Angoulême 2013 : Rencontre avec ANGE

Anne et Gérard se sont rencontrés, un jour, en 1984, dans une librairie. C’est du moins ce qu’ils disent… Depuis, ils signent ensemble des scénarios un peu partout qui enchantent les lecteurs. Ange ? Oui, tout simplement car ANne et GErard… Gérard était seul à Angoulême, mais ce fut un plaisir de le rencontrer et de parler d’une de leurs plus grandes séries, La Geste des Chevaliers Dragons !
Shelton : Ange, comment est née cette série La geste des Chevaliers Dragons, série qui dure depuis 1998 en surprenant nombre de spécialistes qui pensaient que tout cela prendrait fin beaucoup plus vite ?

Ange : Alberto Varanda et Ange travaillaient chez Vents d’Ouest… Ils avaient un succès limité et un jour, poussés par leur éditeur, ils durent trouver une idée pour avoir du succès… C’est un peu simplifié, mais c’est en gros ce qui s’est passé et c’est parti d’un repas au restaurant avec l’éditeur. En sortant de table, j’avais tout pour La Geste ! Il y avait les dragons, c’est porteur et populaire ; des meufs qui tapent dessus ça peut être sympa… et le soir même j’avais le titre ! Depuis tout s’est enchainé très vite…

Shelton : Quinze albums de parus et de nombreux dessinateurs…

Ange : Dès le premier album, on savait qu’Alberto ne pourrait pas tenir le rythme pour toute la série. On a donc cherché d’autres camarades de jeux, y compris certains petits jeunes qui maintenant sont connus comme Etienne Le Roux qui a fait une planche de la Geste. Le changement de dessinateur à chaque album ou presque permet une parution soutenue pour le lecteur et même une fois la série reprise par les éditions Soleil, le rythme de parution a été suivi…
Shelton : Le fait des changements de dessinateurs, des scénarios indépendants les uns des autres, des thèmes récurrents avec transmissions des savoirs, vous donne la possibilité, à vous scénaristes, de jouer avec la narration et d’être presque originaux, ce que les lecteurs aiment bien…
Ange : Ou pas du tout ! On essaie d’être assez expérimentaux sur la Geste. Il n’y a pas trop d’albums super classiques. En particulier, le tome 14 que vous avez en mains, est construit avec double narration, flash-back, double flash-back…

Shelton : J’aime beaucoup !

Ange : Moi aussi,  mais pour embarquer tous les lecteurs, ce n’est pas si simple. La Geste, le principe est simple. Quarante-six pages et il faut que tout le monde soit à fond dès la première page. Nous les scénaristes en tout premier lieu, mais aussi les dessinateurs et coloristes, et les lecteurs in fine. C’est un morceau de bravoure à chaque fois !

Shelton : Les scénaristes sont obligés de trouver de quoi surprendre le lecteur à chaque épisode. Ce ne peut pas être une simple répétition…

Ange : La plus part des dessinateurs qui viennent me voir en me disant : « Ah, je peux faire un album de la Geste ? » croit qu’il s’agit à chaque fois d’une grosse scène de baston avec des femmes et un dragon. Or, dans la Geste, les bastons comme ils disent ne durent que trois ou quatre pages. Les filles de toute façon sont si efficaces qu’elles n’ont pas besoin de beaucoup de pages pour triompher…  ce qui est intéressant, c’est comment elles y vont et ce qu’elles font après. Intrigues, discussions, descriptions des préparations aux combats, intrigues de palais… et c’est bien là que la Geste prend son sens !

Shelton : A force de tuer tous ces dragons, les femmes vont bien finir par tuer le dernier dragon…

Ange : En fait, elles l’ont tué, mais dans une autre série, Le collège invisible ! Les scénaristes sont un peu perturbés parfois, et Le collège invisible se passe dans le même univers, plus exactement dans celui d’après. L’univers a été grillé pour tuer le dernier dragon…

Shelton : Beaucoup d’amusement pour vous à écrire cette série de La Geste des Chevaliers Dragons ? Car finalement, cette série est née dans la contrainte…

Anne et Gérard (ANGE)

Ange : Oui, mais la créativité a besoin de barrières pour prendre son envol. La trop grande liberté ne permet pas les grandes choses, il faut des limites. Comme l’alpiniste dans une cheminée qui monte en se tenant sur les parois, je pense que le scénariste a besoin de ces barrières pour prendre de la hauteur en s’appuyant dessus. Sinon, on s’égare, on va n’importe où. Dans la Geste on a des barrières super strictes que l’on s’est mis nous-mêmes. On s’y tient, on les respecte, on les pousse parfois mais en restant cohérents et c’est pour ça que la série existe et fonctionne encore après quinze ans !

Shelton : Si on ne peut lutter contre les dragons qu’avec des femmes vierges, si les dragons sont condamnés à mourir à un moment ou un autre, puis à disparaître, faut-il voir dans cette série autre chose qu’un amusement ? Y aurait-il une philosophie de la vie à découvrir ?

Ange : Peut-être ! Je pense que c’est la série la plus féministe de la bédé. C’est vrai qu’on a emballé un peu tout cela : ce sont des meufs, pas très habillées et elles tapent sur des dragons. OK. Mais elles ne font cela que trois pages. Les quarante-trois autres pages, on comprend que c’est dur, on réalise que Wonder-woman ce n’est pas pour tout le monde…

Shelton : Et vos lecteurs, vous suivent-ils depuis le départ ? Y a-t-il des générations de lecteurs de votre travail ?

Ange : En fait, c’est plus avec nos romans que le phénomène est curieux. J’ai vu un jeune auteur actuel venir me dire « C’est un de vos romans qui a formé mon adolescence » ! Là, je suis resté sans voix… j’étais tout rouge, ému… Il y a des lecteurs qui nous suivent depuis le début, pour la Geste aussi…

Shelton : Et les dragons et les anges, ça fait bon ménage ?

Ange : Faudrait les voir se bastonner une fois… Je ne sais pas sur qui je miserais… Ils sont gros nos dragons, quand même…

Shelton : Merci Ange pour cette série La Geste des Chevaliers Dragons que nous allons continuer à suivre…
Durant notre festival d’Angoulême, nous avons aussi rencontré un dessinateur de La Geste des Chevaliers Dragons, Looky, qui a donné chair au tome 11. Son dessin est admirable et c’est pour certains lecteurs un des meilleurs de la série…

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