bien" qu'on le fait. Quand les soldats américains sont entrés dans les camps, même en tant que soldats ils ont pu constater ce que pouvait être ce "mal" non ? Tu fais ressortir le mal et on ne peut le contester, mais pourquoi ne pas faire ressortir ce qui a contré le "mal", et si on a voulu le contrer c'est bien pour le condamner, parce qu'on avait conscience que c'était mal ? Peut-être tout simplement selon le principe qu'une chose a toujours son contraire. Il n'y a aucune valeur religieuse dans ce que je dis, je veux juste faire remarquer qu'il y a à mon avis un monde perpétuellement en balance entre ces deux valeurs et quelquefois l'une supplante l'autre ; il semble qu'il y ait eu un semblant d'équilibre pour que le monde ait pu survivre. Dans le terme "survivre" je veux dire avoir réussi à faire valoir une autre valeur que le mal qui détruit, donc peut-être le "bien".

Antinea
avatar 16/04/2013 @ 16:27:48
Croyez-vous vraiment que si la conscience du bien et du mal n'existait pas le monde des hommes aurait survécu ? Pourquoi finalement sommes-nous arrivés à surmonter ces grandes folies meurtrières, conséquences sans doute de ce qu'on appelle "mal" ?


Je crois que c'est pire que cela ! De très nombreux Hommes ont conscience de mal faire quand ils font mal mais au mieux ils s'affranchissent de la culpabilité en se trouvant des justifications auxquelles ils ne croient pas, au pire ils trouvent jouissif de martyriser les autres.

Sans aller aussi loin que les camps nazis, le voleur qui tape une vieille pour lui piquer son sac, ou le riche qui planque l'argent de sa délocalisation de société en Inde savent qu'ils font du mal... mais ils s'en fichent, l'argent est une trop belle récompense...

Bref, pire que des animaux... Et je pense comme le Rat, l'Homme réussit car il est trop prolifique... ça le tuera d'ailleurs...

Stavroguine 16/04/2013 @ 16:38:17
Je pense qu'on a maintenant définitivement quitté la sphère de le philo et du libre arbitre.

Bien sûr que l'homme peut avoir conscience de "mal" faire, dans le sens où il agit contre l'intérêt de la société, mais ça ne répond en rien à la question de savoir si le mal existe en tant que concept philosophique, ou même en tant que réalité, au-delà des conventions d'une société I à un moment T. Et ça ne dit pas non plus si cette conscience a le moindre impact sur sa volonté et, in fine, son comportement.

Yokyok
avatar 16/04/2013 @ 16:48:39
Croyez-vous vraiment que si la conscience du bien et du mal n'existait pas le monde des hommes...


C'est à dire que la "conscience du bien et du mal", le libre-arbitre (comme le souligne SJB), les droits de l'homme, tout ça n'a rien d'universel, ce serait plutôt une originalité de la pensée européenne. (C'est une constatation ; je n'ai pas dit que je n'y tenais pas.)

Le plus étonnant dans l'histoire - vu que la liberté, en tant qu'affranchissement du monde, suppose une transcendance - c'est quand même qu'on ait réussi, en la laïcisant, à conserver cette transcendance tout en se débarrassant de Dieu.

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