Un coup de coeur BD : Regarde les filles

« Regarde les filles » est un roman graphique qui m’a surpris, étonné, séduit ; conquis, fasciné… J’ai aimé – pour ne pas dire adoré car on n’adore que Dieu me disait-on dans ma jeunesse – sa douceur, sa franchise, sa poésie, sa simplicité, sa quotidienneté, sa narration graphique efficace, ses ellipses et les libertés laissées au lecteur, les personnages, les silences… Bref, je ne connaissais pas François Bertin et mon premier contact avec lui a été très réussi : un beau et bon livre !Alors quel est le thème de cet ouvrage mystérieux ? Mystérieux car justement tout n’est pas absolument clair et précis. On peut penser qu’il s’agit d’une obsession. C’est du moins ce qui nous passe par la tête au départ. Le petit Antoine depuis son plus jeune âge est à la recherche permanente de l’image des femmes… Mais cette explication ne tient pas très longtemps, elle est largement insuffisante !On peut furtivement découvrir que ce jeune Antoine aurait pu être perturbé par sa sœur, sa mère, d’autres femmes et qu’il porterait depuis presque toujours une tache indélébile : il ne parle pas et il est pour le moins timide pathologique… Mais, parfois, le silence est une façon d’exprimer un mal-être profond…Seulement cette explication ne suffit pas et les femmes rencontrées par le jeune Antoine sont assez complaisantes et sympathiques. Antoine est muet mais pas pour cela !

Certains ont vu dans le comportement du jeune Antoine les affres de l’artiste qui se découvre, se met en marche, s’apprête à construire son grand œuvre, la vie des femmes sur papier ! Certaines scènes sont d’ailleurs très belles, très précises et judicieuses… mais sur le fond, ce livre est beaucoup plus qu’un simple regard artistique sur le travail de l’artiste…C’est aussi, indiscutablement, un regard sur l’enfance et l’adolescence, sur la pensée de l’ado – on croit trop souvent qu’il s’agit du chaos alors qu’en fait il s’agit d’une phase en mutation, en construction, en évolution – qui découvre l’altérité. On me dit que je suis un homme, j’ai en face de moi une femme et… et alors ? Long apprentissage et fascination réelle teintée de romantisme le tout dans une ambiance délicate…

Antoine construit son regard, son œil, son corps, son appartenance sexuelle, il va passer de l’enfance à l’âge adulte sous nos yeux et c’est beau, tout simplement !

Alors que tout cela aurait pu être glauque et lourd, car tout n’est pas rose dans cette enfance, François Bertin en fait un récit beau et pur que l’on va dévorer avec plaisir ! Bien sûr Antoine n’apprend pas qu’à regarder les filles et dessiner leurs formes plantureuses ou pas. Il va les découvrir, à commencer par sa mère, sa sœur… et c’est probablement là que certains lecteurs éprouveront comme une petite gêne… C’est quand même une femme, certes petite et plus en devenir, qu’il lui offrira l’occasion de parler pour la première fois, du moins dans cet album. En effet, c’est quand il tient Maïa dans les bras, sa petite fille, qu’il devient Antoine, fils, frère, homme, père…

Que vous dire de plus sans tout vous raconter ? Je pense que François Bertin a écrit là un livre thérapie, une œuvre d’art-thérapie, et il doit aller beaucoup mieux maintenant, du moins c’est ce que j’aurais tendance à penser !

Alors, je peux me tromper dans mes interprétations de la bande dessinée « Regarde les filles » mais dans ce cas cela ne durera pas trop longtemps car dès la semaine prochaine je vais rencontrer François Bertin, lui poser quelques questions pour éclaircir tout cela et si je me suis trompé du tout au tout, vous le saurez !!!

Une dernière petite pensée, cette fois pour son éditeur, mon ami Wandrille : Comment fais-tu, cher ami, pour trouver de tels auteurs et textes avant les autres ? Là aussi, on va lui poser la question…

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